Aimer n’a rien de spontané

L’inégale répartition des tâches ménagères au sein du couple constitue fréquemment un sujet d’incompréhension et les disputes qui en résultent ne sont prosaïques qu’en apparence.

Elles révèlent en effet une vérité plus profonde : la vie de couple n’est pas une construction spontanée et il n’est pas facile de développer une relation qui s’approfondisse avec le temps et qui, en même temps,  aide chacun à croître en amour et en vérité.

Mais les disputes domestiques constituent paradoxalement une occasion d’apprendre très concrètement à aimer cet autrui qui est tour à tour et souvent en même temps extraordinarement et insupportablement…autre.

Ces disputes en apparence triviales sont en réalité vitales car elles constituent autant d’opportunités pour convertir notre cœur et donc pour apprendre à aimer un peu mieux.

Démonstation.

Les hommes ont généralement un seuil de tolérance au désordre et à la poussière plus élevé que celui des femmes et ils se projettent moins facilement qu’elles dans l’avenir. Par conséquent ils anticipent moins leurs propres besoins.

Ces tendances sont des tendances lourdes : elles préexistent à la formation du couple et ne disparaissent pas sous prétexte qu’un homme et une femme décident d’emménager ensemble ou de devenir parents.

En fait rien ne change vraiment chez l’homme ou chez la femme : ni la sensibilité à l’environnement, ni le niveau d’exigence, ni les réflexes.

Là où madame verra un désordre intolérable et un niveau de saleté insoutenable appelant des mesures énergiques et immédiates, monsieur ne verra rien d’insupportable. Dans le meilleur des cas il trouvera le diagnostic largement exagéré et dans le pire des cas – qui est également le plus fréquent – il ne verra même pas de quoi on lui parle.

C’est donc seule que madame prendra l’initiative du rangement et du ménage. Si on lui demande pourquoi elle se charge de l’essentiel des tâches domestiques, la probabilité est très forte qu’elle réponde : parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse. Réponse sincère mais inexacte. La réponse exacte serait plutôt : parce que je voudrais que les choses soient faites maintenant et pas plus tard.

En fait madame gère son foyer comme si elle était encore célibataire : elle n’a rien changé de ses habitudes ni de son niveau d’exigences. Ce faisant, et tout en étant persuadée du contraire, elle se comporte exactement comme monsieur qui, lui non plus, n’a pas changé ses habitudes ni modifié son comportement. Sauf qu’il le vit mieux puisqu’il en fait moins.

Ce constat nourrit chez madame un sentiment d’injustice et de rancœur. Ce mélange n’a rien d’étonnant mais il est d’autant plus détonant que, la plupart du temps, monsieur ne se doute de rien. Et quand madame lui adresse des reproches d’autant plus vifs qu’elle les a gardés longtemps, monsieur tombe des nues. Il ne comprend vraiment pas ce qu’elle lui reproche et se demande sincèrement où est ce problème qu’il ne le voit pas.

Madame, elle, voit très bien où est le problème. C’est tellement évident ! C’est tellement évident qu’elle ne peut même pas concevoir que monsieur ne le voie pas. Fort logiquement elle en conclut que si monsieur s’obstine à prétendre le contraire c’est qu’il s’obstine à nier l’évidence. Non seulement il est fainéant mais en plus il est de mauvaise foi ! ! !

Le dialogue de sourds peut alors commencer :

Lui : Mais pourquoi m’agresses-tu pour cette histoire de verre laissé sur la table du salon ? C’est odieux de me prendre à partie ainsi. Je ne t’ai rien fait !

Elle : Justement tu ne fais rien. C’est toujours moi qui fais tout dans cette maison.

Lui : Mais je ne t’ai jamais demandé d’en faire autant !

A ce stade d’incompréhension, madame et monsieur se trouvent à la croisée des chemins : soit ils campent sur leur position et s’enferment dans le silence jusqu’au prochain conflit, soit ils décident d’en parler.

Dans le premier cas ils risquent se laisser entraîner dans le cycle infernal des reproches mutuels et des accusations croisées.

Madame maudira la paresse et l’hypocrisie de monsieur qui, objectivement, continuera de lui laisser tout faire et ne s’en porte pas plus mal. Monsieur, lui, comprendra de moins en moins que madame se charge de tâches ménagères dont l’urgence ne lui saute pas aux yeux et dont la fréquence lui paraîtra complètement délirante. Il finira par renoncer à comprendre et le silence s’installera, entrecoupé de scènes de ménages pénibles. La vie de couple finira par se par se dissoudre naturellement faute de n’avoir plus rien à échanger que des récriminations.

Dans le second cas ils peuvent raisonnablement espérer qu’à force de discussions, d’explications et d’écoute ils parviendront à se mettre d’accord sur une règle du jeu commune qui permettra à l’avenir de conjuguer spontanéité et sérénité. Un tel accord sera le résultat d’une négociation c’est-à-dire le fruit d’un compromis, à l’image d’un peuple qui se dote d’une constitution politique.

Il ne satisfera pas toutes les aspirations spontanées de madame et de monsieur mais il permettra à leur relation de progresser au fur et à mesure que chacun sortira de lui-même pour se décentrer et intégrer dans ses choix le point de vue et l’intérêt de l’autre.

C’est à ce prix que leur relation deviendra une relation d’amour et non plus simplement ou d’abord une relation de confort dans un cas et de domination dans l’autre.

Un tel modus vivendi est le résultat d’une construction, souvent laborieuse et jamais achevée. Un compromis se construit, à l’image de la vie de couple elle-même. On n’a jamais fini d’apprendre à aimer et cet apprentissage n’a rien de très spontané.

Aimer n’est en effet jamais facile et rarement confortable :  nous avons tous spontanément envie d’être aimés mais nous n’avons pas spontanément envie d’aimer.

Pourtant aimer est notre vocation à tous, que l’on vive en couple ou pas…

J’ai besoin que quelqu’un me montre le chemin

Dans la culture contemporaine la volonté consciente est trop souvent surévaluée.

L’usage que je fais de ma volonté consciente fait de moi un homme libre et un citoyen de plein droit mais ce n’est pas elle qui prescrit ce qui me garde en vie. C’est tellement vrai qu’on n’y pense pas. Ou plus. Pourtant l’expérience quotidienne l’atteste.

Mon cœur bat sans interruption et sans s’embarrasser de mon consentement. Heureusement pour moi ! Mon organisme gère de lui-même les processus normaux (respiration, digestion, excrétion) qui me maintiennent en vie sans que ma volonté soit ne serait-ce que consultée ou informée.

Mon corps m’envoie des messages pour que je tienne compte de mes besoins vitaux (dormir, manger, boire), lance automatiquement l’alerte quand le danger approche (stress) et déclenche des procédures d’urgence quand il est imminent (réflexes de survie). A chaque instant mon corps prend pour moi des décisions vitales sans me consulter.

Parallèlement à mon intelligence consciente une autre intelligence est à l’œuvre en moi. Une intelligence qui n’obéit pas à ma volonté. Comme disait Nietzsche Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse.

Mon corps n’est pas seulement doué d’une intelligence qui lui est propre mais également d’une volonté propre susceptible d’entrer en conflit avec ma volonté consciente.

Saint Augustin lui-même constatait qu’il était maître de ses désirs et de ses pensées dans la journée mais que la nuit venue il ne maîtrisait plus rien. Ses pulsions sexuelles et son imagination prenaient le pouvoir quand il dormait en l’absence même de stimuli extérieurs.

De manière plus générale tous ceux qui ont connu ou qui connaissent l’addiction – à l’alcool, au tabac, aux médicaments aux endomorphines (pour les sportifs compulsifs) ou aux produits stupéfiants – font la même expérience : le corps se cabre pour obtenir ce qu’il réclame quand la volonté consciente le lui refuse. Il entre en rébellion et déclenche une véritable guerre civile intérieure qui met aux prises deux volontés distinctes.

Ma volonté consciente ne me résume pas.

Elle n’est qu’une partie de moi. Elle peut être concurrencée par l’intelligence que déploie mon corps et être contestée par la volonté que mon corps lui oppose.

Mais elle peut également être contestée dans ses prérogatives : le monopole qu’elle revendique sur l’usage de ma liberté lui est contesté par quelque chose qui lui échappe, quel que soit le nom qu’on lui donne (inconscient, âme ou conscience).

Les songes que je fais pendant le sommeil ne sont pas dictés par ma volonté consciente puisque celle-ci elle est précisément débranchée.

Les actes manqués et les lapsus qui me trahissent aux yeux du monde révèlent également à moi-même des désirs que ma volonté consciente avait niés et qui ressurgissent de manière inattendue.

Ils me révèlent à moi-même.

La somatisation de mes émotions traduit physiquement la réalité d’un conflit psychique que ma volonté consciente ne peut/veut pas (re)connaître.

Sans parler de cette voix qui murmure à mon intelligence ce que ma volonté ne veut pas entendre, qui me reproche ce que je sais et que je ne supporterais pas d’entendre de la bouche d’une personne extérieure.

Cette voix qui est ce que j’ai de plus intime, que je suis parfois tenté d’étouffer et que les chrétiens appellent la conscience.

Je suis donc un mystère pour moi-même.

Il existe en moi une intelligence qui préexiste à ma volonté consciente et qui fait intimement partie de moi mais qui se déploie sans que je le veuille et parfois malgré ma volonté. En bien et en mal.

Non seulement ma volonté consciente ne peut pas tout mais surtout elle n’explique pas tout. L’homme passe infiniment l’homme.

Si nous devions compter sur notre volonté consciente pour vouloir ce qui nous est nécessaire pour vivre, jamais aucun bébé ne viendrait à terme.

Mais ce qui est vrai de la vie intra-utérine l’est également de la vie après l’accouchement.

Nous ne savons pas vraiment ce qui est bon pour nous ni sur le plan physique ni sur le plan moral.

Je ne sais pas vraiment qui je suis ni ce que je veux au fond.

Mon insatisfaction structurelle m’en est témoin . A peine ai-je obtenu ce que je voulais que je veux déjà ce que je n’ai pas encore. A chaque fois je constate que mon désir profond n’est pas comblé : il rejaillit toujours sous une forme nouvelle.

Je suis un être mystérieux à moi-même.

Je suis régulièrement traversé par des désirs infinis que nul objet fini ne peut contenter.

Seul quelque chose ou quelqu’un d’infini est susceptible d’étancher de manière définitive ma soif inextinguible.

Ce quelqu’un d’infini, je crois l’avoir trouvé.

Comme saint Augustin je m’écrie : Qui pourra donc combler les désirs de mon cœur, répondre à ma demande d’un amour parfait ? Qui sinon Toi Seigneur, Dieu de toute bonté, Toi l’amour absolu de toute éternité ?

Ce quelqu’un d’infini j’ai décidé de Lui faire confiance parce qu’Il m’a prouvé que je pouvais Lui faire confiance.

Car quand Dieu s’est fait homme Il a accepté de mourir pour que je sois sauvé.

Ce faisant Il a prouvé à quel point Il m’aimait.

Puis Il est ressuscité.

En revenant à la vie, Il a démontré qu’Il était suffisamment fort pour triompher de la mort.

En se faisant homme puis en ressuscitant Dieu a gagné ma confiance.

Alors quand Il explique à la Samaritaine au bord du puits : Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle je fais comme la Samaritaine.Je lui réponds : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif et ne vienne plus ici pour puiser1.

Si j’ai décidé de Le suivre – ou plutôt si en dépit de mes contradictions, de mes péchés et de mes incohérences et de mes complaisances je cherche maladroitement à Le suivre – c’est parce que j’ai besoin qu’Il me dise qui je suis et comment l’être mystérieux que je suis dois faire pour être heureux.

Parce que j’ai besoin qu’Il me montre le chemin.

1 Jean 4, 13-14

C’est l’interprétation qui fait la Bible

L’expression « religions du Livre » est fréquemment utilisée par celles et ceux qui souhaitent rapprocher juifs, chrétiens et musulmans en insistant sur ce qui les rapproche plutôt que sur ce qui les sépare. Intention louable mais qui repose sur un concept faux.

D’abord parce qu’il n’existe pas de livre commun aux trois religions : l’islam considère que l’Ancien et le Nouveau testament que nous lisons sont des versions tronquées de la révélation divine antéislamique. Le judaïsme, quant à lui, ne reconnaît de caractère inspiré ni au Nouveau testament ni au Coran. Le christianisme, lui, reconnaît le caractère inspiré de l’Ancien et du Nouveau testament qu’il appelle la Bible. D’où l’ambiguïté du mot Bible qui ne désigne pas la même réalité chez les Juifs et chez les chrétiens.

Ensuite parce que la différence entre le Coran et la Bible chrétienne ne réside pas seulement dans le contenu des textes – ce qui est déjà énorme – mais également dans la manière de lire les textes. En effet le Coran se présente lui-même comme un livre unique contenant la parole exacte de Dieu. Comme le contenu inaltéré, exact au mot près, des paroles dictées par Dieu en langue arabe à Mahomet. Le Coran se présente comme incréé, présent de toute éternité.

Fort logiquement toute traduction ou interprétation constitue une altération de la perfection divine et donc une insupportable profanation : qui est l’homme pour prétendre retrancher ou ajouter quoi que ce soit à ce que Dieu a jugé bon de dire ? Le Coran ne souffre donc, théoriquement du moins, aucune traduction, aucune discussion et aucune interprétation. Je dis théoriquement  car il existe désormais des musulmans qui revendiquent la possibilité de lire le Coran comme on lit n’importe quel autre texte à savoir dans son contexte. Je pense notamment aux travaux de Mehdi Azaïez (www.mehdi-azaiez.org). Mais ces musulmans sont encore des pionniers, il ne s’agit pas (encore ?) de la majorité.

La Bible au contraire ne parle jamais d’elle-même et ne définit pas son statut. Ne serait-ce que parce que la Bible n’est pas un livre mais la somme de quatre-vingt-seize livres rédigés dans trois langues distinctes – l’hébreu, le grec, l’araméen – à des époques fort éloignées et dans des genres littéraires très divers à destination de publics différents. Ces livres reflètent la culture et la mentalité de ceux qui les ont écrits : ils constituent un ensemble disparate tantôt passionnant et tantôt ennuyeux, parfois limpide, souvent obscur, quelquefois édifiant et souvent scandaleux qu’il faut patiemment décortiquer pour en extraire la parole de Dieu qui y est contenue. Rien ne semble donc justifier a priori qu’on les publie ensemble et qu’on en fasse un texte de référence.

C’est pourtant le cas : la Bible a été le fondement de notre civilisation européenne et occidentale, elle continue à l’être dans certains pays, elle détient chaque année le record du plus gros tirage éditorial au monde depuis l’invention de l’imprimerie, elle est traduite dans toutes les langues et elle continue à inspirer des vies et des vocations non seulement en Europe et en Amérique mais aussi – et surtout en Afrique, en Asie et en Océanie. On peut donc en conclure qu’en dépit des apparences il existe une cohérence propre à la Bible qui en explique le succès.

Et si le fil directeur de ces quatre-vingt-seize livres ne se situe pas dans le corps même des textes, il faut alors le chercher dans la lecture concordante qui en est faite depuis des siècles par le peuple de Dieu et que chaque génération transmet à la suivante. Pour les Juifs et les Chrétiens seule l’interprétation et l’exégèse des livres constitutifs de la Bible permettent de discerner la parole de Dieu derrière les mots qu’ont empruntés les hommes qui les ont rédigés.

Seule l’interprétation et l’exégèse donnent sens et cohérence à ce qui ne serait autrement qu’un ensemble hétéroclite de textes abscons et parfois scandaleux.

Pour les Juifs et les Chrétiens, l’interprétation de la Bible n’est pas permise, elle est requise.

Car c’est l’interprétation qui fait la Bible.

Plafond de verre imaginaire et vrai pacte faustien

L’idée est tellement répandue qu’elle est a acquis la force de l’évidence : un jour ou l’autre les ambitions de carrière des femmes se heurtent à un plafond de verre imputable au machisme invisible – et donc d’autant plus sournois – des détenteurs du pouvoir.

Pourtant une telle explication relevant de la théorie du complot – c’est le prototype de l’explication invérifiable et manichéenne – elle devrait susciter la méfiance plutôt que le consensus.

Mais surtout elle fait l’impasse sur une réalité prosaïque : dans le monde professionnel l’accès aux plus hauts postes se fait moins sur des critères de compétence et de performance que sur celui du dévouement voire de la dévotion à l’institution.

Plus les impétrants sont prêts à sacrifier l’essentiel de leur existence à leur employeur – public ou privé – et plus ils auront de chances de se faire adouber par leurs supérieurs et de devenir leurs pairs.

Mais ce choix a des conséquences qui dépassent de beaucoup le sort de celui qui le fait. Car celui qui est prêt à sacrifier  ses soirées, ses week-ends et tout ou partie de ses vacances sur l’autel de ses ambitions ne sacrifie pas simplement sa vie privée. Il sacrifie surtout  celle de son conjoint, de ses enfants et plus largement de tous ceux qui comptaient pour lui et pour lesquels il comptait.

Vue sous cet angle la sous-représentation statistique des femmes dans les instances dirigeantes prend une toute autre signification. Elle traduit un choix plutôt qu’un non-choix.

Elle est l’expression d’un choix de vie – accorder la priorité à la vie relationnelle, à la création de lien social en-dehors du cadre professionnel – et donc d’une préférence. En l’occurrence une préférence pour la gratuité plutôt que pour la performance.

Ce qu’on appelle le plafond de verre est donc une chimère : il n’existe pas ! Les femmes comme Margaret Thatcher, Angela Merkel, Hillary Clinton, Christine Lagarde ou Anne Lauvergeon ne se sont heurtées à aucun plafond de verre.

Elles ont fait comme leurs collègues masculins : pour accéder aux plus hautes marches du pouvoir elles ont accepté d’en payer le prix exorbitant. Elles ont fait comme les hommes qu’elles côtoient au sommet : elles ont accepté le pacte faustien.

Or, c’est ce pacte faustien qu’il faut dénoncer – pour les hommes comme pour les femmes et plus généralement pour leurs proches et de proche en proche pour l’ensemble de la société ! – plutôt que de chercher à le renforcer en enrôlant encore davantage de femmes.

On ne peut pas se plaindre des ravages de l’individualisme et de l’atomisation de la société et en même temps chercher à convaincre les femmes qui n’en veulent pas d’adopter le modèle égoïste et carriériste de collègues qui ont volontairement renoncé à assumer leurs responsabilités morales.

Ce n’est pas seulement pour les femmes qu’il faut cesser de planifier des réunions à partir de 17h c’est aussi pour inciter les hommes à décoller leurs yeux de leur nombril et à s’intéresser prioritairement à   celles et à ceux pour lesquels ils sont réellement irremplaçables.

La question ne se pose pas en termes de guerre des sexes mais en termes de choix de vie et, à l’échelle collective, de choix de société : faut-il promouvoir des comportements centrés sur la performance ou sur le lien ?

Faut-il encourager les salariés à consacrer du temps à leurs proches ou à leur stratégie de carrière ?

Faut-il les inciter à être présents à leurs enfants ou  à sous-traiter la gestion du quotidien à des nounous puis à des enseignants – publics ou privés peu importe – pour mieux s’effacer et disparaître de leur vie sur la pointe des piedds  ?

Faut-il les encourager à sous-traiter l’accompagnement de leurs parents vieillissants à des professionnels de la fin de vie ou faut-il au contraire les encourager à être d’autant plus présents dans ces moments ?

La dénonciation récurrente d’un plafond de verre imaginaire n’est que la promotion déguisée d’un pacte faustien incompatible avec toute forme de vie collective vraiment humaine.

C’est une question de civilisation.

Mais qui d’entre nous est prêt à l’entendre ?