Archives de catégorie : Réflexion faite

Le paradis : une métamorphose réussie plutôt qu’une récompense méritée

« On n’a qu’une seule vie » dit-on parfois pour justifier des choix que l’on sait mauvais ou des tentations auxquelles on est bien décidés à succomber.

Et en un sens cette phrase est vraie. Mais pour qu’elle soit tout à fait exacte il faudrait la compléter : « On n’a qu’une seule vie…. et elle se prolonge dans l’éternité ». D’où l’impérieuse nécessité de bien l’orienter dès ici-bas afin d’éviter de tragiques erreurs d’aiguillages. Car sur les autoroutes de l’éternité on ne s’arrête pas comme ça sur les bas-côtés. Même pour accéder au purgatoire il faut déjà le vouloir.

Sachant que nous ne sommes ici bas qu’en transit et que les deux seules destinations qui nous sont proposées sont le paradis et l’enfer autant ne pas se tromper de porte d’embarquement.

1/ Les analogies et leurs limites

L’analogie avec le système judiciaire a largement été utilisée – à commencer par jésus Christ lui-même – pour parler de la vie éternelle, du paradis et de l’enfer. C’est notamment la métaphore du jugement dernier où Dieu, juge souverain, ordonnera à ses angéliques appariteurs de séparer les condamnés des innocents et de condamner à leur juste châtiment tous ceux qui l’auront bien mérité.

Cette analogie avec le système judiciaire des hommes permet de souligner le rôle déterminant de notre responsabilité et donc de notre liberté. C’est la réaffirmation et la reformulation à l’échelle individuelle de ce que Yahvé avait déjà proposé au peuple d’Israël par la voix de Moïse : « Je te propose de choisir entre la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie » (Deutéronome 30, 19).

Ce coup de projecteur braqué sur notre liberté individuelle met en lumière une bonne et excellente nouvelle : notre salut ne dépend pas de notre hérédité (fils d’Israël ou pas fils d’Israël ?) ni même de la plus ou moins stricte observance des rites de la loi mosaïque, éventuellement alourdie de la loi orale rajoutées par les scribes et les pharisiens au point de devenir impraticable pour le commun des mortels. C’est l’assentiment du cœur à la volonté de Dieu qui nous sauvera, Juifs comme païens.

Jésus s’adressant à un auditoire majoritairement juif dans un contexte où la foi d’Israël avait pris la forme du judaïsme rabbinique on comprend aisément son insistance sur le rôle de la liberté individuelle et donc de la responsabilité individuelle dans l’économie du salut.

Mais cette analogie, comme toute analogie, a les défauts de ses qualités. Elle présente le risque d’induire en erreur ceux qui confondraient la réalité qu’elle décrit avec les comparaisons qu’elle utilise.

Une telle confusion a d’ailleurs longtemps été répandue par le clergé. En présentant le paradis comme des grandes vacances définitives et l’enfer comme une condamnation au bagne éternel il a fait oublier que la loi de Dieu est une boussole existentielle et non un code pénal d’inspiration divine. Mais surtout il a travesti le Dieu d’amour en un despote, éclairé certes, mais très angoissant et, au fond, absolument désespérant : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur qui subsistera ? » (Psaume 129). Plus grave encore, en défigurant Dieu il L’a rendu méconnaissable, a détourné les âmes de Lui et L’a calomnié.

En ceci le clergé a, bien malgré lui, illustré ce que disait saint Jacques dans son épître : « Ne soyez pas nombreux, mes frères, à devenir docteurs. Vous le savez nous n’en recevrons qu’un jugement plus sévère, car à maintes reprises nous commettons des écarts, tous sans exception » (Jacques 3, 1).Après avoir découragé les meilleures volontés et transformé en désert le champ qu’il avait reçu pour mission de moissonner le clergé est passé d’un excès à l’autre et, aujourd’hui, s’abstient résolument de réparer les dégâts qu’il a lui-même causés. Il se contente désormais de ne plus parler ni du paradis ni de l’enfer – c’est plus simple et c’est moins risqué – en laissant le soin à Michel Polnareff de rassurer ceux qui n’avaient pas encore pris leurs jambes à leur cou en leur chantant « On ira tous au paradis ».

Ainsi donc chaque analogie éclaire une partie de la réalité. Mais chaque analogie présente également ses propres limites. C’est pourquoi il est bon de se référer également à d’autres analogies qui élargissent encore la perspective.

L’analogie avec l’économie met ainsi l’accent sur la gratuité du salut généreusement offert à tous. C’est la métaphore de celui qui vient payer les dettes des malheureux qui ont été jetés en prison faute de pouvoir rembourser leurs dettes. C’est la figure du rédempteur qui est, au sens propre du terme, celui qui vient racheter les dettes de débiteurs impuissants à rembourser les dettes qu’ils ont pourtant eux-mêmes contractées et qui vient ainsi les libérer.

Cette comparaison avec celui dont le pouvoir d’achat est supérieur au nôtre et qui l’utilise pour nous libérer plutôt que pour nous enfoncer est très déculpabilisante. Elle affirme en effet que notre impuissance à nous sauver nous-mêmes est une donnée objective et qu’elle n’est pas imputable à notre mauvaise volonté ou notre manque de persévérance.

Et puis cette métaphore économique est également très réconfortante puisqu’elle nous révèle que ce n’est pas parce que Dieu est tout-puissant qu’il est indifférent à notre sort. Au contraire Il s’investit dans l’entreprise de notre salut en nous faisant profiter de son pouvoir de rachat. S’il est vrai que les priorités d’une personne se lisent sur son agenda et son carnet de chèques alors ont peut affirmer que Dieu se préoccupe de notre sort et que celui-ci Lui est cher.

2/ Le paradis : une greffe réussi plutôt qu’une récompense méritée

Dans la même veine une formule célèbre de saint Irénée de Lyon apporte un autre éclairage complémentaire sur la vie éternelle : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu ».

Cette formule affirme deux choses nouvelles par rapport à l’analogie judiciaire.

La première c’est que Dieu Lui-même a voulu tout organiser pour que l’homme puisse vivre de la même vie que Lui en communion avec Lui. C’est la volonté de Dieu que nous Le rejoignions au paradis : « Dieu, en effet, n’a pas envoyé Son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jean 3, 17).

La seconde c’est que le paradis n’est pas une récompense accordée pour bons et loyaux services mais une greffe réussie, la greffe de la volonté humaine sur la vie de Dieu qui est éternelle, vivifiante et qui est fondamentalement une vie de partage et de communion puisque Dieu Lui-même est communion des personnes divines (on appelle ça la Trinité).

Cela signifie que Dieu ne veut pas se contenter de notre soumission et de notre bonne volonté à suivre Ses commandements : Il veut que nous soyons divinisés en lui et par Lui. Il veut nous transformer pour améliorer non pas seulement notre sort mais notre nature même en la divinisant.

Cette promesse de divinisation de la nature humaine fait partie du dépôt de la foi de l’Eglise catholique mais dans la pratique c’est-à-dire dans la prédication et dans la pastorale elle a été beaucoup moins développée et enseignée que chez nos frères orthodoxes.

On peut supposer a contrario que si cette perspective avait été plus clairement et plus constamment explosée et expliquée par le clergé catholique on aurait peut-être évité la dérive historique qui a consisté à réduire progressivement la vie spirituelle à l’observation d’une morale exigeante et dont la conséquence a été par la suite la désertion en masse de nombreux fidèles, phénomène inconnu des pays orthodoxes pourtant soumis à la persécution du régime communiste.

Pourtant la métamorphose de l’homme en homme divinisé n’est pas sans analogie avec une expérience de vie que nous avons tous faite – la naissance – qui est précisément le passage à un état de vie supérieur bien qu’inimaginable a priori. Le passage de l’état de fœtus (entièrement dépendant du cordon ombilical maternel et du liquide amniotique dans lequel il baigne depuis le début) à celui d’un bébé libéré du cordon ombilical, respirant par lui-même et, bientôt, se déplaçant par ses propres moyens pour se lancer dans une nouvelle vie riche d’une infinité de possibilités auparavant inconcevables ne peut-il pas être considéré comme une analogie avec l’accès à la vie de Dieu ?

De même cette greffe réussie que l’on appelle le paradis métamorphose l’homme tout en le révélant à lui-même. Au contact de Dieu il se découvre lui-même dans sa nature profonde et accède enfin à  son identité en découvrant sa finalité. Ce faisant il étanche la soif inextinguible qui le taraudait jusqu’alors et que saint Augustin décrivait en ces termes : « Plus près de toi mon Dieu j’aimerais reposer, c’est toi qui m’as créé et tu m’as fait pour toi et mon cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi ». En devenant en acte celui qu’il n’était encore qu’en puissance il accomplit pleinement sa vocation, à l’image de la chenille qui ne devient véritablement elle-même qu’en devenant papillon.

A l’inverse ce que l’on appelle l’enfer n’est autre qu’un rejet de greffe. Un tel échec fait du malheureux qui la refuse une sorte de nouveau né prématuré qui n’en finit pas de souffrir et de mourir parce qu’il est devenu non-viable dans son nouvel environnement.

3/ L’urgence de la conversion ou qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

La perspective d’un tel accomplissement au contact de Dieu est une perspective enthousiasmante au sens propre du terme dans la mesure où le terme d’enthousiasme désigne « une exaltation de l’âme d’origine divine ». Mais c’est également une perspective bouleversante dans la mesure où elle bouleverse l’ordre de nos priorités.

Désormais nous n’avons rien de mieux à faire ni rien de plus urgent que de préparer notre cœur et notre âme à cette échéance à la fois fatidique et fantastique qu’est la rencontre avec Celui qui est à la fois notre Créateur et notre Rédempteur.

C’est à la fois sérieux et merveilleux. Un peu comme les joueurs de l’équipe de France lorsqu’ils ont appris qu’ils étaient sélectionnés pour la coupe du monde 2018. Ils s’en sont réjouis et sont immédiatement entrés dans une phase de préparation physique exigeante et librement consentie qui devait les amener au sommet de leur forme au moment où devait débuter la compétition.

Non seulement nous sommes tenus de nous préparer à une telle échéance mais nous sommes également tenus de la faire connaître au monde. Ce que nous devons annoncer est simple et c’est une très bonne nouvelle. On pourrait la résumer en ces termes : « Nous sommes en stage d’amour sur terre et nous avons la possibilité de passer en CDI à l’issue ! ».

Nous sommes tenus de l’annonce au monde non pas pour « sauver » des âmes de la damnation éternelle car, nous le savons, c’est Dieu qui sauve et nous ne sommes que des serviteurs inutiles. Dieu sauvera ceux que nous et l’Eglise dont nous sommes membres n’aurons pas pu, su ou voulu atteindre. Et il sauvera également ceux qui se sont détournés de Lui parce que nous avons défiguré Son visage par nos péchés et nos contre-témoignages…

Nous sommes tenus d’annoncer au monde que notre vocation est d’être divinisés par Dieu et en Dieu pour l’éternité tout simplement parce que nous n’avons pas le droit de garder jalousement une telle bonne nouvelle qui donne son sens à notre existence dès maintenant et qui est la condition de notre bonheur éternel. Ce serait criminel. Un peu comme chez les peuples du désert qui considèrent comme un criminel celui qui, connaissant l’emplacement d’un puits ou d’une source, s’est gardé de l’indiquer à celui qui en avait besoin. Celui qui garde pour lui le secret de l’élixir de vie en prive le reste des mortels et est à bon droit considéré comme un criminel.

Annoncer l’urgence et la nécessité de la conversion pour accéder au paradis c’est annoncer la possibilité offerte à tous d’entrer au paradis. C’est l’acte de charité par excellence. Poser un tel acte c’est à la fois progresser dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain, ce commandement qui résume toute la loi et tous les prophètes. C’est travailler à notre propre sanctification et donc à notre salut.

Alors si nous ne le faisons pas pour les autres faisons-le au moins pour nous !

Noël ou la preuve que ce qui nous est impensable n’est pas forcément impossible.

Un Dieu qui va aux toilettes trois fois par jour ? Inconcevable. Une telle idée est en elle-même une atteinte à la Seigneurie de Dieu, un blasphème. Tel est le point de vue de nos frères musulmans. Dieu ne peut se faire homme sous peine de se renier en reniant sa dignité. Fort logiquement il ne peut pas non plus mourir sur la croix : « scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Corinthiens, 22)… et pour les musulmans. Le scandale de la crèche précède le scandale de la croix : chronologiquement et logiquement.

Même à certains chrétiens un tel Dieu apparaît spontanément assez scandaleux – même s’ils n’osent pas l’avouer ouvertement – car il ne correspond pas à la représentation que l’homme se fait spontanément de Dieu à laquelle il reste bien souvent cramponné.

Un Dieu à l’image d’Emmanuel Macron

Au fond de nous-mêmes nous sommes tous plus à l’aise avec un Dieu conforme à nos attentes qu’avec un Dieu qui nous désarçonne. Nous accueillerions bien plus facilement un Dieu qui tiendrait son rang et n’abaisserait pas la fonction qui est la sienne en se montrant trop familier avec ses sujets. Un Dieu qui ne renoncerait pas aux attributs et aux prérogatives que nous lui reconnaissons sans nous faire prier nous mettrait plus à l’aise.

Un Dieu qui afficherait sans complexe et sans fausse pudeur les signes extérieurs de sa divinité : un Dieu tout puissant- noblesse oblige – et qui se montre miséricordieux à l’occasion mais pas de manière systématique afin de ne pas donner aux hommes de mauvaises habitudes.

Un Dieu à l’image d’Emmanuel Macron : plus malin que le commun des mortels, dont on ne sait pas ce qu’il a en tête et prend parfois des décisions arbitraires ou incompréhensibles pour rappeler qu’il est le seul souverain. On s’en émeut sur le moment mais ça nous rassure rapidement. Un despote éclairé dont la légitimité serait absolue puisque serait « lumière né de la lumière ».

Bref, un Dieu à notre image mais en plus fort encore.

D’où notre déconvenue : nous attendions un Emmanuel Macron souriant, décomplexé et assumant pleinement l’exercice de son autorité et voilà qu’est apparu un Dieu qui renonce à ses attributs divin pour venir à nous.

« Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu » (Philippiens 2, 6).

Le protocole était prêt, tout était en place quand soudain le Dieu de l’univers décide de descendre de son piédestal divin pour prendre un bain de foule dans notre condition humaine en s’incarnant. Malheur des malheurs : le despote éclairé attendu veut devenir notre ami et souhaite établir entre lui et nous une relation d’égal à égal.

« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». Jean 15, 15

Catastrophe : le divin despote s’est mis en tête de devenir notre pote !

Nous préférons tenir pou impossible ce qui est impensable

Voilà pourquoi la naissance de Dieu sur terre est un événement qui bouleverse tout parce qu’il bouleverse tout en nous. Il impose de consentir à une révolution copernicienne au plus profond de notre être. Car autant il nous était assez aisé de concevoir que Dieu existe autant il est très malaisé de concevoir que j’existe pour Dieu… et donc très difficile à admettre.

Que le Dieu de l’univers, créateur du ciel et de la terre, maître du temps et auteur de toute vie se présente à nous comme un mendiant quémandant notre amour c’est plus que ce que nous pouvons tolérer.

Qu’il s’humilie comme un amoureux déclarant sa flamme et s’expose au risque douloureux d’être éconduit ou pire, d’être trahi voilà qui dépasse notre entendement et pose trop de questions sans réponses.

Noël nous dévoile un Dieu qui dépasse tellement ce que nous pouvions imaginer de lui que nous n’osons pas y croire. Nous sommes tentés d’hurler au mirage plutôt que de crier au miracle. C’est tellement inespéré que cela ne peut pas être vrai. Ce Dieu qui excède tout ce que nous avions pu supposer de lui nous le jugeons excessif. Nous préférons tenir pour impossible ce qui nous est impensable. Mais n’est-ce pas ce que font les hommes jusqu’à ce qu’un grand bouleversement vienne démentir leurs certitudes

Léon Bloy avait écrit qu’il n’acceptait de croire quelqu’un qui prétendait l’aimer que dans la mesure où cette personne acceptait de souffrir pour lui et par lui. C’est exactement ce que fait Dieu en prenant chair et en vivant parmi nous sachant qu’il aurait à endurer non seulement les maux de la condition humaine (la fatigue, la maladie, la souffrance physiques, les tribulations, les peines, les déceptions) mais également ceux de sa Passion (mauvais traitements, tortures et crucifixion).

« Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié.  Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris » (Isaïe 53, 3-5).

Noël est l’événement qui manifeste l’amour inimaginable de Dieu pour chacun de nous. D’ailleurs il porte la signature qui est celle de toutes les manifestations de Dieu dans l’histoire des hommes. C’est en en effet en choisissant ce qu’il y a de plus faible et de plus méprisé qu’il se manifeste : en l’occurrence un enfant conçu hors mariage et né parmi les animaux.  L’amour de Dieu pour chacun d’entre nous est à la mesure de l’humiliation qu’il a consentie en naissant d’une femme dans une crèche.

C’est ça la Bonne nouvelle de Noël.

 

Les musulmans sont-ils des chrétiens d’Orient ?

Basilon nous propose de partager sa réflexion sur l’origine et la nature de l’Islam en adoptant un point de vue historique.  La voici.

Je voudrais partager une expérience que j’ai eue dans une bibliothèque. Je recherchais des livres concernant l’Islam, pour en savoir plus sur cette religion. Je tombe sur des livres pour adolescents, avec plein d’illustrations, édités chez des maisons bien connues, et j’y trouve non seulement des contre-vérités mais aussi des édulcorations de ce qu’est l’Islam. Je m’en suis rendu compte car ce ne sont pas les premiers documents que je lis sur l’Islam. Je m’étais déjà intéressé à des travaux d’historiens ou à la lecture du Coran lui-même mais en entrant dans cette bibliothèque, je souhaitais avoir une vision d’ensemble, simple et accessible à tous.

1/ Quand on raconte des histoires sur l’Islam…

J’étais tombé sur trois livres différents mais aucun n’évoquait ce qui fait polémique du point de vue de la pensée occidentale, c’est-à-dire, le contexte de violence dans lequel est née cette religion, la position de la femme, la liberté individuelle ou le statut d’infériorité des autres religions.

On y parlait de l’expansion fulgurante de l’Islam sans fournir la moindre explication historique et en invoquant seulement, en guise d’explication, la supériorité militaire des combattants musulmans. On y parlait des droits des femmes plus étendus en Islam au Moyen-âge qu’en Occident puisqu’elles avaient le droit d’être propriétaires. On y parlait également de l’avance scientifique du monde musulman au Moyen-âge et de l’attachement de cette religion à la science: école primaire à passer à apprendre par cœur le Coran, puis études supérieures en madrasa pour l’apprentissage des sciences et des arts. On y parlait de relation directe entre Allah et les croyants. On y parlait aussi de l’ouverture du monde musulman sur les autres religions qui étaient tolérées sous le statut de dhimmi, moyennant une modeste obole. Bref, beaucoup de sucre.

Evidemment, j’ai été très déçu car j’aurais voulu en savoir plus sur les dogmes de l’Islam, sur la spiritualité islamique, au-delà des rites des cinq piliers de l’Islam et de la croyance en un Dieu unique, créateur de tout, omniscient et juge des hommes à la fin de leur vie. J’aurais voulu avoir plus de détails sans, pour cela, être obligé de me plonger dans des livres de théologiens musulmans.

Mais ma déception s’est transformée en agacement – triple agacement puisque j’avais trois livres sous les yeux – quand j’ai découvert une véritable falsification de l’Histoire. Les trois livres racontaient des choses fausses sur les conditions historiques de la naissance de l’Islam.

A l’unisson, ils affirmaient que le monde arabe du VIème siècle était principalement polythéiste (avec un sanctuaire à la Mecque), que conformément au dogme musulman Mahomet avait bénéficié par l’intermédiaire de l’archange Gabriel, de la connaissance exclusive d’un nouveau livre sacré (le Coran) au fil de conversations qui s’étaient étalées sur une vingtaine d’années et que ce dernier avait proclamé la nouvelle religion et converti l’Arabie.

2/… au lieu de raconter son histoire

Selon les historiens, ce n’est pas ce qui s’est passé; ou si l’on préfère, cette présentation de l’origine de l’Islam omet tellement d’éléments que la vision qu’on en retient est complètement altérée. Si l’on se penche sur les publications des historiens, voilà plutôt ce qui se serait passé et que j’aurais aimé trouver dans ces trois livres de vulgarisation sur l’Islam.

A la fin du VIème siècle, l’empire byzantin entame son déclin, sous les assauts conjugués de l’empire perse à Est et des attaques venues du Nord. La situation financière de l’empire byzantin est de plus en plus catastrophique. Les militaires sont mal payés. La Syrie est une zone tampon, sous influence byzantine, dont la défense militaire est assurée par une tribu arabe, les Ghassanides. Les Ghassanides constituent un royaume vassal de l’empire byzantin et sont chrétiens monophysites, c’est-à-dire que leur conception de la Trinité tient plus du trithéisme, Jésus n’ayant qu’une nature divine. Ce royaume s’étend de Damas à Médine, ville frontalière qui sera plus tard le refuge de Mahomet…

L’empire byzantin de son côté est chrétien également, mais trinitaire. Il considère ces chrétiens d’Orient comme des hérétiques et les méprisent bien qu’ils le défendent des Perses. Les rapports entre Byzantins et Ghassanides sont d’autant plus tendus que, l’empire byzantin étant budgétairement en grande difficulté, il n’assume plus ses obligations financières vis-à-vis des Ghassanides. Les Ghassanides monophysites ont le sentiment d’être abandonnés par les Byzantins trinitaires.

En 610, l’empire byzantin est mis en déroute au Nord et par les Perses à l’Est. La même année la partie de la Syrie tenue par les Ghassanides n’est pas encore envahie par les Perses mais fait sécession, au même titre que d’autres régions de l’empire byzantin. L’empereur Phocas, ancien centurion devenu empereur en 602 à la suite d’un coup d’Etat est tué, la capitale sombre dans une situation d’anarchie qui durera de longues années tandis qu’Héraclius, un général byzantin, devient empereur. Les Perses, eux, continuent leur progression. En 610 débutent les révélations de Mahomet, âgé de 40 ans, à La Mecque. En 613 Damas tombe au profit des Perses puis en 614 Jérusalem est, à son tour, prise par les Perses, ce qui est un traumatisme pour l’ensemble des mondes chrétiens, d’Occident et d’Orient.

Les Ghassanides, particulièrement menacés, sont pris en étau à l’Est par l’avancée inexorable des Perses, au Nord par les peuples du Caucase et au Sud par les riches tribus arabes qui s’affrontent pour la suprématie des routes commerciales. A l’Ouest les Byzantins trinitaires les abandonnent. De 602 à 629, l’empire perse des Sassanides a conquis l’Irak, la Syrie, la Jordanie, l’Egypte, le Yémen et la côte Ouest de l’Arabie. Les Ghassanides sont complètement absorbés par les Perses.

3/ La Mecque avant l’émergence de l’Islam

Les guerres qui durent depuis des décennies entre les Byzantins et les Perses, ont permis aux routes commerciales situées au sud de ces empires de prospérer, mais, en ce début du VIIème siècle, l’expansion des Perses menace de plus en plus l’autonomie des tribus arabes et notamment le sanctuaire de La Mecque où l’on adore une triade de trois déesses d’inspiration matriarcale : Al-lât, Al-Uzza et Manat.

Al-hât, on la connait bien, c’est Aphrodite, vieille déesse sémitique récupérée par les Grecs. Sa présence est située à la Kaaba, symbolisée par un édifice cubique et sur laquelle est flanquée la sculpture de sa vulve, utilisée jadis pour les rites de fécondité (on peut en voir les photos sur Internet, rien n’a été détruit). Saint Jean Damascène (de Damas donc !), qui est contemporain de la première génération de musulmans, décrira l’Islam dans son livre Des hérésies comme une hérésie du christianisme dont les adeptes se frottent à une pierre, la Kaaba, qui est la tête d’Aphrodite. Al-Uzza est aussi une déesse de la fécondité, associée à la planète Vénus qu’on représentait par un astre, près d’un croissant de lune tandis que Manat est la sœur des deux autres, déesse du destin.

Ces trois déesses, dont les cultes sont issus du vieux fond matriarcal, bénéficiaient des cultes de la fécondité. On se frotte, souvent nu ou habillés tout en blanc, contre les pierres qui les représentent pour une meilleure fécondité. On jeûne le neuvième mois de l’année qui correspond au mois de l’accouchement de la déesse et qui commence dès l’apparition du croissant de lune : c’est le mois de ramadan. Les femmes dansent de manière lascive, à moitié nues, pour implorer les déesses afin qu’elles leur accordent la fécondité : c’est la danse du ventre.

Au sanctuaire de La Mecque, ces trois divinités sont des sœurs, filles d’un Dieu masculin, Houbal, vénéré aussi à la Kaaba et qu’on appelle aussi Allah, ce qui signifie tout simplement « dieu ».

A cette époque, les rites matriarcaux de La Mecque sont encore actifs mais les exemples du grand empire byzantin chrétien et du grand empire perse zoroastrien, qui ont adopté des religions viriles, patriarcales, donnent des arguments à ceux qui voyaient la vieille religion polythéiste un peu démodée. Houbal, l’Allah suprême, est de plus en plus vénéré directement.

5/ Mahomet, un chrétien de la tendance des judéo-nazaréens

Un clan gère le sanctuaire de La Mecque, les Quraichites (ou Quraich), de riches marchands, dont est issu Mahomet. Mais Mahomet, contrairement à de nombreux membres de son clan, n’est pas polythéiste.

En effet, il s’est marié à 25 ans avec Kadidja – nous sommes en l’an 595 – , une riche marchande de 40 ans, issu d’une branche des Quraich qui est chrétienne, la plus riche de La Mecque dit le commentateur Ibn Ishaq. Celui qui les marie est un prêtre chrétien, plus exactement un prêtre judéo-nazaréen, Waraqa ibn Nawfal, cousin de Kadidja. En 610, on l’a dit, Mahomet entend ses premières voix, que Kadija interprète comme étant celles de l’archange Gabriel. Kadidja en parle à son cousin, le prêtre qui les a mariés. Il faut en conclure qu’au moins entre 595 et 610, Mahomet est chrétien, mais pas chrétien trinitaire : un chrétien appartenant à la tendance des judéo-nazaréens.

Il s’agit d’une forme de christianisme d’Orient, qui avait conservé certains rites et interdits juifs: interdiction de manger du porc, circoncision etc… Ces judéo-chrétiens sont issus de la première génération des chrétiens au premier siècle. Souvenons-nous du premier concile de Jérusalem qui opposa Paul, lequel plaidait en faveur de l’abolition de tous les rites juifs, à Jacques, « frère du Seigneur », qui voulait que les chrétiens conservent tous les rites juifs. On a appelé ces chrétiens les judéo-chrétiens. L’une de leurs branches était constituée des judéo-nazaréens qui se sont installés après le premier siècle en Orient et dont l’un des principaux foyers se situait à Damas. Damas qui est tombée en 613 aux mains des Perses.

Cette religion, ou plutôt cette hérésie chrétienne selon les termes des Pères de l’Eglise chrétienne trinitaire, avait repris la tradition des zélotes, ces Juifs qui voulaient en découdre militairement avec les Romains. Ces judéo-chrétiens considéraient que le Christ, dont l’ensemble du monde chrétien attendait le retour, ne pourrait revenir qu’à condition de libérer militairement Jérusalem. Mais Jérusalem est tombée en 614 aux mains des Perses avec la complicité des Juifs, lassés du comportement des Byzantins. Imaginons un instant les traumatismes à répétition endurés par ces croyants qui voyaient leurs les villes principales tomber une à une entre les mains des Perses païens !

Ces Ebionites – beaucoup d’historiens pensent que les Ebionites et les judéo-chrétiens sont de la même religion – ne croyaient pas que Jésus était Dieu, mais croyaient qu’il était le dernier prophète, dont le retour était attendu. Théologiquement, les dogmes ébionites sont très proches des dogmes de l’Islam. Et pour cause : Mahomet était ébionite.

Dans le Coran, cette religion est appelée les Nazaréens (Sourate 2, v.62) et reçoit les bénédictions de Mahomet. Cela est cohérent, si on considère que Mahomet est un prophète de cette religion. Le Coran appelle « chrétiens » les trinitaires et ne leur réserve pas le même traitement. Dans le Coran, les Juifs et les Chrétiens trinitaires sont appelés, « gens du Livre », c’est-à-dire, « gens de la Bible ». Les infidèles parmi les gens du Livre, ainsi que les Associateurs iront au feu de l’Enfer (Sourate 89, v.6).

Les associateurs justement, ne sont pas les gens du Livre. Le Coran fait ici référence à ceux qui, au sanctuaire de la Mecque, associaient des divinités féminines à Houbal, le dieu (Allah) suprême. Mahomet va donc dire aux adorateurs polythéistes de la Mecque que le Dieu suprême est en fait le dieu des Ebionites, héritiers de la tradition des prophètes qui vont d’Adam à Jésus et que ce Dieu est unique.

Rappelons-nous, nous avons dit que les révélations à Mahomet ont commencé en 610 et qu’elles ont duré 23 ans. Mahomet n’a donc eu une vision d’ensemble du Coran qu’en 633. Or, les raids militaires qu’il a lancés ont commencé dès 623. Si l’on s’en tient à l’hypothèse que l’Islam est né de rien, on aboutit à une impasse logique et chronologique :  la révélation en est à peine à la moitié que Mahomet se mettrait déjà à convertir les gens ? Mais les convertir à quoi ? A quelle révélation ? A une religion à moitié achevée ?

Non! A une religion existante depuis des siècles, celle des judéo-nazaréens, dont Mahomet s’érige en sauveur. Car cette religion est bel et bien menacée de disparition. Il faut réagir tout de suite. Le Coran est une arme de propagande pour la sauvegarde des Ebionites qui n’apporte dailleurs pas de réformes théologiques majeures, à leurs croyances.

6/ La conquête de La Mecque : victoire des Quraichites judéo-nazaréens sur les Quraichites païens

Les Quraichites avaient déjà mené des guerres dans la région contre des tribus rivales. Ainsi, en 590, ils vainquirent les tribus de Kénan (Canaan) et de Hawazan. Mahomet se distingue militairement lors de cette bataille quand il avait 20 ans. Bien avant donc les révélations de l’archange Gabriel. On n’était donc pas dans une guerre sainte mais dans une lutte pour la suprématie des Quraichites.

Jusqu’en 619, Mahomet est relativement protégé des maitres de la Mecque, grâce à la puissance financière de sa femme et de certains membres de sa famille. Mais en 619 Kadidja meurt ainsi qu’un des riches oncles de Mahomet qui perd ainsi ses riches soutiens. Or, Mahomet est un Quraichite chrétien, et non un Quraichite païen. Comment dans ces conditions développer sa puissance, alors que ce sont les Quraichites païens qui tiennent le sanctuaire ? Comment entrevoir l’avenir des Ebionites, sans plus d’influence économique et alors que les judéo-nazoréens dont Mahomet fait parti passent progressivement sous la tutelle des Perses à mesure qu’ils conquièrent toutes les villes judéo-chrétiennes.

Une réponse à ce problème est de faire de l’Arabie le territoire des Ebionites ce qui suppose au préalable de s’emparer de la Mecque. Dans ce contexte, Mahomet, n’est-il pas l’homme de la situation ? En tant que Quraichite, il possède la légitimité pour revendiquer le contrôle du sanctuaire de la Mecque aux mains de son clan depuis bien longtemps. D’ailleurs, la vieille religion matriarcale du sanctuaire mecquois ne décline-t-elle pas ? Ne faut-il pas plutôt adorer Allah, dieu masculin, le père des trois divinités féminines ? Un dieu viril et masculin ne serait-il pas plus approprié pour résister à l’envahisseur perse ?

Mais les Quraichites païens refusent de croire que Mahomet est un prophète qui communique avec le Divin… et on peut les comprendre. D’abord parce que cela signifiait pour eux perdre la maîtrise du sanctuaire de la Kaaba au profit de Mahomet. Ensuite et surtout parce que cela signifiait accorder foi aux révélations d’un chrétien nazaréen : pourquoi croire en lui ? Ne voyant en lui qu’un rival désireux de prendre le contrôle du clan des Quraichites, ils le menacent de mort et le contraignent à fuir à Médine, ville chrétienne la plus proche.

Médine, on l’a dit, est une ville du royaume – ou ce qu’il en reste – des Ghassanides, chrétiens monophysites, pas comme Mahomet, mais des chrétiens quand même, qui sauront le protéger. C’est l’Hégire, l’an zéro de l’ère musulmane. Mahomet est riche, et les Ghassanides sont à terre financièrement. Les Byzantins les ont lâchés économiquement, les soldats ghassanides, qui s’étaient tant battus contre les Perses pour protéger les Byzantins, ne reçoivent plus aucune solde de ces derniers. Mahomet, lui, est en mesure de les payer. Une alliance se crée. Une alliance chrétienne monophysite/nazaréenne se crée contre les païens de la Mecque. Les partisans de Mahomet vont pouvoir lancer des raids militaires contre les Quraichites de la Mecque. Mahomet, puissant militairement, gagne des batailles. La Mecque est prise. Mais la population n’acceptera jamais que le sanctuaire soit rasé. Les rites de l’ancien sanctuaire mecquois sont alors carrément intégrés dans le judéo-nazaréisme. Au passage, le Destin devient un principe fondamental de cette nouvelle religion, signe de l’intégration de la déesse du Destin, tandis qu’Aphrodite laisse une part de ses rites matriarcaux: le ramadan, la Kaaba.

On rêve au début de prendre Jérusalem militairement, afin que le Christ puisse enfin régner sur terre mais bien vite la victoire paraît hors de portée – Jérusalem reste aux mains des Perses –  et on renonce à cet espoir de reconquête. La Mecque, devenue un site religieux judéo-nazaréen, conserve son rayonnement. On se tourne alors vers la Mecque et non plus vers Jérusalem.

Hors de l’Arabie, le conflit entre les Perses et les Byzantins a affaibli considérablement les deux grandes puissances. Les richesses accumulées par les Arabes, concentrées désormais entre les mains de Mahomet et de son armée, permettent de payer les soldats ghassanides en Syrie. Dans ces conditions, la conquête de la Syrie se fait sans difficulté. Les Perses sont repoussés.

Pour autant, les rivalités fratricides au sein des clans arabes n’ont pas disparu avec Mahomet. En effet, sur les quatre premiers califes, trois sont assassinés. Damas est prise par les conquérants musulmans en 635. Les conquêtes militaires permettent au jeune royaume musulman de déménager sa capitale de Médine à Damas. Une belle revanche pour ce vieux foyer judéo-chrétien, qui devient la capitale de l’empire arabe pour quelques siècles. Jérusalem, est prise aux Byzantins en 638, qui avaient repris la ville aux Perses en 629.

Les judéo-nazaréens ont donc gagné la guerre de la puissance et il est hors de question qu’ils se placent sous la tutelle de l’empire byzantin, qui avait si mal traité les chrétiens d’Orient…et les Juifs qui s’allièrent même aux Perses pour la prise de Jérusalem. Après avoir failli disparaitre au début du VIIème siècle, ils ont réussi, grâce à l’un des leurs, riche marchand à faire de l’Arabie leur base arrière en conquérant une riche ville païenne, à s’y maintenir, mais également à se développer au delà de leurs espérances en prenant des territoires aux Byzantins et aux Perses.

Bien sûr, cette belle histoire pour ces chrétiens d’Orient qui s’ignorent, c’est-à-dire, les musulmans-ébionites, ne s’est pas faites sans crime. Mais, au moins, cette histoire violente des débuts de l’Islam s’explique autrement que par le supposé fanatisme d’un homme proclamé prophète d’une religion nouvelle. Cette histoire violente des débuts de l’Islam s’explique en effet par la volonté d’une religion de survivre à l’expansion d’une autre religion, en l’occurrence celle des Perses.

Dans ce contexte l’absorption d’une antique religion polythéiste, qui dans la perspective historique que nous avons décrite est un dommage collatéral, une étape de la stratégie des troupes nazaréennes de Mahomet. Ce passage par la Mecque marqua les rituels musulmans à tout jamais.

7/ Substituer une approche historique à une approche hystérique de l’Islam

J’aurais aimé trouvé cette histoire dans les livres à la bibliothèque pour plusieurs raisons. En premier lieu, parce que c’est une histoire assez passionnante en tant que telle. En second lieu, parce que la plupart des musulmans eux-mêmes l’ignorent. Enfin et surtout parce qu’elle ouvre une voix de dialogue et d’apaisement entre les musulmans et les autres. Permettez que je partage ce que cette histoire m’inspire.

La violence, parfois extrême, des débuts de l’islam, s’explique par une stratégie défensive. Cela rend crédible le discours selon lequel l’islam n’est pas une religion offensive par nature. C’est tellement plus agréable de le montrer par l’histoire, plutôt que par une affirmation lapidaire du style Mais si, mais si, c’est une religion de paix, les musulmans violents n’ont rien compris!

Ça donne surtout aux musulmans un argument à opposer aux fous furieux qui justifient leur  propre violence par référence au passé car leur religion n’est pas menacée comme elle a pu l’être du temps de Mahomet. Cela donne également un autre argument à opposer aux fous furieux qui se prétendent être fous de Dieu : eux-mêmes sont en fait des chrétiens d’Orient, qu’ils le veulent ou non, et à ce titre, il serait mal venu de malmener les autres catégories de chrétiens d’Orient.

Au niveau identitaire et diplomatique, cette histoire démontre une certaine proximité entre le christianisme (trinitaire) et l’islam (ébionite). Au niveau théologique, la nature chrétienne de l’islam pourrait pousser les musulmans à s’interroger sur ce qui fait le cœur de leur religion, et de raviver un peu la figure du Christ.

L’idée de Destin ou de Prédestination, récupérée d’une déesse antique, ne peut-elle pas être un peu reconsidérée ? Cela rapprocherait sans doute la vision musulmane de la condition humaine de la conception chrétienne/occidentale de la liberté. Considérer l’origine chrétienne de l’Islam ne pourrait-elle pas rendre moins rigoriste l’interprétation que les plus radicaux d’entre eux en font ?

Le Coran lui même mentionne que Jésus a assoupli un certain nombre d’obligations religieuses. La tendance du monde musulman à souffler sur les antagonismes à l’égard du monde occidental ne peut-elle pas être inversée s’il prend conscience qu’il fait partie de l’histoire du christianisme ?

L’histoire viendrait ainsi au secours de ceux qui expriment le désir d’un Islam modéré. Certes le Coran contient des choses qui heurtent la conscience contemporaine comme le fait de pouvoir battre sa femme par exemple. Mais, le dialogue interreligieux, sur des conceptions de fond, ne doit pas être méprisé, au prétexte d’arguments négatifs à l’encontre de l’Islam. Je crois que l’Islam lui-même ne doit pas être méprisé et qu’il n’est pas incompatible avec les valeurs occidentales. Plus je lis le Coran, plus j’en ai la conviction.

Sur le statut de la femme, par exemple, le Coran indique que les épouses doivent être libres de divorcer (sourate n°2). Imaginons une femme mariée musulmane qui raconte à son imam qu’elle est battue, celui-ci pourra toujours lui conseiller de divorcer. Imaginons une femme catholique qui fait la même confidence à un prêtre, celui-ci ne pourra que lui souhaiter bon courage, même si les évangiles ne mentionnent aucun droit à battre son épouse. Laquelle des deux religions est alors la plus favorable à la protection des femmes, celle qui permet aux épouses de fuit leur bourreau, ou celle qui conseille de rester ?

Mieux, le Conseil constitutionnel français a reconnu la liberté de divorcer comme un droit constitutionnel (CC, 29 juillet 2016) tandis que la Cour européenne des droits de l’homme reconnaissait le droit de se remarier après un divorce. Laquelle des deux religions est la plus compatibles avec les valeurs occidentales ? Après des siècles d’affrontement, les deux grandes religions chrétiennes d’importance, l’une trinitaire, l’autre nazaréenne, devraient sûrement avoir beaucoup de choses à se raconter après des siècles de divorce. Espérons une réconciliation, à l’image de Saint Paul et de Saint Jacques.

 

 

Basilon

Le puritanisme est une invention du démon

La Bible nous présente dès l’Ancien Testament un Dieu « lent à la colère et plein d’amour » (Psaume 144). Un Dieu qui ne désire pas la mort du pécheur mais au contraire sa conversion afin qu’il vive (Ezéchiel 18, 23). Un Dieu qui fait toujours le premier pas pour aller vers l’homme (Jean 4,7) ou pour se réconcilier avec lui après chaque rupture (Zacharie 1, 3).

Pourtant c’est trop souvent (encore) avec l’image d’un Dieu sévère, inflexible, désespérant et donc culpabilisant que vivent, hélas, de très nombreux chrétiens…y compris ceux qui théoriquement savent que tel n’est pas le Dieu biblique, le Dieu des chrétiens et celui de l’Eglise catholique.

Et c’est souvent parce qu’ils en ont adopté la même image que de nombreux chrétiens sont devenus non-chrétiens et que de nombreux non-chrétiens manifestent des réactions épidermiques au seul nom de Dieu (la fameuse laïcité à la française).

1/ Une image de Dieu difforme parce que déformée

Si l’image qu’ils ont de Dieu ne correspond pas à ce que Dieu dit de lui-même d’où vient cette image déformée et donc difforme ? S’il s’agit d’une contrefaçon qui est le faussaire ?

L’homme lui-même.

Pourquoi ?

Parce que l’être humain est ainsi fait qu’il ne peut faire autrement lorsqu’il se regarde en face que de constater sa propre misère : « Je ne comprends pas ce que je fais : je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je déteste » (Romains 7, 15).

La seule solution pour un chrétien cohérent c’est de se jeter dans les bras de son Père comme un enfant faible mais plein de confiance dans sa miséricorde. On appelle ça la conversion du cœur. C’est la parabole du fils prodigue.

Mais que se passe-t-il si l’homme refuse – par ignorance ou en pleine conscience cela ne change rien en l’occurrence – la solution que Dieu nous propose et que l’on appelle l’offre de salut ?

La première (fausse) solution et (vraie) tentation consiste à fuir la réalité désespérante avec l’énergie du désespoir en se perdant dans ce que Blaise Pascal appelait « les divertissements mondains ». C’est la tentation de notre société contemporaine. Cette tentation porte un nom que, tous, nous connaissons : la société de consommation.

La seconde tentation consiste à affubler Dieu de nos propres turpitudes et de lui en attribuer l’origine et donc la responsabilité. Nous nous décevons lorsque nous nous contemplons ? Nous projetons sur lui et nous ui attribuons notre désir de punition.

Ne trouvant d’explication ni à ses propres turpitudes, ni à ses contradictions les plus intimes l’être humain est souvent tenté de chercher un coupable. Ce peut-être un bouc émissaire qui est sacrifié pour rétablir une harmonie provisoire au sein d’un groupe humain. Quitte à passer du bouc émissaire symbolique au sacrifice humain sanglant.

Cela peut aussi aller jusqu’à une forme déguisée d’auto-punition par procuration consistant à se désigner coupable soi-même en attribuant la rigueur de ce jugement à Dieu.

Parce qu’au fond nous trouvons, sans oser nous l’avouer explicitement, plus juste et plus conforme au Bien la réaction du fils aîné que celle du père dans la parabole du fils prodigue.

Parce qu’au fond de nous-mêmes nous préférons anticiper une fin effroyable que de vivre dans un effroi sans fin. Parce que nous nous aimons tellement peu qu’il nous semble non seulement improbable mais même obscène que Dieu puisse nous aimer quand même. Quant à accepter réellement qu’il nous aime au point d’avoir accepté de mourir pour que nous vivions c’est tout bonnement scandaleux à vue humaine. : « scandale pour les juifs folie pour les grecs »(1 Corinthiens 1, 23).  C’est une pierre d’achoppement aujourd’hui encore pour nos frères musulmans.

Parce que nous nous faisons spontanément de Dieu l’image d’un super-despote éclairé et qu’à l’inverse nous sommes extrêmement désemparés face à un Dieu qui met sa toute-puissance dans son amour et accepte de se rendre vulnérable. Un tel Dieu nous prend à contre-pied, nous prend au dépourvu, dépasse notre entendement, renverse nos évidences et dépasse tout ce que nous aurions pu imaginer.

Difficile d’admettre un Dieu qui ne punit pas nécessairement les méchants et ne récompense pas nécessairement le juste ici bas. : « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Matthieu 5, 45).

Difficile d’admettre un Dieu qui refuse d’utiliser sa puissance pour se sauver lui-même : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges? » (Matthieu 26, 53).

2/ Le puritanisme est une invention du Diable

Cette tentation puritaine n’est pas nouvelle. Elle est même récurrente dans l’histoire de l’humanité et est toujours actuelle. Y compris au sein de l’Eglise.

La doctrine du jansénisme a peut-être disparu en tant que doctrine mais a empoisonné et continue encore d’empoisonner la vie de nombreux chrétiens en hantant leurs représentations et leurs inconscients. De ce point de vue les romans de l’écrivain anglais David Lodge sont très cruellement instructifs (je pense notamment à Jeux de maux).

La tentation du puritanisme est une tentation non seulement récurrente mais c’est la plus diabolique de toutes parce qu’elle détourne de Dieu non seulement ceux qui y cèdent mais, par réaction, ceux qui sont témoins de leurs comportements.

Cette tentation est diabolique parce qu’elle repose sur un triple blasphème.

Premier blasphème : usurper les prérogatives du juge suprême pour se condamner soi-même et l’humanité avec. C’est prétendre se faire prescripteur du Bien et du Mal. C’est le péché originel d’Adam et Eve. Vouloir goûter du fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Contester les prérogatives de Dieu, lui disputer son rôle pour s’affranchir de lui.

Deuxième blasphème : le calomnier en lui attribuant la responsabilité de jugements qui sont les nôtres et non les siens. Lui attribuer la responsabilité de jugements marqués du sceau de notre propre péché alors que seuls ses jugements sont vrais et justes.

« Moi dit le Seigneur, je vois jusqu’au fond du cœur, je perce le secret des consciences. Ainsi je peux traiter chacun selon sa conduite et le résultat de ses actes » (Jérémie 17,9-10).

Troisième blasphème : l’idolâtrie. En nous façonnant un Dieu à notre image, un Dieu qui nous accuse pour soulager le poids de l’angoisse existentielle qui nous accable et qui nous refuse la dignité inaliénable que nous a conféré le vrai Dieu en nous créant à son image, nous commettons le péché d’idolâtrie.

Nous refusons Dieu tel qu’il est, à savoir un Dieu qui est amour : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1, Jean 4,8). C’est ce manque de foi qui nous pousse à nous confectionner de toutes pièces un Dieu à notre mesure en adorant nos propres désirs c’est-à-dire à nous adorer nous-mêmes, fût-ce en nous enfermant dans le cercle vicieux de notre propre condamnation.

Une idolâtrie qui substitue un Dieu vengeur au Dieu d’amour, qui travestit l’Eternel en lui attribuant des turpitudes humaines.

Voltaire a fait un mot d’esprit célèbre en disant que si Dieu avait créé l’homme à son image, celui-ci le lui avait bien rendu depuis. Ce trait d’esprit est plus profond qu’il y paraît. La tentation de l’anthropomorphisme – se façonner un Dieu à l’image de l’homme – est en fait la tentation la plus sacrilège : celle de l’idolâtrie.

Une idolâtrie qui conduit l’homme à s’accuser lui-même et à refuser la main secourable que Dieu lui tend.

Une idolâtrie qui éloigne de Dieu les bonnes volontés tout en proclamant rester fidèle à la volonté de Dieu n’est-ce pas la marque de celui que la Bible appelle l’accusateur et qui en grec se dit diabolos ?

Le FN ou l’épouvantail providentiel des pharisiens contemporains

Les souverainistes parlent de la situation de la France, de ses maux et des remèdes à apporter à la souffrance de ses habitants. Leurs adversaires politiques et médiatiques préfèrent parler du FN, des turpitudes morales de ses dirigeants, de ses membres, de ses sympathisants et de ses électeurs. Ou ridiculiser François Asselineau. Ou encore organiser la coalition du silence autour des propos et des propositions Nicolas Dupont-Aignan ou encore de Jean-Frédéric Poisson.

Les souverainistes proposent une analyse politique (et donc économique) de la situation de la France qui, à ce titre, est discutable mais qui surtout appelle la discussion pour nourrir le débat démocratique devant précéder l’adoption de mesures politiques.

Leurs adversaires politiques et médiatiques préfèrent se cantonner à un discours relevant moins de la politique que de la démonologie et prennent une posture d’exorcistes. Pourquoi un tel refus du débat politique si ce n’est pour ne pas avoir à rendre de comptes sur les responsabilités qu’ils ont exercées pendant tant d’années ?

La coalition des partis de gouvernement est une réalité qu’ils ont eux-mêmes officialisée depuis les dernières élections régionales en pratiquant le désistement réciproque pour faire barrage au FN. Leur seul objectif n’est pas de nature politique mais électoral. C’est leur seul argument de campagne. Comment croire que ce n’est pas non plus leur seule ambition ?

Visiblement la perspective de voir de nouveaux venus, en l’occurrence de nouveaux élus, prendre des places de députés ou d’élus de la République suffit à les rendre fébriles alors qu’à l’inverse le sort de leurs compatriotes, qui dépend pourtant d’eux depuis des années, n’y parvient pas.

Qui les a vus trembler et s’agiter de la même manière sur les plateaux télévisés en évoquant les ravages du chômage, la montée de la délinquance, la fragilisation des familles en difficulté, le naufrage du système scolaire et les injustices sociales qui en découlent ou le développement ininterrompu de l’immigration illégale qui est pourtant la forme contemporaine de la traite humaine ?

Comment ne pas voir que les postures morales sont adoptées (front républicain) pour cacher des intérêts corporatistes qui n’ont rien à voir avec le bien du pays ?

Comment ne pas voir que les postures morales sont adoptées par des responsables politiques bien plus immoraux que ceux qu’ils dénoncent puisqu’ils bradent depuis des années le bien commun au profit de leur carrière ?

Car on ne peut pas à la fois se prétendre compétents et s’exonérer de ses responsabilités si la France va mal depuis tant d’années, c’est en grande partie à cause des décisions qui ont été prises et de celle qui n’ont pas été prises par ceux qui se sont succédé aux responsabilités depuis 40 ans.

Si vraiment le FN était le danger qu’ils décrivaient ils l’auraient interdit depuis des années lors d’un de leur passage à l’Elysée. Ils se sont bien gardés de le faire. Ils savent qu’il ne représente pas un danger mais au contraire un épouvantail bien commode en période pré-électorale pour noyer le(s) poisson(s) ?

Si l’origine idéologique du FN était vraiment le problème ils n’éprouveraient aucune difficulté à discuter avec les autres candidats souverainistes : ils s’en gardent bien, faute de pouvoir les anathématiser aussi facilement.

Heureusement pour eux qu’il reste au FN quelques militants issus de la première génération représentant ce qu’il a de plus honteux. Mais là encore c’et deux poids, deux mesures. Qui oserait reprocher les accointances des élus socialistes ou LR avec la grande délinquance organisée à Marseille ? Les protections accordées à des voyous en échange de services rendus est une constante dans l’histoire du PS (Gaston Defferre et les frères Guérini) comme à droite (le SAC pour les gaullistes). Deux poids, deux mesures.

Cela n’a jamais été invoqué pour constituer autour d’eux le moindre cordon sanitaire. Et pourtant c’est autrement plus dangereux pour la démocratie et les libertés publiques que quelques vieux révisionnistes qui n’exerceront jamais aucune influence ni morale, ni politique.

A l’inverse la dernière élue qui a commencé à vouloir dénoncer les arrangements entre la classe politique et la voyoucratie dans le sud-est l’a payé de sa vie : elle s’appelait Yann Piat et était un récent transfuge du FN. Mais ça personne ne le rappellera…

Ce n’est pas un hasard si la carte du vote souverainiste se confond avec celle des zones les plus pauvres et les plus frappées par les crises. Pas plus que ce n’est un hasard si leurs adversaires politiques, médiatiques et financiers sont localisés à Paris et dans les grandes villes mondialisées.

Ceux qui profitent de la situation ne veulent pas savoir ce que vivent les autres et, pour étouffer leur contestation, leur font la morale quand ils ne les ignorent pas purement et simplement. Heureusement que le FN leur fournit un repoussoir commode pour détourner le regard de la réalité.

Mais n’est pas là, précisément, ce que le Christ reprochait aux pharisiens ?

« Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt ».
(Matthieu 23, 5)

La tentation identitaire ou la tentation de l’idolâtrie

Le débat lancé par le livre d’Erwan Le Morhedec Identitaires : Le mauvais génie du christianisme, a pu surprendre un certain nombre de chrétiens et d’observateurs pour qui le mot même d’identitaire n’évoque rien de précis.

De fait la tendance identitaire est davantage présente sur les réseaux sociaux c’est-à-dire dans un univers encore largement parallèle au monde ecclésial et institutionnel classique. Certaines générations et certains milieux n’ont pas le réflexe de surfer sur Internet et les débats sur la tentation identitaire leur paraissent étranges et leur sont largement étrangers.

Pourtant la tentation identitaire décrite par Erwan Le Morhedec est loin d’être une chimère. C’est au contraire la résurgence d’une vieille tentation qui était celle de l’Action française : annexer la foi catholique et l’instrumentaliser au service d’ambitions politiques mondaines. C’était le fameux slogan « Politique d’abord ». D’où la condamnation de l’Action française par Rome et le tombereau d’insultes et de haines que les militants de l’Action française qui, déjà, se prétendaient plus catholiques que le pape ont déversé sur Pie XI.

La tentation identitaire est réelle mais pas nouvelle. Il s’agit de nier la volonté de Dieu, son projet de rédemption pour l’humanité et le salut apporté par Jésus Christ à tout homme pourvu qu’il accepte de convertir son cœur en profondeur pour que Dieu puisse, comme le disait le prophète Ezéchiel, remplacer les cœurs de pierre par des cœurs de chair (Ezéchiel 36, 25-26).

C’est une manière de remodeler Dieu à notre image et donc de lui substituer une idole. La tentation identitaire qui plane sur certains catholiques n’est pas autre chose que la bonne vieille tentation de l’idolâtrie qui travaillait déjà le peuple d’Israël et dont l’Ancien testament fournit tant d’exemples. Rien de nouveau sous le soleil donc.

Mais il est impossible de comprendre la résurgence d’une telle tendance aujourd’hui dans l’Eglise de France – car l’Eglise c’est l’ensemble des baptisés et pas seulement le clergé – si l’on ne tient pas compte de la déchéance de l’autorité morale et spirituelle de l’épiscopat français depuis les années 1970.

La responsabilité de l’épiscopat dans la dérive identitaire

La perte de confiance du peuple catholique dans ses pasteurs date en effet des années 1970 et la fracture n’a jamais été résorbée depuis. Au cours de ces années l’épiscopat et le clergé français avaient pris prétexte de Vatican II pour justifier leurs propres fantaisies (pastorales théologiques, liturgiques et morales) et in fine leur propre apostasie. Depuis, et sous l’influence de Jean-Paul II notamment, l’épiscopat français est revenu dans les clous mais ce dernier n’a jamais reconquis depuis la confiance qu’il avait perdue. Les bergers ont perdu la confiance de leur troupeau.

Certes tout le clergé et tout l’épiscopat français n’ont pas dérapé dans les années 1970 mais une bonne partie. Pas tous heureusement. Mgr Maxime Charles à la Basilique du Sacré Cœur de Montmartre a formé, entre autres, Jean-Marie Lustiger et le père Gitton. Il a surtout œuvré pour la formation spirituelle des laïcs (adoration du saint sacrement, étude théologique et biblique) afin de les rendre adultes spirituellement… et donc les vacciner contre les mauvais pasteurs.

Mais il leur a aussi confié la responsabilité de la revue Résurrection. C’est à son école qu’a été formée l’équipe française de Communio : Rémi Brague, Jean-Luc Marion, Jean Duchesne, le père Jean-Robert Armogathe, le cardinal Philippe Barbarin etc. Il travaillait en bonne intelligence avec le père Louis Bouyer et était dans la droite ligne de Karol Wojtyla et Joseph Ratzinger.

Il avait pourtant l’habitude de dire : « Dans le domaine politique les évêques français ont reçu une grâce spéciale, une sorte d’infaillibilité qui impose aux laïcs de devoir toujours prendre très au sérieux leurs déclarations et leurs prises de position…car c’est toujours le contraire de ce qu’ils préconisent qui est vrai ».

Des notables plutôt que des pasteurs

La pusillanimité de l’épiscopat est à l’origine de sa démission. Partout où l’on attendrait que les successeurs des apôtres désignés pour être les pasteurs du troupeau soient à l’avant-garde du témoignage et des exemples de courage on les retrouve aux abonnés absents.

Toujours dans le sens du vent, jamais à contre-courant, en décalage permanent avec les attentes et les besoins du peuple chrétien la plupart de nos évêques ont des réflexes de notables plutôt que de pasteurs. Pire, ils maltraitent les prêtres qui agissent en vrais pasteurs : quand on pense que le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine a été refusé à la Chapelle de la rue du Bac, officiellement parce que l’engouement que suscitait sa venue a « inquiété » en haut-lieu…. Bien sûr on pourra opposer quelques exemples d’évêques courageux. Bien sûr il y avait Jean-Marie Lustiger, bien sûr il y a encore Philippe Barbarin, Dominique Rey ou Jean-Pierre Cattenoz. Bien sûr il existe des poissons volants mais, objectivement, ce n’est pas la majorité de l’espèce !

Cette lâcheté molle explique qu’ils limitent leurs discours à l’accueil de l’immigré musulman tout en s’abstenant de lui proposer l’évangile et la Bonne nouvelle. L’évangélisation de nos frères musulmans est le fait d’initiatives isolées (la communauté Eïn Karem, Anuncio) mais ne fait pas partie de la priorité de l’épiscopat. De même la défense de la vie est le combat d’Alliance Vita ou de la Fondation Jérôme Lejeune.

Mais le pire c’est sans doute le refus obstiné de dénoncer les méfaits du capitalisme et de l’exploitation de l’homme par l’homme au nom du dieu Argent dès lors que ces méfaits sont organisés par et dans le cadre de l’Union européenne. L’explication, inavouée et inavouable, est pourtant simple : la Communauté européenne a initialement été créée par des chrétiens authentiques (Alcide de Gasperi ou Robert Schuman) et nos évêques ont toujours encensé la construction européenne quelle qu’en aient été  l’orientation et l’évolution. La peur de se dédire pèse plus lourd que l’option préférentielle pour les pauvres quand il s’agit de l’Europe….

Conséquence logique de cette désertion des pasteurs, le troupeau perd confiance, se disperse ou se rebelle. La tentation identitaire relève de la rébellion contre ceux qui disent mais ne font pas et qui décrédibilisent ainsi tout ce qui sort de leur bouche.

Or, c’est là le drame car ce qu’ils doivent transmettre ce n’est ni plus ni moins que la Parole de Dieu.

La tentation identitaire : faire la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou pas.

Tout croyant est en effet exposé en permanence au risque de réduire Dieu et sa parole à ce qu’il en comprend, à ce qu’il croit en comprendre et surtout à ce qu’il veut en comprendre. Entre l’autosuggestion et le mensonge délibéré la frontière est souvent floue. C’est là que resurgit la tentation identitaire.

Aucun d’entre nous ne veut spontanément entendre que la foi chrétienne est la foi en un Dieu tout-puissant qui a décidé d’avoir besoin de nous pour réaliser le salut de l’humanité.

Tous nous lui préférerions un Dieu musulman qui nous commanderait d’utiliser la force que nous avons spontanément envie d’utiliser.

Tous nous regrettons au fond de nous-mêmes de ne pouvoir exalter notre propre volonté de puissance, sous couvert de faire la volonté de Dieu.

Tous nous préférerions spontanément que la volonté de Dieu se glisse dans le moule de l’identité nationale que nous avons héritée de l’histoire et qu’elle s’identifie à la somme des habitudes de nos familles et de nos milieux. Tous nous préférerions dire à Dieu « que notre volonté soit faite » plutôt que « ta volonté soit faite ».

Tous, moi y compris, préférerions enrôler Dieu derrière notre bannière à l’image de la Wehrmacht qui avait fait graver sur la boucle de ceinturon de ses soldats : « Gott mit uns » (« Dieu avec nous »).

Spontanément je partage cette aspiration et je la comprends puisque je l’éprouve.

Mais c’est également pour cette raison que je peux confesser qu’il s’agit d’une tentation et que, comme toute tentation, elle doit être combattue.

Parce que c’est une tentation c’est une trahison de la volonté de Dieu telle qu’elle nous est révélée dans la Bible et surtout dans la personne de Jésus Christ qui est Dieu fait homme. Nul homme ne peut décemment le contester à moins de se prendre pour Dieu et/ou de contester que Jésus Christ soit vrai homme et vrai Dieu. Ces considérations théologiques sont souvent très étrangères aux identitaires mais si ces considérations leur sont étrangères c’est parce qu’au fond ils n’en ont rien à faire.

Notre fidélité au Christ est toujours partielle et n’est jamais acquise. La conversion de notre cœur est à la fois une activité à plein temps et une activité de chaque instant puisque nous sommes soumis en permanence à la force d’attraction terrestre du Prince de ce monde et que la lutte pour s’arracher définitivement de son orbite ne prendra fin qu’à la dernière seconde de notre dernière heure. Quand on cherche à convertir au Christ son cœur, sa volonté et son esprit, on découvre ce qu’est le mouvement perpétuel…

L’amour du prochain n’est pas la solidarité ethnique

Il est parfaitement légitime de vouloir restreindre la pompe aspirante de l’immigration dans un pays comme la France qui ne parvient déjà plus à garantir la sécurité de son territoire et la prospérité de son peuple. L’immigration de masse n’est pas un phénomène spontané : c’est parfois une arme géopolitique et le plus souvent un phénomène organisé au bénéfice d’un petit nombre d’intérêts économiques. C’est un phénomène organisé mais pas en vue du bien commun. Tarir les flux est une opération de charité universelle tant pour les immigrés que pour les Français. Pour cela il faut réhabiliter l’Etat et ses prérogatives régaliennes.

Tarir le flux est une chose mais que fait-on du stock ? Que faire de tous ces immigrés qui vivent et travaillent déjà chez nous ? Que faire de ces réfugiés qui ne peuvent pas rentrer chez eux sous peine de se faire massacrer ou exploiter ?

Certains identitaires, que l’on n’avait jamais entendus sur les questions de pauvreté et de précarité sociale, se sont récemment signalés médiatiquement en versant des larmes de crocodiles sur le sort de SDF français négligés au profit de réfugiés de fraîche date.

Mais la comparaison est fausse parce que faussée et donc mensongère. Le problème des SDF est beaucoup plus complexe qu’un problème de logement. Le problème est plus profond : il s’agit de gens tellement désocialisés qu’ils ont perdu le contact même avec leurs familles. Ce n’est pas des associations ou, pire encore, des administrations qui ont les moyens de résoudre en profondeur de tels drames humains. A l’inverse aider matériellement des familles est davantage à leur portée. La tentative de mise en concurrence des SDF et des familles de réfugiés vise à comparer deux réalités qui ne sont pas comparables.

Mais surtout elle trahit une conception faussement chrétienne et vraiment païenne de la solidarité car aimer son prochain c’est aimer celui qui est nous est proche, pas celui dont on se sent proche. C’est choisir de chercher à aimer celui que l’Esprit saint a placé sur notre chemin, pas suivre nos affinités électives.

« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même? » (Matthieu 5, 46)

Aimer son prochain c’est aimer celui que Dieu a placé sur notre chemin, pas celui qu’on aurait spontanément choisi.

Aimer son prochain comme Dieu nous aime, c’est aimer autrui non parce qu’il le mérite – je ne mérite pas l’amour de Dieu – mais aimer l’autre parce qu’il en a besoin.

Aimer comme Dieu aime c’est prendre l’initiative d’aimer.

Sinon il ne s’agit pas de l’amour de Dieu mais de nos propres affinités et nous n’agissons pas conformément à la volonté de Dieu mais conformément à la nôtre. Dans la prière du Notre Père que le Christ nous a apprise on dit au Seigneur « que ta volonté soit faite »et non pas « que ma volonté soit faite ».

Tel est le cœur de la foi chrétienne : un Dieu d’amour qui par amour a accepté de se faire crucifier pour nous et pour nous sauver. Il s’appelle Jésus Christ et les chrétiens n’en ont pas d’autres.

« Nous, nous prêchons Christ crucifié; scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs » (1 Corinthiens 1, 23-24)

On comprend que les identitaires païens comme Alain de Benoist s’adressent aux chrétiens qu’ils veulent rallier en commençant par leur dire : « Mettons de côté ce qui nous sépare ».

Le Christ est notre seule identité

Il est absolument vital pour annoncer l’évangile à nos compatriotes et à nos contemporains de ne pas assimiler la société française actuelle au christianisme.

C’est pour cela qu’il est non seulement faux de soutenir que la France est une terre chrétienne alors que 90% de la population est composé d’athées, d’agnostiques ou de musulmans mais il est encore plus faux de soutenir que nos mœurs sont chrétiennes.

Les mœurs françaises contemporaines reposent sur un déni de réalité et donc un mensonge : la négation du péché originel. Cela consiste à ne pas vouloir admettre que le mal jaillit d’abord du cœur de l’homme et que c’est seulement ensuite qu’il se matérialise sous la forme de l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’égoïsme consumériste, de l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, du trafic des migrants, de la mise à mort des plus faibles (enfants à naître, personnes âgées), de la marchandisation du corps des plus pauvres (trafic d’organes, GPA-PMA), du saccage de l’environnement et du cadre de vie de nos descendants pour la jouissance de quelques-uns. Ce refus d’admettre la rélité du péché originel est un déni de réalité également partagé par les post-modernes et par les identitaires.

La vérité c’est que nos mœurs collectives ne sont pas chrétiennes parce qu’elles sont marquées du sceau du péché à l’échelle individuelle et collective. Pour que la France change de mœurs il faut qu’un maximum de Français change leurs cœurs pour tarir la source du mal.

Pour cela il faut se convertir au Christ : accueillir son amour, confesser nos péchés et marcher à sa suite en obéissant à son commandement d’amour avec la certitude qu’en cherchant d’abord le royaume et la justice de Dieu tous les biens que nous pouvons espérer ici bas nous serons donnés de surcroît (Matthieu 6, 33).

Or, en soutenant que la France est encore chrétienne, les identitaires signifient implicitement qu’il est inutile d’évangéliser la majorité des Français qui ne sont pas chrétiens et d’appeler à la conversion la petite minorité de ceux qui sont censés l’être.

Dans le livre-entretien intitulé Le sel de la terre, le cardinal Joseph Ratzinger expliquait au journaliste qui l’interrogeait que le temps d’une chrétienté où l’Eglise était l’épicentre de la société européenne était définitivement révolu et que l’avenir du christianisme en Europe passerait de plus en plus par des foyers spirituels à fort rayonnement situés dans les grandes villes…comme il en était au début du christianisme.

En ce sens il prédisait un retour aux sources et un appel à la réévangélisation de l’Europe. Un peu à l’image de ces moins irlandais qui, fraîchement convertis par saint Patrick, se sont répandus dans toute l’Europe continentale pour réévangéliser un continent entièrement ravagé par l’arianisme.

Au fond c’est normal puisque le Christ est notre seule identité, lui qui est « la voie, la vérité et la vie »(Jean 14, 6).

A tous ceux qui accusent le pape François de cécité volontaire

À tous ceux qui s’offusquent que le pape François refuse de revêtir l’armure d’un chef de guerre pour répondre aux provocations de Daesh qui lui déclare « Nous faisons une guerre de religion et nous vous haïssons » je souhaite rappeler que leurs reproches sont exactement ceux que les Juifs pieux de son époque avaient fait à Jésus Christ quand il leur a dit que son royaume n’était pas de ce monde et qu’il ne serait pas le messie politique qu’ils attendaient. Au nom de quoi pourrait-on reprocher au Vicaire du Christ sur terre de prendre exemple sur le Christ ?

À tous ceux qui croient (sincèrement ?) que le pape François cherche à favoriser la progression de l’islam et délaisser les chrétiens d’Orient (si, si je l’ai déjà lu !) je souhaite rappeler qu’il est le premier pape qui ait dit que la guerre pour protéger les chrétiens d’Orient relevait de la guerre juste.

À tous ceux qui veulent croire que le pape François serait aveuglé par une idéologie de bisounours et qu’il pratique la politique de l’autruche je souhaite rappeler que, s’il refuse, de coller l’étiquette islamique (ou musulmane suivant les traductions) à la violence de Daesh c’est pour éviter d’attribuer cette violence à l’ensemble des musulmans, ce qui est l’objectif même de Daesh. En parlant comme il le fait le pape François refuse précisément d’accorder à Daesh ce qu’il veut et donc de faire son jeu. C’est lui qui est lucide et non ses détracteurs au sein de l’Eglise.

À tous ceux qui veulent croire qu’en refusant d’employer l’expression “violence musulmane” au même titre que l’expression “violence catholique” il conteste que la violence et les pulsions meurtrières proscrites par l’Evangile sont prescrites par le Coran je souhaite rappeler que le pape François n’a fait que rappeler que le mal tire ses racines du cœur de l’homme, musulman ou chrétien.

La tentation c’est de croire que la ligne de partage entre le bien et le mal passe par les clivages religieux alors qu’elle passe par le cœur de chacun. C’est induire en erreur et jouer la politique du pire que d’assimiler la violence à l’ensemble des musulmans : d’abord parce que tous les musulmans ne règlent pas leur vie d’après le Coran (et heureusement) et ensuite parce que cela détourne notre attention des violences ponctuelles et structurelles que des chrétiens (nous) ou des post-chrétiens peuvent commettre au sein de nos sociétés occidentales et sous couvert de démocratie.

A tous ceux qui s’offusquent que le pape François ait créé un  dicastère pour le service du développement humain intégral et qu’il ait annoncé qu’il suivrait personnellement la question des migrants j’aimerais rappeler que les questions migratoires sont des questions mondiales et ne concernent pas plus l’Europe que d’autres continents.

Les migrations internes à l’Afrique sont plus importantes que celles de l’Afrique vers l’Europe, les migrations vers et à l’intérieur du continent américain également. Sans compter les migrations massives des plus pauvres vers les pays du Golfe (Pakistanais, Philippins, Indiens, Palestiniens etc.) et surtout les migrations au sein du continent asiatique.

J’aimerais également rappeler que le pape François, comme son prédécesseur Benoît XVI, ne cherche pas à promouvoir les migrations mais se préoccupe du sort des migrants , ce qui est radicalement différent. Les migrants sont, par définition en position de fragilité et premières victimes de toutes les exploitations (mafias, passeurs, exploiteurs etc.). A partir du moment où l’on prétend défendre les plus fragiles (enfants à naître, handicapés, personnes âgées) au nom de la dignité humaine il serait incohérent de ne pas se préoccuper du sort des victimes des guerres ou de l’exploitation de l’homme par l’homme. Pas si l’on pense que tout homme est une histoire sacrée parce qu’il est à l’image de Dieu. Pas du point de vue chrétien.

A tous ceux qui accusent le pape François de vouloir noyer l’Europe sous des masses migratoires et parachever son déclin je voudrais rappeler que le pape François n’a ni le mandat, ni le moyen de se substituer aux Etats-nations défaillants qui ont renoncé à veiller au bien de leurs peuples en renonçant à exercer leurs prérogatives régaliennes.

Je me permets donc de les inciter fortement à voter aux prochaines élections pour le parti souverainiste le plus susceptible de l’emporter et de foutre la paix à ce pape argentin qui n’est pour rien dans la trahison de nos élites et la décadence programmée depuis plus de 40 ans de notre société.

A tous ceux qui accusent le pape François de cécité volontaire, je souhaite les inviter à lire ce que le pape à réellement dit et non pas à lui attribuer la responsabilité de propos qu’il n’a jamais tenus et qui ne sont que les projections de leurs propres peurs et de leurs propres angoisses.

A tous ceux qui sincèrement ne comprennent pas certains propos et certaines prises de position du pape, je souhaite suggérer qu’il serait peut-être plus charitable et surtout plus prudent de lui faire le crédit d’être à la fois mieux formé et mieux informé qu’eux et de supposer qu’il sait ce qu’il fait quand bien même eux ne le comprennent pas.

Cela suppose au minimum de lui accorder la présomption d’innocence ce qui pour un catholique – c’est-à-dire quelqu’un qui croit que le pape bénéficie d’une assistance spéciale de l’Esprit saint (y compris en-dehors des cas très rares où joue l’infaillibilité pontificale) – est quand même le minimum syndical.

Mais cela suppose également d’aller plus loin en adoptant dans notre cœur le parti pris de la bienveillance c’est-à-dire de l’amour du prochain. Ce qui, pour un chrétien, est le minimum syndical.

Car si l’on veut vraiment comprendre quelqu’un, il faut commencer par l’aimer.

Le Coran, les musulmans et nous

Pour renvoyer dos-à-dos le christianisme et l’islam, ceux qui n’ont plus que la mauvaise foi en guise de foi, font remarquer que les guerres de religion et les croisades des chrétiens valent bien la guerre sainte et les attentats islamistes des musulmans. Fermez le ban !

Ils se contentent alors de décrier LES religions qui empièteraient sur l’espace publique et menaceraient la liberté des incroyants et des athées au lieu de décrire LA religion au sein de laquelle on trouve des gens qui menacent effectivement la liberté des autres : l’islam.

La première façon de répondre à ces arguments hystériques c’est d’opposer des arguments historiques : les guerres de religion en Europe étaient mues par des causes politiques qui prenaient prétexte de divergences théologiques contrairement aux jihadistes actuels qui pour des raisons théologiques veulent détruire les réalités politiques qui ne leur conviennent pas (Etats laïcs).

Les croisades sont des réponses ponctuelles à l’occupation de Jérusalem par les musulmans et l’interdiction faite aux chrétiens de s’y rendre en pèlerinage. Le but des différentes expéditions était de libérer Jérusalem, pas de convertir les musulmans par la force.

Mais la meilleure façon de répondre à ces arguments c’est de faire un petit rappel théologique.

Certes les chrétiens ne se comportent pas nécessairement bien et utilisent parfois les mêmes procédés que ceux qu’ils reprochent aux musulmans mais quand ils adoptent de tels comportements, ce sont des comportements que l’Evangile proscrit mais que le Coran prescrit. Toute la différence est là !

1/ Le Coran est le cœur du problème

Comme dit Gaspard Proust, un chrétien intégriste qui applique le Nouveau Testament à la lettre, c’est un mec qui se met à embrasser tout le monde dans la rue ! On peut reprocher aux intégristes chrétiens de ne pas aimer assez leur prochain mais dans ce cas on leur reproche de ne pas être assez chrétiens.

A l’inverse un musulman qui cherche à être cohérent avec le Coran est celui qui ne renonce au jihad que temporairement et pour des raisons tactiques.

Un musulman qui cherche à être cohérent avec le Coran ne tolère les juifs et les chrétiens qu’en tant que citoyens de seconde classe (dhimmis).

Un musulmans cohérent avec le Coran cherche à convertir les autres  sous la menace de leur ôter la vie.

Un musulmans conforme au Coran punit de mort ceux qui quittent l’islam.

Un musulman selon le Coran conteste aux femmes (c’est-à-dire à plus de la moitié de l’humanité !) les droits qui découlent de leur dignité intrinsèque.

Un musulman qui veut vivre conformément au Coran cherche à imposer la charia dans l’espace public.

Les musulmans que nous considérons comme modérés, il les considère comme modérément musulmans.

Les musulmans que nous considérons comme ouverts et tolérants, il les considère lui comme des traîtres et des apostats.

Les musulmans que nous considérons comme bons, il considère que ce ne sont pas de bons musulmans.

C’est d’ailleurs la masse des musulmans indécis qui est l’enjeu de la stratégie de Daesh : il veut cliver l’ensemble des musulmans contre l’ensemble des non-musulmans et spécifiquement des juifs et des chrétiens. Il veut obliger tous les musulmans à choisir leur camp.

C’est pour cela que le pape François fait tout ce qu’il peut pour ne pas entrer dans son jeu et qu’il refuse de se positionner contre le monde musulman. Nulle naïveté chez lui. Il est mieux informé de la réalité du monde musulman et de la situation des chrétiens d’Orient que tous ses détracteurs qui, contrairement à lui, ne disposent pas du réseau de renseignement incomparable que constituent la structure de l’Eglise catholique et les services du Vatican. Simplement on ne donne pas à satisfaction à son adversaire en lui accordant l’effet qu’il cherche à obtenir.

Car si Daesh cherche à enrôler l’ensemble des musulmans derrière sa bannière c’est précisément parce que tous les musulmans ne règlent pas spontanément leur vie sur les prescriptions du Coran. Ou qu’ils en prennent et qu’ils en laissent. Les partisans de Daesh, les salafistes, les Frères musulmans et les barbus de tout poil veulent substituer à ce Coran alternatif un Coran authentique et intègre.

La seule chose qui soit rassurante c’est que, alors que les chrétiens ne sont jamais vraiment à la hauteur des exigences de l’Evangile, il existe des musulmans qui valent mieux que le Coran.

2/ Les musulmans sont nos frères et nous avons le devoir de leur annoncer la Bonne nouvelle

C’est donc à eux que nous, chrétiens, sommes tenus d’annoncer cette  bonne et étonnante nouvelle : Dieu nous aime et nous l’a prouvé !

C’est à nous chrétiens de le faire parce que personne ne le fera à notre place.

C’est à nous chrétiens de le faire sans attendre d’avoir le feu vert de l’épiscopat qui aurait dû en faire une de ses priorités explicites depuis le début des années 1980 et qui ne le fait toujours pas : après tout l’Eglise c’est d’abord l’ensemble des baptisés et pas d’abord une structure hiérarchique par moment plus démissionnaire que missionnaire…

C’est à nous chrétiens de nous adresser en priorité aux musulmans que nous croisons (collègues de travail), que nous fréquentons (amis) ou que nous ne connaissons pas encore (forums sur Internet) pour leur annoncer que Dieu est bien plus merveilleux que l’idée même qu’ils s’en faisaient.

Que si le Coran est le cœur d’une religion créée par l’homme pour l’homme – d’où le traitement qu’il réserve à la femme – l’Evangile est le recueil de quatre témoins distincts qui rendent compte d’un événement inouï (et non pas d’une théorie), d’une preuve d’amour tellement inouïe qu’elle ne pouvait venir que de Dieu.

Qu’Il est amour et non pas soumission (islam en arabe).

Qu’Il a renoncé à Sa seigneurie suprême pour faire le premier pas vers nous et nous sauver non seulement collectivement mais individuellement.

Qu’Il nous a aimés jusqu’à souffrir pour nous et par nous.

Qu’Il nous a prouvé que c’était bien Lui (et non un remplaçant de dernière minute) en ressuscitant.

Que c’est Lui qui aime chacun d’entre nous individuellement alors même qu’aucun d’entre nous n’est très aimable.

Qu’Il veut nous sauver alors que nous ne le et ne Le méritons pas.

Qu’Il est tout-puissant mais que, contrairement à l’homme, il manifeste d’abord sa puissance dans l’amour et non dans la domination.

Que c’est Lui qui accorde à l’homme et à la femme une dignité égale parce qu’elle découle de leur même nature.

Qu’Il respecte notre conscience parce qu’Il attend de nous un acquiescement libre et éclairé et non concédé dans la peur du châtiment.

Qu’Il dépasse complètement notre entendement mais qu’Il se laisse approcher par notre raison.

Qu’Il veut notre bien et non le respect formel d’une loi.

Qu’Il veut que nous l’accueillions de tout notre cœur et non que nous le confessions du bout des lèvres.

Qu’Il nous aime même si nous ne le connaissons pas encore.

Qu’Il il nous aimera jusqu’au bout, même si nous refusons de Le reconnaître pour l’instant.

Qu’Il il nous aimera jusqu’au bout, jusqu’au moment où nous prendrons la décision ultime, ici ou au-delà, de consentir à Son amour ou de le rejeter pour toujours.

Qu’Il nous aime infiniment et que Sa volonté c’est que nous apprenions à L’ aimer et à nous aimer.

Qu’Il nous veut libres, conscients et heureux pour que nous choisissions de vivre l’éternité à Ses côtés.

Confesser les fautes du passé ?

“C’est marrant, t’es catho et pourtant t’es sympa !”. Cette phrase, prononcée avec candeur, m’a déjà transpercé le cœur à plusieurs reprises alors que, au détour d’une conversation du lundi matin sur l’activité du week-end, je mentionnais à mes interlocuteurs que j’étais allé à la messe dominicale.

Cette remarque m’a révélé l’image que la plupart de nos contemporains ont des catholiques – c’est-à-dire de l’Eglise – et par extension la méfiance qu’ils nourrissent envers tout ce qu’elle est susceptible de dire.

C’est l’une des raisons pour laquelle les catholiques ont beaucoup plus de mal à témoigner de Jésus Christ que nos frères évangéliques. Ils n’ont pas à porter le fardeau du passé. Du moins en France où l’alliance du sabre et du goupillon n’est toujours pas passée dans l’inconscient collectif. Aux Etats-Unis où l’Eglise catholique a toujours été du côté des pauvres et des immigrants son image est bien meilleure et ce sont les pentecôtistes anglo-saxons qui incarnent la religion officielle et aliénante. On paye toujours pour les fautes des autres générations.

1/ Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées

Indépendamment des faiblesses que l’on peut reprocher aux fidèles catholiques eux-mêmes, comme le manque de formation théologique et scripturaire ou même la trop faible vie de prière et d’intimité personnelle avec le Christ, le fait est que qu’il leur est très difficile de témoigner car ils portent sur leurs épaules le poids d’un passé qui ne passe pas et dont ils ne sont pas responsables.

Nous avons tous fait l’expérience de situations où ce que nous voulions dire – notre foi en Jésus et notre joie d’être aimés et sauvés par lui – n’a même pas pu ne serait-ce qu’être entendu par nos interlocuteurs qui se sont précipités dans des réquisitoires plus ou moins enflammés et plus ou moins bien informés sur des épisodes de l’Eglise antérieurs à notre naissance (l’inquisition, les croisades, les guerres de religion…) ou indépendants de notre responsabilité (les prêtres pédophiles, les évêques qui les couvraient, la corruption au sein de la Curie, les liens entre la banque du Vatican et les mafias etc.).

Nous n’y étions pour rien et, en une fraction de secondes, nous nous sommes retrouvés dans le box des accusés. Nous étions sommés de nous justifier et de rendre des comptes sur des comportements passés qui n’étaient pas les nôtres et que nous désapprouvions. Notre présomption d’innocence était pulvérisée et nous devions porter la charge de la preuve.

Le sentiment d’injustice (“nous n’y sommes pour rien !”) et l’exaspération du “deux poids deux mesures” (jamais nos interlocuteurs ne se comporteraient ainsi vis-à-vis de musulmans) poussent parfois certains à vouloir justifier ce qui leur est injustement reproché et à désavouer ouvertement les manifestations officielles de repentance des papes successifs : de Jean-Paul II faisant officiellement repentance au seuil de l’an 2000 pour les fautes commises et/ou couvertes par l’Eglise pendant les siècles passés au pape François invitant les catholiques à l’examen de conscience sur leur attitude vis-à-vis des personnes homosexuelles et la nécessité de leur demander pardon quand ils les ont offensées.

“Marre de la repentance tous azimut” s’écrient certains. “La priorité n’est pas de battre sa coulpe et à l’heure où l’islam gonfle ses muscles et où les chrétiens d’Orient sont exterminés” disent d’autres.
Ces réactions sont parfaitement compréhensibles d’un point de vue humain mais, malheureusement, parfaitement inacceptables du point de vue du Christ tel qu’il nous est dévoilé dans les évangiles. Autrement dit c’est inacceptable d’un point de vue chrétien.

D’abord parce que le Christ lui-même ne nous laisse pas le choix : “Si donc, au moment de présenter ton offrande devant l’autel, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis tu reviendras présenter ton offrande” (Matthieu 5, 23-24).

Ensuite parce que le Christ nous a explicitement annoncé qu’il nous envoyait comme des agneaux au milieu des loups (Luc 10, 3).

Sans compter que cela reviendrait à donner raison à ceux qui pensent que les catholiques français n’ont pas changé depuis l’affaire Dreyfus et qu’ils préfèrent toujours une injustice à un désordre. Ou encore à affirmer avec Nicolas de Chamfort que la France est le pays où on laissait en paix les incendaires et où l’on poursuit ceux qui sonnent le tocsin. Contre-témoignage garanti.

2/ On paye pour les fautes d’autrui mais c’est d’abord l’annonce du Christ en pâtit

Il n’en reste pas moins vrai que le poids écrasant de l’histoire pèse sur l’épaule des catholiques d’aujourd’hui et limite grandement leurs possibilités de témoigner de leur foi.

C’est une réalité qui est décrite en termes imagés par un proverbe hébreu passé dans le vocabulaire courant (quoique de moins en moins courant en raison de l’illettrisme croissant de la société française mais ceci est un autre débat…) : “Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées” (Ezéchiel 18,2). En d’autres termes nous payons toujours pour les fautes des générations précédentes.

Pour d’évidentes raisons d’ordre chronologique nous ne sommes coupables ni de l’inquisition, ni des croisades, ni des guerres de religion et pourtant c’est souvent de cela que nous sommes sommés de nous justifier dès que nos interlocuteurs apprennent que nous sommes catholiques.

La tentation est grande de se braquer et de refuser de demander pardon. Demander pardon pour ses propres péchés est déjà une démarche éprouvante – nous l’expérimentons à chaque fois que nous nous confessons – mais alors demander pardon pour des péchés qui ne sont pas les nôtres !

Pourtant il est impératif que nous confessions ces péchés qui ne sont pas les nôtres pour assurer et rassurer nos interlocuteurs : oui ce sont bien des péchés et nous nous en désolidarisons au nom de notre conscience et, plus encore, en raison de notre attachement à Jésus Christ.

Les chrétiens sont en effet tenus d’annoncer un Dieu qui a accepté de payer de sa vie pour les péchés d’autrui. Jésus Christ, l’amour incarné conçu sans péché, n’a commis lui-même aucun péché et a racheté à Satan l’humanité qu’il retenait prisonnier en se laissant traiter comme le pire des pécheurs. Il l’a payé de sa personne au sens propre du terme. Il n’était pas tenu de souffrir pour nous sauver des conséquences de nos péchés.

“Il était méprisé, et nous n’avons fait aucun cas de sa valeur. Pourtant, en vérité, c’est de nos maladies qu’il s’est chargé, et ce sont nos souffrances qu’il a prises sur lui, alors que nous pensions que Dieu l’avait puni, frappé et humilié. Mais c’est pour nos péchés qu’il a été percé, c’est pour nos fautes qu’il a été brisé” (Esaïe 53, 3-5).

Les péchés d’hier ont été commis par nos pères et nous en payons le prix aujourd’hui mais c’est d’abord et surtout l’annonce du Christ qui en pâtit.
Si, en plus de cela, nous nous mettons au premier plan – soit comme avocat de nos pères, soit comme victimes injustes de reproches anachroniques – nous nous interposons nous mêmes entre le Christ et ceux auxquels nous prétendons l’annoncer.

Nous leur parlons de nous ou de nos aînés mais pas ou plus de celui qui est venu les sauver. Ce genre d’attitudes détourne nos interlocuteurs de l’essentiel : la mort et le résurrection de Jésus Christ. La bonne nouvelle c’est qu’“Il est lui-même une victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier” (1 Jean 2,2).

C’est pour cette raison que la pire réaction consiste à expliquer que les épisodes sombres de l’histoir des chrétiens sont “plus compliqués que ça” et qu’il faut les “replacer dans leur contexte historique” et ne pas les juger “avec notre mentalité d’aujourd’hui”.

Pourquoi ? Parce qu’à partir du moment où l’on chercher à atténuer l’horreur de la saint Barthélémy et de la responsabilité morale de ceux qui s’y sont livrés alors il n’y a plus aucune raison que nos interlocuteurs admettent l’horreur du massacre des innocents et encore moins l’ignominie de la mort sur la croix de l’Innocent par excellence. A ce compte là l’attitude Ponce Pilate était compréhensible au vu du contexte politique “très délicat”. Non ?

Mais le pire serait de refuser de demander pardon pour les fautes de nos aînés au nom d’une solidarité de groupe ecclésiale qui ne serait ordonnée ni à la vérité ni à la charité. Ce serait la quintessence du cléricalisme. Le message que l’on envoie inévitablement dans ces cas là c’est : “faites ce que je dis, pas ce que je fais” et ça ruine toute crédibilité. Or, la force du témoignage dépend très directement de la crédibilité des témoins.

3/ Triomphalisme hier, pharisaïsme aujourd’hui ?

Sans compter que nous serions bien avisés dès aujourd’hui de montrer l’exemple à nos descendants en demandant pardon pour les péchés de nos pères afin de montrer l’exemple à nos fils quand, demain, ils seront soméms de demander pardon pour les péchés que nous aurons commis c’est-à-dire…ceux que nous sommes en train de commettre actuellement.

Certes notre tendance n’est pas ou n’est plus au triomphalisme et à l’intolérance. Mais notre tentation actuelle ne serait-elle pas plutôt le pharisaïsme ? La tentation de vouloir mutiler l’évangile pour le tailler à notre mesure et éviter d’écouter ces appela à la conversion qui impliqueraient de remettre en question notre civilisation et nos choix de vie ?

Je pense notamment à la tendance, dans certains catégories socio-professionnelles appelées supérieures par les sociologues (les fameuses CSP+) à réduire les exigences de l’évangile à des questions de morale privée (refus de l’avortement, du mariage homosexuel, de la PMA-GPA) pour mieux occulter les questions de morale sociale.

En d’autres termes on défilera contre la loi Taubira au nom de la défense de la famille mais pas contre les lois qui organisent l’exploitation économique des salariés et détruisent la possibilité même d’une vie de famille (loi sur le travail du dimanche ou loi El Khomry).

Dans certaines familles catholiques, la tentation est permanente d’insister exclusivement sur les questions qui ne remettent pas en cause l’ordre économique et sociale dont leurs membres sont les premiers bénéficiaires…et les bénéficiaires de plus en plus exclusifs.

Par exemple quand, lors des réunions de famille, oncle Hubert qui travaille chez Total explique sur un ton mesuré que l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie à l’occidentale et que les dictateurs avec lesquels il fait des affaires sur place sont injustement vilipendés par une presse française qu’aveugle le politiquement correct.

De même quand le cousin Xavier qui achète et vend des dettes à Londres – il travaille dans la finance – explique avec enthousiasme que l’Angleterre a su renouer avec la croissance contrairement à la France et à ses rigidités archaïques (protection sociale, système de retraite, santé publique…) : qui viendrait lui opposer les mises en garde de Jésus sur l’amour de l’argent et la doctrine sociale de l’Eglise ?

Et quelle brute au cœur de pierre pourrait opposer quoi que ce soit à la grande sœur Ségolène, DRH chez Saint Frusquin – fleuron du luxe à la française – qui raconte toujours avec beaucoup d’émotion ses nuits blanches quand, le lendemain, elle doit annoncer leur licenciement à des salariés pour que l’entreprise reste compétitive face à la concurrence internationale et continue à faire des bénéfices ?

4/ Confesser les péchés des chrétiens pour révéler la sainteté de Dieu

Le principal obstacle à l’annonce du Christ c’est, aujourd’hui comme hier, notre propre péché et la forme qu’il prend aujourd’hui c’est moins la violence et l’intolérance de nos pères que l’ hypocrisie satisfaite de leurs fils.

Nous disons croire en Dieu mais au fond nous refusons de croire ce que Dieu nous dit et c’est pour cela que nous refusons de faire Sa volonté. Quand nous invoquons Sa volonté à Lui c’est, en fait, pour exalter la nôtre. Inévitablement on en vient à faire et à cautionner des choix existentiels et politiques qui sont radicalement incompatibles avec la volonté de Dieu telle qu’elle nous est dévoilée par le Christ dans l’Evangile. On remplace le culte que l’on doit à Dieu par le culte de la croissance. Pourtant la conversion du cœur n’est pas une option mais la voie étroite mais unique qui nous mène à Dieu et nous permet de réaliser notre vocation d’homme…

L’adhésion au Christ est toujours un choix personnel qui implique d’être prêt à accepter d’entrer dans une logique spirituelle qui n’est pas la nôtre et qui entraîne une métamorphose de notre être (sanctification). Comme tous les choix cela suppose de renoncer à un certains nombres de désirs et d’aspirations qui sont des aspirations mondaines.

Dieu prend ce qu’il y a de plus petit pour révéler sa puissance. Dieu fait tout pour nous mais rien sans nous. Il nous demande de l’aimer et d’aimer notre prochain, il nous demande de nous préoccuper d’abord du royaume de Dieu et de sa justice et nous promet que tout le reste nous sera donné de surcroît.

La seule question qui nous concerne est la suivante : allons-nous décider de le croire – et donc de le suivre – ou pas ? Ce n’est pas d’abord une question théorique ni même théologique mais un choix personnel et existentiel. Toute tentative pour esquiver ce choix est inspirée par le prince de ce monde.

A défaut de faire toujours le bon choix – nous tombons souvent et nous sommes appelés à nous relever tout le temps – il nous incombe de ne pas contrefaire la nature de ce choix. “Car celui qui est préoccupé de sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, la retrouvera” (Matthieu 16, 25).

Le Christ désarme complètement ceux qui prétendent le suivre. Ils doivent annoncer la paix et suivre un Dieu qui prend à rebrousse-poils leurs évidences et, parfois, leurs intérêts catégoriels immédiats. Le Dieu que nous annonçons et dans lequel nous avons mis notre espoir est un Dieu tellement bon qu’il a accepté de payer pour nos péchés et c’est lui que nous sommes invités à suivre.

Bien sûr notre fidélité au Christ est toujours partielle et n’est jamais acquise. La conversion de notre cœur est à la fois une activité à plein temps et une activité de chaque instant puisque nous sommes soumis en permanence à la force d’attraction terrestre du Prince de ce monde et que la lutte pour s’arracher définitivement à son orbite ne prendra fin qu’à la dernière seconde de notre dernière heure. Quand on cherche à convertir au Christ son cœur, sa volonté et son esprit, on découvre ce qu’est le mouvement perpétuel.

Mais pour en témoigner encore faut-il l’admettre et en tenir compte concrètement. Cela suppose, entre autre choses, de confesser les péchés des chrétiens pour révéler la sainteté de Dieu et ainsi dégager l’horizon de ceux auxquels nous nous adressons.

L’allergie au pape François est un révélateur des turpitudes de certains milieux catholiques

Quand le pape François fait le constat que la majorité des mariages catholiques ne sont pas valides il pose un diagnostic mais il ne modifie pas une virgule de la doctrine catholique. Pourtant il provoque des réactions hystériques chez un certain nombre de fidèles.

C’est plutôt curieux car, pourvu qu’on se donne la peine d’aller lire ce qu’il a effectivement déclaré et non les citations hors contexte voire carrément tronquées que l’on trouve sur la réacosphère, on constate que tout ce qu’il dit est dans la droite ligne de l’enseignement de l’Eglise sur le sacrement de mariage : le mariage est indissoluble dès lors qu’il est valide sacramentellement ce qui suppose que certaines conditions de validité soient réunies au préalable. C’est ce qui explique que dans certains cas l’Eglise reconnaisse a posteriori que certains mariages que l’on croyait valides ne l’étaient en fait pas. C’est ce qu’on appelle la reconnaissance de nullité de mariage (et non l’annulation du mariage).

Le constat qu’il fait sur l’état d’immaturité affective, psychologique et spirituelle de nombreux catholiques n’est malheureusement pas surprenant quand on se donne la peine d’ouvrir les yeux sur la réalité. Si tel n’était pas le cas nous n’aurions pas tous ces débats sur la question des divorcés-remariés. Rien de nouveau sur ce point.

Pourtant quand il dit tout haut ce que tout le monde constatait jusque là sans oser le dire à haute et intelligible voix, certains catholiques s’offusquent. D’autres expriment leurs réprobation en s’étonnant ouvertement.

Mais ce qui est étonnant n’est-ce pas plutôt l’allergie d’un certain nombre de catholiques à l’honnêteté du pape François ?

De même quand le pape François déclare « L’Église doit présenter ses excuses aux personnes gays qu’elle a offensées » il ne fait que rappeler l’évangile : il invite à la conversion ceux qui se sont comportés de manière non charitable envers les personnes homosexuelles et il s’inclut lui-même dans le lot. En revanche il ne change rien sur la position de l’Eglise à propos de l’homosexualité. En ce sens il n’a pas changé depuis qu’il a organisé l’opposition à la loi sur le mariage homosexuel en Argentine….

Pourtant certains catholiques se disent déstabilisés. Mais n’est-ce pas précisément leur réaction qui est déstabilisante ?

Qu’y a-t-il de déstabilisant à prêcher aux catholiques la conversion du cœur et du regard ? Qu’y a-t-il de déstabilisant à dire aux catholiques que s’ils ont blessé un frère ou une sœur ils doivent lui demander pardon ? Ce que dit le pape François correspond à l’esprit et la lettre même de l’évangile. Le lui reprocher quand on est adepte de la religion de l’amour c’est une contradiction manifeste et grotesque à la fois.

Mais c’est surtout l’indice que quelque chose ne tourne pas rond. Du moins dans certains milieux. Car les préventions contre le pape François sont loin d’être partagées par tous à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise….

1/ Les réactions hystériques d’une certaine frange de catholiques

Certain milieux catholiques s’acharnent à critiquer le pape au nom d’une identité catholique qu’ils confondent avec la somme des mauvaises habitudes, des partis pris et des préjugés qu’ils ont hérités de leur famille et de leur milieu. C’est cet héritage qu’ils assimilent au dépôt de la foi et qu’ils accusent le pape de vouloir brader.

Ils ne lui pardonnent pas de rappeler que la seule identité du chrétien est de suivre le Christ et que ça suppose très souvent de changer beaucoup de choses en soi et autour de soi…et donc de rompre avec les préjugés et les solidarités de son milieu d’origine.

Un certain nombre de catholiques par héritage refusent de devenir des chrétiens par choix. Ils font ce qu’on appelle en équitation un refus d’obstacle et tentent de faire passer leur raideur et leur dureté de cœur pour de la fidélité au magistère de l’Eglise.

D’où le paradoxe de ces catholiques qui se se réfèrent davantage à la pensée de Charles Maurras et de Pierre Gattaz qu’à celle des pères des Pères de l’Eglise et qui se veulent plus catholiques que le pape au point de prétendre lui donner des leçons de catholicisme. Quand ils ne l’accusent pas carrément de trahir le dépôt de la foi !

Sous prétexte de dénoncer les méfaits, bien réels, du clergé et de l’épiscopat français qui avaient pris prétexte de Vatican II pour justifier leurs propres fantaisies (pastorales théologiques, liturgiques et morales) et in fine leur propre apostasie, certains milieux catholiques veulent en faire porter la responsabilité à un pape argentin qui n’y est pour rien !

La contradiction manifeste entre ce qu’ils disent être – à savoir des catholiques qui se veulent fidèles à l’autorité de l’Eglise parce qu’elle est guidée par l’Esprit saint – et leur comportement de protestants – ils dénient au pape son autorité intellectuelles, spirituelle et morale – saute aux yeux de tous sauf d’eux-mêmes. Ils semblent les seuls à ne pas en être conscients.

Mais ce qu’il y a de plus absurde dans ce genre de comportements c’est qu’ils sont délibérément blessants et qu’ils ne reculent devant aucun procédé malhonnête et malveillant : insultes, calomnies, insinuations, citations tronquées ou citées hors contexte, accusations sans preuves… Toute la petite panoplie du manipulateur au complet (ou plutôt au complot).

Ces comportements prennent le contrepied de ce que le Christ nous a demandé (aimer notre prochain comme nous mêmes). Ceux qui utilisent de tels procédés refusent au pape François non seulement la présomption d’innocence mais surtout refusent d’adopter envers lui le parti pris de la bienveillance. Ce sont des contre-témoignages pour tous les non-chrétiens. Ils découragent les meilleurs volontés et font fuir les autres.

Une telle attitude traduit (trahit ?) chez ceux qui l’adoptent une malveillance profonde indissociable d’une forme d’orgueil consistant à se considérer, eux, comme le conseil d’administration de l’Eglise et le pape François comme un PDG d’entreprise qui devrait leur rendre régulièrement des comptes et surtout leur donner satisfaction.

Malheureusement pour eux l’Eglise a été voulue et conçue par le Christ et le pape désigné par l’Esprit saint. Ne pouvant le destituer ils se consolent en le mettant en cause, un peu comme quand Alain Juppé avait dit de Benoît XVI qu’il commençait « à poser un vrai problème » et qu’il vivait « dans une situation d’autisme total ».

2/ L’opposition au pape et le refus de l’évangile

Ce qui est reproché au pape c’est au fond de demander aux catholiques d’être fidèles à l’évangile .

Le pape François nous met en garde contre le risque ou plutôt contre la tentation de préférer défendre le contenant (la culture chrétienne) plutôt que de vivre de son contenu (le Christ).

Ce que certains catholiques lui reprochent c’est de leur rappeler que Jésus-Christ ne requiert pas des défenseurs mais qu’il recherche des témoins et ce n’est pas la même chose (sinon il aurait appelé des légions d’anges pour échapper à sa Passion).

Ce qui lui est reproché par certains athées pieux c’est de dire tout haut que les catholiques européens ne sont pas ici-bas pour rappeler à des masses ignorantes les beautés de l’art roman mais pour leur annoncer la bonne nouvelle de notre rédemption par Jésus-Christ en commençant par vivre eux-même en cohérence avec cette bonne nouvelle.

Certains le détestent parce qu’il leur rappelle qu’ils ont une mission : témoigner par leur vie et par la paroles que Dieu est un Dieu d’amour et que Lui seul peut combler l’aspiration fondamentale de l’être humain à être aimé (« Qui donc pourra combler les désirs de mon cœur, Répondre à ma demande d’un amour parfait ? Qui, sinon toi Seigneur, Dieu de toute bonté, Toi l’amour absolu de toute éternité »).

Ce qu’ils détestent par dessus tout c’est quand le pape François leur rappelle que cette responsabilité leur incombe aussi à eux en tant que baptisés, qu’ils ont un devoir d’exemplarité parce que la sainteté n’est pas une option qu’ils pourraient décider de ne pas prendre mais qu’elle est leur vocation unique, leur seule raison d’être ici bas et la condition de leur salut.

Certains le haïssent parce qu’ils ne veulent pas entendre que la foi chrétienne est la foi en un Dieu tout-puissant qui a décidé d’avoir besoin de nous pour réaliser le salut de l’humanité. Ils lui préféreraient un Dieu musulman qui leur commande d’utiliser la force.

Leur obsession de l’islam est le reflet de leur envie et l’expression de leur regret de ne pouvoir exalter leur propre volonté de puissance, à l’image de ces musulmans qui peuvent justifier leur volonté de dominer en invoquant le jihad et imposer, quand ils sont en position de force, le statut de dhimmis aux non-musulmans….

De même que l’amour rend intelligent, la malveillance rend aveugle. A force de vouloir faire dire au pape ce qu’il n’a pas dit, par exemple en l’accusant d’avoir dit que tous les mariages étaient nuls, les ennemis  du pape François se condamnent à ne rien comprendre.

Car en posant un diagnostic sans complaisance sur la réalité de certains mariages célébrés dans les formes, il pointait du doigt les conséquences de l’apostasie et du laxisme d’un certain nombre de responsables du clergé qui ont renoncé à éclairer les consciences en refusant de célébrer un mariage sacramentel quand les conditions de validité n’étaient pas réunies !

En refusant d’écouter ce que le pape dit réellement et en préférant le calomnier les catholiques qui aiment le détester se condamnent à la cécité volontaire.

L’hystérie que déclenchent chez certains le pape François ne nous dit rien de ce que fait ou pense le pape François mais il nous en apprend beaucoup sur l’état intérieur de ses détracteurs.

De ce point de vue là l’allergie au pape François est un bon révélateur des incohérences et des turpitudes de certains milieux catholiques. En un sens c’est une bonne nouvelle : les masques tombent !