La morale : nécessaire et dangereuse à la fois

Toute morale est à la fois nécessaire et dangereuse.

Elle est nécessaire pour que les hommes ne sombrent pas dans l’inhumanité la plus complète. Sans elle la vie collective serait régie par la loi du plus fort c’est-à-dire par l’arbitraire et la violence. Et la vie de chaque personne étant entièrement dominée par le péché, son humanité en serait encore plus dégradée.

Mais elle est également dangereuse parce que, fixant des objectifs à atteindre sans en donner les moyens, elle prédispose les meilleures volontés à se fourvoyer et à désespérer. Car la morale ne donne pas de mode d’emploi : elle ne se préoccupe pas de pédagogie et ne dit pas un traître mot sur la nécessité de faire du temps son allié.

En opposant le bien au mal de manière – nécessairement – binaire la morale induit souvent une confusion entre le souhaitable et le possible qui condamne les meilleures volontés à l’échec et au découragement. En ne précisant pas explicitement que le trajet qui mène à l’idéal est nécessairement jalonné de points d’étape, elle condamne les bonnes volontés à tourner en rond puis à culpabiliser de tourner en rond et enfin à renoncer pour – au moins – mettre un terme à leur culpabilité[1]. En fin elle est dangereuse parce qu’elle transforme facilement les cœurs purs en cœurs durs.

Néanmoins l’échelle abstraite du Bien et du Mal est absolument indispensable pour pouvoir identifier le moindre mal dans les situations contingentes.

La Tradition catholique est une boîte à outils mise à disposition de tous les hommes pour aider chacun à devenir plus humain en devenant plus aimant. L’idée est d’y piocher à volonté pour réussir sa vie, pour croître en amour et en vérité. Mais elle ne peut être utile qu’à ceux qui connaissent les outils qu’elle contient et qu’elle en connaisse leur destination. C’est là qu’interviennent l’exercice du discernement et le libre-arbitre.

C’est à chaque personne de choisir l’outil qu’elle va utiliser, l’usage qu’elle va en faire et quand elle va en faire usage. C’est à chacun de fixer ses propres priorités – fixer la bibliothèque au mur, visser la porte du placard pour ne plus qu’elle tombe – mais in fine rien ne remplace la vertu de prudence car si on ignore ce à quoi tel outil est destiné alors on le transforme en arme par destination. Toute vérité se transforme en effet en arme de destruction massive dès lors qu’elle n’est plus ordonnée à la Charité ou tout simplement quand elle n’est pas utilisée à bon escient.

La logique de la morale n’est pas forcément celle de la psychologie humaine et ce qui est moralement bien peut s’avérer dramatiquement inopportun et entraîner des conséquences tragiques. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

C’est peut-être ainsi qu’il faut comprendre les options pastorales du pape François qui désarçonnent et parfois scandalisent certains catholiques. Mais en cela le pape François est doublement conforme au Christ.

Il est d’abord conforme à l’enseignement du Christ et en cela il ne se distingue pas de Benoît XVI, de Jean-Paul II.

Mais il est également conforme à la pédagogie du Christ qui ne parlait jamais de morale à ses interlocuteurs et, en cela, il diffère de ses prédécesseurs.

Comme le Christ qui, déjà à l’époque, scandalisait les pharisiens et les prêtres il commence par manifester sa bienveillance pour eux en s’intéressant à eux, en leur posant des questions sur ce qu’ils vivent. Et ce n’est qu’une fois cette confiance établie qu’il peut leur annoncer que Dieu les attend et est patient, que la foi n’est pas un cahier des charges à remplir mais un pèlerinage à accomplir.

C’est cette approche qui en a mis beaucoup en route. Comme disait Michel Audiard : un con qui avance ira toujours plus loin que deux intellectuels assis. Le tout c’est de se mettre en route.

Le fait que le pape François soit désormais écouté (ce qui ne veut pas dire nécessairement  entendu) alors qu’il dit la même chose que ses prédécesseurs et que le parlement européen l’ait applaudi à plusieurs reprises y compris au moment où il dénonçait l’euthanasie et l’avortement est un signe que son approche est la bonne et qu’insister prioritairement sur la morale empêche de prêcher l’évangile.

La morale est nécessaire au même titre que le sommeil ou la respiration mais elle ne constitue pas la Bonne nouvelle du Christ. Le pape François a compris non seulement que la morale est nécessaire et dangereuse à la fois mais qu’elle peut être dangereuse pour l’annonce de la foi.

Les seules condamnations morales récurrentes dans la bouche du Christ sont la dénonciation de l’hypocrisie religieuse et de règne de l’argent. Ne nous plaignons donc pas que le pape François marche exactement dans ses pas et n’en dévie pas. Ne nous désolons pas qu’il soit davantage entendu à l’extérieur de l’Eglise que ses prédécesseurs. Rendons grâce.

[1]   Cf la définition du puritanisme par Oscar Wilde : « Le puritanisme n’empêche pas de pécher il empêche seulement de prendre du plaisir à pécher ».

7 réflexions sur « La morale : nécessaire et dangereuse à la fois »

  1. Gros GROS désaccord sur votre billet, qui me semble confondre allègrement la morale et la loi. Une morale des vertus désamorce tous les reproches que vous faites à la morale d’obligation.

    « dangereuse parce que, fixant des objectifs à atteindre sans en donner les moyens »
    « ne dit pas un traître mot sur la nécessité de faire du temps son allié »
    => La morale vu comme développement des vertus (i.e. disposition acquise et stable de la personne au bien) ne tombe pas dans les écueils que vous citez : de même que c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en posant des actes bons, librement, que l’on acquiert, avec le temps, une meilleure disposition à faire le bien. Il est illusoire de vouloir être tout à coup Mère Teresa. Il y a beaucoup d’efforts vers le bien qui ont précédé, chez le P. Koble, le don de sa vie.

    « l’échelle abstraite du Bien et du Mal est absolument indispensable »
    => Le bien et le mal n’ont rien d’abstrait ! Le problème du pécheur n’est pas dans le passage de l’abstrait au concret, du général au particulier. Il est dans le fait que je vois le bien et pourtant je ne le fais pas, je n’y engage pas ma liberté.

    « La logique de la morale n’est pas forcément celle de la psychologie humaine »
    Au contraire ! Je dois bien entendu prendre en compte, dans mon discernement, mes limites et blessures. En revanche, il est très difficile (y compris pour soi-même) de dire la ‘limite’ entre psychologie et volonté, d’affirmer « jusque-là j’étais libre, ensuite je ne l’étais plus ». Plutôt que d’en éprouver de la culpabilité, se laisser accueillir par le Christ qui ne veut pas simplement absoudre les péchés, mais guérir intégralement l’homme..

    « La morale est nécessaire au même titre que le sommeil ou la respiration mais elle ne constitue pas la Bonne nouvelle du Christ. »
    Ben tiens. Au hasard, le Christ n’a pas causé des commandements, disant précisément que les 2 seuls commandements étaient l’amour ? De Dieu et du prochain, non pas par exclusion des autres commandements, mais parce qu’ils les incluent ?

    C’est précisément en cela que votre article manque sa perspective sur une morale réellement chrétienne : développer un agir moral n’est rien d’autre que d’apprendre à voir et aimer le bien.

  2. Vous faites d’entrée de jeu une distinction entre morale des vertus et morale d’obligation que j’avoue ne pas très bien comprendre… mais c’est sans aucun doute dû à mon ignorance.

    Cependant le risque de prêcher une morale contre-productive existe bel et bien : pensez à l’effet répulsif de ce que l’on a appelé la « morale victorienne » au XIXème siècle en Angleterre.

    De même le risque inhérent à tout discours moral est connu : c’est le risque du pharisaïsme ou du rigorisme qui finit par faire fuir les meilleures volontés.

    Que les pharisiens soient sincères ou hypocrites importe peu dès lors que les objectifs à atteindre sont hors d’atteinte de ceux auxquels on s’adresse.

    C’est justement ce que le Christ leur a reproché avec la plus extrême violence tout au long des évangiles. C’est précisément ce qu’il ne faisait pas à chaque fois qu’il allait à la rencontre d’un pécheur notoire.

    Tous ceux qui font quotidiennement l’expérience de l’esclavage que constitue l’addiction me comprendront (addiction à l’alcool, à la cigarette, à la drogue, à la pornographie, au sport, à l’adrénaline, à l’excitation que leur procurent le pouvoir, l’argent, la vitesse ou à n’importe quoi d’autre, peu importe).

    Non seulement dire à un drogué que ce n’est pas bon de se droguer, à un boulimique qu’il mange trop ou à une anorexique qu’elle ne mange pas assez ne sert à rien mais le pire c’est que ça risque de décrédibiliser tout discours moral à l’avenir.

    Dans le meilleur des cas ils vous riront au nez et dans le pire ils vous taperont sur le nez.

    Ils savent mieux que vous/nous que c’est mauvais puisque, contrairement à vous/nous, ils en souffrent dans leur chair. Et pourtant ils en sont prisonniers.

     » Le bien et le mal n’ont rien d’abstrait ! »

    Je n’ai jamais dit le contraire.

    Je dis simplement que la conscience du bien et du mal ne suffit pas à vouloir le bien.

    La conscience abstraite de ce qui est bien et de ce qui est mal ne suffit pas à orienter ma volonté vers le bien.

    C’est ce que constate saint Paul en parlant de lui-même : « Ce que je veux, je ne le fais pas ; ce que je ne veux pas, je le fais. » Romains (7, 15-21).

    Notre volonté est blessée par le péché originel et aucune morale ne pourra la guérir : sinon on ne dirait pas que le Christ est venu nous libérer de nos péchés..

    Je maintiens que la logique de la morale n’est pas forcément celle de la psychologie humaine.

    Votre objection  » Je dois bien entendu prendre en compte, dans mon discernement, mes limites et blessures » est hors-sujet.

    Vous décrivez ce qu’il faudrait toujours faire si on avait toujours pleinement conscience de ses limites, de ses blessures et j’ajouterais de son intelligence.

    Mais vous savez comme moi que ce n’est pas toujours le cas : on n’a pas toujours pleinement conscience de ses limites et de ses blessures.

    On croit parfois être libre alors qu’on est mû par des peurs, des espoirs ou des turpitudes dont on n’a même pas forcément conscience.

    « Rien n’est plus faux que le cœur de l’homme, il est incurable. Qui peut le connaître ? Moi, le Seigneur, qui pénètre les cœurs et qui scrute les reins, afin de rendre à chacun selon sa conduite, selon le fruit de ses actes.  » Jérémie (17, 9-10)

    Sans compter que, même en visant délibérément des objectifs moralement irréprochables, on peut déclencher des catastrophes incommensurables : l’enfer est pavé de bonnes intentions.

    La bonne volonté consciente ne suffit pas pour faire la volonté de Dieu et pour être heureux : c’est la limite de tout enseignement moral et le danger potentiel qu’il recèle.

    Là encore si ce n’était pas le cas nous n’aurions pas besoin de la grâce de Dieu ni d’écouter l’Esprit saint qui, la plupart du temps, nous prend à contre-pied pour ne pas dire à rebrousse-poils.

    « En revanche, il est très difficile (y compris pour soi-même) de dire la ‘limite’ entre psychologie et volonté, d’affirmer « jusque-là j’étais libre, ensuite je ne l’étais plus » ».

    Qui a prétendu le contraire ?

    De même vous ironisez quand j’écris que la morale est nécessaire au même titre que le sommeil ou la respiration mais qu’elle ne constitue pas la Bonne nouvelle du Christ.

    Vous m’objectez que le Christ a « causé », comme vous dites, des commandements en donnant les deux commandements de l’amour (Dieu et le prochain) qui incluent tous les commandements précédents.

    Pourtant la Bonne nouvelle du Christ n’est pas une morale nouvelle.

    La Bonne nouvelle c’est que Dieu nous aime individuellement, qu’Il a fait le premier pas, qu’Il nous a tendu la main et qu’Il attend avec une infinie patience que nous acceptions de la saisir.

    C’est une offre de salut qui n’a aucun équivalent dans aucun enseignement moral précédent.

    Tout le reste – y compris la morale – est secondaire par rapport à cette Bonne nouvelle.

    Secondaire.

    Pas anodin.

    Mais franchement si la Bonne nouvelle était une nouvelle morale croyez-vous que l’humanité aurait bouleversé son calendrier pour prendre comme point de référence la naissance d’un moraliste ?

    « C’est précisément en cela que votre article manque sa perspective sur une morale réellement chrétienne : développer un agir moral n’est rien d’autre que d’apprendre à voir et aimer le bien ».

    Vous cherchez dans mes propos dès choses que je n’ai jamais prétendu y mettre puis vous déplorez leur absence.

    Je n’ai jamais prétendu développer une perspective sur une morale « réellement chrétienne » pas plus que je prétends développer une perspective sur une philosophie réellement chrétienne pour une simple raison : seule des personnes humaines peuvent s’efforcer d’être réellement chrétiennes.

    1. Louis-Charles,

      Bien sûr ce que je récuse dans votre billet, c’est de réduire la morale à « prêcher une morale ». Autrement dit, un discours déconnecté des capacités réelles des personnes, de leurs déterminations (psychologiques, sociales, intellectuelles, éducatives, etc.). Une fois que vous l’avez assimilée à ça, vous la jetez aux orties.

      Mais c’est jeter le bébé avec l’eau du bain. Bien entendu, il existe de nombreuses contrefaçons de la morale, mais ce n’est pas une raison pour renoncer 1. à essayer de développer un « agir moral » et 2. au caractère objectif du bien.

      Pour le 2., St Paul que vous citez, quand il dit « je ne fais pas le bien que je veux », montre précisément cela : le bien existe en dehors de lui, objectivement, il le reconnaît. Le désire, même. Mais cela ne suffit pas. Mais il n’en déduit pas que le bien n’existe que dans son imaginaire !

      Pour le 1., cet « agir moral » dont je parle n’est pas que la conformité à un modèle théorique. C’est une spontanéité et une aisance à faire le bien, conquise progressivement par le discernement graduel des impulsions de notre coeur. Comme vous le disiez fort justement, il y a un facteur temps à prendre en compte.

      « Non seulement dire à un drogué que ce n’est pas bon de se droguer, à un boulimique qu’il mange trop ou à une anorexique qu’elle ne mange pas assez ne sert à rien mais le pire c’est que ça risque de décrédibiliser tout discours moral à l’avenir. »

      => Vous limitez la morale à une récitation de principes. Ce qu’elle n’est pas : et cette récitation de principes n’est même pas nécessaire, pour reprendre le titre de votre billet. Si vous aviez envie de pester contre le pharisaïsme, pourquoi ne pas simplement le faire ? Plutôt que d’embarquer avec le terme « morale », déjà bien galvaudé ?

      Rien ne sert de dire à un addict que son addiction n’est pas bonne, si c’est pour se placer en juge, extérieur et implacable, ou en faiseur de leçons. En revanche, reconnaître avec lui qu’il ne se fait pas du bien, mais qu’il n’est pas libre et l’aider à trouver des moyens concrets de progresser, de retrouver sa liberté, voilà un agir humain moral. Mon expérience, c’est qu’une fois qu’on en est sorti, le seul mépris qui demeure est pour ceux qui disaient « vas-y continue à te faire plaisir, ce n’est pas grave ».

      Oui, il y a de l’involontaire dans nos actes humains. Des blessures dont nous sommes ou non conscients (remarque qu’on peut en être conscient sans pour autant être libre par rapport à elles !). Tout n’est pas moral, au sens où tout n’est pas affaire de volonté.

      Mais c’est particulièrement dans nos blessures que nous péchons. Nos blessures, sans être la cause du péché, préparent le terrain, « savonnent la planche ». C’est heureux, si je puis dire, car si nous péchions en totale liberté, en voyant Dieu face à face, nous serions perdus.

      Mais il est souvent illusoire de vouloir résoudre les problèmes psychologiques « à part », indépendamment des questions morales : car, de même que notre affectivité est blessée, notre volonté a également été abimée lorsque nous avons collaboré avec notre blessure, et dans la mesure où nous étions libre de le faire.

      « Vous cherchez dans mes propos dès choses que je n’ai jamais prétendu y mettre puis vous déplorez leur absence. »

      => Non, désolé, il ne s’agit pas de chercher la petite bête. Mais vous utilisez des mots, et les mots ont un sens quand bien même ils ont pu être dévoyés. Plutôt que de rejeter en bloc « la morale », je propose plutôt de la réhabiliter en discernant ce qu’elle est de ce qu’elle n’est pas.

      1. Je ne dis pas que la morale se déduit à prêcher la morale mais je dis que prêcher la morale est à la fois nécessaire et dangereux.

        Je soutiens qu’adresser un discours moral est par nature ambigu parce que cela suppose inévitablement de se placer en position d’enseignant c’est-à-dire en position de supériorité et donc de domination vis-à-vis de celui ou ceux auxquels on s’adresse.

        C’est flagrant avec le discours de nos élites qui s’offusque des propos et des réactions racistes de leurs compatriotes qui vivent dans des quartiers majoritairement peuplés d’immigrés et qui vivent dans l’insécurité quotidienne.

        D’un point de vue moral les élites ont raison de dire qu’il ne faut pas identifier les immigrés (ou plutôt leurs descendants) à des délinquants par respect pour les personnes et par souci de la vérité. Mais chacun sent et comprend à quel point de telles leçons de morales sont contre-productives quand elles sont adressées depuis le quartier latin ou Saint Germain des Prés à des personnes qui vivent dans la peur et la souffrance aux Mureaux, aux Tarterêts ou à Chanteloup-les-Vignes.

        Ce que je dis là n’a rien à voir avec un renoncement à essayer de développer un agir moral ou au caractère objectif du bien.

        Je dis simplement qu’un discours sur la vérité est par nature très dangereux : sans charité un discours sur la vérité peut désespérer les meilleurs volontés et persuader ceux qu’on prétendait aider qu’ils sont irrécupérables parce qu’incapables de changer, trop faibles pour y arriver et surtout incompris dans leurs souffrances et leur misère !

        Pas de charité sans vérité certes, mais pas non plus de vérité sans charité.

        Or la vérité + la charité = la pédagogie

        La pédagogie ça suppose un climat de bienveillance préalable.

        Et ça suppose de faire du temps son allié, de miser sur la progressivité, sur la liberté intérieure et donc de renoncer à atteindre le bien dans l’immédiat.

        La pédagogie repose sur des compromis temporaires, révocables mais nécessaires pour se mettre en marche et progresser.

        Toutes ces conditions de possibilité un discours simplement moral n’en parle pas.

        Il désigne les fins à atteindre sans indiquer les moyens à prendre et, ce faisant, peut décourager et dissuader les bonnes volontés et les volontés fragiles.

        Sans pédagogie un discours sur le Bien et le Mal peut faire beaucoup plus de bien que de mal.

        C’est pour ça que je maintiens qu’un discours de nature morale est à la fois nécessaire et dangereux.

        Cette tentation a toujours été très grande chez les âmes scrupuleuses et donc aujourd’hui chez un certain nombre de catholiques.

        C’est pour cela que je n’ai pas dénoncé le pharisaïsme comme vous me le suggériez car si ce danger ne menaçait que les hypocrites il serait déjà moins dangereux : les tartuffes ça se repère de loin et ça ne trompe personne !

        Si ce que dit le pape François est écouté avec bienveillance par un monde qui s’est fermé à Benoît XVI – alors même que le discours est le même – ce n’est pas un hasard.

        1. « je dis que prêcher la morale est à la fois nécessaire et dangereux. »
          => Et vous titrez : « la morale, nécessaire et dangereuse » comme si c’était la morale elle-même, et non la morale limitée à un discours moralisant. C’est ça qui m’ennuie.

          Sur le fond, je crois qu’on est d’accord. Un vrai enseignement moral ne peut pas parler qu’à l’intelligence : il est essentiellement pratique et s’adresse donc à la personne pour qu’elle exerce sa volonté en vue du bien.

          Reste que cet « art moral », ce jugement prudentiel, ne peut être séparé d’une analyse intellectuelle. Car tout n’est pas singulier, connaissable uniquement en tant que singulier (on va du côté du nominalisme si on le prétend). Le raisonnement moral de la personne s’appuie sur des universels, et notamment sur la loi.

          Face à une personne, on ne se redemande pas à chaque fois « a-t-elle une dignité telle que je ne peux la tuer ? » ; nous avons aussi un principe général : « tu ne tueras pas ». Son application n’est pourtant pas un simple syllogisme : l’agir moral n’est pas un simple jeu hypothéticodéductif à partir de principes, jeu intellectuel ; il concerne la volonté, cet appétit pour le bien qui nous anime. Chaque personne me renvoie à la dignité même qui fonde le principe « tu ne tueras pas ». Ainsi celui-ci n’est pas purement arbitraire, mais inscrit en raison dans notre nature.

          1. Donc on est d’accord.
            Ce que je décris comme dangereux c’est justement le discours sur le vrai et le bon qui ne fait pas de place à la vertu (cardinale) de discernement et qui ignore complètement la pédagogie. Ce que je déplore c’est l’esprit de système induit par tout discours moral livré à lui-même. C’est un danger qui guette un certain nombre d’âmes scrupuleuses. C’est la conception légaliste qu’on trouve dans l’islam ou dans le judaïsme : cascher/pas cascher, haram/pas haram. C’est une tentation qui n’épargne d’ailleurs pas les catholiques dès qu’ils prétendent défendre « nos valeurs ».

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