Selon quels critères voter ?

Actuellement, aux Etats-Unis comme en France les campagnes électorales ont davantage tendance à semer la confusion dans l’esprit des électeurs indécis qu’à les éclairer.

Au jeu des petites phrases, de la communication, du story telling, de la diabolisation de l’adversaire et des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient les citoyens qui n’ont pas encore cédé aux démons de l’abstention sont le plus souvent désorientés.

Certes, on n’a pas souvent le choix de voter pour un candidat dans lequel on croit vraiment et on se rabat souvent sur le moindre mal : après tout la politique n’est-elle pas l’art du possible ?

Mais là encore,l’électeur déboussolé que je suis est perplexe. Quand je discute avec des amis par ailleurs aussi sincères et instruits que moi, nous aboutissons à des conclusions souvent très éloignées : le moindre mal de l’un est rarement le moindre mal de l’autre.

1/ Le vote, une question de confiance plus que d’expertise

Pourtant l’élection présidentielle est moins le choix d’un programme – qui ne sera jamais de toute manière et dans le meilleur des cas que partiellement appliqué – que le choix d’un homme ou d’une femme auquel ou à laquelle on décide d’accorder sa confiance.

D’abord parce qu’on n’a pas toutes les compétences requises pour juger de la pertinence de tous les articles de son programme : il faudrait réunir des compétences que même aucun candidat ne réunit à lui seul et que seule une équipe de spécialistes particulièrement affûtés est susceptible d’avoir. Tout ce que l’on peut espérer c’est que le ou la futur(e) élu(e) connaisse les enjeux, leurs tenants et leurs aboutissants ainsi que ce qu’impliquent et ce que présupposent les décisions politiques à prendre.

Ensuite parce que dans le domaine politique comme dans la vie en générale tout se résume in fine à une question de confiance c’est-à-dire de foi : à un moment on décide d’accorder ou de refuser sa confiance à son médecin, à son potentiel conjoint, à son employeur, à son employé et à Dieu lui-même : on décide non pas seulement de croire qu’Il existe mais de croire ce qu’Il me dit…ou pas.

Le choix d’un candidat c’est LA question de confiance. Oui mais on ne fait pas confiance à l’aveugle. Alors selon quels critères accorder sa confiance ?

2/ Ne pas accorder sa confiance au hasard

Les recommandations de mes proches reflètent souvent celles de mon milieu d’origine avec tout ce que cela comporte de représentations et d’idées arbitraires et de préjugés plus ou moins conscients. Pour la même raison prendre systématiquement le contrepied de mon milieu d’origine n’est pas moins arbitraire. Il faut exercer son discernement.

Certes mais sur quels fondements ? Dans ce domaine les recommandations de l’épiscopat français sont tellement vagues qu’elles sont nulles au sens premier du terme : elles sont nulles et non avenues parce qu’elles ne proposent rien de concret et de clair. Par peur de se fâcher avec une partie de leurs ouailles ? Par peur de voir la foi catholique instrumentalisée au service de causes et d’ambitions mondaines ? Parce que notre épiscopat n’y voit pas plus clair que le reste de la société ?
Quelle que soit la réponse que l’on donne à cette question le constat s’impose à moi : je ne peux pas compter sur l’épiscopat pour éclairer mon choix.

C’est pourquoi je me suis interrogé sur les critères qui me permettraient de propose de déterminer mon choix et j’en ai trouvé trois. Je ne sais ce qu’ils valent mais je les mets au pot commun en me disant que dans le pire des cas ils ne serviront à rien et n’éclaireront personne – et que ça me mettra au moins au même niveau que les journalistes politiques – et que dans le meilleur des cas cela servira peut-être à quelque chose.

3/ Quel est son programme ?

La question est moins de savoir les promesses qu’il fait ou ses déclarations d’intention que la philosophie qui sous-tend et que sous-entend sa vision du monde, qui détermine ses priorités et qui définit sa méthode.

Cette question est essentielle et pourtant elle n’est jamais clairement assumée. Elle porte en effet sur la question du bien commun ? Aborder la question revient à poser au candidat la question suivante : “Avez-vous une conception du bien commun” ?

Considère-t-il qu’il existe des objectifs à atteindre qui soient bons en eux-mêmes ou considère-t-il que le bien se définit exclusivement de manière négative en laissant les uns et les autres interagir dans le cadre de la loi positive ?

Considère-t-il avoir la responsabilité prioritaire du bien de son pays ou considère-t-il qu’il est comptable de ses actes à la communauté internationale prioritairement ? Fait-il une différence entre ce qui est moral et ce qui est légal ou bien le respect de la loi et du droit se confond-il pour lui avec le bien ?

Sa conception du bien commun est-elle celle d’un bien commun concret et effectif ou le respect de principes abstraits ?

Tient-il compte des besoins spécifiques et des aspirations de son peuple ou bien considère-t-il que le peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui et qu’il a pour mission de lui imposer ce qu’il estime être bon ?

Quand le peuple s’exprime par référendum, respecte-t-il son choix au nom de la souveraineté du peuple et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

4/ Quel est son bilan ?

La plupart des candidats et des candidates ne sont pas des novices. Ils ont exercé des responsabilités politiques locales et le plus souvent nationales.

Le candidat pour lequel on envisage de voter a-t-il fait un bilan critique de son action politique passée ? A-t-il reconnu ses fautes éventuelles et ses responsabilités ? A-t-il fait un retour d’expérience comme on dit chez les militaires pour tirer les erreurs à ne plus reproduire à l’avenir ? Cet examen critique porte-t-il uniquement sur des choix tactiques ou sur sa conception des fins et des moyens ?

Les réussites qu’il revendique les attribue-t-il à ses propres mérites ou admet-il aussi avoir bénéficié d’une conjoncture favorable ? A l’inverse quand il a échoué ou renoncé en imputent-il systématiquement la responsabilité à des circonstances extérieures défavorables ?

S’il dénonce l’immobilisme des quarante dernières années, la déliquescence de l’Etat et la décrédibilisation de la classe politique que dit-il du rôle qu’il a joué pendant cette période ? Fournit-il des raisons de croire qu’il a changé depuis et qu’il ferai cette dois-ci  ce qu’il n’avait pas fait précédemment ?

S’il a fait hier des promesses qu’il n’avait pas les moyens de tenir, existe-il aujourd’hui des raisons concrètes – c’est-à-dire vérifiables – de penser que désormais il aurait les moyens et la volonté d’appliquer les mesures qu’il préconise ?

Ces mesures sont elles cohérentes ou contradictoires avec celles qu’ils préconisaient précédemment ? Incrimine-t-il le manque d’expérience de ses adversaires politiques pour contester la légitimité de leur candidature ?

5/ Quels sont ses soutiens ?

La question est d’une simplicité biblique : quels sont les groupes intérêts qui le soutiennent et qui, s’il est élu, exigeront un ou des renvois d’ascenseur ?

Il peut s’agir de son propre parti et des partis coalisés avec lui pour le faire gagner qui, en cas de victoire, réclameront leur dû sous forme de maroquins ministériels et/ou d’infléchissements politiques et idéologiques.

Il peut s’agir du soutien financier et médiatique de grands groupes qui considéreront leur soutien, discret mais d’autant plus efficace, comme un investissement et dont ils attendront naturellement un retour sur investissement.

Il peut s’agir de clientèles qui monnayent leur soutien électoral en l’échange du maintien d’équilibres fiscaux qui les exonèrent de charges communes ou qui leur garantit des privilèges que rien ne justifie au regard du bien commun.

Il peut s’agir de puissances étrangères qui financent le parti, les campagnes voire le train de vie du candidat – c’est parfois la triste réalité – et qui en fait dans une certaine mesure ce que la rhétorique communiste appelait “un agent stipendié de l’étranger”. Cela détermine les choix diplomatiques et géostratégiques mais aussi les choix de politique intérieure. Ces choix sont souvent davantage des choix implicites – donc non soumis au débat public et au vote – que des choix explicites.

Cette dernière question est très importante car elle explique en partie que certaines décisions traversent les clivages politiques apparents au mépris des choix exprimés par les électeurs dont les élus ne sont pourtant que les mandants..

Le poids des lobbies, les intérêts catégoriels et les acteurs non-officiels font de nos candidats des victimes consentantes de groupes de pression qu’il faut avoir préalablement identifier pour pouvoir évaluer la marge de manœuvre qui sera la leur en cas de victoire électorale.

Car si, même en les créditant d’une totale bonne foi et de la meilleure volonté du monde, ils n’ont pas les moyens de viser le bien commun au nom duquel ils sollicitent nos voix alors mieux vaut voter blanc et exprimer ainsi un désaveu qui est le dernier argument auquel ils restent sensibles.

Comme l’écrivait Bossuet : « Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles chérissent les causes. »

5 réflexions sur « Selon quels critères voter ? »

  1. Louis, permettez-moi une remarque liminaire :
    « il faudrait réunir des compétences que (….) seule une équipe de spécialistes particulièrement affûtés est susceptible d’avoir … »
    Ceci supposerait l’objectivité des compétences.
    Or, il n’en est rien. De ceux-là, il faut se méfier plus encore !
    Tout discours -fut-il une réponse technique- n’a de sens que dans le cadre idéologique dans lequel il s’inscrit; l’adhésion à un élément de programme n’a de sens que situé dans le cadre de la « foi » (au sens religieux du terme).
    Je ne vais pas aller plus avant mais essayer de l’illustrer par mon propre itinéraire : dans les années 70, j’ai adhéré à l’objectif de « changer la vie » avec une foi que nombre de chrétiens de ma génération ont partagée.
    Aujourd’hui, sur des convictions de même ordre (mais avec une foi moindre), je vais voter Marine !
    Suis-je plus ou moins stupide ?

      1. Voilà le type même de commentaire constructif, argumenté, intelligent et bienveillant qu’on aime voir fleurir sur les blogs !
  2. En passant.
    Pour avoir tellement besoin d’explications vous n’êtes certainement pas un mensa.
    Assez de verbiage, de sophisme, de rhétorique, c’est vous qui semer la confusion dans l’esprit des électeurs indécis.
    1/ Le vote, une question de confiance plus que d’expertise.
    Comment faire confiance à une bonimenteuse de foire qui vous fait acheter le dernier gadget à la mode dont vous n’avez pas besoin.
    2/ Ne pas accorder sa confiance au hasard.
    M. Chauprade «La pudeur n’existe pas dans le reste de la famille Le Pen. Ce n’est pas la bourgeoisie du XIXe siècle; c’est le XVIIe siècle baroque, avec un petit côté décadent», il poursuit: «Parfois vulgaire, parfois clinquant, ».«Les Le Pen, ils s’en foutent des autres» , ils leur marchent dessus», détaille Aymeric Chauprade, pour qui Mme. Le Pen «est une énorme menteuse». «Vous ne pouvez pas imaginer à quel point elle sait mentir». Il poursuit «Les Pen n’ont aucune morale dans aucun domaine, ce sont des jouisseurs». «Ils n’ont pas de limites dans l’exercice du pouvoir cela veut dire que ce pourrait être l’Empire byzantin». C’est ça les Le Pen.
    3/ Quel est son programme ?
    La présentation et le fond du catalogue des 144 engagements de Marine Le Pen s’accordent à merveille avec La chevauchée des Walkyries de Richard Wagner
    Un parti qui veut sortir de l’Union Européenne, « retour à la monnaie nationale ».
    Ces mesures qui mettraient le pays par terre en quelques jours (Etat en cessation de paiement, donc fonctionnaires plus payés, tous les services publics interrompus, tout le reste à l’avenant), sont posées sur une liste, à l’égale des autres propositions.
    C’est du nanisme politique pur et simple, cette histoire de liste où l’on met sur le même plan des mesurettes et des tremblements de terre.
    Ce parti ne comprend pas l’interaction entre notre pays et les autres. Il s’agit pourtant de ce qui détermine, en pratique, tout le reste.

    4/ Quel est son bilan ?
    Néant, étant donné que Mme Le Pen n’a JAMAIS pu se faire élire au suffrage universel, ni comme maire, ni comme député à l’assemblée nationale. Donc aucune expérience dans aucun domaine de l’Etat. Sa seule activité étant de trôner dans le parti de son père. Cela fait plus de dix ans qu’elle apprend un rôle, une bonne actrice aurait mis moins de temps !
    5/ Quels sont ses soutiens ?
    Un parti dont les racines émergent d’un putsch contre le Général de Gaulle…
    Une vaste nébuleuse, où apparait la secte moon :
    http://www.ledauphine.com/france-monde/2012/09/16/quand-la-secte-moon-financait-le-fn
    1986 : le nouveau parlementaire frontiste Pierre Ceyrac se fait chahuter à l’Assemblée nationale. La raison ? Il fait partie de la secte Moon (Eglise de l’Unification. Pierre Ceyrac aujourd’hui sur les liens qui ont uni l’Eglise de l’Unification et le Front National.
    “Au sein de l’Église, il a été décidé qu’une personne devait intégrer le Front. J’ai été désigné alors que je n’étais pas du tout attiré par la politique et Le Pen. Pour les législatives de 1986, j’ai donc obtenu une place qui me permettait d’être élu député FN. En échange, la secte apportait au Front national une puissance financière et un solide carnet d’adresses international”.
    “Nous savons que l’organisation à versé au FN entre 20 et 30 millions de francs (de 3,5 à 4,5 millions d’euros) jusqu’en 1986″, confirme l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite.
    Jean-Marie Le Pen réfute encore aujourd’hui avoir reçu une aide financière de la secte : “En revanche, ils nous ont envoyé des militants fantastiques. Je me souviens qu’en 1986, trente types venant de toute l’Europe ont débarqué à Marseille. Ils ont tapissé la ville d’affiches. Ils couchaient à même le plancher : des gens d’un dévouement extraordinaire.”
    Témoignage récent :
    Aymeric Chauprade témoigne dans le documentaire de France 2 sur ces « hommes de l’ombre ». C’est seulement mois après mois que je comprends, que je constate, l’emprise de ces gens, qui sont bien plus que des amis. Manifestement elle ne peut rien faire sans eux et elle ne peut rien faire contre eux, c’est ça qui est évidemment très grave. » Et l’eurodéputé d’ajouter, si la frontiste devait être élue en mai prochain : « Il n’y a aucune raison que ce groupe disparaisse. C’est le groupe qui aura amené Marine Le Pen au pouvoir. C’est l’économie du Front national. Ce sont les secrets de Marine Le Pen. »
    Frédéric Chatillon, Axel Loustau, ou encore le méconnu Philippe Péninque. Des amis de longue date qui se sont illustrés dans leurs jeunes années par leurs actions violentes au sein du GUD (Groupe union défense), un groupuscule d’extrême droite.
    Les deux premiers occupent des postes clés dans le dispositif financier du FN, qui fait aujourd’hui l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires, notamment pour « escroqueries au préjudice de l’Etat ». Le troisième, un ancien avocat fiscaliste rompu aux montages offshore, est considéré comme le « parrain » de la bande. Il est l’un des plus proches conseillers de la candidate à l’élection présidentielle.
    C’est le groupe qui aura amené Marine Le Pen au pouvoir.
    Qui sait aujourd’hui, avec qui Mme le Pen pourrait gouverner ? Le petit amis, sœurs, beau- frère, nièce, les frères Dupont et Dupont, Jean Messiha, les ‘’anonymes’’ de son collectif de réflexion… Enfin, tout cela n’est pas très clair.
    Se jeter d’un avion en vol sans parachute n’est pas plus risqué. Sauf que là, 65 millions de personnes sont concernées.
    Faîtes de la philosophie, de la théologie traditionaliste… de la propagande extrême droite, c’est votre domaine. Mais ne venez pas donner des conseils aux citoyens avertis !
    Jésus Lui-même nous a mis en garde : « Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au-dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? […] C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez » (Matthieu 7 :15-16, 20).

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