L’esprit de système est un péché contre l’Esprit

Il n’existe rien de plus dangereux que cette fascination malsaine pour l’intelligence abstraite que l’on retrouve si souvent en France dans les milieux dirigeants et dans les institutions. C’est en France et nulle part ailleurs qu’on peut proclamer sans se soucier des remontrances qu’il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aaron.

Cette fascination est dangereuse car elle engendre l’esprit de système, cette passion irrationnelle qui s’empare des esprits – en particulier les brillants esprits – pour les fourvoyer dans toutes les idéologies et dans tous les complotismes.

L’esprit de système orchestre méthodiquement et planifie consciencieusement le refus de la réalité et entraîne ainsi ceux qu’elle saisit au refus organisé et planifié de la vérité. Il s’emploie à les détourner systématiquement de Celui qui se présente comme la voie, la vérité et la vie.

Il est, au sens littéral du terme, un péché contre l’Esprit. Celui dont il nous est dit qu’il est le seul péché à ne pouvoir être pardonné. « Mais quiconque aura parlé contre l’Esprit saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde, ni dans l’autre. » (Matthieu 12, 31–32).

1/ Une contrefaçon de la réalité

L’esprit de système consiste à substituer au monde réel et à sa complexité un monde parallèle épuré parce que simplifié et, pour cette raison même, plus satisfaisant pour notre besoin de cohérence.

Ce monde est artificiel – et donc mensonger – précisément parce qu’il est expurgé de toutes les zones d’ombre, les mystères et les ambiguïtés sur lesquels la réalité nous fait régulièrement trébucher.

L’esprit de système nous offre un monde parallèle mais à notre portée. Un monde imaginaire mais qui aurait l’élégance de ne pas outrepasser les limites de notre entendement. Un monde fait – ou plutôt contrefait – sur mesure.

Un monde chimérique mais à notre (petite) mesure. Un monde illusoire mais conforme à nos limites, à nos attentes et surtout à nos préférences. Bref un monde créé par nous plutôt que par Dieu.

2/ Un rejeton du péché originel

L’esprit de système n’est pas simplement un faux raisonnement ni même une accumulation de fautes de raisonnement. Si c’était simplement d’ordre intellectuel ce ne serait pas si grave. Un raisonnement peut être corrigé dès lors qu’on accepte de la soumettre au feu croisé de la critique et de le passer au crible de la discussion.

Mais l’esprit de système n’est pas d’abord un raisonnement faux, c’est d’abord et avant tout un raisonnement vicié parce que vicieux. C’est un péché spirituel qui se déploie sur le terrain intellectuel en enrôlant la logique derrière sa bannière.

C’est un péché qui engloutit ceux dont l’ambition est de posséder la vérité plutôt que de se laisser posséder par elle. « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » (Jean 18, 37) disait le Christ.

L’esprit de système dissuade ainsi ceux qu’il séduit de suivre le Christ parce qu’il les détourne de rechercher la vérité et de s’y conformer.

C’est l’une des manifestations du péché originel, c’est au sens propre du terme une machine infernale.

3/ La matrice d’au moins deux hérésies

L’esprit de système est une tentation spirituelle à l’origine de deux hérésies graves : le manichéisme et le gnosticisme.

Le manichéisme ne voyait dans l’univers qu’un champ de bataille où s’affrontaient dans un combat à mort le camp des bons et celui des méchants : le monde spirituel pur contre le monde matériel, l’esprit contre la chair, les purs contre les impurs, l’homme contre la femme (car dans le manichéisme la femme est impure). Une grille de lecture fausse mais psychologiquement réconfortant et moralement très confortable.

Ce parti pris, dicté par l’orgueil de ceux qui décrètent eux-mêmes qu’ils appartiennent au camp des purs, a pour corollaire naturel le refus de suivre la logique du Christ qui ordonne à ses disciples de ne pas chercher à arracher l’ivraie enchevêtrée au bon grain : « Laissez pousser les deux ensemble jusqu’à la moisson. A ce moment-là, je dirai aux moissonneurs : « Enlevez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler : ensuite vous couperez le blé et vous le rentrerez dans mon grenier » (Matthieu 13, 30).

Le gnosticisme, lui, prétendait séparer l’humanité entre ceux qui savent et la masse des ignorants qui n’auront jamais accès à la lumière de la vérité. La vérité n’y était plus considérée comme un don gratuit et universel mais comme le privilège d’une élite intellectuelle et morale. Là encore il s’agit d’un parti pris dicté par l’orgueil. On fait désormais partie de l’élite. Une grille de lecture fausse mais psychologiquement réconfortant et moralement très confortable.

Mais là encore c’est un parti pris qui aboutit à prendre l’exact contre-pied du Christ, lui qui priait en disant : « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces vérités aux sages et aux intelligents, et que tu les as dévoilées à ceux qui sont tout petits. Oui, Père, car dans ta bonté, tu l’as voulu ainsi » (Luc 10, 21).

4/ Une tentation spirituelle toujours actuelle…

Si les doctrines manichéennes et gnostiques ont disparu du paysage, la tentation spirituelle que constitue l’esprit de système n’a pas disparu pour autant.

La doctrine du manichéisme a disparu, pas la tentation d’être manichéen. L’idée que le mal trace une frontière imperméable entre le camp de ceux qui acceptent la vérité et ceux qui la refusent est toujours tentante.

C’est beaucoup plus tentant que d’admettre que le péché traverse le cœur de chaque homme et de gémir avec saint Paul en reconnaissant humblement : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le commets….. » (Romains 7, 19).

Etre manichéen cela consiste toujours à réduire à des protagonistes sans âme ceux que l’on range dans le «camp d’en face». C’est transformer les hommes, éventuellement égarés, en archétypes. C’est de refuser de leur reconnaître une âme et de reconnaître qu’ils sont des hommes. C’est une manière de les retrancher de l’humanité, de les diaboliser.

Quand on adopte une attitude manichéenne la bienveillance n’a plus de sens puisqu’on oublie ou on veut oublier que nos adversaires restent des personnes humaines. Il n’y a plus personne à aimer parce qu’il n’y a plus de personnes à aimer.

Tout transfuge étant devenu impossible, plus aucune conversion n’est possible. L’idée même de discussion s’identifie à celle de trahison. Aller à la rencontre de quelqu’un du camp d’en face c’est pactiser avec l’ennemi.

De même uand on adopte une attitude gnostique l’exercice de l’intelligence cesse d’être subordonné à la quête de la vérité. L’intelligence part en vrille, s’installe à son propre compte et reçoit ses instructions de notre volonté de puissance. La quête du savoir se transforme alors en passion de savoir (libido sciendi) qui nourrit à son tour la passion de dominer (libido dominandi). Comme le dit le proverbe : « Le savoir c’est le pouvoir ».

La tentation gnostique c’est le paradis de la dérégulation : plus rien ne justifie de poser des limites à nos désirs et à notre volonté. Non seulement elle nous épargne la frustration du renoncement mais elle prétend faire de nous l’arbitre de ce monde sachant que, comme on dit en rugby, « monsieur l’arbitre a toujours raison ».

5/ … pour les chrétiens aussi

Une telle tentation n’épargne malheureusement pas les chrétiens et peut aussi bien prendre le masque de l’orthodoxie que celui de l’orthopraxie.

En matière d’orthodoxie l’esprit de système se manifesta jusqu’au concile de Vatican II par le règne du néothomisme. Ce courant théologique avait été promu doctrine officielle de l’Eglise.

Ceux qui prônaient un retour aux sources du christianisme, notamment à travers les Pères de l’Église et une prise de distance avec l’hégémonie de la scolastique, furent condamnés par les néothomistes au nom de la vérité. La vérité, of course. What else ?

Les réprouvés s’appelaient alors Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar, Yves Congar, Karl Rahner, Marie-Dominique Chenu, Louis Bouyer, Jean Daniélou ou encore Joseph Ratzinger.

En France, les Jésuites de Fourvière et les Dominicains du Saulchoir, se virent interdits d’enseignement et Pie XII les critiqua dans son encyclique Humani Generis (1950).

Une dizaine d’années plus tard les victimes des purges de Fourvière et du Saulchoir furent réhabilités et la légitimité de leurs options théologiques reconnue par le concile Vatican II, auquel certains participèrent en tant qu’experts. Certains furent créés cardinaux (Balthasar, Daniélou, de Lubac, Congar, Ratzinger et l’un d’entre eux fut élu pape sous le nom de Benoît XVI.

Mais ce qui est vrai en matière doctrinale l’est également dans le domaine pastoral (orthopraxie). Quand des baptisés, laïcs ou clercs, condamnent un choix pastoral au nom d’un principe – et d’un seul – il faut se méfier. Car quiconque agit « par principe » agite un principe qu’il a préalablement sélectionné parmi d’autres principes envisageables. Il fait passer son choix, c’est-à-dire souvent sa préférence, pour la vérité et proclame à qui veut l’entendre que sa démarche est purement désintéressée quitte à rappeler « humblement » à l’ordre le souverain pontife lui-même…

Agir ou prendre position au nom d’un principe unique c’est congédier le discernement au moment d’agir. Refuser d’user librement de son discernement ce n’est pas seulement le refuser de cultiver l’une des quatre vertus cardinales c’est renoncer à rechercher la vérité et donc à vivre en vérité.

L’amour de la vérité est souvent le meilleur alibi pour refuser la vérité de l’amour qui est « patient et plein de bonté, qui ne cherche pas son propre intérêt, qui ne s’aigrit pas contre les autres, qui ne cherche pas à se faire valoir, qui ne s’enfle pas d’orgueil, qui ne s’aigrit pas contre les autres, que l’injustice attriste, que la vérité réjouit et qui, en toute occasion, pardonne, fait confiance, espère et persévère » (1 Corinthiens 13,  4-7).

L’esprit de système est très attirant parce qu’il nous épargne le travail douloureux et humiliant de conversion du cœur. Or, la conversion du cœur est le préalable indispensable pour rechercher la vérité, avoir une chance de la trouver et de pouvoir en vivre.

En nous détournant de nous mettre en marche et de faire de notre vie ici-bas un pèlerinage terrestre, l’esprit de système détruit notre dignité d’homme en substituant à notre discernement un mécanisme de pilotage automatique programmé pour nous faire dériver de la trajectoire de la vérité. C’est une machine infernale qui affole la boussole de notre liberté intérieure.

Il nous rend esclaves d’une logique qui ne vient pas de Dieu et qui ne mène pas à Dieu. L’idéologie – quintessence de l’esprit de système – étrangle la liberté que Dieu nous avait donnée pour que nous puissions Le rencontrer et Le faire connaître.

6/ L’humour et la littérature contre l’esprit de système

L’esprit de système est une absence d’humilité qui empêche de dire « je ne sais pas ». C’est un esprit critique, qui doute de tout sauf de lui-même et qui a la folie de sacrifier la réalité sur l’autel de la cohérence logique. C’est un rejeton du péché originel puisqu’il  s’enracine dans l’orgueil.

Les antidotes ne sont donc pas de nature intellectuelle mais de nature spirituelle. Les premiers sont les plus connus : la prière, le jeûne, la pratique de la charité, la demande de pardon et la confession de ses péchés. Mais il en existe deux autres qui viennent moins souvent à l’esprit mais qui sont deux adjuvants spirituels : l’humour et la littérature.

L’humour est un adjuvant spirituel car il dévoile les vérités que nous voudrions dissimuler. C’est l’enfant de l’humilité et de l’amour.

L’humilité nous permet de regarder en face nos limites et nos faiblesses. Sans humilité pas de capacité d’auto-dérision et donc pas d’humour possible. L’humilité nous rend capables d’accepter la vérité telle qu’elle est et quelle qu’elle soit. Quelle que contrariante qu’elle puisse être pour nous…

Enfin et surtout l’humilité nous prédispose à accepter et à aimer avec gratitude ce que la réalité a d’aimable : « Enfin, frères, nourrissez vos pensées de tout ce qui est vrai, noble, juste, pur, digne d’amour ou d’approbation, de tout ce qui mérite respect et louange » (Philippiens 4, 8).

La littérature c’est le nom que l’on donne aujourd’hui à ce qu’on appelait autrefois les humanités. C’est un antidote naturel contre l’esprit de système dans la mesure où c’est un constant rappel de la complexité du réel. La littérature fait tinter à nos oreilles une petite musique insistante et subversive qui nous rappelle que la vérité échappe toujours aux conceptions que nous nous en faisons parce que nos conceptions ne sont que le produit de notre esprit et qu’elles sont, par conséquent, toujours à notre mesure.

La littérature aide à penser plus justement et c’est ce qui en fait un adjuvant spirituel puisque, comme le disait si bien Blaise Pascal, le principe de la morale c’est de travailler à bien penser.

Elle ne suffit pas à nous prémunir contre les erreurs de jugement mais elle nous aide à ne pas nous fourvoyer systématiquement dans l’inhumanité d’un monde faussé. Elle nous aide à acquérir ce cœur intelligent que le roi Salomon avait demandé à Dieu pour bien gouverner et que Dieu lui a accordé (1 Rois 3, 9-12).

C’est déjà pas mal…

Pourquoi faire de la place à l’islam en France n’a pas de sens

Dans son livre Situation de la France le philosophe Pierre Manent fait observer à juste titre que si l’Etat est laïc la société française, c’est-à-dire la France, ne l’est pas. Elle ne l’est pas parce qu’elle est culturellement imbibée de culture catholique. Les mœurs françaises sont indissociables de cette matrice qu’on soit croyant ou pas. Et cela l’Etat refuse de le considérer ce qui explique l’autisme du gouvernement en place, notamment.

Pierre Manent récuse, à juste titre, l’identification de la France réelle (une société fondée sur des communautés) à une France imaginaire et imaginée par les idéologues de l’Etat-nation qui ne conçoivent la nation que comme l’appendice d’un Etat tout puissant qui régnerait sur une masse d’individus atomisés dépourvus de passé, de relations, de convictions et d’identités.

Le philosophe part également du constat que dans certaines zones, les mœurs partagées dans l’espace public sont majoritairement musulmanes : d’où les revendications de menus hallal dans les écoles où les enfants musulmans sont localement majoritaires ou les réclamations d’horaires différenciés dans les piscines municipales entre filles et garçons.

Fort de ce constat il en déduit qu’il faut regarder la réalité en face et cesser de s’arc-bouter sur la chimère idéologique d’une société neutre : il faut, d’après lui, cesser de brandir l’argument de la laïcité dans ce genre de situations puisque la laïcité n’a jamais concerné la société mais les institutions.

1/ Les institutions sont laïques, pas la société

Les mœurs ne peuvent être dictés par l’Etat. L’identité de la France et ses mœurs viennent de beaucoup plus loin que 1789 et invoquer la République et les valeurs républicaines n’a non seulement pas beaucoup de sens mais surtout absolument aucune utilité. Ce n’est pas à force de prendre ses chimères pour des réalités que les chimères deviennent réalité.

Au fond, dit-il, mieux vaudrait renoncer à brandir la laïcité comme un principe sacré, et donc intangible, pour tenir compte de la réalité et s’autoriser à concéder localement des accommodements raisonnables dans un cadre politique dont les frontières seraient-elles intangibles : le refus du voile intégral et de la polygamie. Selon lui c’est la frontière à ne pas franchir sous peine de déliter les mœurs communes qui permettent à tous de vivre paisiblement en France et en tant que Français dans une culture qui reste française.

Je partage avec lui son parti pris de regarder la réalité – et notamment la réalité historique en face – et de tordre le coup à l’idéologie laïciste qui prétend évacuer le plus possible les religions et les communautés naturelles de l’espace public.

Mais c’est pour cette raison que je ne suis plus d’accord avec lui quand il parle de « faire une place à l’islam » ou de reconnaître qu’à côté de nos mœurs à nous, gorgés de catholicisme culturel (et non religieux) existent désormais des mœurs musulmanes.
Car cette dichotomie ne correspond pas à la réalité.

2/ Il n’y a pas de mœurs propres aux musulmans en France

Les musulmans en France sont confrontés, comme tout le monde, à l’influence de la société de consommation, à l’individualisme et à la disparition des repères collectifs structurants. Ils y réagissent, eux aussi, de manière très variée. Les musulmans de France n’appartiennent par à une seule strate sociale – ils vont du SDF au chef d’entreprise – et cela se reflète dans la diversité de leurs mœurs.

Car les mœurs des musulmans vivant en France, des musulmans concrets – par opposition à l’idéal-type du bon musulman appliquant systématiquement les prescriptions du Coran et du droit musulman – peuvent varier du tout au tout. Non seulement du point de vue alimentaire et vestimentaire mais aussi et surtout du point de vue de leur positionnement sur l’échiquier politique.

On trouve des musulmans de l’extrême-gauche à la droite nationale – en passant par les mœurs familiales qui peuvent aller du mariage traditionnel au Mariage Pour Tous en passant par le concubinage ou le célibat alternatif. Les « mœurs des musulmans » sont aussi variables que celles des catholiques et vont du progressisme au conservatisme les plus extrêmes. Les musulmans français ont rejoint la moyenne nationale du divorce.

On n’a pas les mêmes mœurs selon qu’on est musulman croyant mais pas pratiquant, pratiquant mais occasionnel, pratiquant régulier, pratiquant piétiste ou littéraliste, de vieille souche ou fraîchement converti. Le poids de la religion et la signification qu’ils donnent à l’islam reste très différent entre le beur musulman par héritage ayant abandonné toute pratique et le Gaulois converti via Internet professant un salafisme 2.0.

Comme chez les catholiques la diversité des mœurs des musulmans vivant en France est la règle, non l’exception. Songerait-on à ranger côte-à-côte Jean Vanier et Al Capone dans la catégorie « catholique »?

Sans compter que les mœurs réputées culturellement catholiques sont de moins en moins partagées par l’ensemble de nos concitoyens. Nous perdons notre culture sous les coups de boutoir conjugués d’un laïcisme idéologique et d’une culture individualiste consumériste.

Le délitement de toute communauté non élue (famille, communauté religieuse, identités régionales et bien sûr identité nationale), de tout héritage reçu et non choisi.

C’est la rupture de la transmission et le vertige du vide voilà ce qui nous tient de plus en plus lieu de patrimoine commun.

3/ Le danger d’une domination de l’espace public par les salafistes existe localement

Je ne prétends évidemment pas qu’il n’y a pas de pressions sociales dans les quartiers à majorité musulmanes pour que les femmes soient voilées intégralement et imposer des mœurs coraniques. Mais cette pression sociale est localisée dans certains quartiers, trop nombreux à mon goût.

De ce point de vue cette pression sociale fait penser à celle qu’ont exercé pendant des décennies le parti communiste et la CGT dans les municipalités de la banlieue rouge. Ces situations sont inquiétantes mais on ne peut pas en déduire qu’elles constituent des mœurs communes à l’ensemble ni même à la majorité des musulmans vivant en France.

Je ne dirais pas la même chose des pays majoritairement musulmans où la pression sociale y est normative. Mais tel n’est pas le cas en France où aucune religion ne domine l’espace public. C’est d’ailleurs heureux car toute religion dominante est une religion aliénante : non pas (forcément) en raison de son contenu mais simplement en raison de son statut.

Je remarque ensuite que les quartiers où des mœurs réputées musulmanes s’imposent sont ceux où les prêcheurs salafistes sont les plus installés. En d’autres termes ces activistes considèrent que ce les musulmans vivant dans ces quartiers sont exposés à l’influence de mœurs occidentales qu’ils jugent décadentes et qu’il faut ramener ces musulmans égarés dans le droit chemin.

Ils le déplorent, je m’en réjouis mais nous faisons eux et moi le même constat : les musulmans vivant en France ont moins tendance à imposer spontanément des mœurs conformes aux prescriptions du Coran et de la charia qu’à s’en éloigner et à adopter progressivement des mœurs non coraniques.

Si en théorie les musulmans sont censés régler leur conduite sur le Coran et ses commentaires – ce que souhaitent les salafistes – dans la pratique la plupart des musulmans en prennent et en laissent selon leur convenance.

Sans mauvais jeu de mots je pense que le Coran alternatif est beaucoup plus répandu et donc beaucoup moins visible que le mode de vie des salafistes beaucoup plus voyant mais beaucoup moins représentatifs de ce que sont les musulmans en France.

D’ailleurs si les mœurs salafistes étaient la pente naturelle de l’ensemble des musulmans les pays du Golfe n’auraient pas besoin de dépenser des millions depuis des décennies pour les promouvoir dans le monde. Ils le font parce que l’application stricte du Coran ne se ferait pas ou très peu autrement.

Si des missionnaires salafistes sont obligés de recourir à l’activisme, à la séduction, à l’intimidation et au bourrage de crâne pour parvenir à leurs fins c’est bien parce qu’ils estiment eux-mêmes qu’ils n’y parviendraient pas en laissant faire le cours naturel des choses. C’est le propre des minorités actives et c’est pour cela qu’elles sont dangereuses.

Il faut donc les combattre politiquement c’est-à-dire administrativement : en renvoyant chez eux les imams qui dressent leurs ouailles contre la société française, en interdisant aux Etats musulmans comme le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie ou le Maroc de financer des mosquées et des imams sur notre territoire car, comme chacun sait, qui paye commande.

L’erreur serait, en revanche, de donner aux salafistes ce qu’ils veulent à savoir un brevet de représentativité de l’ensemble des musulmans. La meilleure manière de se tirer une balle dans le pied ça reste encore d’accorder à son ennemi ce dont il a besoin.

Je remarque enfin que les quartiers où des mœurs réputées musulmanes s’imposent sont ceux d’où les musulmans qui ont réussi économiquement et socialement sont partis pour s’installer dans des quartiers non majoritairement musulmans. Ce qui signifie que l’aspiration des musulmans qui ont le choix de la mobilité est d’échapper à un espace public régi par les prescriptions du Coran et de la charia.

Alors faut-il faire une place à l’islam en France dans l’espoir d’aboutir un jour à un islam de France ? Non car il n’existe pas d’islam de France ni de mœurs communes aux musulmans Français ou étrangers qui vivent sur le sol de France.

Faire une place à l’islam ? Même si on le voulait on ne pourrait pas. Qui a jamais réussi à faire quoi que ce soit à l’aide d’un couteau sans lame dont on a enlevé le manche ?

On peut et on doit combattre l’influence des salafistes qui, financés par des pays du Golfe complaisamment soutenus par les Etats-Unis, cherchent à dresser les musulmans vivant en France contre la France. Mais c’est justement parce que l’ensemble de ces musulmans ne leur est pas acquis que cette lutte d’influence à un sens. Parce qu’il n’y a pas d’unanimité dans ce qu’on appelle, à tort, l’islam de France.

Il n’y a pas d’islam de France il n’y a que des musulmans concrets, réels et influencés autant et souvent davantage par leur culture familiale, la culture française, leur degré d’intégration sociale, leur niveau de vie, leurs aspirations familiales et/ou individuelles mais aussi par les mœurs que véhiculent (pour le meilleur et pour le pire) la société de consommation, les films hollywoodiens et Internet et les réseaux sociaux.

Il n’y a pas d’islam de France, il n’y a que des musulmans concrets, réels et individuels : pour le meilleur et pour le pire.

C’est avec ces musulmans qu’il faut vivre.

Des musulmans réels qui ont souvent bien peu à voir avec l’image du bon musulman que cherchent à promouvoir les salafistes.