Connaître « au sens biblique du terme »

On entend parfois l’expression « ils se sont connus…au sens biblique du terme » pour dire de deux personnes qu’elles ont eu une ou des relation(s) sexuelle(s). Parfois c’est une périphrase pudique, parfois c’est une allusion alourdie d’un sourire qui en dit long tout en ne disant rien…

Car l’expression « connaître » a dans la Bible un sens très différent de celui que nous lui donnons en français où il désigne le plus souvent un acte intellectuel qui permet de saisir une vérité et de s’en saisir. C’est même l’étymologie du verbe français comprendre qui signifie « prendre avec » ou de l’italien « capire » qui veut-dire littéralement « saisir ». La question « capito ? » en italien pouvant se traduire en français par « t’as saisi ? ».

Dans le langage de la Bible « connaître » quelqu’un signifie le connaître intimement. D’où la dimension sexuelle implicite de l’expression de la Vierge Marie qui répond à l’ange Gabriel lui annonçant qu’elle enfantera un fils : « Marie dit à l’ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? » (Luc 1, 34). Légitime perplexité….

De même quand on parle de la « connaissance de Dieu » on parle d’une connaissance intime de Dieu. Il s’agit de vivre une relation intime avec Dieu – certes sur un mode non sexuel – avec Celui qui, comme l’écrit Augustin d’Hippone « m’est plus intime qu’à moi-même ». C’est l’intimité de ceux qui sont sur la même longueur d’ondes et qui vivent dans une relation de confiance.

Le mot « confiance » étant synonyme du mot « foi » – on dit bien « j’ai foi en toi » – on comprend mieux pourquoi on entend parfois que « la foi donne la vie éternelle ».

C’est quand on met sa confiance en Dieu et qu’on s’efforce de faire ce qu’Il nous dit qu’on se rend disponible à recevoir ce qu’Il promet.

Car c’est Sa volonté qui nous sauve.

D’abord parce que en faisant Sa volonté qu’on évite de devenir inhumain. De ce point de vue Sa volonté nous sauve déjà ici-bas…de nous-mêmes. Elle nous sauve de cette force d’inertie qui nous entraîne à faire ce que décrit Paul « Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas » (Romains 7,19).

Mais surtout parce que c’est en cherchant à faire Sa volonté que l’on parvient à devenir plus humain en devenant plus aimant ou, pour reprendre une expression biblique, que l’on « transforme son cœur de pierre en cœur de chair » ce qui est la condition préalable pour entrer dans la Vie éternelle de Dieu. Pas simplement pour entrer dans l’éternité- l’enfer est éternel lui aussi – mais dans la Vie de Dieu qu’Il nous promet. Une vie de bonheur éternel en présence de Dieu et de tous ceux qui L’aiment.

D’où l’intérêt de demander à Dieu « Que Ta volonté soit faite » et de chercher authentiquement à la faire plutôt que de Lui demander d’exaucer notre volonté…quand ce n’est pas de faire nos quatre volontés.

C’est uniquement en cherchant à faire Sa volonté qu’on se met sur la même longueur d’ondes que Lui et qu’on entre dans Son intimité. Or, Dieu est amour et Sa volonté est que nous L’aimions et que nous aimions comme Il nous aime.

Ainsi donc quand on affirme que la foi nous donne la vie éternelle on n’affirme pas que c’est l’acquiescement de notre esprit aux dogmes de l’Eglise qui donne la vie éternelle car les dogmes ne sont que les formules par lesquelles on cherche à exprimer notre foi et on peut tout savoir sur Dieu et Le refuser : c’est ce qu’a fait Satan. Et l’évêque Pierre Cauchon en savait plus en théologie que Jeanne d’Arc.

La connaissance de Dieu et de Ses attributs ne suffit pas à nous ouvrir les portes de la vie éternelle : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et ils tremblent  » (Jacques 2,19).

C’est la confiance que nous décidons de placer en Dieu pour nous guider dans la vie qui fait notre foi et non pas d’abord la pratique religieuse, la vie liturgique ou la vie sacramentelle. Ces dernières servent à renforcer notre décision de nous abandonner à Dieu et à Sa volonté mais elles ne s’y substituent pas.

C’est cette confiance que l’on appelle la foi et non l’étendue de nos connaissances métaphysiques, théologiques ou catéchétiques.

La preuve ?

Quand Jésus-Christ a voulu citer un exemple de foi à ses disciples et aux Juifs pieux de son époque Il a choisi de leur donner pour modèle à suivre et à imiter quelqu’un qui ne professait pas la foi d’Israël : un légionnaire romain païen dont Il venait d’exaucer la prière.

« Entendant cela, Jésus fut en admiration devant lui. Il se retourna et dit à la foule qui le suivait : Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi ! » (Luc 7, 1-10).

Connaître Dieu c’est d’abord Lui faire confiance et s’en remettre à Lui.

C’est cette connaissance-là qui nous ouvre les portes des cieux.

Le saint n’est ni un héros, ni un sage mais un pèlerin

Le saint c’est celui qui cherche à imiter la sainteté de Dieu tel qu’Il s’est dévoilé en Jésus-Christ.

Il ne se distingue pas par ses actes mais parce que son cœur bat au rythme de Dieu et que cela se sent.

Le saint est une dérisoire ampoule de verre qui illumine l’obscurité d’une lumière dont il sait ne pas être la source et qui manifeste au monde la puissance de l’électricité, pourtant invisible à l’œil nu.

Il n’est pas celui qui est sans péché mais celui qui se décharge le plus de son péché. Plus que ses contemporains qui, par contraste, voient en lui un saint.

Il sait qu’il est encombré de lui-même et cherche à faire de la place pour pouvoir accueillir l’Hôte sacré auquel il veut s’abandonner : « Seigneur je Te donne mon cœur pour qu’il soit Ta demeure ».

Et parce que le saint Le laisse faire ça se voit.

C’est la vérité de sa vie intérieure qui permet au saint d’influer sur le monde extérieur en infusant comme un sachet de thé.

Il est poreux et immergé dans le monde, non imperméable et éloigné du monde.

Il oriente et réoriente en permanence son âme vers Celui qui est le Beau, le Bon, le Vrai et dans ce monde défiguré par le Mal, il se laisse aimanter par ce qui est – même imparfaitement – beau, bon et vrai.

C’est pour cela qu’il cherche à imiter Celui qui est « la Voie, la Vérité et la Vie ».

Il ne prétend pas détenir la vérité : il cherche à se laisser posséder par la vérité

Le saint n’est pas un héros ou un sage : c’est un pèlerin.

Appeler à combattre le mal, pas seulement le dénoncer…

Haut-fonctionnaire familier des arcanes du pouvoir et des questions sécuritaires, Gepetto a une connaissance très concrète et très fine des rouages de l’Etat et une vision aiguisée des menaces qui pèsent sur la société française. Dans cet article il appelle ses compatriotes et notamment l’épiscopat à ne pas se contenter de jouer les observateurs navrés mais non impliqués et, à l’exemple de l’évêque saint Augustin d’Hippone, de dénoncer le mal explicitement et d’en proposer une lecture théologique qui dégage du sens et des perspectives pour les chrétiens et pour les autres.

Nous avons cru que la Shoah, les génocides perpétrés par les Khmers rouges, ceux commis au Rwanda ou en Arménie appartenaient au passé et étaient bien rangés sur des étagères, alignés comme des livres que l’on feuillette de temps à autre avec la satisfaction de les savoir là, comme des témoins suffisants à rappeler des horreurs en espérant qu’elles ne se reproduisent plus.

Les massacres de femmes, enfants, vieillards par centaines le 7 octobre par le Hamas méritent mieux qu’un communiqué de la conférence des évêques témoignant de son soutien et appelant à la prière. Ce qui s’est passé relève de la diffusion du mal qui s’amplifie dans le monde.

Oui, le mal existe toujours et devient chaque jour plus puissant quand nous ne le combattons pas et il est un devoir de le rappeler. Quand l’horreur, le mal surgissent comme cela s’est produit le 7 octobre, se contenter de dire que l’on compatit et que l’on appelle à la prière est insuffisant.

Il faut sortir proclamer un message d’espérance, ouvrir les Eglises, appeler les fidèles et les autres à participer à des rassemblements pour rappeler à chacun qu’il détient la force de combattre le mal en faisant le bien.

C’est la somme de ces actions qui pèsera dans la lutte. Il y aura encore des combats, des morts provoqués par la lutte contre le terrorisme mais il doit y avoir au bout l’espérance annoncée par l’Apocalypse de Jean qui annonce « qu’un jour l’Agneau essuiera toute larme, de mort il n’y en aura plus, de pleurs de cris et de peines, il n’y en aura plus et de nuit il n’y en aura plus… »

Etienne Gilson, dans un cours prononcé en 1947 à l’institut des études politiques de Paris sur le thème des forces religieuses et la vie politique rappelait qu’en 410 après Jésus-Christ lors de la prise de Rome par les Wisigoths, le traumatisme avait été immense car le sac de Rome avait été vécu comme l’effondrement du monde civilisé. L’Eglise qui s’était arrimée à L’Empire dans le but de le christianiser, s’était alors retrouvée en manque de doctrine avec sa disparition et s’était réfugiée dans son essence religieuse.

Le salut viendra de l’évêque d’Hippone, Saint Augustin qui commença à rédiger au même moment son ouvrage majeur la Cité de Dieu, redonnant un but à une Eglise qui ne pouvait qu’être universelle et apportant l’espérance d’une humanité meilleure car nous rappelle opportunément Gilson « cette société religieuse universelle se recrute dans toutes les races et dans tous les peuples…les citoyens ordinaires servent leur pays, uniquement par amour de leur pays, les citoyens de la Cité de Dieu servent leur pays aussi pour l’amour de leur pays mais aussi pour l’amour de Dieu »

Le seul message qui vaut dans nos temps barbares et celui qui enseigne à ne pas désespérer, mais en prenant bien soin de dire que « désespérer, n’est pas seulement manquer d’espérance, c’est aussi s’éloigner de ce que l’on devrait espérer par ce que l’on estime impossible de l’atteindre » Cela est aussi affirmé par Gilson dans son cours quand il explique à ses étudiants que cela est le fondement de la trahison de Pétain dont l’action a été motivée par l’éradication de l’espoir qui pouvait subsister après l’effondrement de 1940. Tout désespéré est ainsi traitre à l’espérance nous dit Gilson.  

Le monde que nous connaissons est bien prêt de connaitre un nouveau sac de Rome, et les massacres du 7 octobre constituent un nouveau signal très inquiétant, prenons garde à ce que des institutions comme l’Eglise ne se détachent insidieusement des réalités en se réfugiant comme dans son essence religieuse, ce serait précipiter son effacement.

Gepetto

Cohérence du pape François, impuissance de l’Etat français

Compte tenu du déséquilibre démographique entre pays africains – jeunes, pauvres et nombreux – et pays européens – beaucoup moins jeunes, beaucoup moins pauvres et beaucoup moins nombreux – il est illusoire de prétendre enrayer les flux migratoires.

Nul ne peut pas endiguer la marée avec ses bras, pas même l’Etat. Nul ne peut contenir la marée, personne ne peut arrêter les vagues : mais on peut apprendre à surfer.

Mais il est possible de réguler au lieu de subir : examiner les demandes d’asiles dans les pays de départ et non plus sur le territoire français, contrôler nos frontières pour pratiquer une immigration choisie sur des critères qui correspondent à la fois à nos devoirs – accueil des réfugiés qui fuient la guerre et la misère – mais aussi à nos possibilités et à nos besoins…comme le dite le pape François.

Il est également possible de pratiquer une aide au développement des pays de départ destinée, non plus à cajoler des élites politiques locales corrompues pour complaire aux intérêts des industriels (matière premières) et de l’Etat français (relais d’influence), mais à permettre aux populations de vivre décemment et dignement dans leurs pays sans avoir à choisir les routes de l’exil vers un eldorado européen fantasmé.

Pour y parvenir il faudrait d’abord changer radicalement notre politique de coopération qui jusqu’ici consistait à faire payer les contribuables français afin d’enrichir les kleptocrates et les tyrans africains « amis de la France ». Les pauvres des pays riches payaient pour les riches des pays pauvres tandis que les pauvres des pays pauvres souffraient et que les plus jeunes et les plus courageux d’entre eux émigraient : principalement dans les pays africains voisins et, dans une moindre mesure, vers l’Europe et la France.

C’est ce dernier point du discours du pape François qui, la plupart du temps, est ignoré voire éludé par les médias. Son discours est en effet cohérent si on le prend dans son ensemble : l’accueil des migrants en perdition corresponde aux mesures d’urgence tandis que le droit de ne pas émigrer, qu’il rappelle souvent, est la solution sur le fond. Comme on dit en matière logistique il faut distinguer la gestion des flux et la gestion des stocks.

Son discours sur les migrants est indissociable de son discours sur la protection de l’environnement,  l’accueil des plus pauvres et  la fraternité. En d’autres termes le discours du pape sur les migrants est l’autre face de son discours sur la société de consommation et la culture du déchet qu’elle entraîne, qu’elle promeut et sur laquelle elle prospère.

Contrairement aux apparences le discours que le pape adresse aux dirigeants politiques est réaliste et cohérent… mais terriblement exigeant. C’est pour cela que nul n’a vraiment envie de l’entendre et que nos relais médiatiques se dispensent de l’exposer dans sa cohérence.

Car il impose de réviser de manière déchirante les pactes faustiens que nos gouvernements successifs ont passé avec des régimes qui profitent de cette immigration sauvage en en faisant un instrument de chantage financier vis-à-vis de la France (Algérie, Tunisie, Turquie) et/ou qui en profitent pour déstabiliser notre société en y radicalisant les musulmans (Qatar, Turquie). Cela supposerait de s’aliéner des pays avec lesquels les grands groupes français font des affaires et de renoncer à des approvisionnements privilégiés en matières premières.

C’est seulement à ce prix que l’État français pourrait mettre en œuvre une politique de démantèlement des filières de passeurs clandestins, à la fois esclavagistes et tortionnaires, qui font préférer aux migrants le risque de périr noyés dans la Méditerranée que de retourner dans l’enfer du désert libyen…

Bref, cela supposerait que l’Etat français et ceux qui sont à sa tête depuis plusieurs décennies aient le courage et la compétence de faire des choix politiques cohérents pour récupérer les instruments de notre liberté d’agir. Et c’est là que le bât blesse.

Comment accueillir et intégrer les migrants – comme le demande le pape François – quand l’Etat français n’est plus capable d’intégrer qui que ce soit, y compris les fils de Gaulois ? L’école n’instruit plus et s’est muée en gigantesque garderie, le service militaire a été supprimé, le patrimoine et la culture ne sont plus transmis que dans des familles françaises de longue date et culturellement favorisées, les forces de l’ordre sont réduites à l’impuissance, le coût des transports empêche parfois d’accepter un travail éloigné, le fait de travailler n’empêche plus de pointer aux restaurants du Cœur pour manger et ne garantit plus de pouvoir se loger décemment tandis que la suppression de nos frontières nous condamnent à subir sans plus pouvoir agir.

Malheureusement, en France, la puissance publique a laissé place à l’impuissance publique et la plus grande force de nos dirigeants est leur force d’inertie. Cette inertie que les Français déplorent et dont ils souffrent quotidiennement sur le plan national, le pape François la déplore sur le plan international. Mais la différence c’est que les Français la déplorent en considérant, légitimement, leur propre sort tandis que le pape François la déplore en considérant le sort des migrants. Légitimement là aussi.

Le pape François considère que l’urgence doit aller à l’urgence qui est pour lui le sort des plus démunis surtout s’ils sont les plus nombreux. Comparativement le sort des Français est moins dramatique que le sort des Africains. Pour le pape, dont la vision des problèmes et les responsabilités pastorales ont une dimension planétaire, la France n’est pas sa préoccupation première.

Choquant ? Pas tant que ça. Le pape François n’a pas la responsabilité de diriger l’Etat français ni de s’occuper des affaires intérieures de la France. Il fait son job. Ce qui est choquant c’est que l’Etat français et ses responsables politiques successifs ont renoncé à faire le leur : œuvrer au bien commun dans le cadre des frontières de leur pays.

Mais il est parfaitement normal que le pape François n’envisage pas le bien commun d’un point de vue strictement national et qui plus est d’un point de vue français. Il considère le bien commun du point de vue de l’humanité toute entière (migrants, environnement, périphéries) car il est le pape de l’Eglise catholique – terme qui signifie universel – et non pas d’une Eglise gallicane.

C’est à ce titre qu’il nous rappelle que nous ne pouvons pas considérer notre sort indépendamment de celui de nos frères qui vivent hors de nos frontières, et en particulier sur le continent africain. Dans le livre de la Genèse Dieu interroge Caïn : « Qu’as-tu fait de ton frère ? ». Le pape François ; vicaire du Christ sur terre, nous rappelle que nous n’avons pas le droit de lui répondre, comme Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? ».

Le pape François ne fait pas autre chose que son devoir qui consiste à nous rappeler ce que Dieu attend de nous : que nous L’aimions de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et notre prochain comme nous-mêmes. Or, le prochain c’est celui qui nous est proche parce qu’il est à proximité, pas celui que nous aurions spontanément choisi. Celui qui est à portée de main, c’est celui que l’Esprit saint a mis sur notre chemin. C’est le Christ qui vient dans la figure du prochain, ce que l’on appelle parfois aussi « le sacrement du frère ».

Si nous nous sentons douloureusement pris en tenaille entre les injonctions évangéliques du pape François et l’impuissance politique qui nous paralyse et nous empêche d’entrevoir la moindre solution ce n’est pas en accusant le pape François de faire trop de politique, de ne pas aimer la France ou d’être irresponsable que nous trouverons la solution. Casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la fièvre.

La solution consiste à utiliser les moyens démocratiques mis à notre disposition – les différents scrutins qui nous permettent de choisir et de sanctionner nos dirigeants politiques – pour élire des responsables désireux et décidés à mettre un terme à l’impuissance politique qui nous paralyse et qui est la cause de notre désespoir. Alors seulement nous pourrons accueillir et intégrer nos frères réfugiés de manière, viable, responsable et évangélique parce que nous en aurons – enfin ! – les moyens.

Les catholiques traditionnels et le pape François contre le cléricalisme ?

Qui eût cru que les catholiques traditionnels seraient les alliés objectifs du pape François dans la lutte contre le cléricalisme au sein de l’Eglise. Etonnant, n’est-ce pas ? Et pourtant…

1/ L’anticléricalisme : une vertu chrétienne

L’Eglise n’est pas le clergé, pas plus que la France ne se confond avec son administration ou ses gouvernants successifs. L’Église n’est pas d’abord une institution mais une communauté. Au risque de reprendre une formule un peu galvaudée l’Église c’est le peuple de Dieu : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Matthieu 18, 20).

De ce point de vue il est normal et souhaitable que les chrétiens soient anticléricaux… au sens propre du terme. Non pas hostile au clergé par principe mais hostile au cléricalisme par principe. C’est pourquoi laisser le monopole de l’anticléricalisme aux non-catholiques est un danger majeur car les catholiques sont les mieux placés pour ne pas confondre le malade et la maladie. Ne serait-ce que parce, contrairement aux autres, ils sont les premières victimes du cléricalisme. Ce n’est pas parce que l’on dénonce la bureaucratie qu’on renonce au service public, au contraire . De même l’anticléricalisme authentique rend justice au Christ et à l’Evangile aux yeux des croyants comme aux yeux de non-croyants.

En ce sens il n’y a pas plus anticlérical que Jésus-Christ, cloué sur une croix par le clergé de son temps, que Jeanne d’Arc, condamnée au bûcher par la fine fleur du clergé de son temps…. Ou que le pape François détesté et voué aux gémonies par une grande partie du Vatican depuis qu’il a dénoncé publiquement les maladies spirituelles de la Curie et qu’il dénonce de manière récurrente le cléricalisme.

Mais le plus amusant c’est de constater que, quand le pape François appelle le clergé à renoncer au cléricalisme et à une Eglise auto-référentielle, ce sont les tradis qui répondent à l’appel !

2/ Les catholiques traditionnels sont les nouveaux anticléricaux

Le succès du pèlerinage de Chartres organisée par l’association de laïcs Notre Dame de Chrétienté en est une parfaite illustration et la jalousie de l’épiscopat qui affleure dans certains articles en est la confirmation.

On sent bien à leur lecture qu’au-delà des problèmes de double-discours que l’on retrouve malheureusement chez certains catholiques traditionnels se noue un enjeu de pouvoir : des laïcs prennent des initiatives qui, par contraste, mettent en lumière la stérilité pastorale de l’épiscopat.

Des laïcs agissent de leur propre initiative pour vivre collectivement leur foi chrétienne ? Leur ferveur attire des jeunes extérieurs au monde des catholiques traditionnels ? Crime de lèse-majesté à la Conférence des Evêques de France (CEF) et aux salons du Vatican ! Horreur, malheur et salsa du démon !

Car le fond (inavoué) du problème est bien là : la proposition de foi des catholiques traditionnels attire des jeunes en l’absence même de toute stratégie pastorale élaborée spécifiquement pour les jeunes… contrairement aux stratégies pastorales diocésaines. C’est en grande partie cela qui est un insupportable à un certain nombres d’évêques qui réagissent davantage comme une corporation sur le déclin que comme des pasteurs ayant « l’odeur de leur troupeau » comme le souhaite le pape François.

Cette réaction corporatiste qui s’attache plus à sauver la face qu’à se réjouir d’une évangélisation qui échappe à la hiérarchie est le symptôme le plus aveuglant de ce cléricalisme dénoncé par le haut par le pape François et contesté par le bas par les pèlerins de Notre Dame de Chrétienté.

On pourrait même élargir le diagnostic à d’autres initiatives de laïcs qui rencontrent un réel succès : le pèlerinage des pères de familles et le pèlerinage des mères de famille à Cotignac ou encore les succès d’audimat de l’émission En quête d’esprit diffusée le dimanche soir sur Cnews.

Cette convergence des luttes – pour reprendre une expression marxiste – entre le pape François et les catholiques traditionnels peut sembler paradoxale après la publication du Motu Proprio restreignant la célébration du rite extraordinaire de l’Église catholique latine. Surnommé Motu Exproprio par certains, cette décision disciplinaire a été jugée disproportionnée par de nombreux catholiques en-dehors même de la sphère traditionaliste.

En France du moins, les traditionalistes ne sont pas considérés, dans leur majorité, comme des schismatiques déguisés pratiquant la taqîya même si certains cas de double-discours existent malheureusement : en public on dit « oui » du bout des lèvres au concile Vatican II, on dit « non » du fond du cœur à Vatican II quand on se retrouve entre-soi. Mais l’idée de frapper aveuglément les fautifs et les non-fautifs a globalement choqué au sein de l’Eglise de France.

D’autant plus qu’aucune communication claire n’a été faite par le Vatican et qu’il semble que cette fermeté soudaine ait surtout visé l’Église des Etats-Unis, traversée par des courants schismatiques comparables à celui de monseigneur Lefevbre en son temps.

Mais malgré les apparences l’attitude, le dynamisme et la fécondité dont font preuve les traditionalistes non-schismatiques correspondent exactement à ce que le pape François préconise et encourage de ses vœux : une communauté chrétienne qui vit de la foi au Christ, qui la proclame, la communique et attire à Lui des personnes qui ne Le connaissaient pas (ou mal) sans attendre le feu vert, l’aide ou encore moins la bénédiction de l’épiscopat et du clergé diocésain.

C’est le modèle de l’Église coréenne que le pape François apprécie tant. Les prêtres sont là pour distribuer les sacrements – ce que personne ne peut faire à leur place – mais les initiatives concrètes viennent du peuple chrétien qui prend sa vie de foi en main et qui évangélise de sa propre initiative.

C’est la vie chrétienne de laïcs adultes qui prennent leur foi au sérieux et s’émancipent de la tutelle d’un clergé démissionnaire plutôt que missionnaire mais dont la pente naturelle reste toujours de chercher à les infantiliser : hier pour mieux les dominer (version autoritaire) aujourd’hui en laissant tout aller afin de ne pas s’opposer au monde (version laxiste).

Mais c’est aussi l’officialisation d’une réalité anthropologique et spirituelle longtemps occultée : la foi et la ferveur se transmettent beaucoup plus au sein de la famille que par les structures diocésaines et paroissiales. C’est d’ailleurs souvent de ces familles que sont issus les séminaristes et les prêtres…

Sans doute aussi parce que l’instruction religieuse et la formation théologique transmise au sein des milieux traditionnels est beaucoup plus solide que celle qui est censée être transmise au sein des structures diocésaines officielles.

Là encore rien d’étonnant : on n’accorde pas sa foi sans avoir de de bonnes raisons pour cela. Foi et raison vont de paire. De ce point de vue il existe une continuité entre la transmission de la foi et celle de la culture que ces mêmes familles transmettent en parallèle des structures diocésaines et des structures scolaires profanes au point, bien souvent, de faire le travail de ces structures à leur place.

Ces familles catholiques traditionnelles s’organisent de leur propre initiative pour compenser l’anomie et la stérilité de structures diocésaines qui ne peuvent ou ne veulent plus transmettre la proposition de foi et en vivre.

Que peut-on encore attendre d’ établissements d’enseignement qui n’ont plus de catholique que le nom ? D’aumôneries qui accueillent mais n’instruisent plus ? De paroisses ressemblant davantage à un club de bridge ou à un EPHAD qu’à un foyer d’évangélisation ? D’ évêques parachutés dans des diocèse qu’ils ne connaissent pas et où ils restent inconnus ? De prêtres de paroisses ressemblant davantage à des dirigeants de PME (quand ce n’est pas des TPE) désemparés et isolés qui vivent mal leur sacerdoce et donc leur célibat ?

Pourquoi s’étonner que de telles réalités n’attirent personne ? Elles vérifient littéralement les critères de Jésus-Christ « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse » (Luc 11,23). Ce désaveu est tellement accablant pour le clergé diocésain et l’épiscopat ! Là se trouve la cause de l’exaspération de certains clercs haut placés devant le succès d’un peuple chrétien dynamique, décomplexé, heureux et missionnaire qui constitue pour eux le pire des désaveux.

Ce peuple chrétien est rabroué ou boudé par la hiérarchie catholique comme l’ont été auparavant les communautés charismatiques…et pour les mêmes raisons.

Le renouveau charismatique a d’abord été mal reçu avant d’être béni et intégré par le clergé diocésain. Chez nos frères protestants on trouve une méfiance et une hostilité équivalentes des autorités protestantes luthéro-réformées envers les chrétiens évangéliques qui, plus exigeants et plus fervents, plus confiants dans la Parole de Dieu sont également plus disponibles à l’Esprit saint… et le laissent passer par eux pour attirer autour d’eux.

Cela ne signifie pas pour autant que le dynamisme dont témoignent les catholiques traditionnels soit acquis une fois pour toutes et que les motivations soient toutes inspirées par l’Esprit saint.

Les motivations inavouées de certains – le refus de Vatican II et l’orgueil donatiste – peuvent parfaitement cohabiter avec l’humilité et la sanctification réelle des autres. Parmi les catholiques traditionnels le meilleur cohabite avec le pire…comme partout ailleurs dans l’Église et dans l’humanité en général. D’où l’impérieuse nécessité de ne pas faire de procès d’intention à l’ensemble des catholiques traditionnels et de faire confiance à l’Esprit saint,

« Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla. Lorsque l’herbe eut poussé et donné du fruit, l’ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n’as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? Il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux-tu que nous allions l’arracher ? Non, dit-il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et, à l’époque de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler, mais amassez le blé dans mon grenier » (Matthieu 13, 27-30)

La vie chrétienne n’est rien d’autre qu’un pèlerinage terrestre qui ne prend fin qu’au jour de l’entrée dans la vie éternelle. Nous avons toute la vie terrestre pour nous convertir, purifier notre âme et transformer notre cœur de pierre en cœur de chair, renoncer à nos propres passions et à nos propres désirs pour faire nôtre la volonté de Dieu car « Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé » (Psaume 50, 19).

3/ L’Esprit saint souffle où Il veut… à condition qu’on veuille bien de Lui

L’Esprit saint souffle en permanence et on le reconnaît à la fécondité de ceux qui l’accueillent… du moins tant qu’ils l’accueillent. Le dynamisme et la fécondité des catholiques traditionnels sont donc conditionnels puisqu’ils sont conditionnés par leur fidélité à l’Esprit saint. Ils ne sont donc pas acquis. Normal. La lecture de la Parole de Dieu le rappeler à ceux qui l’auraient oublié.

L’histoire des rois d’Israël illustre que ceux qui ont été fidèles à Dieu un temps et qui ont dû leur prospérité à leur fidélité, ont tout perdu à partir du moment où ils ont préféré suivre leurs propres désirs : Saül est mort dans la haine et la douleur, David est devenu meurtrier et adultère avant de se repentir et de se réconcilier avec son Seigneur – raison pour laquelle il figure au calendrier des saints de l’Église catholique – et Salomon, initialement comblé des bénédictions divines, a fini sa vie en réintroduisant les cultes païens et en mettant un terme à la monarchie d’Israël (qui de toute manière n’avait été concédée qu’à titre temporaire par Dieu devant l’obstination impie du peuple d’Israël qui ne voulait plus de Lui comme roi (1 Samuel 8, 1-18).

Reconnaître le dynamisme de la frange traditionnelle du catholicisme français n’est donc pas accorder un blanc-seing à tout ce qui se célèbre en latin mais c’est d’abord un acte de lucidité et donc de vérité. Ce qui porte du fruit vient de Dieu : « Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces » (Luc 6, 43-49). Autrement dit c’est refuser le déni de réalité. Chacun sait que, dans la vie en général, le plus difficile n’est pas de découvrir la vérité mais d’accepter de la regarder en face et de l’admettre.

C’est ensuite un motif d’action de grâce – merci Seigneur parce que Tu attires à toi des gens qui ne Te connaissaient peu ou pas – et l’occasion de faire un acte d’humilité en se demandant comment et pourquoi ces catholiques parviennent à faire ce que demande le pape François et ce que les structures diocésaines ne font pas.

Enfin c’est l’occasion de poser des actes de charité en priant pour que cette belle dynamique ne se fourvoie pas dans un ghetto sociologique et communautaire voire comme une nouvelle forme de protestantisme à tendance sectaire mais continue au contraire à devenir encore davantage missionnaire pour mener à Dieu ceux qu’Il met sur leurs chemins.

Lumières aveuglantes

Depuis la Révolution française le pouvoir politique se veut émancipateur et progressiste. Depuis, dans le monde occidental tous les gouvernements ont plus ou moins emboîté le pas en revendiquant les mêmes ambitions : nous faire vivre tous ensemble dans l’harmonie collective et la bienveillance mutuelle. Non seulement aucun gouvernement n’est jamais parvenu à à inscrire dans la réalité le triptyque « liberté, égalité, fraternité » mais beaucoup ont semé la mort en déclarant la guerre au nom de leurs idées. Aucun pouvoir politique se revendiquant émancipateur et progressiste n’est jamais parvenu à tenir ses promesses car, de manière général, le pouvoir politique n’en a pas les moyens : pourquoi lui en donnerions-nous le mandat ?

Le summum de ce que puisse faire l’État c’est de garantir les conditions de la paix civile, de favoriser les conditions de la prospérité et de tempérer les injustices que nous trouvons les plus insupportables. C’est déjà bien. Ou plutôt ça serait bien qu’il les garantisse effectivement. Tout le monde lui en serait reconnaissant. Si l’État ne faisait « que » cela il gagnerait en crédibilité et donc en légitimité.

Mais en ce qui concerne le règne de l’amour universel l’État ne peut rien car c’est une réalité qui lui échappe complètement. Il n’a tout simplement pas les moyens de répandre l’amour du prochain car la conversion du cœur est une affaire intime entre la créature et son Créateur ou plutôt entre chaque créature et son Créateur. La conversion est, au sens étymologique du terme, un retournement intérieur. Or, un tel mouvement de l’âme ne pourra jamais être déclenché par l’ autorité politique car c’est hors de sa portée : même Dieu qui en aurait les moyens S’abstient de le faire !

La conversion du cœur est un cheminement intérieur qui, par définition, est personnel, mystérieux, intime et aléatoire… Il n’est pas planifiable et, pour cette raison même, est incompatible avec toute forme de volontarisme politique quelle que soit la manière dont il se décline : programme pédagogique de l’Education nationale, grand chantier gouvernemental, politique de « sensibilisation », incitations fiscales ou grand politique interministérielle « ambitieuse ». Une démarche spirituelle a toujours une issue incertaine ici-bas et ce n’est qu’au jour du Jugement que toutes les choses cachées dans le repli de nos cœurs seront révélées. D’ici là il faudra faire avec.

Avec quoi ? Avec la nature humaine telle qu’elle est c’est-à-dire avec des hommes et des femmes dont la conscience et l’inconscient resteront pour eux-mêmes des mystères : « Le cœur de l’homme est compliqué et malade ! Qui peut le connaître ? Moi, le Seigneur, qui pénètre les cœurs et qui scrute les reins, afin de rendre à chacun selon ses actes, selon les fruits qu’il porte » (Jérémie 17,5-10).

L’aspiration à une vie collective harmonieuse, plurielle, bienveillante, purgée de la violence, du mal, des maladies et de la mort est une réalité et porte un nom : le paradis. Mais il ne peut pas constituer l’objectif d’Etats qui usurpent le terme de providence, de gouvernement qui prétendent établir le paradis sur terre en imposant une loi réputée divine ou de multinationales qui promettent, contre rémunération, de tuer la mort et de vous offrir l’immortalité.

Au sein des partis politiques qui se définissent eux-mêmes et de manière unilatérale comme « des partis de gouvernement », « le cercle de raison », les « progressistes » etc. et parmi les élites économiques, administratives et médiatiques tous se revendiquent comme les héritiers des «  Lumières ».

L’hybris de ceux qui pensaient pouvoir réformer la nature humaine par le discours incantatoire (instruction, idéologie), le progrès technique et l’organisation politique a engendré le projet séduisant mais trompeur de réaliser le « vivre ensemble » harmonieux et pacifié au prix d’un effroyable déni de réalité dont les conséquences apparaissent de plus en plus aux yeux de tous.

Ce refus de voir l’humanité telle qu’elle est, est à l’origine de l’intimidation « progressiste » et de la marginalisation culturelle de ceux qui persistaient à voir la racine de tous les maux dans le cœur de l’homme.

La soif de pouvoir viscérale (et jamais ouvertement assumée) des hommes « de progrès » pour la conquête des lieux de pouvoir institutionnels et symboliques est le carburant de leur ambition et du mouvement permanent qu’ils imposent à leurs concitoyens et à leurs administrés.

Paradoxe étonnant de ces «héritiers des Lumières » qui ont aveuglé les hommes sur la réalité de leur condition humaine en leur vendant du rêve.

Paradoxe étonnant que ces «héritiers des Lumières » qui ne comprennent pas que susciter des espoirs insensés puis les décevoir plonge ceux qui y avaient cru dans un désespoir sans fond et nourrit une colère légitime.

Paradoxe étonnant de ces «héritiers des Lumières » aveuglés et non pas éclairés qui ne comprennent pas la colère et la haine dont ils sont l’objet.

Paradoxe étonnant de ces «héritiers des Lumières » qui ne parviennent toujours pas à analyser les ressorts de la montée des « populismes », du wokisme et de l’islamisme dans nos sociétés : parce qu’ils refusent d’éclairer les angles morts de leur propre pensée et les impensés de leur motivation profonde.

Mais au fond est-ce si étonnant ? Après tout en latin « porteur de lumière » se dit Lucifer et c’est le nom que l’on donne à celui qui dans la Genèse qui calomniait Dieu en affirmant qu’Il mentait aux hommes et qui prétendait, lui, apporter la vérité aux hommes. Et c’est en l’écoutant qu’Adam et Eve ont plongé l’humanité dans l’aliénation, le déni de réalité, le mensonge et le malheur.





« Je suis le type qui accompagne Jackie Kennedy »

« Je suis le type qui accompagne Jackie Kennedy » déclarait le président John Kennedy lors de son voyage officiel à Paris en 1961. Phrase célèbre et drôle puisque le président des Etats-Unis se présente au grand public comme s’il avait besoin de se référer à quelqu’un de plus connu que lui. En l’occurrence c’est drôle parce que c’est incongru : c’était quand même lui le président des Etats-Unis et c’était lui qui était reçu en visite d’Etat par le général De Gaulle ! Cela paraîtrait inutile – il est plus connu que ses anciens collaborateurs – mais surtout improbable.

Pourtant c’est exactement comme cela que Dieu se présente : « Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Imaginerait-on un seul instant notre président se présenter en disant : « Bonjour, Emmanuel Macron, je suis l’ancien patron de Nicolas Hulot, Gérard Colomb et Alexandre Benalla ? ».

Le président ne s’abaisserait pas à cela. Par orgueil ? Peut-être. Pour ne pas rabaisser la fonction ? Certainement. Ce n’est pas au président de faire le premier pas. Quand il arrive dans une ville lors d’une visite officielle c’est l’élu local, le préfet, les autorités militaires, les parlementaires qui vont vers lui pour l’accueillir. Pas le contraire. Quand il entre dans une pièce ce sont ceux qui s’y trouvaient déjà qui vont vers lui et qui cherchent à établir le contact. Pas lui. C’est à cela que l’on reconnaît les hiérarchies.

Notre Dieu, Lui, fait le premier pas et inverse l’ordre de la préséance. Il abolit la hiérarchie entre nous et Lui en faisant l’effort de casser la distance. Pourquoi ? Parce que nous ne pouvons pas le faire et parce que, à l’inverse, Lui veut le faire.

Il descend de son piédestal divin pour descendre dans l’arène en sachant qu’Il finira déchiqueté par ses créatures. Il fait le premier pas comme un garçon au cours d’une soirée fait le premier pas vers la fille qui lui plaît. Comme dans la chanson il s’adresse à l’humanité en lui disant : « Tu veux ou tu veux pas » ? La métaphore amoureuse a été privilégiée dans la Bible pour parler de la relation que Dieu veut établir avec l’humanité et toujours c’est Dieu qui est dans le rôle de l’amoureux transi, souvent déçu, souvent éconduit mais qui ne renonce jamais. Quand on y pense quelle invraisemblance : se ravaler au rang d’un Jean-Claude Dusse quand on est le Dieu de l’Univers, le Créateur de toutes choses, l’Eternel et le Tout-Puissant ! !

L’humilité de Dieu est tellement excessive à nos yeux que nous y voyons une humiliation insupportable que de nombreux chrétiens se refuse parfois à admettre et que nos frères musulmans refusent même d’envisager : un Dieu qui s’humilie ainsi porterait atteinte à Sa propre seigneurie. Aucun chef féodal n’accepterait de faire cela. Et comme nous envisageons spontanément Dieu comme un roi qui siège sur son trône à l’image des rois de ce monde on ne supporte pas de devoir admettre que si Dieu S’humilie pour se manifester tel qu’Il est c’est qu’Il n’est manifestement pas comme on Le pensait.

Là où l’homme fier et fort accepte de relever les défis pour montrer « qui il est », Dieu s’ingénie à choisir ce qu’il y a de plus petit pour montrer « qui Il est » ou, pour le dire en termes bibliques, pour « manifester Sa gloire ». C’est une constante dans la Bible. D’Abraham au choix des disciples en passant par l’incarnation, la passion et la résurrection. Il choisit Abraham alors que sa femme, Sarah, est notoirement stérile et il lui promet une postérité aussi nombreuse que les grains de sable. Et Il le fait. Il choisit de faire roi David, le petit dernier de la fratrie qui « normalement » n’aurait jamais dû avoir la moindre chance de monter sur le trône d’Israël. Et en plus il était roux….

Il choisit de se faire homme dans les conditions les plus humiliantes que l’on puisse imaginer dans une civilisation fondée sur la famille, la pureté, la postérité : petit enfant conçu hors-mariage, né dans le fumet des animaux domestiques d’une grange aux hasards d’un voyage imposé.

Eduqué par son père nourricier faute de pouvoir l’être par Celui qui L’a véritablement engendré Il choisit ses disciples parmi les catégories sociaux-professionnelles inférieures et a priori les moins aptes à relayer son message : Pierre et André étaient marins-pêcheurs.

Il en a choisi d’autres parmi des individus moralement condamnables. En tant que collecteurs d’impôts pour l’occupant romain Matthieu était un pécheur pas vraiment marrant. Collaborateur avec l’occupant il pressurait son propre peuple pour prélever sa part. Il devait être haï et détesté à peu près comme le personnage de Don Salluste incarné par Louis de Funès dans La folie des grandeurs.

Dieu nous prend à contre-pied et c’est pour cela que nous avons du mal à L’accepter tel qu’Il est. C’est pour cela que nous avons du mal à Lui dire « oui » ici-bas.

Dépêchons-nous de changer nos dispositions intérieures, dépêchons-nous de changer notre cœur pour être capable de Lui dire « oui » quand nous le rencontrerons après la mort. Car si nous lui disons « oui » ce sera le Paradis. Si nous sommes incapables de lui dire « oui » notre vie éternelle sera alors un enfer.

Nous avons toute notre vie terrestre pour nous y préparer et comme nous sommes incapables de le faire seuls il faut Lui en demander la force. Sa force. Notre conversion elle-même doit commencer par un acte d’humilité. Pour cela commençons par regarder l’humilité de Dieu.

De quoi le « vivre-ensemble » est-il le nom ?

Dans son exemplaire du 11/12/2022 le quotidien Le Monde publiait un article de son chroniqueur Philippe Bernard intitulé « Que soit tourné en dérision l’idéal du “vivre-ensemble” donne la mesure de la perte des repères ». Il y déplore, entre autre choses, « l’instrumentalisation des débats sur l’immigration ».

En parlant d’instrumentalisation des débats sur l’immigration plutôt que de parler de l’immigration elle-même le chroniqueur parle comme si l’immigration était un argument partisan et non un problème objectif. Son indignation se double d’un déni de réalité qui est précisément à la racine du problème qu’il déplore.

Car si l’immigration n’est pas la cause de tous nos problèmes elle en est actuellement le plus redoutable puisqu’il menace non seulement notre cohésion sociale et la sécurité de nos cités mais également et d’abord notre civilisation c’est-à-dire notre manière de concevoir la vie et de vivre ensemble : plus il y a d’immigration et plus le pays se disloque sous les coups conjugués de la paupérisation qu’elle induit, de l’islamisation des mœurs qu’elle impose et de l’insécurité qu’elle renforce.

L’afflux permanent et incontrôlé de nouveaux entrants se fait dans une société désindustrialisée, qui ne parvient plus ni à instruire ni à former professionnellement ses enfants, peine à les loger et parfois même à les nourrir : les Restaurants du Cœur ne désemplissent malheureusement pas. Il contribue à aligner le niveau de vie du pays sur celui des pays d’origine des migrants.

1/ Migrations anarchique et anarchie dans la société

Les flux migratoires sont les vecteurs de l’islamisation progressive de pans entiers de notre territoire, entraînent la sécession de certains quartiers et les transforment en bastions inexpugnables. Ces mini-républiques islamiques autoproclamées refusent explicitement les lois de la République et les mœurs de notre civilisation. Le corollaire de cette islamisation est le régime de dhimmitude qui s’impose de facto dans de nombreux quartiers aux enseignants, aux femmes, aux représentants de l’Etat et plus largement à ceux qui sont attachés aux mœurs et à la civilisation française. Ce rapport de forces hostile et défavorable aux mœurs françaises se traduit par l’intimidation des musulmans ouverts et désireux de s’intégrer et les menaces à peine voilées – sans mauvais jeu de mots – de ceux d’entre eux qui voudraient pouvoir vivre selon leur conscience plutôt que sous la pression, l’oppression et éventuellement la répression de leurs pairs.

L’absence de débouchés que rencontrent les migrants une fois arrivés et les dettes qu’ils ont éventuellement contractées auprès des réseaux de passeurs les incitent, les poussent ou les forcent à entrer dans le monde de la criminalité. Là ils retrouvent des descendants d’immigrés qui ont adopté depuis longtemps un mode de vie alternatif combinant les revenus de l’assistance, la pratique de larcins, le recours habituel à une violence dénuée de toute mauvaise conscience et qui professent trop souvent leur la haine de la France.

Désormais plus personne n’ose sérieusement contester le lien entre immigration non désirée, hausse des violences ordinaires et impunité de fait. Ce phénomène est tellement patent que désormais même les médias les plus consensuels relatent comme une évidence que les supporters algériens ou marocains cassent tout en cas de victoire… Criminalité choisie ou forcée, les conséquences sont les mêmes pour leurs victimes, françaises et étrangères… car les premières victimes sont le plus souvent les voisins de paliers de ces délinquants et sont, elles aussi, d’origine immigrée.

2/ La démission de l’Etat, ce secret honteux

Bien sûr le problème que constitue l’immigration est d’abord dû au renoncement de l’Etat à exercer ses prérogatives régaliennes et que la déliquescence actuelle n’est que le retour à une France féodale que l’Etat (royal puis républicain) avait progressivement transformée. La résurgence du communautarisme est une résurgence du syndrome des tribus gauloises toujours en guerre les unes contre les autres que décrivait déjà Jules César dans la Guerre des Gaules.

C’est dans ce contexte de retrait de l’Etat que s’inscrit le développement de l’anarchie et de l’islamisme. Ou plutôt dans un contexte de démission de certains corps de l’Etat comme celui de la magistrature.

Trop de magistrats ne jugent plus « au nom du peuple français » mais en fonction de leurs propres présupposés idéologiques, des mètres carrés disponibles en détention ou de leur propre sensibilité. Il n’y a qu’en France où un syndicat de magistrats peut créer un « mur des cons » destiné à ridiculiser et à humilier un père de famille qui crie justice pour sa fille assassinée (Anne-Lorraine Schmitt) en dénonçant « le laxisme de la justice française et l’irresponsabilité des magistrats qui remettent en liberté des récidivistes alors qu’ils n’ont même pas fini leur peine ».

C’est au nom de la défense des droits de l’homme et du citoyen que nos magistrats et nos dirigeants ont renoncé à défendre les citoyens et les victimes. La racine du problème se situe en France mais c’est l’immigration qui la fait croître.

Mais cette démission de l’Etat, le chroniqueur du Monde, s’abstient de la pointer du doigt et préfère se réfugier dans des jérémiades qui ne coûtent pas cher mais surtout qui n’expliquent rien et ne proposent aucune solution.

Ce faisant, Philippe Bernard, illustre – à son corps défendant ? – la cécité volontaire de ceux qui ont un accès quasi monopolistique aux moyens de communication de masse. Il est le représentant de ces professionnels de la plume et du micro qui persistent à prendre leurs désirs pour des réalités dans l’espoir (mais y croient-ils encore ?) que la réalité finira par se conformer à leurs désirs.

Pourtant le chroniqueur le chroniqueur n’est pas à une contradiction près puisqu’il fournit lui-même l’explication de ce qu’il déplore : « Bien sûr, les incantations répétées à un « vivre-ensemble » ou à une « mixité sociale » mythifiés au moment même où les centres-villes se vident de leurs derniers habitants venus des classes populaires et où les banlieues concentrent de plus en plus les populations issues de l’immigration ont pu transformer la promesse en un cache-misère lénifiant ». Pourtant il persévère à détourner son regard du problème politique que constitue l’immigration aujourd’hui et préfère partir en guerre contre des moulins à vent.

3/ Ce qui permettrait de vivre ensemble c’est la culture de la France

Il confond la situation que nous souhaiterions tous – vivre ensemble sans crainte dans la paix et la sécurité – à celle que nous constatons tous : une société fragmentée, appauvrie et de moins en moins sûre où les conditions de possibilité du « vivre-ensemble » – les mœurs françaises, la culture française, la maîtrise de la langue française – sont de moins en moins réunies parce qu’elles sont de plus en plus contestées non seulement par des minorités actives (wokistes, frères musulmans) et de plus en plus niées par les institutions mêmes qui devraient les promouvoir leur diffusion et garantir leur transmission : « il n’y a pas de culture française, il y a une culture en France, elle est diverse » (Emmanuel Macron).

Depuis des années nos dirigeants se sont ingéniés à balayer d’un revers de main le triste spectacle de la réalité et à multiplier les incantations dont la notion de « vivre-ensemble » est la formule rituelle la plus fréquemment utilisée. Philippe Bernard feint de découvrir que cette formule est démonétisée et feint de s’en indigner. « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des effets dont ils chérissent les causes » disait Bossuet.

Philippe Bernard convoque Kylian Mbappé pour rappeler que l’invocation de la race ou de l’origine ethnique est le contraire du modèle de la civilisation française et il a bien raison : « Ça a toujours été clair : je suis né en France, mes parents sont français, j’ai grandi en France. Je suis français à 100 %. Pour moi, dire qu’on est noir, arabe, blanc, c’est mettre une barrière, et dans la nouvelle France, il n’y a pas de barrière, on est tous ensemble. »

Mais il fait semblant de ne pas savoir que ce que dit Kylian Mbappé est exactement ce que disent Jordan Bardella et Eric Zemmour et exactement le contraire de ce que disent Clémentine Autain, Alexis Corbière ou Sandrine Rousseau.

L’idéal d’une société harmonieuse et pacifiée n’est pas tourné en dérision. Au contraire c’est son absence qui est amèrement et douloureusement ressentie.

A l’inverse c’est le fait d’invoquer comme un mantra « le vivre-ensemble » pour détourner les yeux et le cœur de la lente et horrible décadence que subit notre pays sous les coups d’une politique d’immigration irresponsable – c’est-à-dire de l’abandon de l’idée même de bien commun –  « qui donne la mesure de la perte des repères ».

De quoi le « vivre-ensemble » est-il le nom ? De ce que le général De Gaulle appelait « la chienlit », de ce que les penseurs politiques appellent l’anarchie et que l’on pourrait également baptiser l’impuissance publique.

Les athées de la Trinité ou ceux qui ne croient pas en l’action de l’Esprit saint

La Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise (CIASE) a rendu son rapport et ses préconisations, conformément à la lettre de mission qui lui avait été adressée par la Conférence des Evêques de France (CEF) et la Conférence des Religieux et Religieuses de France (CORREF)[1].

Le rapport présidé par Jean-Marc Sauvé estime à 300.000 le nombre de victimes de crimes sexuels au sein de l’Eglise catholique de France depuis les années 1950. Les criminels sont très majoritairement – mais pas exclusivement – des prêtres. Le chiffre de 300.000 a été obtenu par un procédé d’extrapolation statistique courant dans les enquêtes d’opinion et les sondages qui permet d’estimer par des calculs mathématiques le nombre de victimes probables à partir du nombre de victimes déclarées.

En criminologie la difficulté est connue : on sait que les agressions, les vols et les atteintes aux personnes en général sont supérieures à la somme des dépôts de plaintes. Toutes les victimes ne portent pas plainte. Soit qu’elles ne le veuillent pas pour ne pas revivre le traumatisme qu’elles ont subi, soit qu’elles ne le puissent pas à cause de blocages psychologiques, de peur de représailles ou encore parce que les autorités compétentes refusent de les croire ou refusent de prendre leurs dépositions.

Le rapport émet aussi un avis et fait des préconisations, conformément à ce qui avait été demandé aux membres de la commission. Il rappelle entre autres choses que les crimes ont été réitérés pendant des années par des prêtres grâce à la complicité de leurs évêques. Ces derniers les mutaient de diocèses en diocèses, leur permettant ainsi d’aller sévir ailleurs en toute impunité. La sollicitude des évêques pour les prêtres coupables n’avait d’égale que leur indifférence pour les victimes. On se trouve en face d’un cas de crimes organisés impliquant les autorités ecclésiales et non de crimes isolés et indépendants les uns des autres. C’est ce que le rapport qualifie de systémique.

Le rapport de la CIASE en déduit que tous ces crimes ne peuvent être considérés isolément car c’est aussi la complicité d’une organisation qui est en cause. C’est un phénomène criminel qui s’inscrit dans la durée, impliquant à la fois des criminels et des complices. La CIASE affirme que cette impunité reposait sur une culture commune du déni et de l’impunité qui reposait elle-même sur le présupposé que la priorité en cas de scandale était de protéger la réputation de l’institution plutôt que de venir au secours des victimes.

Il s’agit typiquement de ce que le Christ avait dit au sujet des scandales et qu’il avait annoncé.

« Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez pas et si vous ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. C’est pourquoi, celui qui se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux, et celui qui accueille en mon nom un petit enfant comme celui-ci m’accueille moi-même. Mais si quelqu’un fait trébucher un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspende à son cou une meule de moulin et qu’on le jette au fond de la mer. Malheur au monde à cause des pièges ! Les pièges sont inévitables, mais malheur à l’homme qui en est responsable ! si ta main ou ton pied te poussent à mal agir, coupe-les et jette-les loin de toi. Mieux vaut pour toi entrer dans la vie boiteux ou manchot que d’avoir deux pieds ou deux mains et d’être jeté dans le feu éternel » (Matthieu 18, 3-8).

C’est cette survalorisation symbolique du prêtre et de l’échelle des priorités qui en découle que le rapport de la CIASE a voulu mettre en lumière.

1/ Le rapport Sauvé et ses critiques

Ceux qui critiquent le rapport Sauvé invoquent la liberté de penser et le droit d’être critique, ce en quoi ils ont parfaitement raison. La recherche de la vérité justifie pleinement que l’on puisse exercer son discernement en lisant le rapport de la CIASE. Non seulement on le peut mais on le doit car il est nécessaire de pousser la critique jusqu’à faire la critique de la critique si l’on recherche la vérité.

C’est en partant de ce postulat que huit membres de l’Académie catholique de France ont rédigé une critique de ce rapport et l’ont transmise à Rome. Leur démarche a soulevé une vive polémique pour plusieurs raisons. En raison du procédé employé d’abord – le rapport a été envoyé directement au pape sans que son contenu ait préalablement fait l’objet d’une discussion au sein de l’Académie catholique de France – et en raison de son contenu.

Le document adresse des reproches d’ordre déontologiques au rapport Sauvé c’est-à-dire qu’il remet en cause non seulement la pertinence des méthodes employées mais aussi l’honnêteté intellectuelle des auteurs du rapport auxquels sont reprochés une « hostilité vis-à-vis de l’Église » ainsi que des « biais » et des « a priori idéologiques ».

Les reproches qu’ils adressent ont, eux-mêmes, fait l’objet de contestations en sens inverse et plusieurs membres de l’Académie catholique de France ont même démissionné pour manifester leur désaccord avec leurs huit collègues.

L’un des reproches adressés à la CIASE paraît étonnant : il consiste à accuser la CIASE d’avoir outrepassé son mandat et de chercher à en profiter pour imposer ses réformes à l’Eglise.

C’est un argument étonnant pour deux raisons : la première est que les préconisations faisaient partie de la lettre de mission que lui avaient adressée ses mandataires et la deuxième c’est que l’on présuppose que les membres de la CIASE ont non seulement l’intention mais également les moyens d’imposer aux évêques de France ou au Vatican des réformes dont ils ne voudraient pas.

Pourtant les règles du jeu initialement acceptées par les deux parties et les rapports de forces n’ont pas changé avant et après la publication du rapport : la CIASE propose, les dirigeants de l’Eglise disposent

D’où provient donc cette crainte ?

2/ Où veulent en venir les détracteurs du rapport Sauvé ?

Outre que les arguments méthodologiques et déontologiques employées par les huit membres de l’Académie Catholique de France ont fait l’objet de contestations et que le pape ait ultérieurement accordé son soutien public à Eric de Moulins-Beaufort et à la conférence des évêques de France le lors de leur visite ad limina à Rome, les détracteurs du rapport Sauvé semblent animés d’une crainte sourde dont l’objet n’est cependant pas clairement expliqué.

Bien qu’ils ne contestent ni la réalité des crimes pédophiles, ni la complicité systématique des évêques ni leur désintérêt systématique pour les victimes, ils s’efforcent pourtant de réviser à la baisse le nombre de victimes. Dans quel but ?

Car, même en admettant leur argument selon lequel le chiffre des victimes serait inférieur à 300.000, le problème resterait intact. Même les principaux mis en cause, les évêques français commanditaires de l’étude, reconnaissent leurs propres responsabilités. Se battre sur les chiffres apparaît à bien des égards comme un combat sans objet et hors-sujet.

A moins qu’il existe un autre enjeu, caché celui-là : la volonté de minimiser le montant des indemnités à verser aux victimes.

3/ Le refus de payer

Cette volonté de minimiser l’ampleur du scandale s’explique peut-être par un refus de payer le prix des crimes commis. Un refus de payer au double sens du terme. Au sens moral du terme d’abord : pour éviter de reconnaître le péché institutionnel (systémique). Au sens littéral du terme ensuite : pour éviter d’avoir à payer des indemnités en espèces sonnantes et trébuchantes.

Le paiement d’indemnités impliquerait en effet de vendre de nombreux biens immobiliers dont les diocèses ont la jouissance et/ou dont ils tirent des sources de revenus en les louant. Une telle vente entraînerait inévitablement une réorganisation matérielle des structures ecclésiales donc une réorganisation de son mode de fonctionnement et un réagencement de ses priorités pastorales.

Peut-être même que des prêtres seraient de nouveau obligés de travailler pour subvenir à leurs besoins. En soi cela n’aurait rien de nouveau : saint Paul était fabriquant de tentes et s’honorait de subvenir à ses propres besoins et de ne rien devoir à personne.

Ce serait l’adoption d’un mode de fonctionnement que connaissent depuis le VIème siècle les moines bénédictins qui subviennent à leurs propres besoins et dont la devise est ora et labora. Ordre remarquable de stabilité et d’équilibre, d’humilité et de travail. Ce qui ne l’a pas empêché, dès la fin du IXème siècle, de connaître de multiples réformes et retours à la règle originelle chaque fois que réapparaissaient routine, enrichissement ou laxisme.

Le refus de payer traduit peut-être aussi une peur de l’inconnu et le tournis que l’on éprouve avant d’effectuer un saut dans le vide. Cette peur est compréhensible d’un point de vue humain mais inacceptable d’un point de vue chrétien car elle trahit un manque de confiance totale en l’Esprit saint.

Leur raisonnement repose sur la conviction – au moins implicite – que l’on ne peut pas s’en remettre à l’Esprit saint pour guider et guérir l’Eglise. Leur argument consiste à dire que si l’on reconnaît le caractère institutionnel de ces crimes alors on remettrait inévitablement en cause l’institution hiérarchique de l’Eglise et donc l’existence de l’Eglise elle-même. Curieux raisonnement qui prétend enrôler le déni – et donc le mensonge –  au service de l’Eglise.

Car en raisonnant ainsi les détracteurs du rapport Sauvé affirment – sans s’en rendre compte ? – que l’Eglise est indissociable de ses crimes et qu’on ne peut pas éradiquer la maladie sans faire crever le malade. A leurs propres yeux l’Eglise hiérarchique serait inguérissable, incorrigible et irrécupérable. Leur vision de l’Eglise est encore plus infamante que celle de ses adversaires déclarés.

C’est un réflexe désespéré et désespérant qui repose sur le refus de croire que l’Esprit saint souffle sur l’Eglise et inspire des solutions ou des réformes de structures. Pourtant le Christ nous L’a promis : « Quant à moi, je prierai le Père et il vous donnera un autre défenseur afin qu’il reste éternellement avec vous: l’Esprit de la vérité » (Jean 14, 16).

Le refus d’accorder sa confiance – c’est-à-dire sa foi – à la troisième personne de la Trinité est un réflexe d’athée. En l’occurrence un réflexe d’athée de la Trinité.

4/ Athées de la Trinité

Car c’est cet Esprit saint qui anime l’Eglise et compense le péché de ses membres depuis plus de 2000 ans et qui inspire les grands réformateurs de l’Eglise comme saint François d’Assise ou sainte Catherine de Sienne.

Le Christ nous a promis l’Esprit saint mais n’a pas promis au clergé l’omniscience, l’infaillibilité ou l’impeccabilité du clergé : « Ne soyez pas nombreux à vouloir devenir des enseignants car, vous le savez, mes frères et sœurs, nous serons jugés plus sévèrement » (Jacques 3, 1).

Le Christ nous a promis qu’Il enverrait Son Esprit à Ses disciples c’est-à-dire à Son Eglise c’est-à-dire à l’ensemble des baptisés et pas seulement au clergé.

« Je vous ai dit cela pendant que je suis encore avec vous, mais le défenseur, l’Esprit saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne se laisse pas effrayer » (Jean 14, 25-27).

Et c’est parce que souffle l’Esprit saint que l’Eglise peut se réformer en permanence et doit se réformer en permanence : Ecclesia semper reformenda.

Le refus de croire que la troisième personne de la Trinité agira demain si on s’en remet à Elle est un manque de foi dans la réalité de la Trinité : Père, Fils et Esprit. Mais ce manque de foi n’est pas le propre des membres de l’Académie catholique de France.

Cette incrédulité est celle de Pierre quand le Christ lui dit « Arrière de moi, Satan ! tu m’es un scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes » (Matthieu: 16,23).

Cette incrédulité est celle des apôtres au lendemain de la mort du Christ.

Cette incrédulité est la nôtre à chaque fois que nous préférons prêter l’oreille au grondement du tonnerre qu’au souffle de la brise légère (1 Rois 19,11-23).

L’Esprit saint parle à notre cœur pour nous mener par des voies que nous ne connaissons pas vers un but que nous ignorons.

C’est ainsi qu’agit l’Esprit saint et c’est pour cela que nous voulons si peu L’écouter.


[1] https://www.ciase.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019/02/Lettre-de-Mission-CEF-CORREF.pdf

Plus l’Eglise est hiérarchisée et moins elle est à l’écoute de l’Esprit saint

La Conférence des Evêques de France (CEF) déplore d’une voix fluette tous les crimes pédophiles que les évêques qui la constituent ont laissé commettre faute d’avoir voulu les entraver, les dénoncer et y mettre un terme. Aujourd’hui ils versent ostensiblement des larmes de crocodile sur des faits qu’ils font mine de découvrir pour faire oublier qu’ils n’ont pas voulu savoir. Pourquoi n’ont-ils pas voulu savoir ? Parce qu’ils savaient déjà.

Face à la colère et à la défiance du peuple chrétien ils donnent l’impression de ne pouvoir sortir de l’incantation faute de vouloir demander sincèrement pardon. Comme si tous ces événements s’étaient déroulés en leur absence. En un sens c’est bien ce qui s’est passé : ils n’étaient pas là où ils auraient dû être. Mais s’ils ont été absents c’est parce qu’ils se sont absentés. Ils ont commis ce que l’on appelle à l’armée un abandon de poste.

Si la hiérarchie catholique a tant de mal à demander pardon à ses victimes en démissionnant collectivement – comme le pape l’a exigé et obtenu de l’épiscopat chilien – pour reconnaître et assumer ses responsabilités propres c’est parce que la CEF obéit à une logique mondaine : ne pas perdre la face.

C’est son objectif majeur. Le pardon à demander aux victimes, la renonciation à leurs sièges épiscopaux, la repentance et, de manière générale, tout ce qu’ils demandent aux pénitents dans le cadre de la confession ne sont pas compatibles avec cet objectif.

Les réticences actuelles de la CEF à reconnaître sa responsabilité, ses fautes et ses péchés dans le scandale des abus sexuels dans l’Eglise sont choquantes mais pas étonnantes.

Cette paralysie de la CEF illustre, involontairement, les méfaits et les ravages du cléricalisme au sein de l’Eglise et pas seulement en France : le problème est beaucoup plus large et le drame beaucoup plus profond.

Cette tétraplégie cléricale illustre une vérité fondamentale : plus l’Eglise est hiérarchisée et moins elle est à l’écoute de l’Esprit saint. Ce n’est pas une nouveauté en soi : le clergé a toujours entravé et maltraité les saints de leur vivant avant de les canoniser après leur mort en courant au secours de la victoire.

Car, quand on est une institution humaine, on ne peut pas se permettre de perdre la face ! On ne reconnaît jamais ses erreurs. Ou alors très tardivement. Et en en minimisant la gravité. Et en invoquant les circonstances atténuantes. Mais surtout en ne demandant jamais pardon.

Ou alors de manière à n’engager aucune responsabilité individuelle comme lors de l’acte de repentance fait par Jean-Paul II en l’an 2000 pour les fautes commises par ses enfants au cours de siècles précédents et ayant constitué des formes de contre-témoignage et de scandale. C’était une démarche bien venue mais qui n’engageait pas à grand-chose concrètement. Pourtant elle a suffi à susciter de vifs reproches à l’intérieur même de l’Eglise et de la Curie. Demander pardon a été dénoncé à mi-voix comme un signe de faiblesse.

Plus l’Eglise est institutionnalisée, plus elle dégénère en organisation. Une organisation mondaine régie par les rapports de domination et des querelles internes. Plus l’Eglise est institution et moins elle communauté. Or, c’est ce qu’elle est censée être : une communauté de baptisés cheminant, cahin-caha mais ensemble, vers le Christ.

1/ L’Etat du Vatican ou la collusion institutionnalisée avec le monde

Pendant des siècles le clergé et l’épiscopat catholique se sont compromis avec la logique de ce monde et donc avec le Prince de ce monde. Le fait même que l’Eglise du Christ, humble et pauvre de cœur, se soit dotée d’un Etat en est la manifestation la plus cruelle.

L’Eglise institutionnelle est devenue une caricature d’organisation mondaine au fur et à mesure qu’elle a calqué son organisation et son mode de fonctionnement sur les structures politiques du monde. Au lieu d’aller au monde elle s’est rendue à lui et à son maître, le Prince de ce monde.

Elle possède donc un Etat qui, comme tous les Etats, obéit à la logique mondaine du secret d’Etat.

Un Etat qui étouffe les crimes de sang (meurtre du président de la Banco Ambrosiano, Roberto Calvi, à Londres en 1982, les trois meurtres de l’affaire Alois Estermann/Cédric Tornay en 1998 dans le milieu des gardes suisses).

Un Etat qui couvre les crimes pédophiles de ses « fonctionnaires » à l’échelle de la planète.

Un Etat qui couvre les turpitudes économico-sexuelles de ses dirigeants les plus élevés (les cardinaux).

Un Etat qui dispose d’une banque compromise avec toutes les dérives capitalistes de la mondialisation et avec les mafias les plus effroyables.

Un Etat qui a un organe de presse officiel – l’Osservatore romano – dont la transparence n’est comparable qu’à celle de la Pravda à l’époque de l’Union soviétique.

Un Etat qui possède une diplomatie avec tous les compromis et les compromissions que cela implique.

Sous prétexte de s’adapter à la logique de ce monde la hiérarchie ecclésiastique l’a adoptée et a fini par l’importer.

Fidèle à cette logique mondaine la hiérarchie ecclésiastique ne reconnaît ses fautes que sous la contrainte : quand elle est le dos au mur et qu’elle ne peut vraiment pas faire autrement – et toujours du bout des lèvres. Mais elle ne demande jamais pardon à ceux qu’elle a blessés.

Pourquoi ? Parce qu’elle a adopté la logique de la raison d’Etat qui préfère une injustice à un désordre.

2/ La collusion de la hiérarchie catholique : un processus historique ancien

Pendant des siècles l’Eglise catholique romaine s’est structurée sur le modèle des pouvoirs mondains qui l’entouraient et qui l’ont à la fois ou successivement oppressée et instrumentalisée : la féodalité d’abord, les monarchies « très chrétiennes » ensuite et l’Etat-nation enfin.

Ces pouvoirs mondains ont à la fois opprimé, inspiré et dénaturé l’Eglise catholique en enrôlant le clergé comme supplétif au service de leurs projets et de leurs ambitions.

De signe de contradiction aux yeux des hommes pour la gloire de Dieu et le salut du monde le clergé a été ravalé au rang de gardien des institutions.

Il est devenu la caution morale des traîneurs de sabres qui se succédaient sur les trônes européens en échange des revenus et des privilèges statutaires qu’ils lui garantissaient .

Le haut clergé en particulier a accepté de jouer un rôle actif dans la prostitution du sacrement de mariage : ce qui était censé être une union mystique a été ravalé au rang d’instrument diplomatique.

Le mariage princier a constitué pendant des siècles un moyen bien pratique pour nouer des alliances. La dynastie de Habsbourg et sa politique matrimoniale à la fin du Moyen-Age se résumait à cette maxime : Tu Felix Austria, nube (« Toi, heureuse Autriche, conclus des mariages »).

C’est sans doute pour cette raison que la papauté et le haut clergé faisaient à l’époque beaucoup moins de difficultés pour reconnaître la nullité de certains mariages royaux…quand les grandes familles royales le leur demandaient, avec ou sans insistance.

Le haut clergé s’est également compromis moralement en mettant son autorité spirituelle au service de ceux qui étaient ses maîtres et ses employeurs : tout monarque désireux de faire croire que sa montée sur le trône était dictée par la volonté de Dieu en personne pouvait trouver un évêque pour s’adonner à cette comédie du sacre royal.

Ce faisant le haut clergé apportait sa caution à tous les êtres de ruse et de sang qui s’étaient hissés jusqu’au trône pour y satisfaire leur orgueil et leurs convoitises.

Certes le prix moral à payer était exorbitant mais au moins la soupe était chaude…

3/ L’importation d’une conception féodale et donc païenne de l’obéissance

Les dirigeants de l’Eglise sous prétexte de s’adapter à la logique du monde, ont fini par adopter, importer, promouvoir et valoriser une conception du pouvoir antichrétienne : celle d’une obéissance qui n’est pas sous-tendue par le discernement et qui n’est pas ordonnée au bien.

Le jour de leur ordination, ceux qui veulent devenir prêtres font serment d’obéir toujours à leur évêque. L’autorité et l’obéissance sont considérées comme des vertus en elles-mêmes au lieu d’être considérées comme des moyens relatifs au bien, à la manifestation de la vérité et à l’expression de la charité.

En valorisant l’autorité et l’obéissance en tant que telles et sans référence à autre chose qu’elle, les évêques ont habitué les chrétiens – prêtres et laïcs – à envisager l’obéissance comme un bien au lieu de leur enseigner que l’autorité et l’obéissance étaient ordonnées au bien.

Une conception de l’obéissance ordonnée et donc subordonnée au bien confère sa légitimité au discernement, à la liberté de conscience et à l’objection de conscience.

A la fin de de l’Evangile le Christ annonçait qu’il nous enverrait son Esprit saint pour nous guider et nous révéler tout ce qu’Il n’avait pas pu révéler encore. Il n’exigeait pas d’obéir inconditionnellement à ses représentants dont il savait bien de quels abandons ils s’étaient montrés capables…

Le don de l’Esprit saint suppose que les chrétiens développent une forme de discernement spirituel pour séparer le bon grain qui vient de l’Esprit saint de l’ivraie qui vient des hommes (même bien intentionnés). Un discernement permanent qui repose à la fois sur l’intelligence spirituelle et la liberté intérieure éclairée par l’Esprit saint.

L’épiscopat, héritier des apôtres, a préféré procéder à l’ablation du discernement chez les ordinants en exigeant d’eux une obéissance sans condition et sans réserve. Pas même celle du discernement.

Là où le Christ envoie l’Esprit saint pour nous révéler Sa volonté, les évêques se sont mis à exiger une promesse d’obéissance a priori et absolue sur le modèle féodal c’est-à-dire une obéissance qui n’est pas subordonnée au bien : une obéissance autoréférentielle.

Ce type d’obéissance est celle que les hommes pratiquent spontanément sous diverses formes.

A l’armée on avait coutume de dire : « Réfléchir c’est désobéir ».

Chez les fascistes italiens le mot d’ordre était : « Mussolini a toujours raison ».

Dans la bureaucratie administrative cela donne : « Article 1 : le Chef a toujours raison ; article 2 : quand le Chef a tort, se référer à l’article 2 ».

C’est ainsi qu’aujourd’hui encore les prêtres en désaccord avec les options pastorales et théologiques de leur évêque sont condamnée à la schizophrénie existentielle : ils doivent taire les raisons de leur désaccord et agir contre leur conscience par fidélité à leur vœu d’obéissance.

J’ai connu un prêtre très classique me dire sur le ton de la confidence : « Vous les laïcs, utilisez la liberté d’expression qui est la vôtre pour dire ce que nous prêtres n’avons pas le droit de dire. Vous n’avez pas prononcé de vœu d’obéissance, profitez-en et exprimez-vous pour le bien de tous ».

Dans ces conditions l’appel à une réforme profonde de l’exercice de l’autorité dans l’Eglise apparaît davantage comme une urgente et impérieuse nécessité que comme une concession au politiquement correct et à l’air du temps. Non ?

Emprunter la voie romaine