Appeler à combattre le mal, pas seulement le dénoncer…

Haut-fonctionnaire familier des arcanes du pouvoir et des questions sécuritaires, Gepetto a une connaissance très concrète et très fine des rouages de l’Etat et une vision aiguisée des menaces qui pèsent sur la société française. Dans cet article il appelle ses compatriotes et notamment l’épiscopat à ne pas se contenter de jouer les observateurs navrés mais non impliqués et, à l’exemple de l’évêque saint Augustin d’Hippone, de dénoncer le mal explicitement et d’en proposer une lecture théologique qui dégage du sens et des perspectives pour les chrétiens et pour les autres.

Nous avons cru que la Shoah, les génocides perpétrés par les Khmers rouges, ceux commis au Rwanda ou en Arménie appartenaient au passé et étaient bien rangés sur des étagères, alignés comme des livres que l’on feuillette de temps à autre avec la satisfaction de les savoir là, comme des témoins suffisants à rappeler des horreurs en espérant qu’elles ne se reproduisent plus.

Les massacres de femmes, enfants, vieillards par centaines le 7 octobre par le Hamas méritent mieux qu’un communiqué de la conférence des évêques témoignant de son soutien et appelant à la prière. Ce qui s’est passé relève de la diffusion du mal qui s’amplifie dans le monde.

Oui, le mal existe toujours et devient chaque jour plus puissant quand nous ne le combattons pas et il est un devoir de le rappeler. Quand l’horreur, le mal surgissent comme cela s’est produit le 7 octobre, se contenter de dire que l’on compatit et que l’on appelle à la prière est insuffisant.

Il faut sortir proclamer un message d’espérance, ouvrir les Eglises, appeler les fidèles et les autres à participer à des rassemblements pour rappeler à chacun qu’il détient la force de combattre le mal en faisant le bien.

C’est la somme de ces actions qui pèsera dans la lutte. Il y aura encore des combats, des morts provoqués par la lutte contre le terrorisme mais il doit y avoir au bout l’espérance annoncée par l’Apocalypse de Jean qui annonce « qu’un jour l’Agneau essuiera toute larme, de mort il n’y en aura plus, de pleurs de cris et de peines, il n’y en aura plus et de nuit il n’y en aura plus… »

Etienne Gilson, dans un cours prononcé en 1947 à l’institut des études politiques de Paris sur le thème des forces religieuses et la vie politique rappelait qu’en 410 après Jésus-Christ lors de la prise de Rome par les Wisigoths, le traumatisme avait été immense car le sac de Rome avait été vécu comme l’effondrement du monde civilisé. L’Eglise qui s’était arrimée à L’Empire dans le but de le christianiser, s’était alors retrouvée en manque de doctrine avec sa disparition et s’était réfugiée dans son essence religieuse.

Le salut viendra de l’évêque d’Hippone, Saint Augustin qui commença à rédiger au même moment son ouvrage majeur la Cité de Dieu, redonnant un but à une Eglise qui ne pouvait qu’être universelle et apportant l’espérance d’une humanité meilleure car nous rappelle opportunément Gilson « cette société religieuse universelle se recrute dans toutes les races et dans tous les peuples…les citoyens ordinaires servent leur pays, uniquement par amour de leur pays, les citoyens de la Cité de Dieu servent leur pays aussi pour l’amour de leur pays mais aussi pour l’amour de Dieu »

Le seul message qui vaut dans nos temps barbares et celui qui enseigne à ne pas désespérer, mais en prenant bien soin de dire que « désespérer, n’est pas seulement manquer d’espérance, c’est aussi s’éloigner de ce que l’on devrait espérer par ce que l’on estime impossible de l’atteindre » Cela est aussi affirmé par Gilson dans son cours quand il explique à ses étudiants que cela est le fondement de la trahison de Pétain dont l’action a été motivée par l’éradication de l’espoir qui pouvait subsister après l’effondrement de 1940. Tout désespéré est ainsi traitre à l’espérance nous dit Gilson.  

Le monde que nous connaissons est bien prêt de connaitre un nouveau sac de Rome, et les massacres du 7 octobre constituent un nouveau signal très inquiétant, prenons garde à ce que des institutions comme l’Eglise ne se détachent insidieusement des réalités en se réfugiant comme dans son essence religieuse, ce serait précipiter son effacement.

Gepetto