Les militants de la grande fluidification considèrent que tout ce qui est compact, organisé et hérité du passé doit être défait afin que les atomes qui les composent soient rendus à leur liberté originelle.
Ils pensent ainsi parce qu’ils considèrent que les êtres humains se comportent naturellement et spontanément comme des atomes. Leur projet d’atomisation de la société en découle. En dépit de leurs déclarations d’intention et quel que soit leur degré de sincérité ou d’aveuglement il débouche inexorablement sur la loi de la jungle.
Les militants de la grande fluidification sont en campagne. Ils livrent une guerre des idées qui est une guerre planétaire dont la Manif pour tous constitue l’une des batailles. Une bataille absolument essentielle mais pas exclusive.
1/ Les atomes sont interchangeables
Les militants de la grande fluidification partent du principe que les atomes sont interchangeables et en déduisent que les hommes et les femmes doivent l’être aussi.
Du point de vue économique cela signifie qu’on délocalise tant qu’on peut en tirant les salaires à la baisse : un atome chinois c’est comme un atome français, non ? Et puis un atome ça n’a besoin que d’un minimum d’énergie, pas vrai ?
Du point de vue politique aussi : un atome français c’est comme un atome allemand. Pourquoi voter chacun dans son coin ? Autant les regrouper dans un ensemble unique.
Du point de vue anthropologique aussi : a-t-on jamais vu un atome mâle et un atome femelle ? Alors pourquoi s’obstiner à ranger les atomes en deux catégories arbitraires et absurdes ? Chez les atomes il n’y a pas de couples puisqu’il n’y a pas d’identité sexuelle. Donc il n’y a pas non plus matière à faire des distinctions entre différentes orientations sexuelles : un atome c’est un atome, un point c’est tout.
Le seul problème des militants de la grande fluidification c’est qu’il y a une inégale répartition d’atomes sur la planète : il faut donc favoriser les flux d’atomes d’un continent à l’autre. Que le cadre soit légal ou illégal n’a pas de sens. Que ce soit moral ou pas non plus. Le tout c’est de gérer les flux et éviter les déséquilibres.
2/ Il n’existe pas de bien commun
Les militants de la grande fluidification ne croient pas en l’existence d’un bien commun. Ils refusent même la possibilité qu’existe un bien commun.
Les militants de la grande fluidification sont prêts à admettre qu’il existe peut-être un bien individuel mais ils considèrent que chacun est responsable mais de bien commun il n’en est point.
Pourquoi ? Parce qu’ils n’acceptent ni l’idée de bien, ni l’idée de communauté.
Ils refusent l’idée que l’on puisse établir une échelle du bien et du mal qui soit autre chose que le reflet d’un point de vue particulier et donc arbitraire. Admettre que l’on peut essayer d’établir une échelle du bien et du mal serait reconnaître au moins implicitement qu’il existe un souverain bien en-dehors du monde des atomes parce qu’ils refusent l’idée qu’il puisse y avoir un autre monde que celui des atomes.
Ils refusent l’idée qu’une communauté puisse être autre chose qu’une structure d’aliénation. Par définition toute communauté est une prison…. à moins que ce soit une communauté d’élection et à condition que l’adhésion soit le résultat d’un engagement contractuel et à tout moment révocable. Une association d’atomes qui soit une association volontaire et précaire afin de ne pas compromettre le mouvement permanent qui doit rester l’horizon ultime.
Et comme, par définition, une communauté vise à tisser des liens privilégiés entre ses membres pour les retenir autour d’un intérêt commun toute communauté naturelle constitue un obstacle à ce grand projet de flux permanent d’atomes indéterminés. La durée, le long terme : voilà l’ennemi !
3/ Des réseaux en guise de raison
Les militants de la grande fluidification favorisent donc le développement de réseaux mais vous regardent de haut quand vous leur demandez leurs raisons.
Pourquoi ? Parce qu’ils sont logiques avec eux-mêmes : ne voulant plus aborder la question des fins ils veulent désormais se consacrer exclusivement à la question des moyens.
Puisque les êtres humains ont les mêmes caractéristiques que les atomes les militants de la grande fluidification se contentent de développer des réseaux et se dispensent d’en chercher les raisons.
Quand un fournisseur d’accès internet ou un opérateur téléphonique vient vous démarcher sur votre lieu de travail pour vous proposer des forfaits supplémentaires c’est pour augmenter les flux – un flux d’information et de divertissement en échange d’un flux financier – pas de s’adapter à vos besoins réels et individuels et encore moins à viser un bien. La question du contenu et de l’opportunité des flux n’est pas leur objet.
Quand un gouvernement cherche à promouvoir le mariage entre personnes du même sexe, la gestation pour autrui et la procréation médicalement assistée – il cherche à promouvoir les flux biologique et les flux d’argent – mais certainement pas les besoins réels des enfants et des mères naturelles. La question du bien de la société n’est pas leur objet.
Quand un autre gouvernement cherche à abolir l’interdiction de travailler le dimanche c’est pour favoriser la rencontre des atomes qui travaillent et des atomes qui achètent. C’est pour faciliter les flux financiers : pas pour améliorer la part des salaires de ceux qui travaillent ou pour promouvoir la vie de famille, la vie intérieure et la vie relationnelle. Car un atome n’a ni vie intérieure, ni vie relationnelle.
Quand des grands groupes industriels exploitent des ressources naturelles et mettent en péril l’environnement présent et futur c’est pour créer des flux : flux de matières premières qu’on pourra extraire et flux financiers qu’on pourra dégager. Hors des flux, on s’en fout : puisque les atomes vivent dans un monde exclusivement composé d’atomes il n’existe aucun environnement extérieur. Puisque les atomes ne se reproduisent pas il n’existe aucune génération future à ménager. Puisque les atomes sont interchangeables il n’y a pas de conditions de travail, de politique sociale ou de droit salarial : un atome disparu ou abîmé est immédiatement remplacé. L’expression « ressource humaine » c’est une facilité de langage. C’est le mot ressource qui lui confère son sens.
4/ La troisième guerre mondiale est une guerre des idées
Si le programme des militants de la grande fluidification c’est « Chacun fait ce qu’il veut », leur grand péché est le mensonge. Ils refusent obstinément d’admettre que personne ne veut la même chose et que ça entraîne mécaniquement la guerre de tous contre tous. Ils refusent d’admettre qu’à ce petit jeu-là ce sont toujours les plus forts qui imposent leur loi : par la violence (anarchique au départ, institutionnelle ensuite), par la ruse, par l’argent, par la manipulation ou par une savante combinaison des quatre.
Si les militants de la grande fluidification sont surreprésentés dans les milieux dirigeants – économiques, politiques et médiatiques – c’est précisément parce qu’ils maîtrisent ces différents leviers et qu’ils en sont les premiers et les principaux bénéficiaires. C’est pour cela qu’ils pratiquent le déni de réalité à échelle industrielle. C’est pour cela qu’ils parviennent à imposer leur vision d’un monde idéal parce qu’atomisé.
S’ils font semblant de ne pas comprendre que la suppression du plus grand nombre de règles au nom de la liberté individuelle débouche sur la liberté du loup lâché dans la bergerie c’est parce qu’eux-mêmes ne sont pas des agneaux…
Le combat qu’ils mènent à l’échelle de la planète pour faire triompher leurs conceptions est un combat culturel.
Actuellement le combat fait rage à l’intérieur de chaque parti, à l’intérieur de chaque pays, redessine les clivages traditionnels et redistribue les cartes.
La Manif pour tous est l’une des batailles de cette guerre planétaire que se livrent actuellement ceux qui croient qu’il existe un bien commun et qu’il faut chercher à l’atteindre même s’ils ne sont pas forcément d’accord sur sa définition et ceux qui ne veulent même plus en entendre parler.
Dans le premier camp on trouve des courants très hétéroclites en apparence seulement : les partisans de la Manif pour tous, les vrais écologistes comme José Bové, les souverainistes comme Hervé Mariton, les vrais altermondialistes comme Nouvelle Donne, les partisans de la frugalité heureuse et de l’agriculture raisonnée comme Pierre Rabhi ou Claude et Lydia Bourguignon et d’autres encore.
Dans le camp opposé on trouve la gauche de gouvernement, des lobbies comme Terra Nova et LGBT, les idéologues de la zone de libre échange pure et parfaite (la Commission européenne), les opposants au contrôle des flux financiers et migratoires (le MEDEF, Emmanuel Macron), les partisans de l’horreur bio-éthique (Pierre Bergé), ceux qui veulent toujours être du côté du manche (Alain Juppé, Alain Minc, Bernard-Henry Lévy), les incubateurs d’adultère tarifé (Gleeden), les apprenti-sorciers des réformes sociétales (Najat Vallaud-Belkacem, Christiane Taubira), les puissances de l’argent qui manipulent les opinions (Maurice Lévy, Pierre Bergé, Matthieu Pigasse, Xavier Niel) et bien d’autres encore.
Le combat planétaire est en fait une guerre des idées.
C’est elle qu’il faut remporter car c’est d’elle que dépend l’avenir de toute forme de civilisation et de l’humanité.
La troisième guerre mondiale a déjà commencé.