Connaître le diagnostic et refuser la prescription ?

La révélation chrétienne est un logiciel de décryptage de la condition humaine. C’est un outil unique pour comprendre le sens de ce que nous vivons, subissons et faisons subir. Collectivement et individuellement.

A défaut de disposer de cet outil nous en sommes réduits à faire le constat désespérant de Macbeth qui considérait que l’existence n’était qu’un un récit plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui n’a pas de sens.

1/ Un outil de diagnostic existentiel

La révélation chrétienne est comparable à un service de renseignement qui éclaire, instruit et conseille son gouvernement pour lui éviter de se fourvoyer en prenant les apparences pour la réalité.

Elle montre le chemin et donne les moyens qui permettent de sortir de la nasse dans laquelle nous nous débattons et où nous finissons parfois par renoncer à nous battre, de guerre lasse.

En nous révélant le dessous des cartes la révélation chrétienne nous révèle à nous-mêmes mais, en un sens, c’est bien ça le problème. Ou plutôt ça peut devenir un problème pour nous selon la manière dont nous accueillons cette révélation sur les causes profondes de nos contradictions et les ressorts cachés de nos actions.

Tous les médecins le savent en effet : l’énoncé du diagnostic peut déclencher des réactions hostiles voire carrément hystériques chez le patient qui ne veut à aucun prix entendre la vérité sur son état. Pourtant les vérités qu’on a le moins envie d’entendre sont celles dont on  a le plus besoin…

De ce point de vue la révélation chrétienne fait problème dans la mesure où elle nous contraint à faire un choix. Elle nous libère de l’indécision à laquelle notre ignorance nous condamnait. Ce faisant elle nous confronte à notre liberté de choix. Elle nous impose de faire un arbitrage. En fait ça devient notre problème au sens propre du terme.

La révélation chrétienne est un outil de diagnostic et une proposition de prescription. Le plus dur reste alors à faire : accepter de suivre la prescription. Cet acte de volonté c’est l’acte de la foi.

2/ Connaître la vérité ne nous sauve pas

En effet le plus difficile n’est pas d’accéder à la vérité mais d’y acquiescer car ce qui nous sauve ce n’est pas la connaissance de la vérité – hérésie gnostique – mais de vivre de la vérité.

Quand la Bible parle de connaître Dieu elle ne parle pas d’acquérir une connaissance métaphysique portant sur Dieu sa nature ou ses attributs mais elle parle d’une intimité avec Dieu. De même quand on dit qu’un homme et une femme se sont connus « au sens biblique du terme » on dit par là qu’ils ont une intimité sexuelle.

La connaissance de la vérité de Dieu ne nous sauvera pas. Si tel est le cas Satan ne serait-il pas le premier des sauvés ? Ne sait-il pas mieux que n’importe quel homme qui est Dieu ?

« Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien ; les démons aussi le croient, et ils tremblent » (Epître de Jacques 2, 19).

La foi des démons ne nous sauvera pas mais elle peut devenir la nôtre et c’est ça le danger qui nous menace Connaître la vérité mais refuse d’en vivre c’est le propre du pharisien. Voilà pourquoi ce n’est pas la connaissance de la vérité qui sauve mais son acceptation.

Ce problème n’est d’ailleurs pas spécifiquement de nature religieuse. Combien de services de renseignement ont alerté en vain leurs gouvernements de dangers imminents sans que leurs autorités acceptent cette inquiétante vérité : « Nous sommes en danger » ?

Car au fond personne n’aime les porteurs de mauvaises nouvelles. On préfère condamner ceux qui sonnent le tocsin plutôt que de se mobiliser contre l’incendie. On préfère un déni de réalité à une remise en cause douloureuse.

Le fond du problème est en nous et la question peut être formulée ainsi : quel usage voulons-nous faire des vérités que la révélation chrétienne nous dévoile sur nous-mêmes ?

Que voulons-nous faire de notre liberté ? Voulons-nous en faire quelque chose pour vivre selon la vérité de Dieu, ici-bas et au-delà ? Ou bien préférons-nous nous fier à nous-mêmes sachant que nous ne savons pas ce qui est bon pour nous ?

C’est la question que l’Eternel posait déjà à Israël et qu’Il nous pose inlassablement à chacun individuellement.

« J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, pour aimer l’Eternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t’attacher à lui: car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours » (Deutéronome 30, 19).

3/ Aimerons-nous le Dieu d’amour ?

C’est pour cela que nous ne serons pas jugés sur notre connaissance abstraite de la vérité ou sur la rectitude de notre théologie. Comme disait de Jean de la Croix: « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour ».

Rien d’étonnant puisque le Christ lui-même nous a dit que toute la volonté de Dieu était résumé dans le commandement de l’amour.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée, c’est là le plus grand commandement et le plus important. Mais il y en a un second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’enseignent la loi et les prophètes se résume dans ces deux commandements » (Matthieu 22, 37-40).

Mieux encore, saint Jean nous dit que l’amour s’identifie à Dieu : « Aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et il connaît Dieu. Qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4, 7).

Bien sûr l’amour suppose, implique et contient l’amour de la vérité mais il n’implique pas et ne garantit pas l’infaillibilité du discernement. C’est rassurant !

C’est pourquoi Vatican II rappelle que l’ignorance involontaire de Dieu et de la révélation chrétienne n’est pas un obstacle au salut.

Ce qui est un obstacle au salut c’est le refus délibéré et donc conscient d’accepter l’offre de Dieu faite en la personne de Jésus Christ.

Mais dans ce cas l’obstacle qui nous barre la route du salut c’est nous qui le posons.

CS Lewis le résumait bien : « Au fond l’humanité se divise simplement en deux catégories de personnes : ceux qui disent à Dieu Que ta volonté soit faite et ceux auxquels Dieu dit Que ta volonté soit faite. Tous ceux qui vont en enfer font partie de cette dernière catégorie »