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Pourquoi je suis souverainiste et pourquoi je soutiens le pape François

1/ Vagues de migrants et Etat défaillant depuis 40 ans

Le contexte dans lequel arrivent les vagues de migrants est, pour la France et pour de nombreux autres pays européens, celui d’un Etat défaillant.

Un Etat qui ne parvient plus à assurer la sécurité de ses ressortissants parce qu’il ne se donne pas les moyens matériels, financiers et juridiques de sanctionner les délinquants de manière dissuasive.

Un Etat qui ne cherche plus à faire respecter les lois dans certaines zones urbaines et péri-urbaines qui sont de facto des places fortes comparables aux places fortes protestantes sous l’Ancien régime.

Un Etat qui ne parvient pas à promouvoir l’emploi, la solidarité nationale et la prospérité parce qu’il a explicitement renoncé à promouvoir l’emploi au nom de la compétitivité, la solidarité au nom de la dérégulation généralisée et la prospérité générale au nom de la loi du marché qui veut que dans le système capitaliste y ait des gagnants et des perdants.

Un Etat qui a organisé lui-même la rupture de transmission de ce qui fait la culture et l’identité nationale : la langue, l’histoire, la mémoire – ravalée au rang de séances d’auto-flagellation publiques et systématique –, la culture.

Un Etat qui a renoncé à exercer ses prérogatives régaliennes c’est-à-dire à jouer son rôle : monopole de la violence légitime contre les délinquants et promotion de l’intérêt général contre les intérêts catégoriels (lobbies financiers et associatifs, corporatismes de la fonction publique, communautarisme politiquement correct et incivisme).

C’est dans le contexte d’un Etat défaillant qu’arrivent en masse des vagues d’immigrés au sien desquelles on trouve des familles chrétiennes persécutées, des familles musulmanes également persécutées mais aussi des apprentis terroristes qui ont pris le train en marche et des hommes jeunes et dans la force de l’âge qui sont en fait des migrants économiques qui candidatent à l’amélioration de leur sort individuel après avoir délaissé parents, femmes et enfants. On se demande pourquoi ils ne prennent pas les armes chez eux pour défendre leur pays (la Syrie) et/ou de le développer économiquement (pays africains) plutôt que de le déserter et de laisser ce soin à d’autres.

On comprend donc la réaction indignée des Français – et notamment des catholiques ou des sympathisants catholiques – à l’idée de devoir absorber des vagues de migrants indistincts dans un pays déjà miné par l’insécurité, le chômage, la récession la pauvreté1 et l’absence à peu près totale de perspectives pour eux-mêmes et pour leurs propres enfants.

L’exaspération atteint son comble quand ce sont les élites libérales-libertaires qui leur font la leçon et exercent le chantage moral : journalistes et classes politique quisont à cul et chemise depuis des années. Au sens littéral du terme : on ne compte plus les journalistes célèbres ayant épousé ou vivant avec des hommes politiques en vue…

Mais par simple souci de cohérence et d’honnêteté on ne peut pas attribuer au pape François la responsabilité des démissions successives de nos dirigeants. Depuis 40 ans.

2/ Nos dirigeants politiques ne jouent plus leurs rôles mais le pape François, lui, joue le sien

Le point commun du pape et des dirigeants politiques – en théorie du moins – c’est qu’ils sont au service du bien commun, chacun à son échelle : planétaire chez l’un, nationale chez les autres.

De ce point de vue il est normal que le pape rappelle qu’aimer son prochain c’est aimer celui qui est là et qui est à notre portée.

Aimer son prochain c’est aimer celui que Dieu a placé sur notre chemin, pas celui qu’on aurait spontanément choisi. Aimer son prochain comme Dieu nous aime nous c’est aimer autrui non parce qu’il le mérite – je ne mérite pas l’amour de Dieu – mais aimer l’autre parce qu’il en a besoin. Aimer comme Dieu aime c’est prendre l’initiative d’aimer. Sinon il ne s’agit pas de l’amour de Dieu mais de nos propres affinités et nous n’agissons pas conformément à la volonté de Dieu mais conformément à la nôtre. Dans la prière du Notre Père que le Christ nous a apprise on dit au Seigneur “que Ta volonté soit faite” et non pas “que ma volonté soit faite”. Décemment le pape ne peut pas faire autre chose que de marteler ce qui est au coeur de notre foi : un Dieu d’amour qui nous demande d’aimer autrui comme lui nous aime.

Ce qui n’est pas normal en revanche c’est que l’Etat français et les Etats européens aient renoncé à assumer leurs prérogatives régaliennes de contrôle des frontières, de souveraineté nationale pour faire des contrôler les flux qui entrent et faire des choix prudentiels ordonnés au bien commun.

Mais si les Etats et la classe politique ne font pas leur boulot depuis 40 ans et nous acculent à des situations intenables ce n’est pas la faute du pape François ! Que tous ceux qui ont voté pour le traite de Maastricht, le projet de Constitution européenne, pour le PS, l’UMP, les Verts,le Centre et les parlementaires lobbotomisés par des lobbies fassent leur examen de conscience. Mais qu’ils n’aient pas la malhonnêteté de rendre le Pape responsable de leurs propres forfaitures !

Le pape n’a ni le mandat, ni les moyens de se substituer à nos politiques démissionnaires et aux Etats européens défaillants. Il n’a ni le mandat ni les moyens de régler les problèmes récurrents des pays européens. C’est décevant mais ce n’est pas nouveau : il y a 2000 ans déjà le Christ a déçu beaucoup de Juifs en leur disant que son royaume n’était pas de ce monde. Le disciple, François, ne peut pas faire mieux que son maître, Jésus !

Mais surtout il est normal qu’il ne tienne pas compte exclusivement ni même priotirairement des déséquilibres internes que l’arrivée de migrants risque de provoquer. D’abord parce qu’il s’agit de vies qui sont en danger. Ensuite parce que les réfugiés sont les premières victimes de situations géo-politiques imputables à la promotion des Etats-Unis et de ses alliés – à moins que ce ne soient ses vassaux – européens et qu’on ne voit pas au nom de quoi ces mêmes pays européens. Nous, nous ne formons que la deuxième catégorie de victimes. Nous ne sommes pas (encore ?) les plus à plaindre. Donc priorité aux priorités.

Les vagues de migrants sont le résultat de 15 ans de politique américaine au Moyen-Orient à laquelle les gouvernements européens se sont associés pour pouvoir vendre des armes et faire des affaires avec les alliés locaux des Etats-Unis qui sont également les soutiens et les soutiers de DAECH : l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie.

Que le pape considère que le sort de ses réfugiés est moins tragique que le nôtre et que leur sort est prioritaire sur toute autre considération est désagréable à entendre mais normal. Le jour où les Français et les Européens chercheont à migrer et à tout laisser derrière eux pour tenter de sauver leur vie en s’installant, même illégalement, en Syrie ou en Iraq alors nous serons passés dans la première catégorie. Ceci dit je ne suis pas sûr que ce changement de catégorie soit véritablement une promotion.

Qu’il considère que l’urgence prime et que la priorité doit aller à la tragédie non seulement humanitaire mais humaine est également normal.

Qu’il considère que c’est plus grave que l’affaissement de nos propres équilibres et de notre propre cohésion nationale c’est difficile à admettre pour nous mais ce n’est pas illégitime : le pape n’est pas le président du club des pays post-modernes de l’ancienne chrétienté mais le vicaire du Christ pour le monde entier.

Pour le monde entier et pas uniquement pour les chrétiens. Ne serait-ce que parce que si l’on veut annoncer l’Evangile au monde entier la priorité c’est de commencer par aimer ceux auxquels on veut s’adresser. Annoncer un Dieu d’amour sans être capable de fournir un échantillon ne concainc personne Les chrétiens ne peuvent qu’annoncer le Christ : ils n’ont pas d’autre contribution à apporter. Encore faut-il l’annoncer de la bonne manière. Car annoncer le Christ c’est d’annoncer une Bonne nouvelle et pas pratiquer la préférence communautaire. Pour rendre crédible l’amour de Dieu pour nous il faut commencer par rayonner soi-même de cette tendresse, de cette bienveillance, de cette espérance qu’il nous insuffle.

Que le pape François considère le sort des pays européens comme plus enviable que celui de s migrants est normal. La priorité c’est l’homme car c’est l’homme que le Christ est venu sauver. Pas les nations. Les nations passent et ne seront pas ressuscitées, contrairement aux personnes.

3/ Concrètement on fait quoi ?

Concrètement on vote pour un parti souverainsite à la prochaine élection et on vote pour lui en sachant pourquoi, sans s’exciter mais sans se boucher non plus le nez.

C’est quand l’Etat aura restauré le contrôle de son territoire et de ses frontières qu’il pourra lui-même filtrer parmi les migrants ceux qui sont des vrais réfugiés et ceux qui viennent par opportunisme et qui pourraient rester chez eux.

Pour cela il faut que l’Etat retrouve ses instruments de pilotage et qu’il retrouve les moyens de faire une analyse de la situation indépendante de celles des lobbies qui gravitent à Bruxelles autour des institutions européennes et qui sont dédevenus prescriptrices des normes nationales.

Tant que la mobilité des capitaux et de la main-d’oeuvre – c’est moins glamour que de parler de la liberté d’aller et de venir mais c’est plus authentique – seront érigés en dogmes intangibles jamais l’Etat et nos gouvernants ne reprendront la main.

Jamais ni les Français ni les Syriens ne pourront espérer de nouveau vivre et travailler au pays ce qui est pourtant l’aspiration de ceux qui veulent simplement vivre et vivre simplement. Vivre et travailler au pays, c’est le désir spontané de la plupart des hommes et ce quels que soient les continents. C’est quelque chose à prescrire plutôt qu’à proscrire. Et pas seulement pour les chrétiens d’Orient.

A contrario l’immigration de masse n’est pas un phénomène spontané : c’est parfois une arme géopolitique et le plus souvent un phénomène organisé au bénéfice d’un petit nombre d’intérêts économiques. C’est un phénomène organisé mais pas en vue du bien commun.

Aujourd’hui l’immigration de masse sert à mettre en concurrence sur le marché du travail des autochtones précarisé et des prolétaires importés pour faire jouer les salaires à la baisse. C’est parce que Angela Merkel a d’abord écouté complaisamment la voix du patronat allemand – qui avait besoin d’une main-d’œuvre nombreuse et bon marché – qu’elle a, en un premier temps, annoncé qu’elle ouvrirait grand ses frontières.

L’importation massive de prolétaires déracinés au détriment d’aurtochtones fragilisés n’est en rien une marque d’amour du prochain. C’est la forme moderne de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ça n’est bon que pour ceux qui organisent cette transhumance inhumaine (grand patronat, organisations mafieuses, associations anti-racistes salariées par l’argent public) mais pour personne d’autres et certainement pas pour les pays d’origine des migrants.

La préférence supranationale est en grande partie responsable de leur déclin puisqu’on siphonne leurs forces vivres sous le regard complaisant de leurs dirigeants. La complaisance de ces derniers est d’autant plus assurée qu’elle est tarifée. Les fonds versés au titre de la coopération et du développement finissent invariablement dans les caisses des dictateurs « amis de la France » ou « pro-occidentaux » et de leur clientèle.

Ce système où les pauvres des pays riches payent pour les riches des pays pauvres est en effet la garantie que le cercle vicieux de l’immigration de masse ne sera pas rompu. Car il s’agit bien d’un système vicieux ou, pour reprendre la terminologie de saint Jean-Paul II, d’une « structure de péché ». Comment en effet un pays pourrait espérer se développer quand chaque année il est privé de ses ressortissants les plus jeunes, les plus courageux et parfois les plus instruits qui vont tenter leur chance en France en croyant y trouver un eldorado qui n’existe que dans leurs rêves ?

C’est cela que dénonce le pape François quand il dénonce l’égoïsme des pays riches c’est-à-dire des choix géo-économiques reconduits depuis des décennies par leurs élites dirigeantes. Toutes les femmes et les hommes politiques qui, par conviction ou par démission, ont ratifié ou appliqué les accords de Schengen qui interdisent désormais à l’Etat français de décider qui a le droit de venir s’établir sur son sol et qui doit s’en aller sont responsables des flux incontrôlés de migrants, réfugiés ou migrants économiques, parce que ce sont eux qui ont pavé la voie et qui ont lié les mains des Etats.

Cette condamnation, il a raison de la faire : il défend le bien commun à l’échelle planétaire.

A nous d’être cohérent et de défendre le bien commun à l’échelle de notre pays en votant pour un parti résolument souverainiste qui s’autorisera enfin à aborder la question du bien commun dans le cadre de nos frontières.

Mais il ne faut pas reprocher au pape François de ne pas le faire à notre place….

Eloge d’un art martial profondément chrétien

Aimer ses ennemis ? Plus facile à dire qu’à faire ! Surtout quand l’ennemi en question est occupé à vous rouer consciencieusement de coups.

Dans ces cas là, concrètement, on fait quoi ? Souvent la réponse à cette question est évanescente car comme on ne sait pas quoi faire on ne sait pas quoi dire. Dans ce genre de situations la plupart du temps on fait ce que l’on peut. Il existe pourtant une réponse concrète.

« Ah, oui . Et on fait quoi dans ces cas là ?

du systema.

du quoi ? ! »

1/ Qu’est-ce que le Systema ?

Le systema (ou système en russe) est un art martial inventé par des militaires russes – donc a priori pas des poètes ! – mais qui repose pourtant sur l’économie des mouvements et la décontraction au coeur même de l’affrontement. A ce titre il présente des similitudes surprenante avec des arts martiaux peu prisés – voire méprisés – par les spécialistes des métiers de la sécurité comme l’aïkido, le tai chi chuan et, plus largement, la famille des arts martiaux dits « internes ».

Tout repose en fait sur l’apprentissage et le contrôle de la respiration. C’est elle qui doit permettre de dissiper la douleur, de porter les coups, d’échapper à « l’effet tunnel » pour rester pleinement conscient de son environnement et demeurer dans de bonnes dispositions psychologique et physiologique pour ne pas subir. Le systema ne cherche pas à contrôler le déroulement chaotique du combat mais plutôt à surfer sur les énergies qui s’y déploient de manière anarchique, à la l’image d’un planeur ou d’un dirigeable qui accroche les courants ascendants et joue avec eux pour aller où il veut. La bonne utilisation de la respiration et la préférence accordée à l’esquive plutôt qu’au choc frontal ne constituent pas en elles-mêmes des nouveautés. Rien de nouveau sous le soleil des arts martiaux. Rien qui distingue le systema des autres arts orientaux. De fait l’originalité du systema n’est pas là.

La vraie différence c’est que, contrairement aux autres arts martiaux, on n’yapprend à peu près aucune technique : c’est ça qui en fait l’intérêt ! On n’y apprend aucune technique spécifique mais on y apprend des principes liés au combat qui développent notre capacité d’improvisation en toutes circonstances. Les coups portés y sont relativement libres et il n’existe pas de postures, ni d’enchaînements prédéfinis. Seule la vitesse de l’exercice varie en fonction du niveau des combattants, ce qui permet de décomposer des attaques réelles et, petit à petit, d’augmenter la vitesse d’exécution.

2/ Faire la vérité sur soi-même pour se (re)connecter à la réalité

Dans la plupart des arts martiaux, on cherche à éviter les coups en les esquivant et en les bloquant. Partant du principe qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir, on cherche à donner des coups et non à en recevoir. En revanche on n’y enseigne rarement comment gérer les coups que l’on reçoit. Une des approches est de supporter la douleur, d’endurcir délibérément son corps et d’en renforcer certaines parties comme en boxe thaïlandaise ou en karaté kyokushinkaï. Mais outre que ces pratiques sont destructricess elles sont également et peut-être surtout illusoires : elles ne protègent que contre les coups que l’on a anticipés. Ce sont des cuirasses de chair et d’os martyrisés qui ne protègent qu’une partie du corps. C’est le mythe de l’élixir d’invincibilité. Or, la réalité c’est que nous sommes tous vulnérables et que l’élixir d’invincibilité n’existe pas.

C’est poutant sur ce mythe implicite que bien des écoles d’arts martiaux prospèrent. En un sens c’est assez compréhensible : tout être humain normalement constitué a peur des coups et ressent un mélange de colère et d’humiliation lorsqu’il en reçoit ! Pourtant prétendre pouvoir y échapper n’est une illusion qui vise à masquer notre propre peur, un mensonge que nous nous racontons pour nous rassurer. La réalité est beaucoup plus prosaïque. La triste réalité c’est que même le meilleur combattant au monde reçoit des coups lorsqu’il combat. Personne n’est capable d’éviter tous les coups, surtout lorsqu’il est attaqué par plusieurs agresseurs. Certes Bruce Lee était un génie des arts martiaux et les combats qu’il tournait dans ses films sont aujourd’hui encore inégalés mais il s’agissait de combats chorégraphiés et mis en scène, comme il se doit au cinéma, et non de combats réels ! Or, la plupart des arts martiaux font l’impasse sur cette réalité

Le propre du systema c’est de commencer, paradoxalement, par apprendre à recevoir des coups. L’idée est de partir de la réalité et la réalité c’est qu’apprivoiser la douleur et la peur de la douleur est la clef de tout. Il ne s’agit pas de rechercher à s’endurcir les membres, d’apprendre à encaisser passivement et stoïquement ou de repousser toujours plus loin les limites de la douleur. Il s’agit ni de la rechercher ni de la fuir mais d’apprendre à l’accueillir et à la racompagner gentillement vers la sortie.

Pour cela il faut commencer par consentir à regarder la réalité en face et donc à se regarder soi-même en face. Il faut prendre conscience de l’existence de ces blocages psychologiques car ce sont eux qui sont à l’origine des blocages physiques et des raideurs qui nous rendent encore plus vulnérables en situation d’agression.

3/ Apprivoiser la douleur et la peur de la douleur

La seule solution pour ne pas être tétanisé par la peur de recevoir des coups et pour en amortir la puissance c’est d’apprendre à respirer en permanence y compris et surtout au coeur de l’action. Dans le tourbillon infernal où la peur entraîne la tension qui, à son tour renforce la peur, c’est la respiration qui vient rompre le cercle vicieux. La respiration est en effet la ressource physique la plus utile et la plus facile à mobiliser.

C’est pour cela que le systema comporte énormément d’exercices de réception de coups par la respiration. Il ne s’agit pas de s’aguerrir c’est-à-dire de conditionner son corps et son esprit à affronter les horreurs de la guerre mais d’accueillir les coups en les absorbant dans un mouvement circulaire pour les faire ressortir en expirant. La respiration permet d’accueillir la violence du coup et l’expiration permet d’expulser la douleur. L’alternance des deux permet d’évacuer au sens littéral du terme les émotions comme la peur, la colère et l’auto-apitoiement.

J’en ai personnellement fait l’expérience. C’était à l’occasion d’un exercice de trois minutes consistant à respirer calmement tout en absorbant des coups. J’avais peur avant de commencer mais ce que j’ai expérimenté c’est qu’en me concentrant exclusivement sur la régularité de ma respiration la douleur ne restait pas : elle repartait. Cause ou corollaire, mon esprit était trop occupé pour que mon imagination puisse anticiper les coups ou conserver en mémoire la trace de la douleur une fois celle-ci éliminée. J’ai pu ainsi vérifier par moi-même que l’imagination crée la peur, que la peur engendre la raideur et que la raideur amplifie tellement la violence de l’impact qu’en un sens elle crée la douleur. La peur crée la douleur dans la mesure où elle transforme en douleur ce qui n’était au début qu’un flux d’énergie inattendu.

Cette prise de conscience n’est pourtant que celle d’un débutant. Je suis encore incapable de conserver cette attitude intérieure en toute cicrconstance, notamment en cas d’agression mais désormais je sais d’expérience que c’est possible. Mieux ! Au terme de ces trois minutes mon corps portait des marques mais j’éprouvais un état de bien-être incongru et inattendu comme si je sortais d’une séance de massage.

Or, c’est là une autre expérience fondamentale que l’on fait en systema : avec la bonne disposition intérieure, la frontière séparant la douleur du plaisir se brouille. On découvre ce paradoxe étonnant qu’il existe des coups « bienveillants » qui relaxent au lieu de créer des tensions . C’est le principe des massages russes que l’on pratique en systema. Certains coups sont donnés pour supprimer ou réduire ces tensions. Ces coups, très spécifiques, réchauffent la personne qui les reçoit, augmente sa circulation sanguine, lui procure une sensation de chaleur et fait disparaître ses tensions.

Le systema ne consiste pas seulement à opposer la souplesse à la force comme en judo ou en aïkido, mais à être libre dans son corps et dans sa tête pour pouvoir s’adapter en temps réel à une situation inattendue, imprévisible et mouvante. C’est pour cela que le systema ne prétend enseigner aucune technique car, comme toute boîte à outils, n’importe quel éventail de techniques répertoriées est nécessairement limité. Il ne contient qu’un nombre fini de solutions alors que la variété des problèmes potentiels est infinie. En se dotant d’un arsenal technique on s’impose un cadre technique c’est-à-dire qu’on s’enferme et qu’on s’enferre dans un cadre en-dehors duquel on se retrouvera très démuni en cas de situation non conforme surtout si l’on est pris par surprise et paralysé par le stress.

Or, la vie et les événements sont par nature non conformes à ce que l’on pouvait envisager. Comme le disait John Lennon “La vie c’est ce qui se passe quand on avait tout prévu”. Think out of the box est un excellent conseil mais la probabilité d’y parvenir est très faible quand la lucidité est troublée et la capacité d’initiative est entravée. Le systema cherche au contraire à nous mettre dans les meilleures dispositions possibles pour pouvoir improviser à partir de la réalité concrète qui s’impose à nous.

4/ Libéré de la peur

C’est en effet à condition d’être décontracté – et par définition on ne l’est pas quand on se fait agresser – que l’on peut réagir car, paradoxalement, c’est l’agresseur lui-même qui apporte la solution à son attaque. A l’inverse, toute projection, toute anticipation, toute prévision nous font quitter le moment présent. Le cerveau analytique reprend le contrôle mais, comme il est débordé, il nous prive de toute capacité d’improvisation. La pensée analytique se base sur des expériences déjà connues et en tire des conclusions standardisées qui bloquent la créativité.

La solution réside dans la réceptivité qui permet de percevoir le jeu des forces en présence : celles de notre corps mais surtout celles du corps de notre agresseur, ses zones de blocage et ses déséquilibres. Cette réciptivité ne se confond pas avec la passivité. On ne subit pas les événements, on prend au contraire l’initiative en se déplaçant préventivement – sans chercher à prendre le large pour autant – et toujours en respirant avec régularité afin de conserver les muscles et le cerveau ventilés. Ce n’est qu’à ces conditions et avec de l’entraînement – car pour faire preuve d’une telle réceptivité sur le moment, il faut l’avoir développée auparavant – que la solution à l’agression viendra naturellement..

C’est parce qu’une agression – au même titre que n’importe quelle catastrophe ou crise systémique – est imprévisible que le systema ne propose pas d’entraînement fixe ou de combinaisons de mouvements. Le systema n’enseigne pas de positions de combat mais apprend à se battre dans toutes les positions, vous autorise à frapper dans des angles étranges, à sourire au combat au lieu d’adopter un visage féroce et crispé.

La pédagogie des entraînements repose entièrement sur la respiration, la décontraction, sur le fait de ralentir les mouvements plutôt que de les accélérer car la lenteur est capitale pour progresser. C’est seulement en rentrant dans le flux du combat à vitesse lente que l’on peut éveiller la sensibilité et la conscience à ce qui se passe vraiment au moment de l’affrontement. C’est seulement la lenteur qui permet de percevoir le mouvement, la distance et les différentes options autrement que par les yeux. L’enjeu est de développer l’intelligence de situation – c’est-à-dire l’intuition – plutôt que rechercher la performance immédiate. Cela se manifeste par un entraînement, un travail effectué à vitesse réduite.

C’est une forme de lâcher prise qui ne prétend pas faire systématiquement l’économie la douleur mais qui en réduit considérablement les conséquences : l’intensité et la portée. C’est une manière d’accueillir la douleur pour mieux l’expulser. Apprendre à gérer la douleur et à ne plus avoir peur à de l’idée d’avoir mal permet de préserver son intégrité émotionnelle et son estime de soi, en cas de défaite comme en cas de victoire.

La progression en systema dépend directement celle de notre liberté intérieure. En systema on progresse à mesure que se développent la capacité à comprendre et à prendre des décisions rapidement. Pour cela il faut commencer par se débarrasser du stress et des tensions excessives et se sentir à l’aise et donc apprendre à respirer correctement. Pour y parvenir il faut préalablement s’être libéré de tous les obstacles qui nous empêchent de trouver le lien avec votre partenaire : nos peurs, nos doutes, nos tensions, nos certitudes, nos jugements, notre ego, nos comparaisons, notre désir de vouloir bien faire ou notre volonté de gagner.

Or, cette liberté intérieure passe au préalable par la conversion du coeur.

5/ De la conversion du coeur à la connexion avec l’agresseur

Pour acquérir cette liberté intérieure il faut cesser de considérer le coup comme une agression – ce qu’il est pourtant objectivement – et le regarder comme un transfert d’énergie qui nous est parvenu par erreur: à réceptionner et à rendre à l’envoyeur ! Cela signifie que l’attaquant doit repartir avec ce qu’il nous a donné, à l’image d’une balle de caoutchouc lancée à pleine force contre un mur solide et qui rebondit immédiatement vers le lanceur sans que celui-ci puisse l’éviter. De manière comparable notre corps peut renvoyer l’énergie à condition de la laisser circuler et revenir sur l’assaillant selon des modalités – des vecteurs de force ! – qu’il lui sera très difficile voire impossible à éviter.

Mais pour parvenir à cela il faut au préalable changer sa disposition intérieure, changer le regard que l’on porte sur soi-même et sur les autres c’est-à-dire convertir son coeur.

En effet la peur produit la rigidité, la confiance engendre la fluidité. Souvent, des personnes ivres sortent relativement indemnes de bagarres parce qu’ielles n’auront pas eu suffisamment peur pour s’endommager elles-mêmes en luttant contre l’énergie cinétique : des côtes flexibles absorberont l’impact des coups alors que si les muscles sont tendus, les côtes se briseront sous le choc avec une perforation potentielle du poumon.

La vérité, c’est que souvent nous nous blessons nous-mêmes en voulant tout maîtriser de manière volontariste et illusoire au lieu de tirer avantage des forces en présence. La même vague qui renverse le plaisancier et le noie, permet au surfeur d’avancer avec un minimum d’efforts et un maximum de détente et d’énergie.Un corps souple peut absorber un stress beaucoup plus important qu’un corps rendu rigide par la peur. Nous récoltons ce que nous semons et si nous semons la peur, nous récolterons la douleur.

Pour cela il faut commencer par renoncer à voir le monde en termes de victoires et de défaites mais comme une circulation de flux d’énergies, souvent mal orientées. Renoncer à voir le monde en termes de performance pour le voir en termes de relations.

Le but est de parvenir à considérer une agression physique exactement comme on considère un accident de la circulation. On va tout faire pour l’éviter, pour l’anticiper, pour donner un bon coup de volant au bon moment et pour freiner à temps. On ne subira pas, on prendra des initiatives parce qu’on aura développé l’intelligence de ce genre de situations – du moins le permis de conduire est censé l’attester – et on cherchera à jouer sur les différentes forces en présence comme on joue de son levier de vitesses mais jamais on ne prendra un accident comme un affront personnel, une remise en cause de sa valeur, une atteinte à sa dignité ou à son ego.

Si défaite il doit y avoir elle ne sera pas synonyme d’humiliation. La soumission et la fuite entraînant nécessairement une dégradation de l’estime de soi on y aura échappé parce que, quel que soit le résultat, on n’aura pas subi, on n’aura pas été paralysé par la peur ou la douleur. Même physiquement perdant on en ressortira émotionnellement gagnant car on aura échappé au piège de la rivalité mimétique, pour reprendre l’expression de René Girard.

On n’aura pas considéré l’affrontement comme une compétition, comme un match, comme une défaite et, pour cette raison même, on ne sombrera pas dans l’épuisement, l’auto-dénigrement ou les souvenirs traumatisants. Parce qu’on aura préalablement renoncé à la logique de l’honneur et de la performance. Et en cas de victoire on aura préservé son intégrité physique mais surtout émotionnelle parce qu’on n’aura pas cherché à puiser sa force et son énergie dans la peur et dans la colère.

6/ La logique du systema est une logique chrétienne

Pour faire du systema il n’est évidemment pas nécessaire de croire en Dieu ni même de croire que Dieu a envoyé son Fils pour le rachat de nos péchés, qu’il est mort et qu’il est ressuscité le troisième jour conformément aux écritures. Aucun certificat de baptême n’est demandé à l’inscription !

Néanmoins si l’on veut bien admettre que la foi chrétienne n’est pas d’abord une série de dogmes ou un jeu de l’oie des sacrements (“Moi je suis allé jusqu’à la confirmation”) mais un mouvement de conversion du coeur et un pélerinage terrestre au cours duquel nous nous transformons progressivement pour être en mesure de rencontre cet Autre qui nous attend au bout du chemin alors je crois que l’on peut tranquillement affirmer que la logique du systema est une logique profondément chrétienne.

Si son pays de naissance est la Russie, pays orthodoxe par excellence, et non un pays asiatique de culture bouddhiste ce n’est pas un hasard. Certes que le systema repose sur le souffle, le renoncement à la volonté de puissance, à l’illusion que l’on peut échapper à la souffrance et à l’orgueil. Il y a pas ni grade ni tenue spécifique ce qui permet de laisser l’ego au vestiaire. Néanmoins le propre du systema c’est le principe de connexion ou l’option de ne pas rompre la relation avec autrui sous prétexte qu’il nous agresse. Le principe de connexion c’est la charité en action.

C’est une sorte d’oscillement intérieur qui permet d’être en vibration avec son assaillant. Un oscillement qu’on obtient en s’étant préalablement affranchi de la peur, de la peur de la douleur et et de la peur de perdre la face (le déshonneur). Ce n’est qu’à ce prix et qu’on peut entrer en connexion avec autrui. Dès lors on devient son ombre et on coordonne ses mouvements avec les siens de sorte que l’on forme avec lui un duo au sein duquel chaque flux d’énergie est rendu à celui qui l’a envoyée par des mouvements fluides et harmonieux. Aucune situation ne met plus dans l’embarras. On n’est plus surpris, on est simplement au bon endroit, au bon moment. Les coups que l’on délivre sont lourds, profonds et détendus, les poings se posent naturellement sur les zones de tension de l’aversaire.

Entrer en connexion suppose néanmoins de lâcher prise, de laisser à l’autre l’initiative – au risque de se laisser surprendre par lui. Cela suppose de lui accorder son attention pour mieux comprendre son intention et s’affranchir des distances de sécurité pour être en sa présence. Un peu comme on dit qu’il faut être proche de ses alliés et encore plus proches de ses adversaires.

C’est une manière de regarder le monde avec bienveillance qui repose sur la confiance : on ne projette plus nos propres peurs sur le monde extérieur. Ce n’est pas de la naïveté pour autant. C’est même le contraire de la naïveté puisque c’est une manière d’être dans le monde, en l’acceptant tel qu’il est – et il est violent – sans approuver cette violence pour autant. C’est une manière de se réconcilier avec le monde et de l’aimer sans le cautionner ni le juger. Entrer en connexion c’est accepter de courir le risque de la relation même avec quelqu’un qui, a priori, ne vous veut pas du bien.

Mais au fond n’est-ce pas cela aimer même ses ennemis ?

Nota Bene : Tous ceux qui seraient curieux ou sceptiques – et plus vraisemblablement les deux à la fois – peuvent en savoir et surtout en voir plus sur le site : http://www.globalsystema.fr/articles-systema/systema/. Néanmoins les démonstrations de systema qu’on peut voir sur internet laissent souvent dubitatifs parce que ce qui s’y passe est largement invisible à l’oeil ce qui, au fond, n’a rien d’étonnant si l’on admet que l’essentiel est invisible pour les yeux. Il s’agit d’interactions qui passent par de nombreux signaux sensoriels qui échappent au regard extérieur. Comme pour la vie intérieure, il s’agit d’abord d’une expérience à faire. Je ne saurais trop recommander de faire un cours à l’essai, gratuit et sans engagement, pour se faire sa propre idée. Comme disait un célèbre un rabbin palestinien : “Venez et voyez”.

Comment je me suis réconcilié avec saint Paul

J’ai toujours eu beaucoup de mal à accepter les passages de saint Paul exhortant les femmes à être soumises à leurs maris.

Ça m’a toujours gêné parce que ça m’a toujours semblé extrêmement misogyne. Et toutes les contorsions exégétiques pour transformer cette soumission en son opposé, une décision libre de la part de la femme, me mettaient encore plus mal à l’aise car j’avais l’impression d’avoir affaire à une explication non seulement hypocrite mais surtout pitoyable.

La plupart des homélies sur le sujet étaient toutes structurées en deux parties : première partie la dénégation (« il ne s’agit évidemment pas de machisme »), deuxième partie le relativisme culturel (« il faut remettre les paroles de saint Paul dans le contexte de son époque »). D’où la question que je me posais inévitablement : « s’il ne s’agit pas de machisme alors pourquoi faut-il replacer les propos de saint Paul dans leur contexte ? S’il n’y avait pas de problème que fallait-il relativiser ? »

J’en concluais que si les prédicateurs que j’entendais n’utilisaient pas des arguments meilleurs et plus convaincantes c’est qu’ils n’en avaient vraisemblablement pas en magasin ce qui accroissait mon malaise et ma suspicion ainsi que ma méfiance envers ces prêtres..

Ce qui me choquait le plus c’est que j’avais l’impression qu’on demandait aux femmes davantage qu’aux hommes.

Aux hommes Paul demandait « seulement » d’aimer leurs femmes ce qui, après tout n’est que le minimum syndical quand on décide de se marier. N’est-ce pas l’objet même du mariage ? Cette recommandation m’avait toujours semblé ne pas en être une.  Elle me paraissait tellement implicite qu’elle ne pouvait pas être donnée comme une recommandation qui viendrait en plus.

Aux femmes, en revanche, il demandait non seulement d’aimer leurs maris – au moins implicitement puisqu’il parlait du mariage – mais en plus et surtout de leur être spontanément soumises. En d’autre terme de s’exposer à leurs décisions et à leurs comportements arbitraires sans garantie et sans contrepartie. Inacceptable à mes yeux.

Inacceptable jusqu’au jour, récent, où j’ai compris que Paul demandait à l’homme et à la femme de se convertir à l’amour en consentant chacun à faire l’effort qui lui coûtait le plus : rentrer en elle-même pour la femme, sortir de lui-même pour l’homme.

1/ Le plus difficile pour une femme : rentrer en elle-même

Depuis que je suis petit j’ai toujours vu les femmes mariées être surchargées et sur-occupées. Certes je comprenais qu’il n’était pas évident de concilier vie de famille et vie professionnelle mais cela ne changeait rien à ma perplexité.

En effet leurs maris aussi étaient contraints de concilier les deux et me semblaient s’en tirer mieux. Certes ils en faisaient moins et sans doute la répartition des tâches était-elle susceptible d’être rééquilibrée mais cela n’expliquait pas pourquoi c’était presque toujours les femmes qui en faisaient plus. Une fois c’est un hasard, deux fois un curieux hasard mais à partir de trois fois ce n’est plus un hasard.

J’avais l’impression d’être en permanence dans la publicité pour les piles Duracell où des petits lapins tapaient sur des tambours sans s’arrêter jusqu’à épuisement de leur réserve d’énergie, présentée comme particulièrement longue.

Sans compter que même les femmes qui ne vivaient pas en couple me semblaient fonctionner comme des lapins Duracell. C’est la tentation de Marthe, qui s’agite et qui récrimine, par opposition à Marie qui médite et qui accueille.

Devenu adulte j’ai commencé à comprendre que, dans le cadre des relations humaines en général, les femmes étaient plus disposées que les hommes à s’investir personnellement et émotionnellement pour que les choses marchent. J’ai compris qu’elles y étaient plus disposées parce qu’elles en attendaient beaucoup et souvent bien davantage que les hommes. Dans le cadre d’une relation de couple, de la gestion concrète d’un foyer et de l’éducation des enfants les femmes ont plus d’attentes et plus d’idées sur ce qu’il faudrait faire et surtout ne pas faire.

Mais l’expérience montre aussi que cette volonté de bien faire se confond souvent avec un désir viscéral de faire les choses à sa façon qui aboutit régulièrement à faire les choses à la place de l’autre pour s’assurer qu’elles soient bien faites (c’est-à-dire faites à sa façon) et donc d’imposer ses propres règles ou au moins d’être la seule à faire les choses (monopole).

Dans le couple l’homme choisit moins l’affrontement que la stratégie d’évitement pour préserver ce qu’il considère comme sa liberté inaliénable. Quitte à déserter définitivement le foyer dans les cas extrêmes, ce qui est le paroxysme de la stratégie d’évitement. La femme a un tel besoin de se donner qu’elle a parfois du mal à se retirer pour laisser l’autre exister.

C’est en faisant ce constat que j’ai mieux compris ce que recommandait saint Paul à la femme : en lui disant « sois soumise » il lui dit « lâche prise ».

La première formulation sent mauvais l’encaustique des siècles passées tandis que la deuxième fleure bon la psychologie de couple contemporaine. Mais les deux formules sont équivalentes.

Toutes les deux signifient « ne t’épuise pas et ne l’épuise pas à vouloir tout contrôler tout le temps. Cesse de le traiter comme un enfant et traite le comme ton mari. Rends-lui sa liberté d’initiative. Pour que toi tu puisses cesser de vivre à l’extérieur de toi-même et que lui puisse déployer sa liberté au service de votre couple et de votre foyer. Rentre en toi-même, tu y seras bien. Tu seras enfin chez toi. Tu seras vraiment toi et lui sera enfin libre de t’aimer à sa façon c’est-à-dire véritablement. »

Ce qui fait de cette « soumission » un lâcher prise et non une aliénation c’est qu’elle est ordonnée à l’amour et consentie par amour c’est-à-dire librement par la femme. Si l’homme en profite pour se comporter en despote, la manipuler ou l’humilier alors il n’y a plus aucune raison de jouer le jeu. Dans la vie de couple comme ailleurs l’adjectif intolérable a un sens. Cette « soumission » n’a de sens si elle sert à rendre l’homme capable d’aimer à son tour et à sa manière.

2/ Le plus difficile pour un homme : sortir de lui-même

Car pour l’homme le plus difficile est bien de sortir de son égoïsme pour se mettre au service du bien d’autrui. L’ égoïsme de l’homme est légendaire. Lui-même ne s’en défend pas vraiment. Ou alors tellement mollement que ça revient au même.

Son égoïsme se manifeste d’abord par la paresse. En termes relationnels cela se traduit souvent par le refus de s’engager. C’est bien connu : une fois qu’il a obtenu « ce qu’il veut », monsieur est souvent moins empressé et ne s’investit plus autant dans la relation. La première force de l’homme c’est sa force d’inertie.

Une autre manifestation de son égoïsme profond est sa capacité à donner libre cours à ses pulsions au détriment d’autrui (pulsions violentes, pulsions sexuelles). Les violences conjugales et les viols sont majoritairement l’œuvre d’hommes. L’industrie de la pornographie ne prospère que grâce aux hommes. Les guerres ne durent que parce que les hommes aiment se battre.

Ultime manifestation de l’égoïsme masculin : la volonté de dominer pour le seul plaisir de dominer et d’exercer le pouvoir simplement pour en jouir. Les conséquences pour autrui n’existent pas parce que le monde extérieur devient une variable d’ajustement.

Certes l’homme est capable de se donner pour réaliser de grandes choses mais sous certaines conditions. A condition d’y être poussé : derrière chaque grand homme, cherchez la femme. Ou bien à condition d’être attiré : certains hommes doivent leur carrière à leur première femme et leur deuxième femme à leur carrière.  Ou encore à condition d’être exalté. L’homme est capable de sacrifier sa vie en échange de la reconnaissance de ses pairs (carrière, héroïsme) ou de la postérité (la gloire).

Mais il lui est beaucoup plus difficile d’accepter librement et délibérément les mille et une petites morts, de consentir à des sacrifices non reconnus, de supporter sans broncher et sans regrets les frustrations inévitables qui accompagnent la lente maturation d’un amour authentique. Il lui est plus facile de mourir pour la femme qu’il aime que de vivre avec elle.

Le plus difficile pour l’homme c’est de s’oublier. C’est de sortir de lui-même pour aimer vraiment : sans espoir de retour sur investissement. Qui n’a pas entendu cette phrase d’un égoïsme tellement massif et naïf à la fois : « Moi les enfants ne commencent à m’intéresser qu’à partir du moment où ils peuvent parler » ?

Le plus difficile pour lui c’est de s’oublier pour aimer. Il est capable de s’investir et de donner sa vie pour quelque chose qui le dépasse mais à condition que ça l’exalte (l’armée, l’équipe, la guerre).

  A contrario on comprend pourquoi saint Joseph nous est donné en exemple. Par amour il renonce à toutes les aspirations masculines légitimes (une vie sexuelle normale, une descendance nombreuse et assurée, une réputation intacte, l’estime de ses pairs) pour accepter une vie ni exaltante ni exaltée dans une famille qui est l’exact opposé d’un modèle familial : un enfant unique conçu hors-mariage élevé par un père adoptif.  Et pourtant c’est le modèle du mari et du père de famille.

Non seulement ce que saint Paul demande à l’homme est ce qui lui est le plus difficile mais il lui donne en plus un modèle qui est hors d’atteinte : aimer sa femme comme le Christ aime son Eglise.

Pourquoi comme le Christ ? Parce qu’en se faisant homme Dieu a montré aux hommes comment aimer. Au lieu de faire usage de sa toute-puissance pour vaincre le mal et la souffrance, il a manifesté sa toute-puissance dans l’ordre de l’amour et du don au point de souffrir et de mourir pour nous sans attendre notre reconnaissance, sans retour sur investissement, gratuitement, de manière inconditionnelle et absolue.

C’est en prenant conscience de tout cela que je me suis réconcilié avec saint Paul :  en comprenant qu’il ne s’agissait pas d’une sentence rendue par un juge des affaires familiales mais d’une prescription médicale.

Et comme les prescriptions des médecins sont souvent illisibles il m’a fallu plusieurs décennies pour parvenir à déchiffrer  l’écriture du  docteur saint Paul et découvrir le contenu de son ordonnance pour le couple.

En fait il avait rédigé deux prescriptions distinctes et complémentaires : « lâcher prise » pour la femme et « oubli de soi » pour l’homme.

Depuis le jour où j’ai compris ça, ça va beaucoup mieux entre saint Paul et moi !

En raison de leur foi, les chrétiens sont prédisposés à s’engager en politique

Seuls ceux qui ont une foi profonde et qui sont habités par l’espérance peuvent se permettre de regarder la réalité en face. Les autres n’ont le choix qu’entre désespérer de la réalité ou refuser la réalité avec l’énergie du désespoir en détournant le regard.

C’est ce que font tous ceux qui se perdent dans les divertissements mondains ou les paradis artificiels. C’est aussi la tentation de tous ceux qui fuient la réalité en s’inventant un monde parallèle.

Un monde parallèle peuplé exclusivement de bisounours – comme dans le cas du monde politiquement correct des bobos – ou bien un monde manichéen, un monde en noir et blanc où les méchants auraient le monopole du mal et où la solution passerait par leur élimination (les bons musulmans face aux méchants mécréants).

Seuls ceux qui ont une foi profonde et qui sont habités par l’espérance peuvent se permettre d’être sceptique sur la nature humaine, l’état du monde et les limites de l’action politique sans s’y résigner pour autant.

Seuls eux qui vivent dans l’espérance peuvent agir sans avoir besoin de chercher à se convaincre qu’à force de prendre leurs désirs pour des réalités la réalité finira par se conformer à leurs désirs.

Seuls ceux qui ont hérité une tradition longue et profonde peuvent disposer de points de comparaisons pour réfléchir sans tourner en rond et sans se prendre pour la mesure de toute chose.

Seuls ceux qui sont en mesure de tirer les leçons du passé ont une chance de bien poser les problèmes du présent et de proposer un diagnostic pertinent.

Seuls ceux qui connaissent les invariants de la condition humaine ont les moyens de viser un bien commun en échappant au prisme déformant de catégories intellectuelles arbitraires et atrabilaires.

Seuls ceux qui ont une mémoire spirituelle et une culture historique ont les moyens d’échapper aux débats hystériques et passer du stade du réflexe à celui de la réflexion.

Seuls ceux qui savent qu’ils sont dans le monde mais qu’ils ne sont pas du monde peuvent admettre sereinement que tout ce qu’ils entreprennent est provisoire sans en déduire pour autant que tout est dérisoire.

Seuls ceux qui ont Jésus Christ pour espérance peuvent envisager d’être injustement marginalisés, persécutés ou tués par fidélité à une vérité qui les sauvera parce qu’elle les dépasse.

Soyons ceux-là.

Renoncer au bien commun sous prétexte de pragmatisme

Qui accepterait que son médecin lui prescrive des anesthésiants plutôt que des médicaments ? Quel patient souffrant de maux de tête violents et récurrents accepterait que son médecin traitant lui propose une décapitation (sous anesthésie bien sûr !) à la place d’un traitement ? Vraisemblablement aucun.

Pourtant à bien y réfléchir les deux solutions proposées pour inacceptables qu’elles soient sont les plus pragmatiques. Elles vont directement au but : à la différence des traitements, toujours aléatoires, elles offrent la garantie que les douleurs cesseront : immédiatement dans le premier cas et définitivement dans le second !

Evidemment elles le font en renonçant à s’attaquer aux maux dont la douleur n’est que le symptôme et en aggravant la situation : en renonçant à soigner le patient dans le premier cas, en lui ôtant la vie dans le second. Ce qui les rend inacceptables c’est qu’elles vont contre la bonne santé et la vie du patient c’est-à-dire contre le bien du patient.

Le pragmatisme d’un tel médecin est incontestable mais hors sujet puisqu’il propose ce que la sagesse populaire un remède qui est pire que le mal. C’est évident.

Mais ce qui nous apparaît évident dans le cas du médecin passe le plus souvent inaperçu dans le domaine politique. Combien de responsables politiques se vantent-ils d’agir en responsables pragmatiques voire d’être pragmatiques de tempérament ?

1/ Le pragmatisme politique ordonné au bien commun

Entendons-nous bien : le pragmatisme est une souhaitable quand il constitue l’antidote au fatalisme, au défaitisme, à l’esprit de système ou à l’idéologie. Quand il est synonyme de réalisme et qu’il est ordonné au bien commun il s’identifie aux vertus cardinales de sagesse (qu’on appelle aussi discernement), de force et de justice.

Pensons au général De Gaulle organisant le gouvernement de la France libre à Londres en 1940. L’appel du 18 juin 1940 qu’il lance au micro de la BBC est de ce point de vue éclairant.

Il commence par effectuer ce que l’on a appelé depuis un retour d’expérience (RETEX) c’est-à-dire une analyse sans complaisance des causes de la défaite : « Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui ».

Cette analyse prend à contrepied l’explication que fournit Philippe Pétain deux jours plus tard dans un discours radiodiffusé. Il y affirme que « Depuis la victoire [de 1918], l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on n’a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur ». En d’autre terme c’est la faute des Français, pas celle des chefs militaires !

C’est sur la base de ce refus de la complaisance des responsables politiques et militaires – donc de la lâcheté qui en est à l’origine et de la malhonnêteté qui en découle – qu’il refuse d’entrer dans le système de justification impossible que le gouvernement de Pétain tentera d’échafauder pendant ses quelques années d’existence : « Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat ».

C’est ensuite une analyse des rapports de force militaires et politiques qu’il propose. Il part du constat que la France traverse une période que l’on appelle au rugby un moment faible, un moment qu’il faut savoir traverser sans s’effondrer en attendant que le rapport de forces change : « Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire ».

Cette analyse ne relève pas de l’autosuggestion mais de l’exercice du discernement et pour cette raison repose sur des arguments : « Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis »

Si l’histoire lui donna raison c’est parce que son analyse des rapports de forces était la plus réaliste, la plus conforme à la réalité donc la plus juste : « Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale ».

C’est pour cela que sa décision de poursuivre la lutte était fondée : « Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là… »

Le discours du 18 juin est l’illustration de ce que peut signifier le pragmatisme en politique quand il est synonyme de réalisme politique. Dans ce cas il s’agit de lucidité politique et de courage politique puisqu’il s’agit de ne pas céder aux sirènes qui vous invitent à ne pas céder au renoncement et aux mensonges que l’on invoque ensuite pour justifier de renoncer au bien commun.

Mais qu’en est-il quand le pragmatisme politique lui-même devient une idéologie ?

2/ L’idéologie du pragmatisme ou l’alibi du nihilisme

Les idéologies totalitaires du XXème siècle qui promettaient à ceux qui voulaient bien les croire un Reich de mille ans ou des lendemains qui chantent ont engendré les pires oppressions et les plus grands massacres que l’humanité ait connus. On comprend que les dirigeants politiques du XXIème siècle soient aujourd’hui vaccinés contre toute doctrine prétendant livrer le secret du bonheur ici bas. Une telle méfiance est plutôt saine.

Le problème c’est que désormais la méfiance vis-à-vis des idéologies s’est étendue à l’idée même qu’il puisse exister un bien commun à atteindre politiquement.

On peut toujours discuter pour savoir si le rôle de la politique est de viser un bien commun – que l’on peut soupçonner d’être hors d’atteinte – ou de se rabattre sur un objectif plus modeste que l’on appelle un moindre mal. Mais pour pouvoir ne serait-ce que pour pouvoir poser cette question il faut bien disposer au préalable d’une échelle du bien et du mal. Au moins implicitement.

Mais aujourd’hui le pragmatisme invoqué par nos dirigeants est la forme contemporaine du renoncement au bien commun et la formule magique qui permet d’échapper à tout argument critique. C’est devenu l’alibi de l’abandon du bien commun au profit d’intérêts catégoriels ou d’intérêts particuliers.

C’est ce que l’on constate avec à peu près n’importe quel responsable politique ou décideur économique prenant des décisions entraînant des conséquences d’ordre politique : investissement, retrait de capitaux, délocalisation, optimisation fiscale dans des paradis du même nom. Dans les deux cas ils brandissent l’étendard du pragmatisme pour ne pas avoir à rendre de compte sur la conformité de leurs décisions à la réalité et à la justice c’est-à-dire au bien commun.

Le pragmatisme est brandi comme un talisman magique qui désarme non seulement les objections mais surtout les questions relatives au bien commun. C’est devenu l’alibi de toutes les démissions. Qui n’a jamais entendu un(e) responsable politique esquiver les questions de fonds en se retranchant derrière l’alibi du pragmatisme et de la conviction intime ? « Vous savez, Patrick Poivre d’Arvor/Claire Chazal/Laurence Ferrari, (rayez la mention inutile) moi je suis un pragmatique et je ne veux pas entrer dans ces débats qui ne sont pas ceux qui intéressent les Français. Moi ce que j’ai plutôt envie de vous dire ce soir c’est… ».

Le pragmatisme en politique est devenu l’art de ne pas s’attaquer aux problèmes majeurs pour se concentrer sur des problèmes mineurs dans le cadre d’un mandat électoral. On se souvient de Jacques Chirac qui, au lendemain de sa réélection comme président de la république en 2002, annonça que ses trois principaux chantiers politiques seraient la sécurité routière, la lutte contre le cancer et l’insertion des handicapés.

Exit les questions de fonds relevant du bien commun de l’ensemble de la société : chômage, insécurité, immigration, délocalisation, Schengen, monnaie unique, ouverture des frontières, terrorisme, islamisation, délinquance, éducation, retraites, traité transatlantique, problèmes démographiques etc. Et encore n’était-ce pas le cas le plus grave : au moins il s’agissait encore de prendre des décisions politiques.

Aujourd’hui les leurres utilisés pour détourner l’attention des électeurs ne sont plus des décisions politiques mineures. Ce ne sont même plus des décisions d’ordres politiques : querelles politiciennes au sommet du gouvernement montées en épingle ou montées de toute pièce, petites phrases à destination des chaînes d’information continue, médiatisation de la vie privée ou manœuvres de diversion en forme de ballons d’essai.

Mais la démission politique qui se cache derrière l’idéologie du pragmatisme n’a pas simplement pour conséquence de cacher hypocritement la poussière sous le tapis pour la laisser à son successeur. En esquivant les problèmes plutôt qu’en les affrontant le pragmatisme les laisse pourrir et aboutit nécessairement à rendre insolubles des problèmes qui, pris à temps, auraient pu être réglés ou du moins gérés.

L’idéologie du pragmatisme politique c’est le choix de ne pas regarder la réalité en face et de la transformer en farce. Dans la Rome antique on disait « Du pain et des jeux ». Aujourd’hui on dirait société de consommation et croissance infinie.

C’est à la fois une démission et un mensonge : l’art de la fuite et l’art de la flûte (même pas enchantée).

L’idéologie du pragmatisme politique c’est le renoncement au bien commun.

C’est le choix implicite de considérer que le bien et le mal son équivalents donc qu’il n’existe pas de bien et de mal.

C’est l’alibi du nihilisme.

L’amour rend intelligent

Ce que la Bible appelle la connaissance de Dieu n’est pas une connaissance sur Dieu mais une intimité avec Dieu. De même quand la Bible dit qu’un homme a connu une femme cela signifie qu’ils ont vécu ensemble une intimité sexuelle.

Contrairement à la connaissance des choses ou des idées la connaissance véritable des êtres ne peut s’acquérir que dans une relation d’intimité avec eux. Cela n’a rien d’anodin car une telle relation nous engage pleinement. Elle suppose que nous consentions à nous dévoiler, à tomber le masque et l’armure, à exposer nos faiblesses et donc à nous rendre vulnérables. C’est une prise de risque de même nature que celle de Dieu se faisant homme parmi les hommes et finissant sur le bois de la croix. Cette prise de risque est le prix à payer pour accéder à l’intimité d’autrui.

D’où le paradoxe de nos gouvernants : ils sont censés comprendre et connaître le peuple qu’ils dirigent mais, chaque élection en France le confirme, ils n’y comprennent rien. Ils ne comprennent rien au peuple comme on dit de certains hommes qu’ils ne comprennent rien aux femmes.

Ils ne comprennent rien au peuple parce qu’ils ne le connaissent pas et ils ne le connaissent pas parce qu’ils ne veulent surtout pas vivre avec lui. Ils n’ont quand même pas fait HEC et l’ENA pour ça ! S’ils ont sué sang et eau, passé des nuits blanches, des concours, vécu des nuits d’angoisse c’est justement pour pouvoir, en contrepartie, ne plus vivre dans le même monde que leurs concitoyens. S’ils ont tout fait et ils ont parfois tout sacrifié – y compris leur entourage – pour accéder aux manettes du pouvoir ce n’est certainement pas pour renoncer au train de vie et aux privilèges qui vont avec.

L’aboutissement de la stratégie d’orientation scolaire et de sélection sociale fébrilement élaborée par leurs parents, le fruit de leurs efforts et de leurs sacrifices c’est justement l’assurance que jamais ils ne vivront comme tout le monde. C’est précisément une assurance contre ce « risque ». Ils ne veulent pour rien au monde connaître le peuple qu’ils dirigent en vivant avec lui.

Mais ce que nos gouvernants ne veulent/peuvent pas faire les saints, eux, le font très bien. Au point que, second paradoxe, certains gouvernants viennent les consulter quand ils se rendent compte que, contrairement à eux, ces chrétiens accomplis connaissent le pays réel.

Au XVIIème siècle saint Vincent de Paul a été le conseiller d’Anne d’Autriche pendant la régence de son fils Louis XIV. Au point que le très ambitieux Mazarin en a pris ombrage et a intrigué pour le faire renvoyer. Fort de sa connaissance du peuple et de ses misères d’une part et de la confiance de la régente d’autre part il obtint la création de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’assistance publique et plus généralement d’une prise en charge de la misère par les pouvoirs publics : réfugiés victimes de guerres, orphelins, mendiants, prostituées, mères célibataires, personnes âgées etc. Soucieux de l’âme et du corps des malheureux il était conscient des causes et des conséquences sociales et politiques dramatiques de la misère du petit peuple.

A la fin du XIXème siècle Don Bosco était consulté à la fois par le pape et les cardinaux que par les gouvernants anticléricaux italiens car il était celui qui était le mieux placé pour comprendre les ravages de la société industrielle sur des populations rurales déracinées et pour les expliquer aux classes dirigeantes. Vivant avec et pour les orphelins et les vagabonds des faubourgs de Turin il en connaissait les misères. Prêtre il se fit aussi se fit éducateur et pédagogue. Il fonda l’ordre des Salésiens qui essaima jusqu’en Patagonie pour vivre, par amour avec ceux qui étaient abandonnés à leur triste sort parce qu’ils étaient d’abord ignorés.

Au début du XXème siècle le meilleur connaisseur français du Maroc et du Sahara était le père Charles de Foucauld. Vivant au milieu des musulmans auxquels il voulait témoigner de l’amour de Dieu en prenant soin de leurs corps et de leurs âmes il parlait le touareg, l’arabe et même l’hébreu car il n’ignorait pas le sort difficile de l’importante communauté juive du Maroc. Les militaires français chargés d’y maintenir ou d’y rétablir la paix civile et la sécurité le consultaient pour décrypter les événements et les affrontements qui affectaient les populations locales.

A la fin du XXème siècle la communauté Sant’ Egidio n’avait pour seul objet que de prendre soin des pauvres et leur annoncer l’amour de Dieu. Ils se sont peu à peu développés hors d’Italie et se sont implantés dans d’autres pays. Ils sont devenus sans le rechercher les seuls interlocuteurs respectés unanimement au Mozambique et ont ainsi servi de médiateur pour négocier la fin de la guerre civile qui ensanglantait le pays depuis 15 ans. Ils étaient les mieux placés parce qu’ils étaient les plus respectés : ils connaissaient le pays réel parce qu’ils vivaient au milieu du peuple mozambicain.

Au XXIème siècle les missionnaires, les religieux et les religieuses, les prêtres et les évêques, les ordres spécialisés et les laïcs engagés constituent un réseau planétaire voué à témoigner localement de l’amour de Dieu pour les hommes et qui, nécessairement, fait remonter à Rome des informations éclairées et de première main sur la situation et la vie des personnes. Immergés dans la vie et les tragédies des peuples auxquels ils se sont donnés ces témoins connaissent les réalités humaines et leurs contextes. Ils les connaissent bien mieux que n’importe quel service de renseignement extérieur précisément parce qu’ils les connaissent de l’intérieur. C’est pour cela que jamais la CIA, le FSB, le Mossad ou la DGSE ne disposeront d’un réseau de renseignement comparable à celui du Vatican. Il faudrait pour cela que leur priorité soit d’aimer au lieu d’espionner et aimer en vérité c’est-à-dire gratuitement, sans-arrière pensée, dans la durée et jusqu’au bout.

Car c’est seulement en aimant les gens qu’on finit par les comprendre vraiment.

C’est en les aimant qu’ils nous deviennent intelligibles.

C’est en aimant qu’on devient intelligent.

Parce que l’amour vient de Dieu.

Parce que Dieu est amour.

Qui est républicain ?

Un argument non vérifiable est un argument qui n’est pas convaincant. En faire usage est un aveu implicite de faiblesse : c’est l’aveu qu’on n’en a pas de meilleur à sa disposition. Mais invoquer un argument qui ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus n’est pas seulement un symptôme de faiblesse c’est aussi une manière de se tirer une balle dans le pied en creusant son propre déficit de crédibilité.

Ce qui est vrai en général l’est particulièrement en politique. C’est caricatural dans le cas du Front national et c’est ce que ne comprennent pas ses adversaires. Plus ils s’obstinent à prédire l’apocalypse en cas de victoire frontiste plus ils se décrédibilisent auprès des électeurs et de l’opinion publique qui se disent que s’ils avaient des arguments plus convaincants ils les utiliseraient.

Les représentants de ce parti s’en amusent même. Ils répètent souvent : « On nous avait prédit qu’en cas de victoire de notre parti aux élections municipales les eaux du Nil allaient se transformer en sang, qu’il y aurait des invasions de sauterelles, des sécheresses et des épidémies et rien de tout cela n’est arrivé ». A leur place qui se priverait de ce trait d’humour que leur offre la faiblesse argumentative de leurs adversaires ?

Mais cette anecdote est le symptôme d’une malade plus profonde et plus généralisée qui touche à la fois le milieu médiatico-politique mais également les sphères dirigeantes, les catégories socio-professionnelles dites supérieures (CSP+) et l’épiscopat : le le déni de réalité. Ils sont paradoxalement incapables d’expliquer factuellement et calmement les raisons pour lesquelles ils sont opposés au Front national. A cours d’arguments convaincants ils se rabattent sur les procès d’intention et les procès en sorcellerie. Leur indignation est inversement proportionnelle à leur argumentation. Curieux, non ?

1/ Laisser en paix les incendiaires, poursuivre ceux qui sonnent le tocsin

Ils admettent volontiers que la hausse du chômage, de la délinquance, de l’immigration et de l’islamisation sont des sujets de préoccupation mais c’est contre les succès électoraux du Front national qu’ils s’indignent et qu’ils vont manifester.

On ne les a jamais vus défiler dans la rue contre les mesures de dérégulation destinées à rendre possible la prise de contrôle du capital de nos grandes entreprises par des fonds de pensions internationaux.

Pourtant ce sont ces mesures qui ont permis à un actionnariat international par nature indifférent aux conséquences sociales de ses décisions d’investissement sur l’échiquier mondial de procéder à des licenciements massifs dans des entreprises par ailleurs rentables.

Ce sont ces mêmes mesures qui ont rendu possible la délocalisation d’entreprises qui, auparavant, employaient des Français chez eux. Ce sont ces mesures qui rendent possible la domiciliation dans des paradis fiscaux d’entreprises qui, auparavant, rendaient possible le financement de l’action de l’Etat.

On ne les a jamais vus non plus manifester contre la politique pénale des gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans, droite et gauche confondues.

Ou contre l’inertie complaisant de tous les gouvernements vis-à-vis des pays musulmans qui financent le développement de mosquées salafistes en France en échanges de contrats juteux pour le secteur de l’énergie et de l’armement.

Pour rien au monde ils ne supprimeraient la porte d’entre de leur appartement et jamais ils laisseraient leur foyer ouvert à tout vent et au tout venant mais ils traitent de xénophobes ceux qui, vivant dans des quartiers ouverts à tous les vents et au tout venant, voudraient qu’on se penche sur leur sort et ont l’audace de remettre en question le « vivre ensemble ».

A ceux qui voudraient restaurer la souveraineté de l’Etat sur son territoire en procédant à des contrôles aux frontières et en décidant après examen ceux qui peuvent entrer chez nous et ceux qui ne le peuvent pas ils adressent des remontrances outrées. Ce que font des pays accueillants et démocratiques comme le Canada ou l’Australie serait chez nous une atteinte à la démocratie. Là ils s’indignent avec vigueur. C’est le triomphe posthume de Stéphane Hessel.

Mais le plus frappant ce ne sont pas leurs propres contradictions mais leur déni de réalité organisé. Ils répètent en boucle que le Front national n’est pas un parti républicain alors même que ce dernier ne jure que par la laïcité, la souveraineté de l’Etat et l’idéal d’une France républicaine. Ils prétendent le dénoncer au nom même des principes qu’il est devenu le dernier à revendiquer intégralement. Et ils s’étonnent de ne pas être suivis par les électeurs !

Cette fuite en avant est organisée depuis plus de trente ans par les partis politiques traditionnels qui n’entendent ni renoncer à leurs positions acquises ni assumer leurs responsabilités. En trente ans d’erreurs et de démissions, les professionnels de la politique sont devenus une des principales causes de la situation actuelle. C’est pour cette raison qu’ils cherchent à être jugés non pas sur leur bilan mais sur leur adversaire.

2/ Les adulescents au pouvoir !

Néanmoins leur manœuvre n’aurait jamais pu réussis si longtemps si plusieurs générations d’électeurs ne leur avaient pas emboîté le pas. Là c’est l’immaturité politique de toute une génération marquée intellectuellement – parfois à son corps défendant – par mai-68 qui est en cause.

De gauche ou de droite ils ont en commun de partager une vision binaire et manichéenne du monde qui interdit toute nuance dont toue analyse politique des problèmes réels. Consciemment ou non ils préfèrent voir le monde en noir et blanc. Un peu comme un enfant qui, au beau milieu du film que vous regardez à ses côtés, vous demande à propos d’un personnage : « Lui c’est un gentil ou un méchant ? ».

Voir le monde avec la belle et bête intransigeance d’un adolescent de quatorze ans c’est plus satisfaisant et plus reposant que de regarder la réalité dans toute sa complexité comme un adulte responsable est tenu de le faire. Et puis ne jamais avoir affaire à des problèmes mais toujours à des salauds c’est tellement plus exaltant !
Pourtant la réalité finit toujours par s’imposer. Elle est complexe et souvent tragique et l’art de la politique c’est d’envisager non seulement ce qui est souhaitable, mais considérer également le possible et savoir peser ensuite sur les conséquences intentionnelles ou non des actes décidés. La crise insoluble des migrants est venue opportunément nous le rappeler.

Mais tant que Jean-Marie Le Pen était le président du Front national on pouvait encore fermer les yeux. C’est lui-même qui servait la soupe ; Il le faisait inlassablement et avec une telle volupté que finalement tout le monde était content. Tel un grand-père un peu cabotin qui accepte de revêtir son costume de croquemitaine pour faire peur à des enfants qui n’attendent que ça, il conservait à portée de main son déguisement de monstre pour pouvoir faire son numéro à chaque fois que l’occasion se présentait.

C’était le bon temps, celui où l’on pouvait fermer les yeux sur la réalité politique tout en se faisant une bonne conscience à peu de frais. On pouvait exprimer sa conviction que le fascisme ne passerait tout en cultivant secrètement l’espoir qu’il ne trépasserait pas non plus. On avait à la fois le prestige du rebelle et le bénéfice du consensus. On prenait le maquis mais sans avoir à dormir sous la tente pour autant.

3/ Déni de réalité et cécité volontaire

Toutes les bonnes choses ayant malheureusement une fin le carrosse a fini par redevenir citrouille : Marine a succédé à Jean-Marie.

Les provocations antisémites, les propos racistes et les outrages d’un autre âge ont disparu. L’éviction des vrais idéologues a été confiée au compagnon de Marine Le Pen, Louis Alliot, qui y a gagné le doux sobriquet de « Loulou la purge ». Aujourd’hui le moindre propos antisémite d’un militant ou d’un responsable est immédiatement dénoncé et sanctionné par la direction du Front national.

Les vrais antisémites ne sont plus au Front national mais chez Egalité et réconciliation d’Alain Soral et de Dieudonné et, plus généralement, dans la nébuleuse islamo-gauchiste dont les représentants se répartissent entre le Front de Gauche, à EELV, Ligue Ouvrière et le NPA d’Olivier Besancenot. Les racistes de la mouvance identitaire qui s’assument se retrouvent, eux, sur le site François de Souche. Ceux qui n’osent pas s’assumer pleinement trouvent asile se drapent dans les plis de la laïcité outragée et trouvent refuge sur les sites de Boulevard Voltaire ou de Riposte Laïque.

Désormais le numéro deux du Front national, Florian Philippot, affiche ouvertement son gaullisme et ne cache pas son homosexualité. Il reprend une vision colbertiste du rôle de l’Etat et contribue à façonner l’image d’un parti qui pour ne pas être militant de la cause homosexuelle n’en est pas moins gay-friendly : droit à l’indifférence plutôt que droit à la différence.

Le changement politique et culturel effectué par le Front national fait penser à la révolution culturelle de Tony Blair qui avait réussi à transformer le Labour socialiste à fort relent marxiste en un New labour reprenant à son compte l’héritage des années Thatcher et le saupoudrant de multiculturalisme. Dans les deux cas – et abstraction faite de leurs orientations politiques divergentes – il s’agit d’une révolution copernicienne dont on trouve peu exemples contemporains. Et c’est cela que le microcosme médiatico-politique et la frange supérieure des partis politiques traditionnels ne veulent ou ne peuvent pas voir.

4/ L’héritier paradoxal du gaullisme dans une société post-moderne

Quand on sait que ce parti a été fondé par des hommes dont le dénominateur commun était la haine de De Gaulle on ne peut que constater une évolution à 180°C.

Ses thèmes et son programme sont ceux du RPF du discours de Bayeux (1946) : dénonciation d’un régime où « les marchandages des partis passent avant les intérêts de la France », principe d’un exécutif fort procédant du peuple, défense de la souveraineté de l’Etat vis-à-vis de ceux qui voudraient créer un Etat dans l’Etat – les communistes hier, les islamistes aujourd’hui – recherche d’une troisième voie entre capitalisme et collectivisme, refus d’une politique étrangère atlantiste, défense de l’indépendance nationale, développement d’une Europe des nations.

Il n’y a objectivement rien d’antirépublicain dans tout cela. Le Front national a changé dans des proportions telles que les anciens militants ont raison de hurler à la trahison. Sa sociologie a changé, son programme a changé, son ADN a changé.

Il s’est banalisé parce qu’il reflète de plus en plus la société française, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur c’est la réaffirmation du rôle de l’Etat dans la défense des plus faibles (sécurité), de la nation (immigration), de son territoire (souveraineté) et de la cohésion du corps social (solidarité nationale), de l’identité culturelle de la France (islamisation). Le pire c’est le silence assourdissant sur les questions sociétales et sur les mœurs (mariage pour tous, gestation pour autrui, avortement, euthanasie etc). Le Front national s’est normalisé et c’est la clef de son succès.

5/ A quand un authentique débat politique avec le Front national ?

La critique du programme du Front national est parfaitement légitime et elle est même nécessaire car le débat contradictoire public et rationnel est le principe même de la démocratie. Mais cela ne peut se faire qu’en opposant des arguments à des arguments c’est-à-dire en se situant sur le terrain de la discussion politique et non sur celui des procès d’intention et du déni de réalité.

Qu’elle s’applique au Front national ou à n’importe quel autre parti autorisé, la politique du deux poids, deux mesures est injustifiable car c’est une manière de truquer les règles du jeu démocratique. C’est à la fois un manque de justesse intellectuelle et un manque de justice envers les membres et les électeurs de ce parti. C’est injustifiable à la fois au regard de la morale universelle et des principes démocratiques eux-mêmes.

Que les propositions politiques du Front national puissent être contestées et que des propositions du Front national soient contestables c’est l’évidence et c’est souhaitable pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Or, c’est justement ce que refusent de faire leurs adversaires. Ce sont eux qui ne sont pas républicains.

L’esprit de système est un péché contre l’Esprit

Il n’existe rien de plus dangereux que cette fascination malsaine pour l’intelligence abstraite que l’on retrouve si souvent en France dans les milieux dirigeants et dans les institutions. C’est en France et nulle part ailleurs qu’on peut proclamer sans se soucier des remontrances qu’il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aaron.

Cette fascination est dangereuse car elle engendre l’esprit de système, cette passion irrationnelle qui s’empare des esprits – en particulier les brillants esprits – pour les fourvoyer dans toutes les idéologies et dans tous les complotismes.

L’esprit de système orchestre méthodiquement et planifie consciencieusement le refus de la réalité et entraîne ainsi ceux qu’elle saisit au refus organisé et planifié de la vérité. Il s’emploie à les détourner systématiquement de Celui qui se présente comme la voie, la vérité et la vie.

Il est, au sens littéral du terme, un péché contre l’Esprit. Celui dont il nous est dit qu’il est le seul péché à ne pouvoir être pardonné. « Mais quiconque aura parlé contre l’Esprit saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde, ni dans l’autre. » (Matthieu 12, 31–32).

1/ Une contrefaçon de la réalité

L’esprit de système consiste à substituer au monde réel et à sa complexité un monde parallèle épuré parce que simplifié et, pour cette raison même, plus satisfaisant pour notre besoin de cohérence.

Ce monde est artificiel – et donc mensonger – précisément parce qu’il est expurgé de toutes les zones d’ombre, les mystères et les ambiguïtés sur lesquels la réalité nous fait régulièrement trébucher.

L’esprit de système nous offre un monde parallèle mais à notre portée. Un monde imaginaire mais qui aurait l’élégance de ne pas outrepasser les limites de notre entendement. Un monde fait – ou plutôt contrefait – sur mesure.

Un monde chimérique mais à notre (petite) mesure. Un monde illusoire mais conforme à nos limites, à nos attentes et surtout à nos préférences. Bref un monde créé par nous plutôt que par Dieu.

2/ Un rejeton du péché originel

L’esprit de système n’est pas simplement un faux raisonnement ni même une accumulation de fautes de raisonnement. Si c’était simplement d’ordre intellectuel ce ne serait pas si grave. Un raisonnement peut être corrigé dès lors qu’on accepte de la soumettre au feu croisé de la critique et de le passer au crible de la discussion.

Mais l’esprit de système n’est pas d’abord un raisonnement faux, c’est d’abord et avant tout un raisonnement vicié parce que vicieux. C’est un péché spirituel qui se déploie sur le terrain intellectuel en enrôlant la logique derrière sa bannière.

C’est un péché qui engloutit ceux dont l’ambition est de posséder la vérité plutôt que de se laisser posséder par elle. « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » (Jean 18, 37) disait le Christ.

L’esprit de système dissuade ainsi ceux qu’il séduit de suivre le Christ parce qu’il les détourne de rechercher la vérité et de s’y conformer.

C’est l’une des manifestations du péché originel, c’est au sens propre du terme une machine infernale.

3/ La matrice d’au moins deux hérésies

L’esprit de système est une tentation spirituelle à l’origine de deux hérésies graves : le manichéisme et le gnosticisme.

Le manichéisme ne voyait dans l’univers qu’un champ de bataille où s’affrontaient dans un combat à mort le camp des bons et celui des méchants : le monde spirituel pur contre le monde matériel, l’esprit contre la chair, les purs contre les impurs, l’homme contre la femme (car dans le manichéisme la femme est impure). Une grille de lecture fausse mais psychologiquement réconfortant et moralement très confortable.

Ce parti pris, dicté par l’orgueil de ceux qui décrètent eux-mêmes qu’ils appartiennent au camp des purs, a pour corollaire naturel le refus de suivre la logique du Christ qui ordonne à ses disciples de ne pas chercher à arracher l’ivraie enchevêtrée au bon grain : « Laissez pousser les deux ensemble jusqu’à la moisson. A ce moment-là, je dirai aux moissonneurs : « Enlevez d’abord la mauvaise herbe et liez-la en bottes pour la brûler : ensuite vous couperez le blé et vous le rentrerez dans mon grenier » (Matthieu 13, 30).

Le gnosticisme, lui, prétendait séparer l’humanité entre ceux qui savent et la masse des ignorants qui n’auront jamais accès à la lumière de la vérité. La vérité n’y était plus considérée comme un don gratuit et universel mais comme le privilège d’une élite intellectuelle et morale. Là encore il s’agit d’un parti pris dicté par l’orgueil. On fait désormais partie de l’élite. Une grille de lecture fausse mais psychologiquement réconfortant et moralement très confortable.

Mais là encore c’est un parti pris qui aboutit à prendre l’exact contre-pied du Christ, lui qui priait en disant : « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces vérités aux sages et aux intelligents, et que tu les as dévoilées à ceux qui sont tout petits. Oui, Père, car dans ta bonté, tu l’as voulu ainsi » (Luc 10, 21).

4/ Une tentation spirituelle toujours actuelle…

Si les doctrines manichéennes et gnostiques ont disparu du paysage, la tentation spirituelle que constitue l’esprit de système n’a pas disparu pour autant.

La doctrine du manichéisme a disparu, pas la tentation d’être manichéen. L’idée que le mal trace une frontière imperméable entre le camp de ceux qui acceptent la vérité et ceux qui la refusent est toujours tentante.

C’est beaucoup plus tentant que d’admettre que le péché traverse le cœur de chaque homme et de gémir avec saint Paul en reconnaissant humblement : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le commets….. » (Romains 7, 19).

Etre manichéen cela consiste toujours à réduire à des protagonistes sans âme ceux que l’on range dans le «camp d’en face». C’est transformer les hommes, éventuellement égarés, en archétypes. C’est de refuser de leur reconnaître une âme et de reconnaître qu’ils sont des hommes. C’est une manière de les retrancher de l’humanité, de les diaboliser.

Quand on adopte une attitude manichéenne la bienveillance n’a plus de sens puisqu’on oublie ou on veut oublier que nos adversaires restent des personnes humaines. Il n’y a plus personne à aimer parce qu’il n’y a plus de personnes à aimer.

Tout transfuge étant devenu impossible, plus aucune conversion n’est possible. L’idée même de discussion s’identifie à celle de trahison. Aller à la rencontre de quelqu’un du camp d’en face c’est pactiser avec l’ennemi.

De même uand on adopte une attitude gnostique l’exercice de l’intelligence cesse d’être subordonné à la quête de la vérité. L’intelligence part en vrille, s’installe à son propre compte et reçoit ses instructions de notre volonté de puissance. La quête du savoir se transforme alors en passion de savoir (libido sciendi) qui nourrit à son tour la passion de dominer (libido dominandi). Comme le dit le proverbe : « Le savoir c’est le pouvoir ».

La tentation gnostique c’est le paradis de la dérégulation : plus rien ne justifie de poser des limites à nos désirs et à notre volonté. Non seulement elle nous épargne la frustration du renoncement mais elle prétend faire de nous l’arbitre de ce monde sachant que, comme on dit en rugby, « monsieur l’arbitre a toujours raison ».

5/ … pour les chrétiens aussi

Une telle tentation n’épargne malheureusement pas les chrétiens et peut aussi bien prendre le masque de l’orthodoxie que celui de l’orthopraxie.

En matière d’orthodoxie l’esprit de système se manifesta jusqu’au concile de Vatican II par le règne du néothomisme. Ce courant théologique avait été promu doctrine officielle de l’Eglise.

Ceux qui prônaient un retour aux sources du christianisme, notamment à travers les Pères de l’Église et une prise de distance avec l’hégémonie de la scolastique, furent condamnés par les néothomistes au nom de la vérité. La vérité, of course. What else ?

Les réprouvés s’appelaient alors Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar, Yves Congar, Karl Rahner, Marie-Dominique Chenu, Louis Bouyer, Jean Daniélou ou encore Joseph Ratzinger.

En France, les Jésuites de Fourvière et les Dominicains du Saulchoir, se virent interdits d’enseignement et Pie XII les critiqua dans son encyclique Humani Generis (1950).

Une dizaine d’années plus tard les victimes des purges de Fourvière et du Saulchoir furent réhabilités et la légitimité de leurs options théologiques reconnue par le concile Vatican II, auquel certains participèrent en tant qu’experts. Certains furent créés cardinaux (Balthasar, Daniélou, de Lubac, Congar, Ratzinger et l’un d’entre eux fut élu pape sous le nom de Benoît XVI.

Mais ce qui est vrai en matière doctrinale l’est également dans le domaine pastoral (orthopraxie). Quand des baptisés, laïcs ou clercs, condamnent un choix pastoral au nom d’un principe – et d’un seul – il faut se méfier. Car quiconque agit « par principe » agite un principe qu’il a préalablement sélectionné parmi d’autres principes envisageables. Il fait passer son choix, c’est-à-dire souvent sa préférence, pour la vérité et proclame à qui veut l’entendre que sa démarche est purement désintéressée quitte à rappeler « humblement » à l’ordre le souverain pontife lui-même…

Agir ou prendre position au nom d’un principe unique c’est congédier le discernement au moment d’agir. Refuser d’user librement de son discernement ce n’est pas seulement le refuser de cultiver l’une des quatre vertus cardinales c’est renoncer à rechercher la vérité et donc à vivre en vérité.

L’amour de la vérité est souvent le meilleur alibi pour refuser la vérité de l’amour qui est « patient et plein de bonté, qui ne cherche pas son propre intérêt, qui ne s’aigrit pas contre les autres, qui ne cherche pas à se faire valoir, qui ne s’enfle pas d’orgueil, qui ne s’aigrit pas contre les autres, que l’injustice attriste, que la vérité réjouit et qui, en toute occasion, pardonne, fait confiance, espère et persévère » (1 Corinthiens 13,  4-7).

L’esprit de système est très attirant parce qu’il nous épargne le travail douloureux et humiliant de conversion du cœur. Or, la conversion du cœur est le préalable indispensable pour rechercher la vérité, avoir une chance de la trouver et de pouvoir en vivre.

En nous détournant de nous mettre en marche et de faire de notre vie ici-bas un pèlerinage terrestre, l’esprit de système détruit notre dignité d’homme en substituant à notre discernement un mécanisme de pilotage automatique programmé pour nous faire dériver de la trajectoire de la vérité. C’est une machine infernale qui affole la boussole de notre liberté intérieure.

Il nous rend esclaves d’une logique qui ne vient pas de Dieu et qui ne mène pas à Dieu. L’idéologie – quintessence de l’esprit de système – étrangle la liberté que Dieu nous avait donnée pour que nous puissions Le rencontrer et Le faire connaître.

6/ L’humour et la littérature contre l’esprit de système

L’esprit de système est une absence d’humilité qui empêche de dire « je ne sais pas ». C’est un esprit critique, qui doute de tout sauf de lui-même et qui a la folie de sacrifier la réalité sur l’autel de la cohérence logique. C’est un rejeton du péché originel puisqu’il  s’enracine dans l’orgueil.

Les antidotes ne sont donc pas de nature intellectuelle mais de nature spirituelle. Les premiers sont les plus connus : la prière, le jeûne, la pratique de la charité, la demande de pardon et la confession de ses péchés. Mais il en existe deux autres qui viennent moins souvent à l’esprit mais qui sont deux adjuvants spirituels : l’humour et la littérature.

L’humour est un adjuvant spirituel car il dévoile les vérités que nous voudrions dissimuler. C’est l’enfant de l’humilité et de l’amour.

L’humilité nous permet de regarder en face nos limites et nos faiblesses. Sans humilité pas de capacité d’auto-dérision et donc pas d’humour possible. L’humilité nous rend capables d’accepter la vérité telle qu’elle est et quelle qu’elle soit. Quelle que contrariante qu’elle puisse être pour nous…

Enfin et surtout l’humilité nous prédispose à accepter et à aimer avec gratitude ce que la réalité a d’aimable : « Enfin, frères, nourrissez vos pensées de tout ce qui est vrai, noble, juste, pur, digne d’amour ou d’approbation, de tout ce qui mérite respect et louange » (Philippiens 4, 8).

La littérature c’est le nom que l’on donne aujourd’hui à ce qu’on appelait autrefois les humanités. C’est un antidote naturel contre l’esprit de système dans la mesure où c’est un constant rappel de la complexité du réel. La littérature fait tinter à nos oreilles une petite musique insistante et subversive qui nous rappelle que la vérité échappe toujours aux conceptions que nous nous en faisons parce que nos conceptions ne sont que le produit de notre esprit et qu’elles sont, par conséquent, toujours à notre mesure.

La littérature aide à penser plus justement et c’est ce qui en fait un adjuvant spirituel puisque, comme le disait si bien Blaise Pascal, le principe de la morale c’est de travailler à bien penser.

Elle ne suffit pas à nous prémunir contre les erreurs de jugement mais elle nous aide à ne pas nous fourvoyer systématiquement dans l’inhumanité d’un monde faussé. Elle nous aide à acquérir ce cœur intelligent que le roi Salomon avait demandé à Dieu pour bien gouverner et que Dieu lui a accordé (1 Rois 3, 9-12).

C’est déjà pas mal…

Pourquoi faire de la place à l’islam en France n’a pas de sens

Dans son livre Situation de la France le philosophe Pierre Manent fait observer à juste titre que si l’Etat est laïc la société française, c’est-à-dire la France, ne l’est pas. Elle ne l’est pas parce qu’elle est culturellement imbibée de culture catholique. Les mœurs françaises sont indissociables de cette matrice qu’on soit croyant ou pas. Et cela l’Etat refuse de le considérer ce qui explique l’autisme du gouvernement en place, notamment.

Pierre Manent récuse, à juste titre, l’identification de la France réelle (une société fondée sur des communautés) à une France imaginaire et imaginée par les idéologues de l’Etat-nation qui ne conçoivent la nation que comme l’appendice d’un Etat tout puissant qui régnerait sur une masse d’individus atomisés dépourvus de passé, de relations, de convictions et d’identités.

Le philosophe part également du constat que dans certaines zones, les mœurs partagées dans l’espace public sont majoritairement musulmanes : d’où les revendications de menus hallal dans les écoles où les enfants musulmans sont localement majoritaires ou les réclamations d’horaires différenciés dans les piscines municipales entre filles et garçons.

Fort de ce constat il en déduit qu’il faut regarder la réalité en face et cesser de s’arc-bouter sur la chimère idéologique d’une société neutre : il faut, d’après lui, cesser de brandir l’argument de la laïcité dans ce genre de situations puisque la laïcité n’a jamais concerné la société mais les institutions.

1/ Les institutions sont laïques, pas la société

Les mœurs ne peuvent être dictés par l’Etat. L’identité de la France et ses mœurs viennent de beaucoup plus loin que 1789 et invoquer la République et les valeurs républicaines n’a non seulement pas beaucoup de sens mais surtout absolument aucune utilité. Ce n’est pas à force de prendre ses chimères pour des réalités que les chimères deviennent réalité.

Au fond, dit-il, mieux vaudrait renoncer à brandir la laïcité comme un principe sacré, et donc intangible, pour tenir compte de la réalité et s’autoriser à concéder localement des accommodements raisonnables dans un cadre politique dont les frontières seraient-elles intangibles : le refus du voile intégral et de la polygamie. Selon lui c’est la frontière à ne pas franchir sous peine de déliter les mœurs communes qui permettent à tous de vivre paisiblement en France et en tant que Français dans une culture qui reste française.

Je partage avec lui son parti pris de regarder la réalité – et notamment la réalité historique en face – et de tordre le coup à l’idéologie laïciste qui prétend évacuer le plus possible les religions et les communautés naturelles de l’espace public.

Mais c’est pour cette raison que je ne suis plus d’accord avec lui quand il parle de « faire une place à l’islam » ou de reconnaître qu’à côté de nos mœurs à nous, gorgés de catholicisme culturel (et non religieux) existent désormais des mœurs musulmanes.
Car cette dichotomie ne correspond pas à la réalité.

2/ Il n’y a pas de mœurs propres aux musulmans en France

Les musulmans en France sont confrontés, comme tout le monde, à l’influence de la société de consommation, à l’individualisme et à la disparition des repères collectifs structurants. Ils y réagissent, eux aussi, de manière très variée. Les musulmans de France n’appartiennent par à une seule strate sociale – ils vont du SDF au chef d’entreprise – et cela se reflète dans la diversité de leurs mœurs.

Car les mœurs des musulmans vivant en France, des musulmans concrets – par opposition à l’idéal-type du bon musulman appliquant systématiquement les prescriptions du Coran et du droit musulman – peuvent varier du tout au tout. Non seulement du point de vue alimentaire et vestimentaire mais aussi et surtout du point de vue de leur positionnement sur l’échiquier politique.

On trouve des musulmans de l’extrême-gauche à la droite nationale – en passant par les mœurs familiales qui peuvent aller du mariage traditionnel au Mariage Pour Tous en passant par le concubinage ou le célibat alternatif. Les « mœurs des musulmans » sont aussi variables que celles des catholiques et vont du progressisme au conservatisme les plus extrêmes. Les musulmans français ont rejoint la moyenne nationale du divorce.

On n’a pas les mêmes mœurs selon qu’on est musulman croyant mais pas pratiquant, pratiquant mais occasionnel, pratiquant régulier, pratiquant piétiste ou littéraliste, de vieille souche ou fraîchement converti. Le poids de la religion et la signification qu’ils donnent à l’islam reste très différent entre le beur musulman par héritage ayant abandonné toute pratique et le Gaulois converti via Internet professant un salafisme 2.0.

Comme chez les catholiques la diversité des mœurs des musulmans vivant en France est la règle, non l’exception. Songerait-on à ranger côte-à-côte Jean Vanier et Al Capone dans la catégorie « catholique »?

Sans compter que les mœurs réputées culturellement catholiques sont de moins en moins partagées par l’ensemble de nos concitoyens. Nous perdons notre culture sous les coups de boutoir conjugués d’un laïcisme idéologique et d’une culture individualiste consumériste.

Le délitement de toute communauté non élue (famille, communauté religieuse, identités régionales et bien sûr identité nationale), de tout héritage reçu et non choisi.

C’est la rupture de la transmission et le vertige du vide voilà ce qui nous tient de plus en plus lieu de patrimoine commun.

3/ Le danger d’une domination de l’espace public par les salafistes existe localement

Je ne prétends évidemment pas qu’il n’y a pas de pressions sociales dans les quartiers à majorité musulmanes pour que les femmes soient voilées intégralement et imposer des mœurs coraniques. Mais cette pression sociale est localisée dans certains quartiers, trop nombreux à mon goût.

De ce point de vue cette pression sociale fait penser à celle qu’ont exercé pendant des décennies le parti communiste et la CGT dans les municipalités de la banlieue rouge. Ces situations sont inquiétantes mais on ne peut pas en déduire qu’elles constituent des mœurs communes à l’ensemble ni même à la majorité des musulmans vivant en France.

Je ne dirais pas la même chose des pays majoritairement musulmans où la pression sociale y est normative. Mais tel n’est pas le cas en France où aucune religion ne domine l’espace public. C’est d’ailleurs heureux car toute religion dominante est une religion aliénante : non pas (forcément) en raison de son contenu mais simplement en raison de son statut.

Je remarque ensuite que les quartiers où des mœurs réputées musulmanes s’imposent sont ceux où les prêcheurs salafistes sont les plus installés. En d’autres termes ces activistes considèrent que ce les musulmans vivant dans ces quartiers sont exposés à l’influence de mœurs occidentales qu’ils jugent décadentes et qu’il faut ramener ces musulmans égarés dans le droit chemin.

Ils le déplorent, je m’en réjouis mais nous faisons eux et moi le même constat : les musulmans vivant en France ont moins tendance à imposer spontanément des mœurs conformes aux prescriptions du Coran et de la charia qu’à s’en éloigner et à adopter progressivement des mœurs non coraniques.

Si en théorie les musulmans sont censés régler leur conduite sur le Coran et ses commentaires – ce que souhaitent les salafistes – dans la pratique la plupart des musulmans en prennent et en laissent selon leur convenance.

Sans mauvais jeu de mots je pense que le Coran alternatif est beaucoup plus répandu et donc beaucoup moins visible que le mode de vie des salafistes beaucoup plus voyant mais beaucoup moins représentatifs de ce que sont les musulmans en France.

D’ailleurs si les mœurs salafistes étaient la pente naturelle de l’ensemble des musulmans les pays du Golfe n’auraient pas besoin de dépenser des millions depuis des décennies pour les promouvoir dans le monde. Ils le font parce que l’application stricte du Coran ne se ferait pas ou très peu autrement.

Si des missionnaires salafistes sont obligés de recourir à l’activisme, à la séduction, à l’intimidation et au bourrage de crâne pour parvenir à leurs fins c’est bien parce qu’ils estiment eux-mêmes qu’ils n’y parviendraient pas en laissant faire le cours naturel des choses. C’est le propre des minorités actives et c’est pour cela qu’elles sont dangereuses.

Il faut donc les combattre politiquement c’est-à-dire administrativement : en renvoyant chez eux les imams qui dressent leurs ouailles contre la société française, en interdisant aux Etats musulmans comme le Qatar, l’Arabie saoudite, la Turquie ou le Maroc de financer des mosquées et des imams sur notre territoire car, comme chacun sait, qui paye commande.

L’erreur serait, en revanche, de donner aux salafistes ce qu’ils veulent à savoir un brevet de représentativité de l’ensemble des musulmans. La meilleure manière de se tirer une balle dans le pied ça reste encore d’accorder à son ennemi ce dont il a besoin.

Je remarque enfin que les quartiers où des mœurs réputées musulmanes s’imposent sont ceux d’où les musulmans qui ont réussi économiquement et socialement sont partis pour s’installer dans des quartiers non majoritairement musulmans. Ce qui signifie que l’aspiration des musulmans qui ont le choix de la mobilité est d’échapper à un espace public régi par les prescriptions du Coran et de la charia.

Alors faut-il faire une place à l’islam en France dans l’espoir d’aboutir un jour à un islam de France ? Non car il n’existe pas d’islam de France ni de mœurs communes aux musulmans Français ou étrangers qui vivent sur le sol de France.

Faire une place à l’islam ? Même si on le voulait on ne pourrait pas. Qui a jamais réussi à faire quoi que ce soit à l’aide d’un couteau sans lame dont on a enlevé le manche ?

On peut et on doit combattre l’influence des salafistes qui, financés par des pays du Golfe complaisamment soutenus par les Etats-Unis, cherchent à dresser les musulmans vivant en France contre la France. Mais c’est justement parce que l’ensemble de ces musulmans ne leur est pas acquis que cette lutte d’influence à un sens. Parce qu’il n’y a pas d’unanimité dans ce qu’on appelle, à tort, l’islam de France.

Il n’y a pas d’islam de France il n’y a que des musulmans concrets, réels et influencés autant et souvent davantage par leur culture familiale, la culture française, leur degré d’intégration sociale, leur niveau de vie, leurs aspirations familiales et/ou individuelles mais aussi par les mœurs que véhiculent (pour le meilleur et pour le pire) la société de consommation, les films hollywoodiens et Internet et les réseaux sociaux.

Il n’y a pas d’islam de France, il n’y a que des musulmans concrets, réels et individuels : pour le meilleur et pour le pire.

C’est avec ces musulmans qu’il faut vivre.

Des musulmans réels qui ont souvent bien peu à voir avec l’image du bon musulman que cherchent à promouvoir les salafistes.

Le patriotisme : une certaine idée du bien commun

 Le patriotisme est un sentiment de solidarité sociale géographiquement et culturellement circonscrit. On peut le déplorer mais c’est ainsi : c’est une préférence accordée à ceux dont on se sent proche pour des raisons qui sont contingentes et donc arbitraires.

C’est beaucoup moins noble que l’amour universel du genre humain mais c’est aussi beaucoup plus concret et c’est à la portée du plus grand nombre. Même les âmes les moins généreuses ne contestent pas l’idée de solidarité nationale qui sous-tend l’impôt sur le revenu.

Seule la conscience d’une communauté de destin rend possible qu’un contribuable parisien accepte de payer pour un chômeur brestois qu’il ne connaît pas ou d’une mère célibataire marseillaise qu’il ne verra jamais.

Le patriotisme constitue un antidote puissant au droit à l’indifférence et aux égoïsmes catégoriels. Il élargit notre horizon social et notre conscience morale à ceux qui ne font pas partie de notre famille, qui n’habitent pas notre quartier, qui n’appartiennent pas à notre classe socio-professionnelle, qui ne partagent pas nos convictions politiques et/ou religieuses, qui ne sont pas issus de la même région que nous ou qui n’ont pas la même couleur de peau.

Le patriotisme réussit un miracle : transformer en compatriotes ceux qui nous sont a priori étrangers. Il nous incite à considérer ceux que nous côtoyons sans l’avoir décidé en compagnons de fortune et d’infortunes. Il transforme la promiscuité en proximité. Il nous arrache au despotisme des affinités naturelles en nous obligeant à sortir de nous-mêmes.

A l’inverse les déclarations d’amour universel faites au genre humain sont à prendre avec des pincettes. Elles sont suspectes parce qu’elles sont abstraites. Elles n’engagent que ceux qui les croient mais elles ne nous engagent pas. C’est pour cette raison qu’un patriote moyen sera toujours plus solidaire de son prochain qu’un bobo germanopratin.

Jean-Jacques Rousseau nous avait déjà prévenus : « Méfiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin de leur pays des devoirs qu’ils dédaignent accomplir chez eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins ».

Le patriotisme est une construction culturelle et non pas naturelle et dans bien des cas la préférence nationale constitue un progrès moral par rapport à l’état de nature en élargissant notre cœur et notre intelligence humaine.

La préférence nationale nous empêche de faire de notre famille la mesure de toute chose et nous pousse à prendre en considération l’existence et l’intérêt des autres familles. Le patriotisme nous permet d’échapper et/ou de ne pas retomber dans des modèles de sociétés archaïques (l’ordre féodal) inhumaines, fondées sur l’idolâtrie de sa famille (les familles mafieuses) et de subordonner la promotion du bien à ses intérêts étroits (le règne des 200 familles).

Mieux, la préférence nationale nous permet de concevoir l’idée de bien commun au-delà de notre groupe d’origine. A l’inverse quand, comme en Afrique, la préférence ethnique se substitue à la préférence nationale, alors chaque président pille systématiquement les ressources nationales et distribue des prébendes à ceux de son ethnie : parce qu’il estime que c’est son devoir.

Mais le patriotisme ne se limite pas à la préférence nationale : c’est aussi et peut-être d’abord la volonté de transmettre un patrimoine.

C’est la conscience que nous avons d’être redevables à nos pères de l’héritage qu’ils nous ont légué. C’est aussi la conscience que nous avons de devoir transmettre à nos enfants ce que nous avons reçu et même un peu plus que ce que nous avons reçu. C’est ce que nous exprimons à chaque fois que nous nous disons, souvent avec inquiétude, « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? ».

C’est un mélange de gratitude et de gratuité. Gratitude envers nos aînés. Gratuité puisqu’il s’agit de transmettre un patrimoine à nos descendants et non de se lancer dans un investissement dont on espère toucher des intérêts.

Un patrimoine culturel et moral qu’il faut décider de transmettre

Le patriotisme est un patrimoine c’est-à-dire un contenu. Une manière de voir le monde que véhicule la langue. Une manière de concevoir l’existence qu’expriment les mœurs et les coutumes.

C’est l’attachement à ce que l’on considère comme ce qui est bien, ce qui est bon, ce qui est beau et ce qui est souhaitable qui définit les civilisations et qui constitue la raison d’être du patriotisme. Ou plutôt des différents patriotismes : chacun ayant sa propre hiérarchie des priorités et aucun ne pouvant revendiquer le monopole de la vérité.

C’est la transmission d’une certaine idée de ce qu’est une vie bonne, à la fois du point de vue individuel et du point de vue collectif. C’est la transmission d’une certaine idée du bien commun.

On en mesure l’importance quand on en constate l’absence. Ceux qui sont dépourvus d’un tel patrimoine parce qu’on ne le leur a pas transmis sombrent dans la violence et le nihilisme que le péché originel a inoculé dans le cœur de l’homme. L’actualité en fournit chaque jour suffisamment d’exemples tragiques…

Qui dit « patrimoine » ou « héritage » dit aussi « droit d’inventaire ». Comme dans toute succession chaque génération fait le tri de ce qu’elle veut garder et de ce qu’elle veut jeter. Le tri sélectif a toujours existé. On choisit toujours.

Mais précisément on choisit toujours quand on a le choix et pour avoir le choix il faut avoir de quoi choisir. Quand on n’a le choix qu’entre rien et rien c’est justement qu’on n’a pas le choix ! La liberté c’est de pouvoir arbitrer entre différentes possibilités concrètes, pas d’avoir le droit abstrait de choisir ce qui est de toute façon hors de portée.

Or, l’expérience de nos aînés, au même titre que leurs exemples et leurs contre-exemples, nous donnent matière à choisir et nous éclairent : c’est un regain de liberté qui nous est ainsi donnée.

Cette mémoire qui nous est léguée peut servir et a déjà servi à dicter un certain nombre de choix collectifs : le choix de se doter d’un État puissant et indépendant des grands féodaux pour protéger le peuple. Le choix d’un État qui protège la paix civile et met fin aux guerres de religions qui ont ensanglanté le pays.

Mais cette mémoire a également façonné notre conscience collective : le souvenir de la Terreur et du génocide vendéen nous prévient à l’inverse contre le risque de dérive totalitaire de l’État. Au XIXème siècle l’industrialisation et son corollaire – l’apparition d’une misère inconnue jusque là (le prolétariat) – nous ont mis en alerte contre les dangers du règne des puissances de l’argent, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche…

Le patrimoine collectif que reçoit chaque génération est donc une boîte à outils et une boîte à idées dans laquelle nous sommes libres de piocher et dont nous sommes libres de nous inspirer.

Un patrimoine qui peut être refusé, adopté, remanié (entièrement ou partiellement) y compris par les derniers arrivés – à savoir les immigrés – à condition bien sûr qu’on ait la volonté politique de le leur transmettre.

Rupture de transmission = panne d’intégration

L’être humain s’adapte toujours à ce qu’il trouve. Il ne peut pas s’intégrer à une société qui se désintègre.

D’où la tragédie que constitue l’idéologie soixante-huitarde du refus de la transmission des savoirs (instruction), des savoir-faire (formation professionnelle), des savoir-vivre (mœurs et conscience historique) !

Tragédie pour tous et plus particulièrement pour les fils d’immigrés. Dépourvus de ce patrimoine à quel genre de vie bonne et commune avec les Gaulois peuvent-ils aspirer ?

Que peuvent-ils espérer puisqu’on ne leur a pas donné les clefs pour entrer et devenir membre à part entière du pays où ils sont nés ?

De manière plus générale comment peut-on espérer se comprendre soi-même, comprendre autrui et comprendre le monde quand on ne dispose pas de plus de 200 mots de vocabulaires dont la moitié est composée d’insultes ?

Comment exprimer ses propres émotions et gérer ses propres frustrations sans recourir à la violence quand personne ne vous a appris à mettre des mots sur vos maux ?

Comment comprendre autrui quand on ne comprend pas ce qu’il dit ? Comment se mettre à sa place quand on est littéralement hors de soi en permanence ?

C’est pour cette raison que des réussites pédagogiques comme le Cours Alexandre Dumas[1] de Montfermeil, à la fois innovant dans sa forme et axé sur la transmission des savoirs fondamentaux et du savoir-vivre, est une lueur d’espoir dont il faut espérer qu’elle finisse par embraser le pays.

 Une contrefaçon de la patrie : l’État-nation

Le concept d’État-Nation, forgé au moment de la Révolution, est une contrefaçon de la patrie charnelle.

Qu’on l’affuble du nom de République, d’Empire ou d’État français il s’agit toujours d’une idée abstraite qui vise à légitimer une soumission absolue des individus. Une soumission absolue qui n’est plus subordonnée à rien et surtout pas à la transmission d’un bien commun. Le bien c’est ce que l’État décrète. Il n’existe plus de bien en soi.

L’idée d’État-Nation est la matrice de toutes les idéologies nationalistes qui ont embrasé l’Europe au XIXème et au XXème siècle (et qui inspire aujourd’hui encore la politique de l’État d’Israël) et de tous les totalitarismes.

Tout doit lui être sacrifié sans discussion : c’est le principe même de la conscription obligatoire qui apparaissait aux yeux de Georges Bernanos comme une idée totalitaire et un immense recul de la civilisation.

L’État-Nation ne s’arroge plus seulement le droit de disposer de la vie des criminels mais étend son droit de vie et de mort sur l’ensemble des citoyens[2] ce qui a pour corollaire de criminaliser l’exercice de la liberté de conscience. Ceux qui, à l’image de saint Jean-Marie Vianney, ont fui la conscription napoléonienne par refus de participer à une guerre contre l’Espagne qu’ils jugeaient injuste étaient déclarés déserteurs et risquaient la mort.

A l’inverse, lors de la Deuxième Guerre mondiale, les héros de la patrie charnelle furent ceux qui décidèrent librement de défendre leur foyer, leur clocher et leur village pour défendre une certaine idée de la civilisation, de la vie bonne et de ce qui est bien contre l’autorité de l’État après que celui-ci eût signé l’armistice.

C’est la patrie charnelle qui a fourni ses troupes à la résistance. C’est l’appareil administratif, policier, judiciaire et militaire qui, au nom du devoir absolu d’obéissance à l’État, a organisé leur persécution et leur mise à mort.

 Transmission du patrimoine et pédagogie par l’exemple

Depuis que l’idéologie de mai 68 a conquis nos dirigeants, désormais massivement acquis au principe de préférence internationale, la transmission de notre patrimoine ne dépend plus que de nous. Tant mieux !

Tant mieux car c’est au fond très simple : il nous suffit tout simplement de vivre sur notre patrimoine ! Il s’agit moins de démontrer que de montrer que notre langue, notre culture et nos mœurs nous aident à vivre une vie plus avisée, plus amusante et plus humanisante. La transmission se fera alors naturellement : quand on fait envie on est attirant.

Concrètement cela commence par être présent à sa femme et à ses enfants en rentrant suffisamment tôt du boulot – quitte à renoncer à ses ambitions de carrière, à un loisir chronophage – pour pouvoir chaque soir avoir matériellement le temps de les aimer et donc de partager avec eux ce qui est pour nous essentiel.

Nourrir des relations de confiance et d’intimité cela prend du temps : la qualité du temps passé avec quelqu’un est indissociable de la quantité de temps passé avec lui. D’ailleurs quand on aime on ne compte pas. Cela implique nécessairement de reléguer les accessoires technologiques (Internet, Facebook, smartphones, Netflix etc.) au rang qui est le leur – celui d’accessoire – c’est-à-dire à leur juste place. Le temps ainsi dégagé n’a pas de prix mais ne pas le faire a un coût !

Si nous sommes là pour accompagner nos enfants dans leurs premiers pas, leurs premiers jeux, leurs premières lectures (vive la méthode Boescher à la maison!) alors ils auront envie de nous imiter. On transmettra le goût de la lecture à nos enfants s’ils nous voient prendre le temps de lire nous-mêmes et d’être heureux de le faire : on commence par lire les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol et progressivement on en vient à lire Pascal et Montaigne. L’exemple n’est pas la meilleure pédagogie, c’est la seule !

La transmission intelligente et éclairée de ce que l’on n’ose plus appeler « les bonnes mœurs » est une autre manière de transmettre les ingrédients d’une vie bonne.

 Le patriotisme : la seule contre-culture féconde

La tradition française qui oscille entre gauloiserie et galanterie est unique au monde et constitue un acquis de civilisation : ni l’oppression de la femme (comme en Arabie saoudite), ni guerre des sexes (comme aux États-Unis), ni morne indifférence (comme en Scandinavie). Cet art de la connivence entre les sexes nous rend plus humains et nous prédispose à mieux aimer mais n’a rien de naturel : il s’éduque et se transmet.

L’art de la table n’est pas non plus anecdotique. C’est par excellence le patrimoine que l’on se transmet de génération en génération au sein de la famille parce que c’est important de bien manger : non seulement pour ne pas s’empoisonner mais aussi parce que c’est une manière de créer de la convivialité c’est-à-dire du lien social.

De même que faire ses courses chez des artisans des métiers de bouche plutôt que de soutenir la grande distribution, acheter des fruits de saisons cultivés avec le moins possible de produits chimiques, privilégier les producteurs locaux et les circuits courts de distribution c’est à la fois faire preuve de patriotisme économique, de solidarité sociale et de conscience environnementale !

De même que le civisme commence par la capacité à entretenir de bonnes relations de voisinage ce qui suppose au préalable d’avoir appris et de mettre en pratique les règles élémentaires de la politesse.

Tous cela relève des mœurs et là encore cela s’éduque et se transmet.

Au fond défendre sa patrie aujourd’hui c’est d’abord et avant tout défendre une idée de la vie bonne contre tous ce qui et ceux qui veulent escamoter la question pour pouvoir transformer notre pays en un gigantesque supermarché à échelle nationale.

Défendre sa patrie aujourd’hui c’est choisir résolument et lucidement d’adopter un style de vie contre-culturel. C’est la seule manière d’entrer en résistance.

Cela commence par s’abstenir de pousser nos enfants à faire une école de commerce qui l’enverra in fine manipuler de l’argent à Singapour ou à New-York au profit de Dieu sait qui et au détriment des plus petits.

Cela consiste plutôt à aider nos enfants à découvrir leurs goûts, leurs compétences et leurs limites pour qu’ils trouvent leur voie dans la vie en étant utiles et heureux de l’être. Les aider à ne pas avoir peur de vivre dans une sobriété heureuse, en leur faisant comprendre que les gens heureux ne consomment pas.

Cela suppose de leur apprendre à savoir dire « non » sereinement, aimablement, de manière posée, argumentée, intelligente,  intelligible et, dans la mesure du possible, en assortissant notre refus d’une contre-proposition.

Savoir dire « non » sans avoir peur d’être parfois marginalisé c’est la seule manière de pouvoir dire « oui » à ce qu’on estime être une vie bonne.

Aujourd’hui, le patriotisme est la seule contre-culture féconde que l’on peut opposer aux ravages du nihilisme contemporain.

 [1] Voir les sites http://www.esperancebanlieues.org/ et http://alexandredumas.fr/.

[2] Qu’on songe au refrain du Chant du départ : « La République nous appelle/Sachons vaincre ou sachons périr/Un Français doit vivre pour elle/Pour elle un Français doit mourir ».