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Appeler à combattre le mal, pas seulement le dénoncer…

Haut-fonctionnaire familier des arcanes du pouvoir et des questions sécuritaires, Gepetto a une connaissance très concrète et très fine des rouages de l’Etat et une vision aiguisée des menaces qui pèsent sur la société française. Dans cet article il appelle ses compatriotes et notamment l’épiscopat à ne pas se contenter de jouer les observateurs navrés mais non impliqués et, à l’exemple de l’évêque saint Augustin d’Hippone, de dénoncer le mal explicitement et d’en proposer une lecture théologique qui dégage du sens et des perspectives pour les chrétiens et pour les autres.

Nous avons cru que la Shoah, les génocides perpétrés par les Khmers rouges, ceux commis au Rwanda ou en Arménie appartenaient au passé et étaient bien rangés sur des étagères, alignés comme des livres que l’on feuillette de temps à autre avec la satisfaction de les savoir là, comme des témoins suffisants à rappeler des horreurs en espérant qu’elles ne se reproduisent plus.

Les massacres de femmes, enfants, vieillards par centaines le 7 octobre par le Hamas méritent mieux qu’un communiqué de la conférence des évêques témoignant de son soutien et appelant à la prière. Ce qui s’est passé relève de la diffusion du mal qui s’amplifie dans le monde.

Oui, le mal existe toujours et devient chaque jour plus puissant quand nous ne le combattons pas et il est un devoir de le rappeler. Quand l’horreur, le mal surgissent comme cela s’est produit le 7 octobre, se contenter de dire que l’on compatit et que l’on appelle à la prière est insuffisant.

Il faut sortir proclamer un message d’espérance, ouvrir les Eglises, appeler les fidèles et les autres à participer à des rassemblements pour rappeler à chacun qu’il détient la force de combattre le mal en faisant le bien.

C’est la somme de ces actions qui pèsera dans la lutte. Il y aura encore des combats, des morts provoqués par la lutte contre le terrorisme mais il doit y avoir au bout l’espérance annoncée par l’Apocalypse de Jean qui annonce « qu’un jour l’Agneau essuiera toute larme, de mort il n’y en aura plus, de pleurs de cris et de peines, il n’y en aura plus et de nuit il n’y en aura plus… »

Etienne Gilson, dans un cours prononcé en 1947 à l’institut des études politiques de Paris sur le thème des forces religieuses et la vie politique rappelait qu’en 410 après Jésus-Christ lors de la prise de Rome par les Wisigoths, le traumatisme avait été immense car le sac de Rome avait été vécu comme l’effondrement du monde civilisé. L’Eglise qui s’était arrimée à L’Empire dans le but de le christianiser, s’était alors retrouvée en manque de doctrine avec sa disparition et s’était réfugiée dans son essence religieuse.

Le salut viendra de l’évêque d’Hippone, Saint Augustin qui commença à rédiger au même moment son ouvrage majeur la Cité de Dieu, redonnant un but à une Eglise qui ne pouvait qu’être universelle et apportant l’espérance d’une humanité meilleure car nous rappelle opportunément Gilson « cette société religieuse universelle se recrute dans toutes les races et dans tous les peuples…les citoyens ordinaires servent leur pays, uniquement par amour de leur pays, les citoyens de la Cité de Dieu servent leur pays aussi pour l’amour de leur pays mais aussi pour l’amour de Dieu »

Le seul message qui vaut dans nos temps barbares et celui qui enseigne à ne pas désespérer, mais en prenant bien soin de dire que « désespérer, n’est pas seulement manquer d’espérance, c’est aussi s’éloigner de ce que l’on devrait espérer par ce que l’on estime impossible de l’atteindre » Cela est aussi affirmé par Gilson dans son cours quand il explique à ses étudiants que cela est le fondement de la trahison de Pétain dont l’action a été motivée par l’éradication de l’espoir qui pouvait subsister après l’effondrement de 1940. Tout désespéré est ainsi traitre à l’espérance nous dit Gilson.  

Le monde que nous connaissons est bien prêt de connaitre un nouveau sac de Rome, et les massacres du 7 octobre constituent un nouveau signal très inquiétant, prenons garde à ce que des institutions comme l’Eglise ne se détachent insidieusement des réalités en se réfugiant comme dans son essence religieuse, ce serait précipiter son effacement.

Gepetto

Cohérence du pape François, impuissance de l’Etat français

Compte tenu du déséquilibre démographique entre pays africains – jeunes, pauvres et nombreux – et pays européens – beaucoup moins jeunes, beaucoup moins pauvres et beaucoup moins nombreux – il est illusoire de prétendre enrayer les flux migratoires.

Nul ne peut pas endiguer la marée avec ses bras, pas même l’Etat. Nul ne peut contenir la marée, personne ne peut arrêter les vagues : mais on peut apprendre à surfer.

Mais il est possible de réguler au lieu de subir : examiner les demandes d’asiles dans les pays de départ et non plus sur le territoire français, contrôler nos frontières pour pratiquer une immigration choisie sur des critères qui correspondent à la fois à nos devoirs – accueil des réfugiés qui fuient la guerre et la misère – mais aussi à nos possibilités et à nos besoins…comme le dite le pape François.

Il est également possible de pratiquer une aide au développement des pays de départ destinée, non plus à cajoler des élites politiques locales corrompues pour complaire aux intérêts des industriels (matière premières) et de l’Etat français (relais d’influence), mais à permettre aux populations de vivre décemment et dignement dans leurs pays sans avoir à choisir les routes de l’exil vers un eldorado européen fantasmé.

Pour y parvenir il faudrait d’abord changer radicalement notre politique de coopération qui jusqu’ici consistait à faire payer les contribuables français afin d’enrichir les kleptocrates et les tyrans africains « amis de la France ». Les pauvres des pays riches payaient pour les riches des pays pauvres tandis que les pauvres des pays pauvres souffraient et que les plus jeunes et les plus courageux d’entre eux émigraient : principalement dans les pays africains voisins et, dans une moindre mesure, vers l’Europe et la France.

C’est ce dernier point du discours du pape François qui, la plupart du temps, est ignoré voire éludé par les médias. Son discours est en effet cohérent si on le prend dans son ensemble : l’accueil des migrants en perdition corresponde aux mesures d’urgence tandis que le droit de ne pas émigrer, qu’il rappelle souvent, est la solution sur le fond. Comme on dit en matière logistique il faut distinguer la gestion des flux et la gestion des stocks.

Son discours sur les migrants est indissociable de son discours sur la protection de l’environnement,  l’accueil des plus pauvres et  la fraternité. En d’autres termes le discours du pape sur les migrants est l’autre face de son discours sur la société de consommation et la culture du déchet qu’elle entraîne, qu’elle promeut et sur laquelle elle prospère.

Contrairement aux apparences le discours que le pape adresse aux dirigeants politiques est réaliste et cohérent… mais terriblement exigeant. C’est pour cela que nul n’a vraiment envie de l’entendre et que nos relais médiatiques se dispensent de l’exposer dans sa cohérence.

Car il impose de réviser de manière déchirante les pactes faustiens que nos gouvernements successifs ont passé avec des régimes qui profitent de cette immigration sauvage en en faisant un instrument de chantage financier vis-à-vis de la France (Algérie, Tunisie, Turquie) et/ou qui en profitent pour déstabiliser notre société en y radicalisant les musulmans (Qatar, Turquie). Cela supposerait de s’aliéner des pays avec lesquels les grands groupes français font des affaires et de renoncer à des approvisionnements privilégiés en matières premières.

C’est seulement à ce prix que l’État français pourrait mettre en œuvre une politique de démantèlement des filières de passeurs clandestins, à la fois esclavagistes et tortionnaires, qui font préférer aux migrants le risque de périr noyés dans la Méditerranée que de retourner dans l’enfer du désert libyen…

Bref, cela supposerait que l’Etat français et ceux qui sont à sa tête depuis plusieurs décennies aient le courage et la compétence de faire des choix politiques cohérents pour récupérer les instruments de notre liberté d’agir. Et c’est là que le bât blesse.

Comment accueillir et intégrer les migrants – comme le demande le pape François – quand l’Etat français n’est plus capable d’intégrer qui que ce soit, y compris les fils de Gaulois ? L’école n’instruit plus et s’est muée en gigantesque garderie, le service militaire a été supprimé, le patrimoine et la culture ne sont plus transmis que dans des familles françaises de longue date et culturellement favorisées, les forces de l’ordre sont réduites à l’impuissance, le coût des transports empêche parfois d’accepter un travail éloigné, le fait de travailler n’empêche plus de pointer aux restaurants du Cœur pour manger et ne garantit plus de pouvoir se loger décemment tandis que la suppression de nos frontières nous condamnent à subir sans plus pouvoir agir.

Malheureusement, en France, la puissance publique a laissé place à l’impuissance publique et la plus grande force de nos dirigeants est leur force d’inertie. Cette inertie que les Français déplorent et dont ils souffrent quotidiennement sur le plan national, le pape François la déplore sur le plan international. Mais la différence c’est que les Français la déplorent en considérant, légitimement, leur propre sort tandis que le pape François la déplore en considérant le sort des migrants. Légitimement là aussi.

Le pape François considère que l’urgence doit aller à l’urgence qui est pour lui le sort des plus démunis surtout s’ils sont les plus nombreux. Comparativement le sort des Français est moins dramatique que le sort des Africains. Pour le pape, dont la vision des problèmes et les responsabilités pastorales ont une dimension planétaire, la France n’est pas sa préoccupation première.

Choquant ? Pas tant que ça. Le pape François n’a pas la responsabilité de diriger l’Etat français ni de s’occuper des affaires intérieures de la France. Il fait son job. Ce qui est choquant c’est que l’Etat français et ses responsables politiques successifs ont renoncé à faire le leur : œuvrer au bien commun dans le cadre des frontières de leur pays.

Mais il est parfaitement normal que le pape François n’envisage pas le bien commun d’un point de vue strictement national et qui plus est d’un point de vue français. Il considère le bien commun du point de vue de l’humanité toute entière (migrants, environnement, périphéries) car il est le pape de l’Eglise catholique – terme qui signifie universel – et non pas d’une Eglise gallicane.

C’est à ce titre qu’il nous rappelle que nous ne pouvons pas considérer notre sort indépendamment de celui de nos frères qui vivent hors de nos frontières, et en particulier sur le continent africain. Dans le livre de la Genèse Dieu interroge Caïn : « Qu’as-tu fait de ton frère ? ». Le pape François ; vicaire du Christ sur terre, nous rappelle que nous n’avons pas le droit de lui répondre, comme Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? ».

Le pape François ne fait pas autre chose que son devoir qui consiste à nous rappeler ce que Dieu attend de nous : que nous L’aimions de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et notre prochain comme nous-mêmes. Or, le prochain c’est celui qui nous est proche parce qu’il est à proximité, pas celui que nous aurions spontanément choisi. Celui qui est à portée de main, c’est celui que l’Esprit saint a mis sur notre chemin. C’est le Christ qui vient dans la figure du prochain, ce que l’on appelle parfois aussi « le sacrement du frère ».

Si nous nous sentons douloureusement pris en tenaille entre les injonctions évangéliques du pape François et l’impuissance politique qui nous paralyse et nous empêche d’entrevoir la moindre solution ce n’est pas en accusant le pape François de faire trop de politique, de ne pas aimer la France ou d’être irresponsable que nous trouverons la solution. Casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la fièvre.

La solution consiste à utiliser les moyens démocratiques mis à notre disposition – les différents scrutins qui nous permettent de choisir et de sanctionner nos dirigeants politiques – pour élire des responsables désireux et décidés à mettre un terme à l’impuissance politique qui nous paralyse et qui est la cause de notre désespoir. Alors seulement nous pourrons accueillir et intégrer nos frères réfugiés de manière, viable, responsable et évangélique parce que nous en aurons – enfin ! – les moyens.

Chasteté, confusion et cléricalisme

La difficulté à gérer ses désirs sexuels se pose pour chacun d’entre nous, laïcs ou consacrés, à partir du moment où nous nous interdisons d’imposer nos désirs à autrui. C’est la base de la vie en société. La continence est donc le lot de tous, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise.

Pourtant il existe au sein de l’Eglise une confusion entre la continence et la chasteté qui me semble lourde de conséquences. Une confusion qui existe dans certains textes mais surtout et plus encore dans les mentalités. Elle repose sur une suspicion vis-à-vis de la sexualité et un mépris du corps qui constitue une ligne de fracture entre laïcs et consacrés.

Ce mépris du corps, étranger au monde biblique mais présent dans le monde grec, est à l’origine d’un rapport au corps parfois tourmenté chez certains chrétiens et chez certains clercs.

Mais, de manière plus sournoise, ce même mépris du corps diffuse dans les mentalités une conception de Eglise à deux vitesses : l’entrée de gamme (les laïcs) et la gamme supérieure : les personnes consacrées tenues pour plus pures puisqu’ayant prononcé le « vœu de chasteté ».
J’ai déjà entendu des personnes de ma génération déclarer que les religieuses étaient censées être meilleures que nous puisqu’elles avaient fait vœu de chasteté. Leur statut attestait de leur vertu et de leur supériorité spirituelle.

De même on louait beaucoup à une époque le « sacrifice du prêtre » comme si la privation de sexualité était un acte héroïque pour lequel on devait lui être reconnaissant au lieu de considérer que c’est un choix de vie librement consenti destiné à lui permettre d’être heureux dans sa vocation.

Les drames et les révélations récentes semblent montrer que les choses étaient malheureusement plus compliquées, que tous ne vivaient pas leur vœu d’abstinence de manière apaisée et surtout que le vœu d’abstinence n’était pas une garantie de pureté c’est-à-dire de chasteté.

Mais surtout cette confusion nourrit une forme de cléricalisme c’est-à-dire une conception inégalitaire de la vie chrétienne et de l’Eglise entre un peuple chrétien et une élite de chrétiens dont la marque de supériorité spirituelle serait justement d’être plus « purs », d’être de meilleurs chrétiens parce qu’ils ont officiellement et solennellement renoncé à la sexualité.


1/ La confusion entre charité et abstinence

La chasteté n’est pas l’abstinence : il existe une manière chaste de faire l’amour à son conjoint et il existe une manière non-chaste de lui faire l’amour : en l’utilisant comme un sex-toy par exemple. C’est-à-dire sans se soucier de ses attentes, de ses envies et ou sa dignité. Le summum de la relation conjugale non chaste reste le viol conjugal…

A l’inverse le conjoint qui se sent bafoué dans la relation conjugale et qui trouve refuge dans une relation extra-conjugale où son amant/amante qui se donne sans s’imposer parce qu’il/elle est prêt(e) à renoncer à passer en force par respect pour lui fait l’expérience d’une relation sexuelle illégitime mais chaste. Paradoxe.

La chasteté n’est pas l’abstinence mais le désintéressement : c’est être prêt à renoncer à ses envies et à ses désirs – momentanément ou définitivement – pour ne pas les imposer à autrui. Pour ne pas s’imposer à autrui. C’est pouvoir renoncer à être présent afin de ne pas être pesant.
Mais la confusion entre la chasteté – qui signifie la pureté – et l’abstinence ou la continence – qui est le fait de se priver de toute pratique sexuelle – est très profondément ancrée dans notre mentalité. Surtout chez les chrétiens et encore plus dans leur clergé et leur épiscopat.

Certes le clergé précise bien que la chasteté ne doit pas être confondue avec la continence en rappelant que l’abstinence elle-même peut-être non-chaste, par exemple quand elle vire au stoïcisme et conduit à l’orgueil. Au XVIIème siècle l’archevêque de Paris aurait dit à propos des religieuses de Port Royal qu’elles étaient « pures comme des anges, orgueilleuses comme des démons ».

Mais on entend beaucoup plus rarement préciser que la chasteté peut être non abstinente. D’où la contradiction implicite qu’il y a, pour devenir prêtre, religieux ou religieuse, à prononcer solennellement un vœu de chasteté qui est censé être celui de tout baptisé. (Catéchisme de l’Église catholique : « Le Christ est le modèle de la chasteté. Tout baptisé est appelé à mener une vie chaste, chacun selon son propre état de vie » numéro 2494).

2/ Mépris du corps et cléricalisme

La justification de cette distinction que j’ai lue est peu convaincante : la chasteté à laquelle le religieux est appelé est la même que celle de tout chrétien (prêtre ou laïque) mais son engagement est plus fort car, du fait de son vœu, tout manquement à la chasteté cause un péché plus grave pour lui que pour un autre chrétien qui n’aurait pas prononcé ce vœu.

La « justification » elle-même n’est pas une explication logique mais une pétition de principe. Une pétition de principe de la pire espèce puisqu’il s’agit d’une forme de cléricalisme chimiquement pur : pécher contre la charité est moins grave quand on est un laïc que quand on est une personne consacrée.

Pourquoi ? Parce que l’on postule que les consacrés sont plus avancés en sainteté que leurs simples frères baptisés. Ce postulat est une présomption qui n’est pas une présomption innocente : on crédite a priori les personnes consacrées d’un équilibre de vie et d’une charité plus développés non pas en raison de leur vie intérieure – que par définition on ne peut pas connaître de l’extérieur – mais en raison de leur statut dans l’Eglise. On attend d’une personne consacrée qu’elle soit plus chrétienne que les simples baptisés laïcs. C’est un parfait exemple de mentalité cléricale et d’orgueil lié au vœu de célibat.

La permanence de la formule « vœu de chasteté » pour désigner en fait le vœu de célibat consacré n’est pas innocente. C’est l’indice d’un mépris du corps sous-jacent qui imbibe et irrigue le clergé. Car enfin peut-on faire autrement que de les prendre au mot si on veut les prendre au sérieux ? Si on suit leur raisonnement et qu’on acquiesce à l’idée que le vœu de chasteté s’identifie au vœu de célibat alors il faut en admettre le corollaire : refuser le célibat c’est renoncer à la chasteté.

Ce mépris du corps dont on ne trouve aucune trace dans la Bible est à mon avis imputable à l’influence très profonde de la philosophie grecque (platonisme) sur notre mentalité catholique. Comme quoi quelque chose peut être très catholique sans être très chrétien.

Ce mépris du corps est profondément enraciné dans la mentalité de « l’Eglise enseignante » alors même que l’enseignement théorique sur la chasteté est très éclairé et très éclairant.

Pour qui veut se donner la peine de lire des ouvrages spirituels rédigés par des prêtres, des religieux ou des religieuses il est assez clair que la chasteté n’est pas l’abstinence mais le désintéressement, le refus de l’accaparement.

C’est un cheminement spirituel, un pèlerinage terrestre avec ses aléas et ses vicissitudes : on avance, on tombe, on se relève, on continue d’avancer, on progresse même… avant de rechuter. On se décourage, on reprend courage. On stagne, on reste à terre et on s’y complait. On se relève encore et on rectifie le tir…jusqu’au jour de notre mort.

La chasteté n’est pas un acquis ou un renoncement mais une disposition du cœur qui se traduit en une discipline de vie. C’est une école de lâcher-prise, un processus de purification de nos relations et donc un processus de conversion du cœur.

La confusion qui existe encore dans les mœurs entre chasteté et abstinence a partie liée avec une pensée cléricale qui considère que l’on est d’autant plus pur que l’on n’a pas de relations sexuelle et donc que l’on est moins pur si l’on en a. Les pères et les mères de familles apprécieront…

L’ampleur des crimes pédophiles commis et couverts de manière systémique par ceux qui avaient fait vœu de chasteté en assimilant leur absence de vie sexuelle à un surcroît de sainteté a transformé la hiérarchie de l’Eglise en structure de péchés.

A l’heure où la décléricalisation est au programme, où l’on veut mettre en œuvre des réformes profondes et où l’on parle de synodalité il serait peut-être opportun d’aborder cette question.

La formule de Boltzmann

Le devoir de réserve qui s’impose aux hauts fonctionnaires est parfois un couvercle bien lourd à porter : on voit et on comprend beaucoup de choses, on assiste à de nombreux événements dont on est parfois protagonistes, on connaît le dessous des cartes mais on ne peut les révéler sous peine de provoquer l’effondrement du château de cartes…

Les romans de Gérard Pardini, haut fonctionnaire ayant exercé des responsabilités à la fois opérationnelles et stratégiques dans divers ministères régaliens, n’en sont donc que plus précieux. Sans rien dévoiler des dossiers qu’il a eus à connaître au fil de sa carrière, il livre une réflexion qui est nourrie de son expérience.

Lucides, désabusés mais également drôles ses romans portent un regard sans complaisance sur l’évolution de notre société mais sans hostilité, à l’image de ces moralistes du XVIIème siècle qui, après avoir fréquenté les cercles de pouvoirs, côtoyé les grands et sondé leurs petitesses en tirent des leçons qu’ils veulent partager.

C’est dans cette veine que s’inscrit le dernier roman de Gérard Pardini intitulé La formule de Boltzmann et publié chez L’Harmattan (les premières pages peuvent être lues sur http://www.gerard-pardini.fr/spip.php?article134).

 On y voit des décideurs persuadés d’œuvrer pour le bien de l’humanité mais qui ne soupçonnent pas un seul instant la noirceur de leurs âmes, un système politique conçu pour favoriser l’harmonie qui, au fil des catastrophes déraille vers l’absurde, une folie qui est aussi celle de leurs administrés et une lucidité sur l’évolution du monde qui reste l’apanage des femmes.

Cela vous fait penser à quelque chose ?

Seul le courage permet d’être sage

Quand tout va de mal en pis et que la probabilité de pouvoir remporter la victoire diminue continuellement faut-il déserter le champ de bataille pour sauver ce qui peut l’être encore ou au contraire rester à son poste parce que notre présence y est d’autant plus nécessaire ?

La décision de rester ou de s’en aller ne doit pas d’abord être prise en fonction de critères moraux mais en fonction d’une analyse précise de la situation, des tendances et des forces en présence.

Car c’est dans les replis de la réalité et dans la prise en compte de sa complexité que l’on peut trouver des raisons d’espérer et ce sont elles qui pourront donner des perspectives d’avenir et inspirer des stratégies. Ce sont elles qui justifieront de ne pas perdre espoir et de tenter quelque chose. C’est alors qu’il faudra trouver la force morale de rester et d’agir.

Pas avant.

Mais surtout ce sont elles qui donneront matière à espérer et éviteront de verser dans l’autosuggestion. En effet le baroud d’honneur ou la fidélité suicidaire à des principes abstraits sont respectivement le pavillon de complaisance du désespoir et du déni de réalité, deux attitudes également immorales.

Et si, au terme d’une analyse sans complaisance de la situation et de son évolution prévisible, rien ne nous permet d’espérer que l’on peut s’en tirer alors le repli stratégique est la seule solution éthique.

Si le général De Gaulle a acquis la conviction en 1940 qu’il fallait continuer la lutte contre l’Allemagne ce n’est qu’au terme d’une réflexion stratégique sur les rapports de forces en présence et les ressources nationales encore disponibles pour pouvoir poursuivre l’effort de guerre.

Les rapports de forces en présence ? Les Etats-Unis et l’URSS n’étaient pas encore rentrés en guerre et n’avaient donc pas pu jeter toutes leurs forces dans la bataille.

Les ressources nationales encore disponibles ? L’existence d’un empire colonial immense en territoires et en population et l’existence d’une Marine nationale encore intacte (c’était avant Mers-el-Kébir).

La décision de poursuivre la lutte ne lui avait pas été dictée par un réflexe d’orgueil national blessé mais par une réflexion froide et objective sur la réalité.

1/ Quand la tentation du pire nous inspire

Le baroud d’honneur ou la fidélité suicidaire à des principes abstraits sont en effet deux expressions d’une même tentation qu’il faut repousser : le déni de réalité. Déni de réalité qui nous est dicté par une forme de sidération face au danger qui paralyse à la fois l’intelligence et la volonté. C’est une forme de pulsion suicidaire qui nous pousse à préférer une fin effroyable à un effroi sans fin.

Ce sont deux attitudes qui ne tiennent pas compte de la réalité extérieure mais de nos dispositions intérieures. Elles ne sont ordonnées ni au bien commun ni à l’amélioration de la situation de la communauté à laquelle nous appartenons.

Pas plus que le déni de réalité, le désespoir ne doit guider nos choix car ce sont deux formes d’autosuggestion donc de mensonges.

On renonce d’entrée de jeu à prendre une bonne décision à chaque fois que l’on s’appuie sur des illusions que l’on a soi-même nourries et entretenues.

Car si se bercer d’illusions mène droit dans le mur le pessimisme n’est pas non plus un gage de lucidité : l’avenir n’est jamais le simple prolongement des tendances actuelles.

Si l’optimiste est indéniablement un imbécile heureux le pessimiste est, lui, un imbécile malheureux (ce qui n’est pas mieux) mais surtout ni l’un ni l’autre aucun ne nous renseigne utilement sur la réalité extérieure. En revanche ils nous renseignent-ils sur leurs propres réalités intérieures mais, ce faisant, ils commettent ce que l’on appelle un hors-sujet puisqu’au fond ils ne nous parlent que d’eux-mêmes.

Ce n’est pas à force de prendre ses désirs pour des réalités que la réalité finira par se conformer à nos désirs. Mais ce n’est pas non plus en prenant ses phobies ou ses peurs légitimes pour des réalités que la réalité en sera modifiée.

Comme le disent les militaires : « la peur ne supprime pas le danger ». Elle se contente de nous aveugler et de nous affaiblir et, ce faisant, elle nous prédispose à la catastrophe.

2/ Discerner avant de se décider à agir  : gage de sagesse ou alibi de la lâcheté ?

Les conditions du discernement sont difficiles à réunir en période de crise. On a, par définition, d’excellentes raisons de ne pas être serein et de ne pas pouvoir discerner correctement son devoir.

Dans ces cas-là on n’a pas le choix entre le vrai et le faux mais entre le vague et le flou ce qui est beaucoup moins facile et beaucoup moins confortable.

Dans ces cas-là il est plus facile de faire son devoir que de le discerner

La difficulté est donc de garantir les conditions d’exercice du discernement en contexte de crise ce qui suppose d’abord de distinguer bien distinguer la ligne de démarcation qui sépare la sagesse de la lâcheté.

En effet le sage et le lâche ont en commun de discerner les dangers qui se profilent à l’horizon afin d’éviter les batailles perdues d’avance et les entreprises aventureuses dans lesquelles il vaut mieux ne pas s’engager. Dans les deux cas il s’agit de savoir renoncer à bon escient et de lâcher prise à temps.

Pourtant il existe une différence majeure : la lâcheté consiste à esquiver systématiquement les situations où la somme des inconvénients virtuels dépasse la somme des avantages potentiels à titre individuel tandis que la sagesse consiste à évaluer les risques qu’il est possible et raisonnable de courir pour concourir au bien commun.

La sagesse consiste à distinguer ce qui est voué à l’échec et ce qu’il est possible de faire même si cela nous coûte. C’est l’art du possible et l’art du possible implique l’acceptation du risque.

Et c’est paradoxalement dans ce risque que viennent se nicher les raisons d’espérer : car, par définition, un échec possible n’est pas un échec certain.

La sagesse est une forme de discernement qui n’exclut pas le courage et pour cette raison ne se confond pas avec le principe de précaution. Tout simplement parce que ce n’est pas un principe mais l’art du discernement.

Or, quand on agit par principe on congédie le discernement avant d’agir puisqu’on n’en a pas besoin. En effet on dispose déjà d’un critère pour agir : le principe.

La sagesse suppose donc le courage. Ou plutôt elle repose sur le courage car c’est le courage qui la distingue de la lâcheté.

3/ C’est le courage qui permet d’être sage

Le discernement est juché sur les épaules du courage. Comment discerner l’opportunité dans l’événement a priori menaçant si on n’a pas le courage de garder les yeux ouverts et de regarder la réalité en face ?

Il est beaucoup plus sage et raisonnable de tenter sa chance – au risque d’échouer – que d’avoir la certitude d’échouer en la laissant filer. Il n’est pas raisonnable de renoncer d’entrée de jeu.

Comme le disait le général De Gaulle dans un discours du 18 juin 1942 à Londres : « Je dis que nous sommes raisonnables. En effet, nous avons choisi la voie la plus dure, mais aussi la plus habile : la voie droite ».

L’art du discernement repose sur la vertu de force car c’est le courage qui permet d’être sage. C’est en effet le courage qui rend possible de consentir à des efforts pour atteindre un objectif à long terme.

Le courage est le gage de la lucidité et la condition du discernement c’est de cultiver le courage quotidien pour être en mesure ne pas défaillir en cas de crise.

Il faut en effet s’être entraîné à réfléchir de manière concrète, posée et permanente mais il faut également s’être entraîné à dire « non » courtoisement et de manière argumentée.

« Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte mais que ce soit avec douceur et respect » 1, Pierre 3, 15-16.

Mais pour pouvoir regarder la vérité en face encore faut-il s’être habitué à ne pas (ou ne plus) se mentir à soi-même. Comme l’écrivait Charles Péguy dans Notre jeunesse : «  Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Pour pouvoir bien agir en temps de crise il faut s’y être entraîné en temps normal.

Mais au fond est-ce vraiment si étonnant ?

Dans la vie l’impermanence de toute chose – ce que nous appelons la crise quand nous sommes trop habitués ou trop attachés à ce que nous connaissons déjà – n’est-elle pas la règle plutôt que l’exception ?

Comme le faisait remarquer Michel de Montaigne : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant ».

Pour bien agir en temps de crise il faut aimer suffisamment le monde pour l’accueillir tel qu’il est sans pour autant l’approuver.

Seul l’amour affûte le discernement.

Un seul Dieu : oui mais lequel ?

Pour un chrétien le musulman est son frère en humanité.

Du moins pour un chrétien qui essaie de prendre le Christ pour modèle au lieu de substituer au Christ ses propres aspirations.

Pourquoi ? Parce que le chrétien sait que tous les hommes sont tous enfants de Dieu, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou autres.

Il croit que nous sommes tous frères parce que nous avons tous le même Père.

1/ Tous enfants d’un même Père

Nous sommes tous frères parce que nous avons tous le même Père, fort bien, mais notre frère peut aussi bien être un forban et c’est là que les difficultés commencent car si on choisit ses amis on ne choisit pas sa famille et avoir un ancêtre commun ne garantit rien.

Rien de plus inexpiables que les haines et les rancœurs familiales. L’histoire de la dynastie mérovingienne et de manière plus générale l’histoire féodale ne sont pas autre chose qu’une longue et sanglante litanie de règlements de comptes intra-familiaux.

Il n’existe rien de pire que les guerres que l’on qualifie de fratricides. L’exemple biblique de Caïn et Abel est suffisamment éloquent pour que les chrétiens qui se donnent la peine de lire la Parole de Dieu pour s’en nourrir n’aient aucune illusion sur la réalité des familles.

Le chrétien le sait bien : la famille est une réalité à évangélise en permanence, qu’il s’agisse de la famille mononucléaire – la famille telle qu’elle est défendue par les partisans de La Manif pour Tous – ou la grande famille de l’humanité. C’est un travail de longue haleine et à remettre cent fois sur le métier.

Mais le chrétien croit que la volonté de Dieu est qu’il traite tout homme comme son frère, en l’aimant comme un frère.

Parce qu’il croit que Dieu est Dieu le Père et qu’à ce titre Il est le modèle de toute paternité et que c’est pour cela qu’Il nous traite comme Ses enfants.

C’est une évidence pour le chrétien qui connait sa foi. Ce ne l’est absolument pas pour son frère musulman même et surtout s’il connaît la sienne.

Pour ce dernier Dieu est le Créateur de toute chose, et entre autres choses de l’humanité, mais il n’y a pas a priori d’analogie entre Dieu et l’homme.

Dieu est le Tout-autre et demeure donc hors de portée. Il n’y a rien de commun entre Lui et l’homme. Aucun patrimoine génétique commun. Contrairement à ce que croit le chrétien.

2/ Un Dieu créateur qui est aussi Père

Car le chrétien croit qu’en tant qu’homme il a été conçu à l’image et à la ressemblance de Dieu – « Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » (Genèse 1, 26) – et que c’est pour cette raison qu’Il a laissé Son empreinte en lui.

D’abord en le dotant d’une conscience qui murmure à son intelligence des vérités que sa volonté consciente n’a pas toujours envie d’entendre.

Ensuite en imprimant en lui un désir d’amour tellement infini que rien dans ce monde fini ne parvient à satisfaire.

Comme disait saint Augustin : « Qui donc pourra combler les désirs de mon cœur Répondre à ma demande d’un amour parfait ? Qui, sinon toi, Seigneur, Dieu de toute bonté, Toi l’amour absolu de toute éternité ? Plus près de Toi, mon Dieu, j’aimerais reposer : c’est Toi qui m’as créé et Tu m’as fait pour Toi ; mon cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ! »

Le chrétien sait qu’il est paramétré pour entrer en communion avec Dieu parce que Dieu l’a programmé pour cela. Parce que c’est sa vocation intrinsèque.

3/ Une relation de communion plutôt que de soumission

Le chrétien croit que Dieu a souverainement décidé de descendre de son piédestal divin pour aller à sa rencontre et tisser une relation d’intimité avec lui sur un pied d’égalité.

Dieu incarné dit à ses disciples : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jean 15, 15).

Une telle intimité avec Dieu est loin d’être acquise pour un musulman, sauf peut-être pour les mystiques soufis. Mais pour qui s’en réfère à la lettre du Coran quelle pire atteinte  à la dignité de Dieu, à Sa seigneurie que la phrase de saint Irénée : « Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu » ? Tel qu’Il est présenté dans le Coran Dieu ne promet pas une rencontre intime de l’homme avec Lui.

Le Coran recommande aux musulmans de convertir les non-musulmans et de les intégrer ainsi dans la communauté des croyants (Oumma) au sein de laquelle tous seront égaux dans la soumission (islam) respectueuse à Dieu. Mais il n’est pas question de nouer une relation intime et personnelle avec Dieu ou d’aimer les non-musulmans au seul motif qu’ils sont les frères d’un même Père.

Certes le chrétien et le musulman se rejoignent dans l’opposition au polythéisme et tous deux affirment qu’il n’existe qu’un seul Dieu.

Mais reste à savoir lequel…

Le puritanisme est une invention du démon

La Bible nous présente dès l’Ancien Testament un Dieu « lent à la colère et plein d’amour » (Psaume 144). Un Dieu qui ne désire pas la mort du pécheur mais au contraire sa conversion afin qu’il vive (Ezéchiel 18, 23). Un Dieu qui fait toujours le premier pas pour aller vers l’homme (Jean 4,7) ou pour se réconcilier avec lui après chaque rupture (Zacharie 1, 3).

Pourtant c’est trop souvent (encore) avec l’image d’un Dieu sévère, inflexible, désespérant et donc culpabilisant que vivent, hélas, de très nombreux chrétiens…y compris ceux qui théoriquement savent que tel n’est pas le Dieu biblique, le Dieu des chrétiens et celui de l’Eglise catholique.

Et c’est souvent parce qu’ils en ont adopté la même image que de nombreux chrétiens sont devenus non-chrétiens et que de nombreux non-chrétiens manifestent des réactions épidermiques au seul nom de Dieu (la fameuse laïcité à la française).

1/ Une image de Dieu difforme parce que déformée

Si l’image qu’ils ont de Dieu ne correspond pas à ce que Dieu dit de lui-même d’où vient cette image déformée et donc difforme ? S’il s’agit d’une contrefaçon qui est le faussaire ?

L’homme lui-même.

Pourquoi ?

Parce que l’être humain est ainsi fait qu’il ne peut faire autrement lorsqu’il se regarde en face que de constater sa propre misère : « Je ne comprends pas ce que je fais : je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je déteste » (Romains 7, 15).

La seule solution pour un chrétien cohérent c’est de se jeter dans les bras de son Père comme un enfant faible mais plein de confiance dans sa miséricorde. On appelle ça la conversion du cœur. C’est la parabole du fils prodigue.

Mais que se passe-t-il si l’homme refuse – par ignorance ou en pleine conscience cela ne change rien en l’occurrence – la solution que Dieu nous propose et que l’on appelle l’offre de salut ?

La première (fausse) solution et (vraie) tentation consiste à fuir la réalité désespérante avec l’énergie du désespoir en se perdant dans ce que Blaise Pascal appelait « les divertissements mondains ». C’est la tentation de notre société contemporaine. Cette tentation porte un nom que, tous, nous connaissons : la société de consommation.

La seconde tentation consiste à affubler Dieu de nos propres turpitudes et de lui en attribuer l’origine et donc la responsabilité. Nous nous décevons lorsque nous nous contemplons ? Nous projetons sur lui et nous ui attribuons notre désir de punition.

Ne trouvant d’explication ni à ses propres turpitudes, ni à ses contradictions les plus intimes l’être humain est souvent tenté de chercher un coupable. Ce peut-être un bouc émissaire qui est sacrifié pour rétablir une harmonie provisoire au sein d’un groupe humain. Quitte à passer du bouc émissaire symbolique au sacrifice humain sanglant.

Cela peut aussi aller jusqu’à une forme déguisée d’auto-punition par procuration consistant à se désigner coupable soi-même en attribuant la rigueur de ce jugement à Dieu.

Parce qu’au fond nous trouvons, sans oser nous l’avouer explicitement, plus juste et plus conforme au Bien la réaction du fils aîné que celle du père dans la parabole du fils prodigue.

Parce qu’au fond de nous-mêmes nous préférons anticiper une fin effroyable que de vivre dans un effroi sans fin. Parce que nous nous aimons tellement peu qu’il nous semble non seulement improbable mais même obscène que Dieu puisse nous aimer quand même. Quant à accepter réellement qu’il nous aime au point d’avoir accepté de mourir pour que nous vivions c’est tout bonnement scandaleux à vue humaine. : « scandale pour les juifs folie pour les grecs »(1 Corinthiens 1, 23).  C’est une pierre d’achoppement aujourd’hui encore pour nos frères musulmans.

Parce que nous nous faisons spontanément de Dieu l’image d’un super-despote éclairé et qu’à l’inverse nous sommes extrêmement désemparés face à un Dieu qui met sa toute-puissance dans son amour et accepte de se rendre vulnérable. Un tel Dieu nous prend à contre-pied, nous prend au dépourvu, dépasse notre entendement, renverse nos évidences et dépasse tout ce que nous aurions pu imaginer.

Difficile d’admettre un Dieu qui ne punit pas nécessairement les méchants et ne récompense pas nécessairement le juste ici bas. : « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (Matthieu 5, 45).

Difficile d’admettre un Dieu qui refuse d’utiliser sa puissance pour se sauver lui-même : « Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges? » (Matthieu 26, 53).

2/ Le puritanisme est une invention du Diable

Cette tentation puritaine n’est pas nouvelle. Elle est même récurrente dans l’histoire de l’humanité et est toujours actuelle. Y compris au sein de l’Eglise.

La doctrine du jansénisme a peut-être disparu en tant que doctrine mais a empoisonné et continue encore d’empoisonner la vie de nombreux chrétiens en hantant leurs représentations et leurs inconscients. De ce point de vue les romans de l’écrivain anglais David Lodge sont très cruellement instructifs (je pense notamment à Jeux de maux).

La tentation du puritanisme est une tentation non seulement récurrente mais c’est la plus diabolique de toutes parce qu’elle détourne de Dieu non seulement ceux qui y cèdent mais, par réaction, ceux qui sont témoins de leurs comportements.

Cette tentation est diabolique parce qu’elle repose sur un triple blasphème.

Premier blasphème : usurper les prérogatives du juge suprême pour se condamner soi-même et l’humanité avec. C’est prétendre se faire prescripteur du Bien et du Mal. C’est le péché originel d’Adam et Eve. Vouloir goûter du fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. Contester les prérogatives de Dieu, lui disputer son rôle pour s’affranchir de lui.

Deuxième blasphème : le calomnier en lui attribuant la responsabilité de jugements qui sont les nôtres et non les siens. Lui attribuer la responsabilité de jugements marqués du sceau de notre propre péché alors que seuls ses jugements sont vrais et justes.

« Moi dit le Seigneur, je vois jusqu’au fond du cœur, je perce le secret des consciences. Ainsi je peux traiter chacun selon sa conduite et le résultat de ses actes » (Jérémie 17,9-10).

Troisième blasphème : l’idolâtrie. En nous façonnant un Dieu à notre image, un Dieu qui nous accuse pour soulager le poids de l’angoisse existentielle qui nous accable et qui nous refuse la dignité inaliénable que nous a conféré le vrai Dieu en nous créant à son image, nous commettons le péché d’idolâtrie.

Nous refusons Dieu tel qu’il est, à savoir un Dieu qui est amour : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1, Jean 4,8). C’est ce manque de foi qui nous pousse à nous confectionner de toutes pièces un Dieu à notre mesure en adorant nos propres désirs c’est-à-dire à nous adorer nous-mêmes, fût-ce en nous enfermant dans le cercle vicieux de notre propre condamnation.

Une idolâtrie qui substitue un Dieu vengeur au Dieu d’amour, qui travestit l’Eternel en lui attribuant des turpitudes humaines.

Voltaire a fait un mot d’esprit célèbre en disant que si Dieu avait créé l’homme à son image, celui-ci le lui avait bien rendu depuis. Ce trait d’esprit est plus profond qu’il y paraît. La tentation de l’anthropomorphisme – se façonner un Dieu à l’image de l’homme – est en fait la tentation la plus sacrilège : celle de l’idolâtrie.

Une idolâtrie qui conduit l’homme à s’accuser lui-même et à refuser la main secourable que Dieu lui tend.

Une idolâtrie qui éloigne de Dieu les bonnes volontés tout en proclamant rester fidèle à la volonté de Dieu n’est-ce pas la marque de celui que la Bible appelle l’accusateur et qui en grec se dit diabolos ?

Catholiques et musulmans : un rapprochement dicté par la nécessité ?

« Bon carême » m’a dit un jour avec un grand sourire une collègue musulmane visiblement ravie de découvrir qu’un Gaulois pouvait s’astreindre lui-aussi à ce qui ressemblait pour elle à un ramadan chrétien. « Bonne Pâque » m’a dit une autre un peu après qui, à défaut d’en connaître la signification, l’avait identifié comme l’équivalent de l’Aïd el Fitr, la fête de clôture du ramadan. Et quand elles ont découvert que je faisais le pèlerinage des maris et des pères de famille, là aussi ça leur a parlé !

Depuis cet épisode ces signes d’empathie se sont multipliés à chaque fois que, dans mon milieu professionnel, mes collègues découvrent que je suis catholique pratiquant et heureux de l’être.

Ces petits signes de connivence, discrets dans un univers professionnel hostile à toute expression du fait religieux et influencé par une conception de la laïcité dévoyée que promeuvent certaines loges sans concierge, sont révélateurs d’une recomposition des clivages au sein de notre société qui, pour être discrète n’en est pas moins irréversible. Comme la tectonique de plaques.

Face aux nihilistes et aux désespérés de la vie on trouvera le camp des croyants qui, malgré leurs différences confessionnelles, se sentiront davantage solidaires parce qu’ils se retrouveront confrontés à même climat d’hostilité au phénomène religieux et à la notion même de morale.

Cela ne signifie pas que le christianisme et l’islam soient des doctrines interchangeables ou qu’ils professent la même morale.

Mais les croyants des deux religions ont en commun de ne pas souscrire à une civilisation qui cantonne le domaine de la foi à une activité relevant purement de la sphère privée au même titre que l’équitation ou la philatélie.

Ce qui les réunit c’est la conviction ferme qu’il existe un Dieu qui est la vérité et que toute notre existence doit s’organiser en fonction de cette conviction. Ne serait-ce parce que l’existence que nous menons ici bas détermine celle que nous mènerons après notre mort.

De même ils croient qu’il existe une différence de nature entre le bien et le mal, que tout ne se vaut pas, que tout ne relève pas de l’opinion majoritaire – même exprimée dans les formes régulières et légales du suffrage universel – et que les comportements privés ont des conséquences sociales.

Un tel rapprochement n’est possible que parce que nous sommes un pays dont les racines sont chrétiennes et non-musulmanes. Il serait impossible et impensable au sein de sociétés majoritairement musulmanes.

Là-bas le droit positif comme les mentalités profondes sont marqués par la charia qui réserve aux non-musulmans un régime d’apartheid en les affublant d’un statut de citoyens de seconde classe appelé dhimmi.

Mais, paradoxalement, un tel rapprochement témoigne aussi de la déchristianisation profonde de notre pays. C’est parce que le nihilisme y est triomphant que des croyants de religions différentes s’y sentent marginalisés et minoritaires. C’est parce que la notion même de bien et de mal est remise en cause que certains prennent le maquis.

L’esprit religieux est par nature assez peu compatible avec le culte du court terme, de l’immédiat, de la pulsion et de la volonté de puissance. Celui qui aspire à se recueillir, ne cherche pas à s’éclater.

Celui qui aspire à mûrir avant de mourir et de renaître à la vie éternelle, ne cherche pas prioritairement à obtenir la satisfaction immédiate et inconditionnelle de ses pulsions. Celui qui cherche à vivre selon le plan de Dieu ne cherche pas à exalter sa volonté de puissance.

Le rapprochement que j’entrevois entre catholiques et musulmans est davantage une alliance contre un monde perçu comme inacceptable qu’un syncrétisme. Il se fera sur une base individuelle et non communautaire.

Il ne concernera que ceux qui cherchent à nourrir leur foi et à en vivre et non ceux qui, croyants sociologiques, se conforment à l’usage majoritaire du moment. Il se fera au nom de la conviction qu’on ne peut séparer les créatures de leur créateur.

Ce ne sera pas l’application de préceptes du Coran que la plupart des musulmans ne connaissent pas voire pas du tout, faute d’être capables de le lire. Et tant mieux car il existe fort heureusement beaucoup de musulmans qui valent mieux que le Coran.

Ce sera l’expression de la religiosité naturelle à l’être humain contre le déferlement de non-sens que nous impose une société de plus en plus nihiliste, la résistance de la conscience humaine contre ce qui contrefait l’homme.

C’est donc une occasion providentielle pour leur annoncer la Bonne nouvelle !

Selon quels critères voter ?

Actuellement, aux Etats-Unis comme en France les campagnes électorales ont davantage tendance à semer la confusion dans l’esprit des électeurs indécis qu’à les éclairer.

Au jeu des petites phrases, de la communication, du story telling, de la diabolisation de l’adversaire et des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient les citoyens qui n’ont pas encore cédé aux démons de l’abstention sont le plus souvent désorientés.

Certes, on n’a pas souvent le choix de voter pour un candidat dans lequel on croit vraiment et on se rabat souvent sur le moindre mal : après tout la politique n’est-elle pas l’art du possible ?

Mais là encore,l’électeur déboussolé que je suis est perplexe. Quand je discute avec des amis par ailleurs aussi sincères et instruits que moi, nous aboutissons à des conclusions souvent très éloignées : le moindre mal de l’un est rarement le moindre mal de l’autre.

1/ Le vote, une question de confiance plus que d’expertise

Pourtant l’élection présidentielle est moins le choix d’un programme – qui ne sera jamais de toute manière et dans le meilleur des cas que partiellement appliqué – que le choix d’un homme ou d’une femme auquel ou à laquelle on décide d’accorder sa confiance.

D’abord parce qu’on n’a pas toutes les compétences requises pour juger de la pertinence de tous les articles de son programme : il faudrait réunir des compétences que même aucun candidat ne réunit à lui seul et que seule une équipe de spécialistes particulièrement affûtés est susceptible d’avoir. Tout ce que l’on peut espérer c’est que le ou la futur(e) élu(e) connaisse les enjeux, leurs tenants et leurs aboutissants ainsi que ce qu’impliquent et ce que présupposent les décisions politiques à prendre.

Ensuite parce que dans le domaine politique comme dans la vie en générale tout se résume in fine à une question de confiance c’est-à-dire de foi : à un moment on décide d’accorder ou de refuser sa confiance à son médecin, à son potentiel conjoint, à son employeur, à son employé et à Dieu lui-même : on décide non pas seulement de croire qu’Il existe mais de croire ce qu’Il me dit…ou pas.

Le choix d’un candidat c’est LA question de confiance. Oui mais on ne fait pas confiance à l’aveugle. Alors selon quels critères accorder sa confiance ?

2/ Ne pas accorder sa confiance au hasard

Les recommandations de mes proches reflètent souvent celles de mon milieu d’origine avec tout ce que cela comporte de représentations et d’idées arbitraires et de préjugés plus ou moins conscients. Pour la même raison prendre systématiquement le contrepied de mon milieu d’origine n’est pas moins arbitraire. Il faut exercer son discernement.

Certes mais sur quels fondements ? Dans ce domaine les recommandations de l’épiscopat français sont tellement vagues qu’elles sont nulles au sens premier du terme : elles sont nulles et non avenues parce qu’elles ne proposent rien de concret et de clair. Par peur de se fâcher avec une partie de leurs ouailles ? Par peur de voir la foi catholique instrumentalisée au service de causes et d’ambitions mondaines ? Parce que notre épiscopat n’y voit pas plus clair que le reste de la société ?
Quelle que soit la réponse que l’on donne à cette question le constat s’impose à moi : je ne peux pas compter sur l’épiscopat pour éclairer mon choix.

C’est pourquoi je me suis interrogé sur les critères qui me permettraient de propose de déterminer mon choix et j’en ai trouvé trois. Je ne sais ce qu’ils valent mais je les mets au pot commun en me disant que dans le pire des cas ils ne serviront à rien et n’éclaireront personne – et que ça me mettra au moins au même niveau que les journalistes politiques – et que dans le meilleur des cas cela servira peut-être à quelque chose.

3/ Quel est son programme ?

La question est moins de savoir les promesses qu’il fait ou ses déclarations d’intention que la philosophie qui sous-tend et que sous-entend sa vision du monde, qui détermine ses priorités et qui définit sa méthode.

Cette question est essentielle et pourtant elle n’est jamais clairement assumée. Elle porte en effet sur la question du bien commun ? Aborder la question revient à poser au candidat la question suivante : “Avez-vous une conception du bien commun” ?

Considère-t-il qu’il existe des objectifs à atteindre qui soient bons en eux-mêmes ou considère-t-il que le bien se définit exclusivement de manière négative en laissant les uns et les autres interagir dans le cadre de la loi positive ?

Considère-t-il avoir la responsabilité prioritaire du bien de son pays ou considère-t-il qu’il est comptable de ses actes à la communauté internationale prioritairement ? Fait-il une différence entre ce qui est moral et ce qui est légal ou bien le respect de la loi et du droit se confond-il pour lui avec le bien ?

Sa conception du bien commun est-elle celle d’un bien commun concret et effectif ou le respect de principes abstraits ?

Tient-il compte des besoins spécifiques et des aspirations de son peuple ou bien considère-t-il que le peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui et qu’il a pour mission de lui imposer ce qu’il estime être bon ?

Quand le peuple s’exprime par référendum, respecte-t-il son choix au nom de la souveraineté du peuple et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

4/ Quel est son bilan ?

La plupart des candidats et des candidates ne sont pas des novices. Ils ont exercé des responsabilités politiques locales et le plus souvent nationales.

Le candidat pour lequel on envisage de voter a-t-il fait un bilan critique de son action politique passée ? A-t-il reconnu ses fautes éventuelles et ses responsabilités ? A-t-il fait un retour d’expérience comme on dit chez les militaires pour tirer les erreurs à ne plus reproduire à l’avenir ? Cet examen critique porte-t-il uniquement sur des choix tactiques ou sur sa conception des fins et des moyens ?

Les réussites qu’il revendique les attribue-t-il à ses propres mérites ou admet-il aussi avoir bénéficié d’une conjoncture favorable ? A l’inverse quand il a échoué ou renoncé en imputent-il systématiquement la responsabilité à des circonstances extérieures défavorables ?

S’il dénonce l’immobilisme des quarante dernières années, la déliquescence de l’Etat et la décrédibilisation de la classe politique que dit-il du rôle qu’il a joué pendant cette période ? Fournit-il des raisons de croire qu’il a changé depuis et qu’il ferai cette dois-ci  ce qu’il n’avait pas fait précédemment ?

S’il a fait hier des promesses qu’il n’avait pas les moyens de tenir, existe-il aujourd’hui des raisons concrètes – c’est-à-dire vérifiables – de penser que désormais il aurait les moyens et la volonté d’appliquer les mesures qu’il préconise ?

Ces mesures sont elles cohérentes ou contradictoires avec celles qu’ils préconisaient précédemment ? Incrimine-t-il le manque d’expérience de ses adversaires politiques pour contester la légitimité de leur candidature ?

5/ Quels sont ses soutiens ?

La question est d’une simplicité biblique : quels sont les groupes intérêts qui le soutiennent et qui, s’il est élu, exigeront un ou des renvois d’ascenseur ?

Il peut s’agir de son propre parti et des partis coalisés avec lui pour le faire gagner qui, en cas de victoire, réclameront leur dû sous forme de maroquins ministériels et/ou d’infléchissements politiques et idéologiques.

Il peut s’agir du soutien financier et médiatique de grands groupes qui considéreront leur soutien, discret mais d’autant plus efficace, comme un investissement et dont ils attendront naturellement un retour sur investissement.

Il peut s’agir de clientèles qui monnayent leur soutien électoral en l’échange du maintien d’équilibres fiscaux qui les exonèrent de charges communes ou qui leur garantit des privilèges que rien ne justifie au regard du bien commun.

Il peut s’agir de puissances étrangères qui financent le parti, les campagnes voire le train de vie du candidat – c’est parfois la triste réalité – et qui en fait dans une certaine mesure ce que la rhétorique communiste appelait “un agent stipendié de l’étranger”. Cela détermine les choix diplomatiques et géostratégiques mais aussi les choix de politique intérieure. Ces choix sont souvent davantage des choix implicites – donc non soumis au débat public et au vote – que des choix explicites.

Cette dernière question est très importante car elle explique en partie que certaines décisions traversent les clivages politiques apparents au mépris des choix exprimés par les électeurs dont les élus ne sont pourtant que les mandants..

Le poids des lobbies, les intérêts catégoriels et les acteurs non-officiels font de nos candidats des victimes consentantes de groupes de pression qu’il faut avoir préalablement identifier pour pouvoir évaluer la marge de manœuvre qui sera la leur en cas de victoire électorale.

Car si, même en les créditant d’une totale bonne foi et de la meilleure volonté du monde, ils n’ont pas les moyens de viser le bien commun au nom duquel ils sollicitent nos voix alors mieux vaut voter blanc et exprimer ainsi un désaveu qui est le dernier argument auquel ils restent sensibles.

Comme l’écrivait Bossuet : « Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles chérissent les causes. »

L’allergie au pape François est un révélateur des turpitudes de certains milieux catholiques

Quand le pape François fait le constat que la majorité des mariages catholiques ne sont pas valides il pose un diagnostic mais il ne modifie pas une virgule de la doctrine catholique. Pourtant il provoque des réactions hystériques chez un certain nombre de fidèles.

C’est plutôt curieux car, pourvu qu’on se donne la peine d’aller lire ce qu’il a effectivement déclaré et non les citations hors contexte voire carrément tronquées que l’on trouve sur la réacosphère, on constate que tout ce qu’il dit est dans la droite ligne de l’enseignement de l’Eglise sur le sacrement de mariage : le mariage est indissoluble dès lors qu’il est valide sacramentellement ce qui suppose que certaines conditions de validité soient réunies au préalable. C’est ce qui explique que dans certains cas l’Eglise reconnaisse a posteriori que certains mariages que l’on croyait valides ne l’étaient en fait pas. C’est ce qu’on appelle la reconnaissance de nullité de mariage (et non l’annulation du mariage).

Le constat qu’il fait sur l’état d’immaturité affective, psychologique et spirituelle de nombreux catholiques n’est malheureusement pas surprenant quand on se donne la peine d’ouvrir les yeux sur la réalité. Si tel n’était pas le cas nous n’aurions pas tous ces débats sur la question des divorcés-remariés. Rien de nouveau sur ce point.

Pourtant quand il dit tout haut ce que tout le monde constatait jusque là sans oser le dire à haute et intelligible voix, certains catholiques s’offusquent. D’autres expriment leurs réprobation en s’étonnant ouvertement.

Mais ce qui est étonnant n’est-ce pas plutôt l’allergie d’un certain nombre de catholiques à l’honnêteté du pape François ?

De même quand le pape François déclare « L’Église doit présenter ses excuses aux personnes gays qu’elle a offensées » il ne fait que rappeler l’évangile : il invite à la conversion ceux qui se sont comportés de manière non charitable envers les personnes homosexuelles et il s’inclut lui-même dans le lot. En revanche il ne change rien sur la position de l’Eglise à propos de l’homosexualité. En ce sens il n’a pas changé depuis qu’il a organisé l’opposition à la loi sur le mariage homosexuel en Argentine….

Pourtant certains catholiques se disent déstabilisés. Mais n’est-ce pas précisément leur réaction qui est déstabilisante ?

Qu’y a-t-il de déstabilisant à prêcher aux catholiques la conversion du cœur et du regard ? Qu’y a-t-il de déstabilisant à dire aux catholiques que s’ils ont blessé un frère ou une sœur ils doivent lui demander pardon ? Ce que dit le pape François correspond à l’esprit et la lettre même de l’évangile. Le lui reprocher quand on est adepte de la religion de l’amour c’est une contradiction manifeste et grotesque à la fois.

Mais c’est surtout l’indice que quelque chose ne tourne pas rond. Du moins dans certains milieux. Car les préventions contre le pape François sont loin d’être partagées par tous à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise….

1/ Les réactions hystériques d’une certaine frange de catholiques

Certain milieux catholiques s’acharnent à critiquer le pape au nom d’une identité catholique qu’ils confondent avec la somme des mauvaises habitudes, des partis pris et des préjugés qu’ils ont hérités de leur famille et de leur milieu. C’est cet héritage qu’ils assimilent au dépôt de la foi et qu’ils accusent le pape de vouloir brader.

Ils ne lui pardonnent pas de rappeler que la seule identité du chrétien est de suivre le Christ et que ça suppose très souvent de changer beaucoup de choses en soi et autour de soi…et donc de rompre avec les préjugés et les solidarités de son milieu d’origine.

Un certain nombre de catholiques par héritage refusent de devenir des chrétiens par choix. Ils font ce qu’on appelle en équitation un refus d’obstacle et tentent de faire passer leur raideur et leur dureté de cœur pour de la fidélité au magistère de l’Eglise.

D’où le paradoxe de ces catholiques qui se se réfèrent davantage à la pensée de Charles Maurras et de Pierre Gattaz qu’à celle des pères des Pères de l’Eglise et qui se veulent plus catholiques que le pape au point de prétendre lui donner des leçons de catholicisme. Quand ils ne l’accusent pas carrément de trahir le dépôt de la foi !

Sous prétexte de dénoncer les méfaits, bien réels, du clergé et de l’épiscopat français qui avaient pris prétexte de Vatican II pour justifier leurs propres fantaisies (pastorales théologiques, liturgiques et morales) et in fine leur propre apostasie, certains milieux catholiques veulent en faire porter la responsabilité à un pape argentin qui n’y est pour rien !

La contradiction manifeste entre ce qu’ils disent être – à savoir des catholiques qui se veulent fidèles à l’autorité de l’Eglise parce qu’elle est guidée par l’Esprit saint – et leur comportement de protestants – ils dénient au pape son autorité intellectuelles, spirituelle et morale – saute aux yeux de tous sauf d’eux-mêmes. Ils semblent les seuls à ne pas en être conscients.

Mais ce qu’il y a de plus absurde dans ce genre de comportements c’est qu’ils sont délibérément blessants et qu’ils ne reculent devant aucun procédé malhonnête et malveillant : insultes, calomnies, insinuations, citations tronquées ou citées hors contexte, accusations sans preuves… Toute la petite panoplie du manipulateur au complet (ou plutôt au complot).

Ces comportements prennent le contrepied de ce que le Christ nous a demandé (aimer notre prochain comme nous mêmes). Ceux qui utilisent de tels procédés refusent au pape François non seulement la présomption d’innocence mais surtout refusent d’adopter envers lui le parti pris de la bienveillance. Ce sont des contre-témoignages pour tous les non-chrétiens. Ils découragent les meilleurs volontés et font fuir les autres.

Une telle attitude traduit (trahit ?) chez ceux qui l’adoptent une malveillance profonde indissociable d’une forme d’orgueil consistant à se considérer, eux, comme le conseil d’administration de l’Eglise et le pape François comme un PDG d’entreprise qui devrait leur rendre régulièrement des comptes et surtout leur donner satisfaction.

Malheureusement pour eux l’Eglise a été voulue et conçue par le Christ et le pape désigné par l’Esprit saint. Ne pouvant le destituer ils se consolent en le mettant en cause, un peu comme quand Alain Juppé avait dit de Benoît XVI qu’il commençait « à poser un vrai problème » et qu’il vivait « dans une situation d’autisme total ».

2/ L’opposition au pape et le refus de l’évangile

Ce qui est reproché au pape c’est au fond de demander aux catholiques d’être fidèles à l’évangile .

Le pape François nous met en garde contre le risque ou plutôt contre la tentation de préférer défendre le contenant (la culture chrétienne) plutôt que de vivre de son contenu (le Christ).

Ce que certains catholiques lui reprochent c’est de leur rappeler que Jésus-Christ ne requiert pas des défenseurs mais qu’il recherche des témoins et ce n’est pas la même chose (sinon il aurait appelé des légions d’anges pour échapper à sa Passion).

Ce qui lui est reproché par certains athées pieux c’est de dire tout haut que les catholiques européens ne sont pas ici-bas pour rappeler à des masses ignorantes les beautés de l’art roman mais pour leur annoncer la bonne nouvelle de notre rédemption par Jésus-Christ en commençant par vivre eux-même en cohérence avec cette bonne nouvelle.

Certains le détestent parce qu’il leur rappelle qu’ils ont une mission : témoigner par leur vie et par la paroles que Dieu est un Dieu d’amour et que Lui seul peut combler l’aspiration fondamentale de l’être humain à être aimé (« Qui donc pourra combler les désirs de mon cœur, Répondre à ma demande d’un amour parfait ? Qui, sinon toi Seigneur, Dieu de toute bonté, Toi l’amour absolu de toute éternité »).

Ce qu’ils détestent par dessus tout c’est quand le pape François leur rappelle que cette responsabilité leur incombe aussi à eux en tant que baptisés, qu’ils ont un devoir d’exemplarité parce que la sainteté n’est pas une option qu’ils pourraient décider de ne pas prendre mais qu’elle est leur vocation unique, leur seule raison d’être ici bas et la condition de leur salut.

Certains le haïssent parce qu’ils ne veulent pas entendre que la foi chrétienne est la foi en un Dieu tout-puissant qui a décidé d’avoir besoin de nous pour réaliser le salut de l’humanité. Ils lui préféreraient un Dieu musulman qui leur commande d’utiliser la force.

Leur obsession de l’islam est le reflet de leur envie et l’expression de leur regret de ne pouvoir exalter leur propre volonté de puissance, à l’image de ces musulmans qui peuvent justifier leur volonté de dominer en invoquant le jihad et imposer, quand ils sont en position de force, le statut de dhimmis aux non-musulmans….

De même que l’amour rend intelligent, la malveillance rend aveugle. A force de vouloir faire dire au pape ce qu’il n’a pas dit, par exemple en l’accusant d’avoir dit que tous les mariages étaient nuls, les ennemis  du pape François se condamnent à ne rien comprendre.

Car en posant un diagnostic sans complaisance sur la réalité de certains mariages célébrés dans les formes, il pointait du doigt les conséquences de l’apostasie et du laxisme d’un certain nombre de responsables du clergé qui ont renoncé à éclairer les consciences en refusant de célébrer un mariage sacramentel quand les conditions de validité n’étaient pas réunies !

En refusant d’écouter ce que le pape dit réellement et en préférant le calomnier les catholiques qui aiment le détester se condamnent à la cécité volontaire.

L’hystérie que déclenchent chez certains le pape François ne nous dit rien de ce que fait ou pense le pape François mais il nous en apprend beaucoup sur l’état intérieur de ses détracteurs.

De ce point de vue là l’allergie au pape François est un bon révélateur des incohérences et des turpitudes de certains milieux catholiques. En un sens c’est une bonne nouvelle : les masques tombent !