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L’alliance du trône et de l’autel, péché originel de l’épiscopat français 

En Angleterre Thomas More, et avant lui l’évêque Thomas Becket, ont refusé de compromettre l’annonce de l’Evangile en apportant la caution de l’Eglise à des hommes de ruse et de sang qui cachaient sous la bannière de Dieu leurs ambitions ou leurs folies personnelles.

Le martyre de saint Thomas More a marqué l’entrée de l’Eglise catholique d’Angleterre dans une longue période de persécution et de clandestinité, parfaitement conforme d’ailleurs à ce que le Christ avait prévu et prédit de son vivant : A cause de moi on vous jettera en prison, on vous traînera devant des rois et devant des gouverneurs (Luc 21, 12).

Contrepartie logique de cette situation évangélique : l’Eglise catholique a été préservée de toute compromission avec le pouvoir monarchique. Là-bas c’est l’Eglise anglicane qui a été décrédibilisée par l’alliance du trône et de l’autel. C’est même pour la cautionner qu’elle a été inventée.

En France c’est au contraire l’épiscopat catholique qui a toujours cautionné cette monstruosité théologique en acceptant de sacrer les rois à Reims. N’est-ce pas là l’origine de cette tradition de lâcheté épiscopale dont l’Eglise de France continue de déplorer les effets ?

Car il ne faut pas se voiler la face : la pusillanimité de nos évêques n’est pas nouvelle. Le légalisme et le gallicanisme sont des maux et des symptômes anciens dans l’histoire de l’Eglise de France.

En 1431 c’est une laïque, Jeanne d’Arc, qui meurt par la volonté de l’évêque Cauchon, parce qu’elle s’était dressée contre le pouvoir temporel anglais et bourguignon.

En 1791, l’épiscopat rallie majoritairement la Constitution civile du clergé. Le simple fait que son rédacteur, Charles-Maurice de Talleyrand, ait été un évêque qui n’avait pas la foi n’est-il pas suffisamment éloquent en soi ?

En 1905, l’épiscopat n’ose pas davantage se lever contre la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui constitue une rupture unilatérale du concordat de 1801 et impose l’approbation préalable du gouvernement pour la nomination des évêques.

En 1940, l’épiscopat ne dénonce pas le décret anti-juifs de Vichy, ni les déportations à l’exception notable de Mgr Salièges, archevêque de Toulouse.

En 1983, l’épiscopat ne réagit pas plus lors du projet de suppression de l’école libre à l’exception notable de Mgr Lustiger.

En 2013 la majorité silencieuse de la conférence des évêques de France prend ostensiblement ses distances vis-à-vis des manifestations organisées pour défendre la famille en 2013 contre le projet de loi présenté par le gouvernement.

Toujours dans le sens du vent, jamais à contre-courant, en décalage permanent avec les attentes et les besoins du peuple chrétien la plupart de nos évêques ont des réflexes de notables plutôt que de pasteurs. Pire : ils maltraitent les prêtres qui agissent en vrais pasteurs : quand on pense que le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine a été refusé à la Chapelle de la rue du Bac, officiellement parce que l’engouement que suscitait sa venue a « inquiété » en haut-lieu….

Conséquence logique de ce manque de pasteurs, le troupeau se disperse.

Dans le meilleur des cas les catholiques passent avec armes et bagages chez les chrétiens évangéliques qui, eux, n’ont pas renoncé à leur liberté intérieure, ne sont pas timorés, encouragent les fidèles à prendre la parole et à prendre des initiatives, notamment pour annoncer la Bonne nouvelle à nos frères musulmans.

Dans le pire des cas ils s’éloignent de l’Eglise et du Christ.

Bien sûr on pourra opposer quelques exemples d’évêques courageux. Bien sûr il y a encore Philippe Barbarin, Dominique Rey ou Jean-Pierre Cattenoz. Bien sûr il existe des poissons volants mais, objectivement, ce n’est pas la majorité de l’espèce !

Face au contraste qui apparaît entre les prêtres remarquables que j’ai la chance de connaître depuis de longues années et les évêques régulièrement nommés une question me taraude : l’épiscopat français regorge-t-il à ce point de véritables pasteurs qu’il soit obligé d’en recaler certains au moment de procéder à de nouvelles nominations ?

Au vu du comportement des évêques qu’il m’a été donné d’observer leur désignation me semble plutôt se faire sur la base d’autres critères : souplesse dorsale, régime alimentaire à base de couleuvres, aversion pour le risque, capacité à mettre de la distance sous prétexte de prendre de la hauteur, rigueur dans la gestion de sa carrière, peur du contact humain, esprit de corps et méfiance vis-à-vis du principe de subsidiarité.

La pusillanimité de l’épiscopat est à l’origine de sa démission mais nourrit également la culture du déni de réalité. Le meilleur exemple me semble son tropisme européiste et son unanimisme aveugle.

Par pur mimétisme avec les milieux dirigeants, nos évêques confondent – volontairement ? – le dogme on ne peut plus chrétien de l’universalité du salut qui découle directement de l’unicité du genre humain avec celui de l’ouverture systématique des frontières, conçue pour faciliter la circulation de la main-d’œuvre servile et généraliser l’exploitation de l’homme par l’homme.

Le problème n’est-il pas que l’épiscopat a été pendant des siècles à la tête de l’un des trois ordres qui ont structuré la société française sous l’Ancien régime et que cela a laissé des traces très profondes de corporatisme que l’on pourrait résumer par le mot cléricalisme ?

Car au fond préférer un manque de charité à un désordre, préférer l’évitement plutôt que la rencontre ce sont des réflexes de notables ou de fonctionnaires et non de pasteurs. On ne peut pas être à la fois dans le monde et du monde. On ne peut pas à la fois être l’un des soutiens de l’ordre social et signe de contradiction aux yeux des hommes.

Dans un régime comme le nôtre cette recherche d’harmonie à tout prix avec le corps social signifie ne jamais s’aliéner l’opinion publique et les faiseurs d’opinion publique. En d’autres termes se ranger toujours du côté des puissants du moment.

Dans des régimes plus autoritaires cela signifie ne jamais affronter les détenteurs du pouvoir temporel, surtout si ces derniers se sont auto-proclamés défenseurs et gardiens de la foi. En France ça a donné le gallicanisme, en Angleterre ça a donné l’anglicanisme.

L’alliance du trône et de l’autel est le péché originel de l’épiscopat français.