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L’extraordinaire parcours de Bambang Dwi Byantoro


Connaissez-vous l’extraordinaire parcours de Bambang Dwi Byantoro ?

C’est une histoire incroyable qui démontre une nouvelle fois que l’Esprit souffle où il veut.

C’est l’histoire d’un Javanais musulman qui découvre la foi chrétienne protestante puis orthodoxe avant de devenir prêtre et de recevoir le titre d’Archimandrite Daniel.

Depuis il a amené à la foi orthodoxe plusieurs milliers d’Indonésiens : quelques déçus du pentecôtisme et une très grosse majorité de musulmans.

Son chemin de conversion commence par une vision de Jésus c’est-à-dire une expérience spirituelle intime se poursuit paradoxalement….par la méditation d’une sourate du Coran et se prolonge par une réflexion personnelle.

Son cheminement spirituel se fait au contact d’autres chrétiens ce qui l’amène à voyager et à apprendre de nouvelles langues : le coréen et l’anglais puis le grec.

Le contact avec l’orthodoxie lui fait prendre conscience que la foi pentecôtiste est incomplète. Il passe de la foi protestante à la foi orthodoxe.

La découverte des pères de l’Eglise approfondit sa foi et lui fait découvrir la spiritualité byzantine qui lui apparaît très compatible avec les rites javanais.

Il découvre repère des parallèles entre les pratiques ascétiques de l’orthodoxie et celles des arts martiaux traditionnels.

Introduit dans la foi orthodoxe par un évêque anglais, il reçoit le baptême orthodoxe à au sein de l’Eglise orthodoxe de Séoul. Sa quête l’amène ensuite en Grèce, au mont Athos où il apprend le grec.

Il découvre que l’orthodoxie permet d’accéder à la foi chrétienne sans imposer la culture occidentale.

Il développe l’Eglise orthodoxe à Java, insiste sur l’origine sémitique de sa foi et affirme que sa foi s’origine au Moyen-Orient, tout autant que celle des musulmans.

Tout en s’attaquant au dogme musulman du Coran incréé afin de rendre possible le dialogue islamo-chrétien, il conserve un regard positif sur l’islam qu’il considère comme la première étape de son cheminement spirituel.

Si ces quelques lignes vous ont donné envie d’en savoir plus sur cette histoire extraordinaire rendez vous sur le site des Missions Etrangères de Paris (MEP) en cliquant sur le lien suivant :

http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/indonesie/2013-06-20-pour-approfondir-l2019emergence-toute-recente-d2019une-eglise-orthodoxe-javanaise-histoire-d2019un-processus-indigene

Louis Charles

Dialogue de bébés

Dans le ventre de la mère, deux bébés discutent. L’un est croyant, l’autre non.

«  Bébé athée : Et toi, tu crois à la vie après l’accouchement ?
Bébé croyant : Bien sûr. C’est évident que la vie après l’accouchement existe. Et nous sommes juste ici pour devenir forts et prêts pour ce qui nous attend après.
BA : Tout ça c’est insensé. Il n’y a rien après l’accouchement. Est-ce que tu peux t’imaginer toi, à quoi une telle vie pourrait ressembler ?
BC : Eh bien, je ne connais pas tous les détails. Mais là-bas il y aura beaucoup de lumière, beaucoup de joie. Et par exemple là-bas on va manger avec notre bouche.
BA : Mais c’est du n’importe quoi ! Nous avons notre cordon ombilical et c’est ça qui nous nourrit. Et de cette autre vie, il n’y a encore eu aucun revenant. La vie se termine tout simplement par l’accouchement.
BC : Non ! Je ne sais pas exactement à quoi cette vie après l’accouchement va ressembler mais dans tous les cas nous verrons notre maman et elle prendra soin de nous.
BA : Maman ? Tu crois en maman ? Et où se trouve-t-elle ?
BC : Mais elle est partout ! Elle est autour de nous ! Grâce à elle nous vivons, et sans elle nous ne sommes rien. Elle veille sur nous à chaque instant.
BA : C’est absurde ! Tu l’as déjà vue, toi ? Moi non plus ! C’est donc évident qu’elle n’existe pas. Et puis, si elle existait vraiment, pourquoi ne se manifeste-t-elle pas ?
BC : Eh bien, je ne suis pas d’accord. Car parfois lorsque tout devient calme, on peut entendre quand elle chante…. Sentir quand elle caresse notre monde…. Je suis certain que notre Vraie vie ne commence qu’après l’accouchement.
BA : Moi je suis convaincu qu’après l’accouchement il n’y a rien. Cela est tout simplement irrationnel. »

Pourquoi des Français ont-ils tué d’autres Français ?

En écrivant à propos des tragiques événements de la semaine dernière que des Français qui avaient assassiné d’autres Français Henry Le Barde a soulevé une question polémique. L’un de ses lecteurs a écrit que qualifier quelqu’un de Français alors qu’il abhorrait la France était techniquement et juridiquement vrai mais gravement fautif au niveau moral, philosophique et spirituel. Cette remarque a inspiré ce billet.

Dire que des Français ont tué des Français c’est faire le constat d’une crise d’identité nationale. C’est à mon avis le moyen de mettre le doigt là où ça fait mal. C’est sans doute pour cela que ce point de vue a été complètement occulté par l’ensemble des médias et de la classe politique.

Des individus qui n’ont pas connu d’autre pays que la France, pas d’autre système scolaire que le système français, qui parlent français – plus ou moins bien mais toujours mieux que l’arabe – et qui ont donc la nationalité française refusent de s’identifier à la France et la rejettent de toutes leurs forces.

La vraie question c’est  pourquoi ?

La réponse est sans doute que l’on s’adapte à ce que l’on trouve et que l’on ne peut pas s’intégrer à ce qui se désintègre.

Concrètement la société française contemporaine est à l’image des autres pays européens : une zone de droit et de non-sens d’où la notion de bien commun a été expulsée.

Parce que l’idée même qu’il existe un bien vers lequel il faut tendre et un mal dont il faudrait s’éloigner est une idée qui est anathématisée. D’où le refus opiniâtre des normes à prétention objective et la promotion systématique de l’évitement sous forme d’injonctions politiquement correctes.

Exemple récent : le refus d’ouvrir un vrai débat sur l’opportunité d’élargir le mariage et l’adoption à des couples homosexuels. La question du bien de l’enfant a d’entrée de jeu été escamotée et décrétée hors sujet. Le seul enjeu qui restait : ne pas blesser les homosexuels, injustement identifiés à la poignée d’activistes LGBT qui était à la manœuvre dans les couloirs ministériels.

Ce refus de poser collectivement la question du bien et du mal ne heurte pas que les catholiques. Mais à la différence des enfants de l’immigration les catholiques, eux, disposent d’argumentaires et de références autres que ceux aimablement fournis par la société consumériste et par l’idéologie créationniste officielle qui postule que la France est sortie du néant et du chaos un beau jour de 1789.

Les catholiques français ont une mémoire et une histoire qui leur permettent de relativiser concrètement le désespoir qu’inspire le moment présent. Ils ont des atouts culturels et spirituels qui leur font dire que, pour paraphraser Saint Paul  c’est quand ils sont faibles qu’ils sont forts parce que c’est dans ces moments là que Dieu agit de manière inattendue.

Quand on est musulmans et qu’on ne se reconnaît pas dans une société décadente  l’unique perspective est de prendre le maquis c’est-à-dire de se réfugier dans une communauté imaginaire (l’Oumma) et de rejeter cette société objectivement décadente.

Rien d’étonnant à ce que des jeunes musulmans français sur le papier ne se sentent pas français dans la réalité. Pourquoi devraient-ils s’identifier à une société dans laquelle les catholiques français eux-mêmes se sentent de plus en plus étrangers ?

Surtout si l’image de la France qu’on cherche à leur vendre s’identifie à la haine de toutes les religions et à l’impunité arbitrairement revendiquée par Charlie Hebo. Et encore plus si le droit à l’insulte et à l’humour « bête et méchant » est appliqué selon le principe du deux poids deux mesures : solidarité nationale obligatoire pour les outrances de Charlie Hebdo et répression judiciaire pour celles de Dieudonné.

L’image de la France qu’on propose aux jeunes générations, dont les jeunes musulmans, est celle d’une France de baby-boomers fatigués, égoïstes et matérialistes qui ont renoncé à transmettre le patrimoine familial, affectif, spirituel, culturel, intellectuel, moral, économique et social dont ils étaient, eux, les heureux héritiers.

Cette France là n’a plus rien à proposer. Elle est déjà morte mais ne le sait pas encore. Elle le découvrira peut-être en 2017. Déjà elle ne croit plus en rien et plus personne ne croit en elle. Elle ne s’appuie plus que sur des clientèles. Elle est rongée aux mythes et son panthéon est décousu. Cette France est nue. Cette France est perdue.

Cette France là ne correspond pas à la réalité mais comment de jeunes musulmans déculturés le sauraient-ils ?

 

 

Louis Charles

Ecouter l’Eglise avec discernement : un besoin plutôt qu’un devoir

Le langage humain est imparfait et limité et ce quelle que soit la langue considérée. Notre compréhension individuelle de la Parole de Dieu est, elle aussi, limitée : c’est pour cela que nous avons besoin de confronter et de compléter ce que nous en avons compris avec ce que d’autres en comprennent et avec ce que nos prédécesseurs en ont compris. Il s’agit de recouper, de corriger et d’approfondir ce que nous en comprenons. C’est ce qui ne peut se faire qu’à l’intérieur de la communauté de ceux qui cherchent à comprendre la Parole pour s’y conformer : l’Eglise. Tout croyant est en effet exposé en permanence au risque de réduire Dieu et Sa parole à ce qu’il en comprend, à ce qu’il croit en comprendre et surtout à ce qu’il veut en comprendre. Entre l’autosuggestion et le mensonge délibéré la frontière est souvent floue…

Si le clergé et la hiérarchie ecclésiale ont élaboré des dogmes et des articles de foi c’est pour permettre à la conscience d’acquiescer en liberté et en vérité en mettant à sa disposition un résumé raisonné et argumenté de ce qui été cru partout, toujours et par tous pour reprendre l’expression forgée au Vème siècle par Vincent de Lérins. C’est la seule justification de leur autorité doctrinale. En aucun cas ils ne sont prescripteurs ou mêmes juges de la vérité.

L’Eglise n’est donc pas une caste d’experts infaillibles ou de saints omniscients qui détiendraient une foi(s) pour toute une vérité infaillible et intangible. Elle-même ne sait pas tout. L’Eglise ne détient pas la vérité. Elle reçoit progressivement la vérité de Quelqu’un qui est la Vérité :

J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir (Jean 16, 12-13).

Elle passe sa vie à approfondir, c’est-à-dire à découvrir, et à transmettre plus ou moins bien une vérité qui la dépasse parce qu’elle n’en est pas la source. C’est une vérité qui, parfois, lui déplaît parce qu’elle la prend elle-même souvent à contre-pied. L’histoire de l’Eglise regorge de croyants dont le seul tort fut d’avoir eu raison trop tôt. Il n’y a qu’à voir le nombre de saints qu’elle a canonisés après les avoir condamnés et persécutés : combien de saints ont souffert pour l’Eglise et par l’Eglise ? Sans compter la masse – bien plus nombreuse – de tous ceux qui n’étaient pas des saints mais qu’elle a fait injustement souffrir…

Elle est comparable à un vieux docteur de deux mille ans qui a une expérience très précieuse, incomparable et pour tout dire vitale. Ne pas l’écouter serait un mélange délirant de présomption et de bêtise. Mais il n’est pas omniscient pour autant et il n’a pas toujours bon caractère : ça dépend des fois. Il n’est pas toujours de bonne foi (sans jeu de mots). Il lui arrive parfois de prescrire aux autres ce qu’il ne s’applique pas à lui-même.

Un exemple ? Elle recommande à ses fidèles d’aller demander pardon à ceux qu’ils ont blessés, de réparer les dégâts dans la mesure du possible et surtout de se repentir sincèrement… mais pendant des décennies les prêtres pédophiles ont été discrètement exfiltrés d’un diocèse à l’autre pour éviter tout scandale susceptible de nuire à la réputation de l’Eglise et leurs victimes ont été purement et simplement niées. Deux poids, deux mesures : selon que vous serez laïc ou ordonné…

Il peut également arriver au bon docteur de faire la sourde oreille et de refuser d’admettre ses éventuelles erreurs de diagnostic (officiellement l’Eglise n’a toujours pas réhabilité Galilée alors même qu’elle a reconnu ses propres erreurs) et à chaque fois elle fourvoie ceux qui lui faisaient confiance en lui sacrifiant leur discernement.

Combien de fois l’Eglise a-t-elle effectué des demi-tours à 180°C au cours de son histoire ? Combien de siècles lui a-t-il fallu pour qu’elle reconnaisse du bout des lèvres qu’il n’était pas blasphématoire de soutenir que la création de l’Univers avait sans doute duré plus de sept jours ?

Combien de siècles a-t-il fallu attendre pour que l’Eglise accepte d’accorder une sépulture aux personnes qui s’étaient suicidées ? Combien de siècles a-t-il fallu attendre pour que le Vatican renonce à son enseignement pluriséculaire sur l’interdiction absolue du prêt à intérêt en confiant ses quelques économies à des banques (et pas toujours aux meilleures) ?

Au cours de l’histoire les arguments doctrinaux et l’argument de la tradition ont toujours été employés pour justifier des vues humaines. C’est exactement ce que Jésus reprochait aux autorités religieuses de son temps :

Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes. Il leur dit encore: Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition (Marc 7, 8-9).

Ce n’est pas une raison en revanche pour refuser d’écouter et de méditer dans notre cœur tout ce que l’Eglise nous dit et de prier avant de nous décider. Tout en ayant présent à l’esprit que, dans la vie spirituelle comme dans la vie en général, les conseilleurs ne sont jamais les payeurs.

Il nous faut écouter l’Eglise en ayant toujours présent à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’abord d’une institution mais d’une communauté de pécheurs qui se savent déjà pardonnés pourvu qu’ils acceptent ce pardon en changeant de vie et en en prenant les moyens spirituels et notamment sacramentels.

L’Eglise est une boîte à outils en libre accès dans laquelle il faut piocher tout en sachant que le meilleur peut côtoyer le pire et qu’il faut toujours exercer son discernement pour distinguer ce qui vient de Dieu de ce qui vient des hommes. La seule certitude à avoir c’est qu’il ne faut pas se cramponner à des formules intangibles qui prétendent enfermer Sa volonté dans une expression définitive :

Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits (Mathieu 15, 6).

Tenir compte de ce que dit et propose l’Eglise pour connaître la volonté de Dieu dans ma vie est à la fois indispensable et insuffisant : il faut le passer au filtre de l’Esprit saint. Cela suppose préalablement de cultiver un état de disponibilité intérieure fait d’humilité et de confiance, de contemplation, de prière, de rumination de la Parole de Dieu… et de courage.

Un bon critère est de savoir si ce que me dit l’Eglise nous aide à devenir plus humains en devenant plus aimants. Notre devoir de chrétien est en effet de nous attacher toujours plus au Christ pour mieux lui ressembler et conformer notre vie à la sienne. L’Eglise et un moyen pour y parvenir par une fin et encore moins un absolu.

L’Evangile de Jésus-Christ est un appel à la liberté, pas une injonction disciplinaire. Nul ne devrait l’invoquer pour relativiser l’importance du discernement individuel. Ce serait faire le contraire de ce que Jésus a fait et prêché. La vocation de l’homme à la liberté découle de la Bonne nouvelle. Jésus a porté un regard positif sur l’être humain malgré ses blessures et son péché. En s’adressant à sa liberté il a misé sur sa capacité à agir et non à obéir. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître.

Si le Christ lui-même nous dit cela alors par qui pourrions-nous accepter d’être appelés serviteurs ? Le Christ nous a libérés du devoir d’obéir aveuglément aux institutions humaines.

C’est ce que le clergé de son époque ne lui a pas pardonné et c’est pour cela qu’il l’a crucifié. Nul ne peut invoquer son exemple ou son enseignement pour inciter quiconque à se tenir au garde à vous le doigt sur la couture face à une hiérarchie que l’on sait (trop) humaine.

Chacun a le devoir d’exercer son discernement et de ne pas accepter tout ce qu’on lui dit au nom de la tradition. Comme le disait le cardinal Henri de Lubac : pour que le fleuve de la tradition puisse s’écouler jusqu’à nous il faut perpétuellement désensabler son lit. Personne n’a le droit de consentir au divorce entrer foi et raison au nom de la tradition car les deux premiers sont des dons de Dieu contrairement au dernier (Que l’orgueil puisse instrumentaliser la raison pour refuser la Parole de Dieu est une autre chose. Cela signifie seulement que notre vie ici-bas est un combat spirituel permanent. Ni plus, ni moins. C’est une vérité incontestable mais ce n’est en aucun cas une nouvelle.) Le Christ a dit Je suis la voie, je suis la vérité, je suis la vie. Il n’a jamais dit Je suis la tradition.

Mais comme il est impossible d’exercer son droit d’inventaire si on ne dispose pas préalablement d’un héritage il nous faut impérativement écouter l’Eglise. Il s’agit moins d’un devoir que d’un besoin.

La Providence et nous

Certes la Providence c’est la sollicitude de Dieu pour nous. Mais avouons qu’il est plus facile d’y croire quand elle se manifeste avec la force de l’évidence : sur la route de Damas, Saint Paul n’a pas eu le temps de douter tandis que ses compagnons de voyage n’ont rien entendu et rien compris. Bernadette Soubirous a été la seule à voir et à entendre la vierge Marie : ses compagnes n’entendaient et ne voyaient rien.

Mais la plupart du temps nous nous sentons plus proches des compagnons de route de Paul ou des compagnes de Bernadette que de ces deux privilégiés. Pourtant, qu’elle se manifeste de manière spectaculaire ou par des expériences intérieures, des évènements et des rencontres, la Providence agit toujours de manière concrète et intime : Dieu fait toujours du sur-mesure. Souvent néanmoins nous ne la percevons pas toujours à l’oeuvre et nous ne nous rendons compte de son passage que de manière rétrospective. En partie parce qu’elle nous déconcerte souvent : ce qu’elle nous donne ne correspond pas forcément ce que nous avons attendions ce qui explique que certaines de nos prières, pourtant ferventes, ne sont pas exaucées. En partie aussi parce que nous ne sommes pas toujours disponibles au moment où elle agit : les soucis qui nous accaparent, les sentiments qui nous agitent et surtout nos péchés obscurcissent notre discernement.

Pourtant l’existence des miracles et la vie des saints constituent des manifestations indubitables de la Providence. Les premiers manifestent la grandeur de Dieu qui surpasse notre entendement et nous dévoilent ses intentions pour l’humanité et les seconds, par la disproportion qui existe entre leurs mérites et leurs œuvres, manifestent à travers eux une puissance qui les dépasse. Sans compter qu’ils enclenchent un cercle vertueux : plus ils s’abandonnent à la Providence, plus ils acquièrent l’intelligence de Dieu et plus ils affinent leur discernement spirituel… qui leur permet en retour de mieux discerner le travail de la Providence dans leurs vies et de s’y abandonner encore davantage. Dans les deux cas, les miracles et le témoignage des saints, ce sont des occasions de conversion : la Providence nous fournit à chaque fois le strict nécessaire pour encourager dans notre cheminement vers Dieu, il n’y a pas de surplus, rien qui doive nous encombrer.

Il ne faut donc pas demander autre chose : la manne dans le désert suffisait à nourrir le peuple d’Israël pour un seul jour et pourrissait dès le lendemain. Mais elle était donnée en abondance chaque jour. De même Jésus nous dit de demander au Père qu’il nous donne notre pain de ce jour. Pas plus. Ce qui compte c’est d’être disponible à la volonté de Dieu pour pouvoir en percevoir les signes : c’est pourquoi il faut être perpétuellement en état de demande sans s’inquiéter de ce qui nous sera accordé. Sous des formes qui varient avec les circonstances, la Providence nous donne toujours la même chose, l’occasion de nous abandonner à la volonté de Dieu, et l’enjeu est toujours le même : correspondre toujours davantage à la volonté de Dieu pour correspondre davantage à notre vocation. Car c’est de notre bonheur qu’il s’agit.

Texte initialement publié le 14 mai 2009

On exagère trop souvent l’importance des sacrements

Les catholiques pratiquants ont tendance à surévaluer l’importance des sacrements dans leur pèlerinage terrestre, sans doute parce que les non-pratiquants et a fortiori les non croyants en sous-estiment l’importance.

Mais ils les surévaluent néanmoins.

D’abord parce qu’ils oublient souvent que si la grâce de Dieu passe par les sacrements elle n’en est pas prisonnière pour autant.

Les Coréens sont devenus chrétiens en l’absence de prêtres. Ils n’en ont fait venir qu’après leur conversion initiale. De même des générations de chrétiens japonais et chinois ont vécu et transmis leur foi en l’absence de prêtres et donc d’accès aux sacrements. A en juger par les persécutions et le martyre qu’ils ont endurés sans rien renier et en faisant des disciples – le sang des martyrs est semence de chrétiens – la grâce ne leur a pas fait défaut pour autant.

Ensuite parce qu’ils négligent le fait que la grâce peut très bien ruisseler sur les chrétiens sans pour autant pénétrer leurs cœurs.

Le Rwanda a longtemps été considéré comme la vitrine de l’Eglise catholique en Afrique : tous étaient baptisés, 98 % de la population allait à la messe tous les dimanches, se confessaient régulièrement, les séminaires étaient pleins à craquer et on disait parfois au Vatican que le Rwanda était le jardin dans lequel Dieu aimait venir se reposer à la fin de la journée. Puis, du jour au lendemain ces catholiques modèles se sont entre-tués dans un déchaînement de violence et de haine qui en a fait un génocide sans équivalent dans l’histoire, pourtant sanguinaire, de ce continent. Pourtant tous les génocidaires rwandais ruisselaient de grâce sacramentelle.

C’est pourquoi accorder plus d’importance à la fréquentation des sacrements qu’aux devoirs que nous avons envers notre prochain – celui qui m’est proche et non celui que j’ai choisi – et qu’à notre devoir d’état – ceux qui nous sont moins proches et parfois inconnus mais envers qui nous avons des devoirs – est dangereux.

Pourquoi ? Parce qu’elle nous incite plutôt à être confits en dévotion qu’à la sanctification qui, elle, passe nécessairement par la conversion du cœur.

Car cette conversion est ce qui dépend de nous en priorité : c’est de nous mettre en état d’accueillir cette grâce pour qu’elle puisse produire ses effets. Si nous ne le faisons pas personne ne pourra le faire à notre place, même pas Dieu qui, fort logiquement, respecte la liberté qu’Il nous a donnée.

La priorité c’est de convertir son cœur concrètement : en modifiant ses habitudes, en renonçant à d’autres, en demandant pardon, en nous réconciliant, en fortifiant son intelligence de la foi, en aiguisant son discernement, en priant davantage, en gagnant en maturité spirituelle et en dilatant son cœur pour accroître sa capacité à aimer.

La priorité n’est pas de fréquenter les sacrements mais de travailler sur soi pour permettre à ces sacrements d’agir. Alors seulement la grâce cessera de ruisseler et pourra pénétrer mais tant qu’on se dispense de ce travail sur soi la grâce glisse sur nous comme l’eau sur les plumes d’un canard.

En accordant trop d’importance à la fréquentation des sacrements, on néglige ce travail permanent de conversion du cœur et on court le risque de sombrer dans l’autosuggestion. On peut très bien fréquenter les sacrements en barbotant dans la superstition ou l’animisme en confondant – consciemment ou pas – nos désirs avec la volonté de Dieu. C’est peut-être même l’explication des difficultés que nous rencontrons dans la transmission et le témoignage de notre foi.

A la différence de la magie – noire ou blanche – la grâce de Dieu ne s’impose jamais à notre liberté et ne se déploie qu’avec notre consentement éclairé. Dieu nous a donné la liberté et Il ne reprend pas ce qu’Il a donné : Dieu nous prend au sérieux.

Le Royaume par Emmanuel Carrère

Tous sont appelés au Royaume

Le livre d’Emmanuel Carrère Le Royaume est le témoignage de vie d’un homme qui a été chrétien, qui ne l’est plus, qui est devenu agnostique et qui, néanmoins, ne peut se détacher du Christ.

Il essaie de faire le point et de résumer en des termes accessibles au grand public ce que les études historiques et exégétiques peuvent nous apprendre des premiers temps du christianisme, de sa diffusion et des péripéties. Commentant les Actes des apôtres puis les Évangiles l’auteur restitue le contexte, mêlant allègrement la grande et la petite histoire. Quand certaines périodes échappent au savoir des historiens il prend le relais non sans avertir préalablement ses lecteurs qu’il quitte le terrain historique pour celui de sa pure imagination.

C’est donc un livre d’enquête à la fois historique et histrionique car il se met en scène ses doutes, ses erreurs et ses volte-faces avec une forme de légèreté ou d’impudeur – ça dépend du point de vue qu’on adopte – qui rappelle fortement les Essais de Montaigne.

Si ce livre de six cents pages est un succès de librairie c’est, à mon avis, en grande partie grâce à son style. Il est alerte, plaisant, et oscille entre niveau de langue élevé, parfois poétique, et registre truculent. Ce que certains qualifieront de « grossier » d’autres y verront quelque chose de « leste » ou de « gaulois ». Il y a ceux que Rabelais effraie et ceux qu’il ravit. Ceux qui raffolent de Frédéric Dard et les autres. C’est une question de sensibilité individuelle : certains peuvent ne pas aimer, d’autres, comme l’auteur de ces lignes, ont lu l’ouvrage avec un réel bonheur et beaucoup de reconnaissance envers l’auteur.

C’est pourquoi je trouve qu’il faut lui rendre justice en le lavant de quelques accusations bêtes qui lui ont été adressées.

Ainsi lui reprocher de manière de n’être ni romancier, ni historien, ni poète n’a pas de sens : c’est lui contester un titre, ça ne dit rien de son livre. On pourrait adresser exactement le même reproche à Montaigne : cela signifie-t-il que ses Essais sont sans intérêt ? C’est bête.

De même lui reprocher d’avoir l’insolence de vouloir triturer la Bible c’est reprendre exactement le même argument que ceux qui ont condamné l’idée même d’une exégèse biblique au sein de l’Église au XIXème et au début du XXème siècle et ceux qui, aujourd’hui encore, condamnent – parfois à mort – tous ceux qui voudraient faire une exégèse du Coran. Non seulement c’est bête mais c’est dangereux.

C’est d’autant plus bête que, dans ce qu’il écrit effectivement, il y a matière à objections. Des provocations gratuites qui font penser à un adolescent très fier d’indigner les adultes en faisant des confidences à haute voix sur ses préférences sexuelles en pleine réunion de famille (il aime bien surfer sur des sites cochons, il adore la masturbation féminine, etc.) qui viennent comme un cheveu sur la soupe, il y en a effectivement quelques unes et on pourrait s’en passer.

C’est aussi une concession à l’esprit du temps pour se dédouaner d’être trop catho-compatible et en un sens on le comprend : plus de six cents pages pour dire qu’il n’est plus chrétien mais qu’il ne peut se résoudre à être bêtement athée c’est quand même la preuve que la question l’obsède !

Je suis le premier à dire que de tels procédés sont bêtes et dénués du moindre intérêt. Mais personne n’est forcé de ne retenir que ces quelques provocations infantiles disséminées sur six cents pages à la fois drôles, instructives, passionnantes et profondes.

On peut trouver l’auteur irritant – ce n’est pas mon cas mais je ne prétends pas être la norme – mais il a le mérite de pointer du doigt le mystère de l’Incarnation et de ses conséquences sur l’histoire de l’humanité et c’est suffisamment rare pour être souligné et recommandé. Et j’aurais tendance à faire mien le proverbe zen : Quand le doigt montre la lune, le sage regarde la lune et le sot regarde le doigt.