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Vive l’Eglise des cœurs brisés !

Dans son livre-entretien intitulé Le soir approche et déjà le jour baisse le cardinal Robert Sarah déclarait au sujet de l’état du monde et de l’Eglise : « Je n’ai pas de programme. Quand on possède un programme, c’est qu’on veut réaliser une œuvre humaine. L’Eglise n’est pas une institution que nous devrions réaliser ou façonner avec nos idées. Il faut simplement recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner ».

Cette remarque permet d’éclairer l’option préférentielle du pape François pour les périphéries et de comprendre ses initiatives qui paraissent à certains brouillonnes incohérentes ou peu lisibles…pour ne rien dire de ceux qui l’accusent purement et simplement de trahir le dépôt de la foi !.

Elle permet également d’éclairer le discours du 22 décembre 2014 dans lequel le pape François avait sévèrement critiqué le haut clergé et la Curie. En dénonçant, entre autres, la mondanité, l’hyperactivité, les rivalités, les bavardages, les calomnies et la zizanie il avait pointé du doigt les symptômes d’un mode de fonctionnement davantage calqué sur un modèle mondain que placé sous l’inspiration de l’Esprit saint.

Ce manque de disponibilité à l’Esprit saint nous place inévitablement sous l’influence du Prince de ce monde et explique de nombreux échecs pastoraux, de nombreuses décadences institutionnelles et de nombreux scandales.

Mais ce constat ne vaut pas uniquement pour les prélatures personnelles, les congrégations religieuses, les dicastères ou la Curie. Il peut également être étendu à certaines de nos paroisses, de nos associations de laïcs, de nos associations caritatives, de nos établissements d’enseignement catholique et de nos diocèses.

Les symptômes de ce mode de fonctionnement sont connus : préséance des problèmes d’intendance sur l’évangélisation, jeux d’acteurs, réunionite aiguë, boulimie de planification, volonté de tout organiser, problèmes internes à régler, démultiplication de réunions, problèmes d’organisation, double discours etc.

Ce qui est considéré comme la norme dans le monde profane devient, au sein de l’Eglise, le symptôme que nous avons renoncé à cette disponibilité intérieure qui, seule, permet à l’Esprit de Dieu de nous inspirer.

C’est le signe que nous avons voulu prendre nous-mêmes les commandes, à l’image d’Adam et Eve, au lieu de s’en remettre à Dieu et de recevoir de Lui nos priorités.

C’est le signe que nous avons renoncé aux deux boussoles que le Christ nous avait pourtant confiées pour faire Sa volonté et porter du fruit : observer le commandement de l’amour sans souci d’efficacité immédiate et rechercher prioritairement le royaume des cieux sans se soucier de l’intendance.

1/ L’amour sans idée de manœuvre

La première boussole est le commandement de l’amour.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée, c’est là le plus grand commandement et le plus important. Mais il y en a un second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’enseignent la loi et les prophètes se résume dans ces deux commandements » (Matthieu 22, 37-40).

Ce commandement n’est pas seulement le plus élevé, c’est aussi un critère de discernement. Le critère de proximité est en effet un critère concret et non abstrait qui, parce qu’il est concret et non abstrait, nous éclaire et nous oblige. C’est l’antidote à l’hypocrisie, au politiquement correct et au pharisaïsme. « Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins »…

Mais c’est surtout un critère objectif et non subjectif. Le prochain est celui qui nous est proche… pas celui que nous aurions spontanément choisi. C’est celui que l’Esprit saint a choisi de placer sur notre chemin et non pas l’un de nos copains, même s’il peut peut-être le devenir après coup. Notre prochain n’est pas nécessairement notre copain et c’est le signe distinctif des chrétiens :

« Si vous aimez seulement vos amis qui vous aiment en retour, pensez-vous avoir droit à une reconnaissance particulière ? Les non-chrétiens aussi aiment leurs amis. Et si vous faites seulement du bien à ceux qui vous en font, pourquoi vous attendriez-vous à être félicités ? Ceux qui ne sont pas chrétiens agissent suivant les mêmes principes. Si vous prêtez seulement à ceux dont vous espérez être remboursés, quelle reconnaissance vous doit-on ? Les non-chrétiens aussi se font des prêts entre eux, parce qu’ils espèrent qu’un jour, on leur rendra le même service » (Luc 6, 32-34).

Aimer son prochain ce n’est donc pas aimer ceux que l’on aurait aimé aimer mais ceux qui croisent notre route…. et l’expérience montre que ce sont rarement les mêmes. Cela prend à contre-pied notre manière de penser et c’est en cela que c’est un critère de discernement de la volonté de Dieu.

Ça suppose en effet de renoncer à nous laisser guider – ou plutôt à nous laisser entraîner – par nos affinités pour nous abandonner à une volonté qui n’est pas la nôtre – la volonté de Dieu – qui  se manifeste par des rencontres que nous n’avons pas prévues et que nous ne pouvions pas prévoir. Ne dit-on pas que les voies du Seigneur sont impénétrables ?

C’est la seule manière d’être fidèle à la prière du Notre Père puisque c’est la manière concrète de Lui dire : « Que Ta volonté soit faite » au lieu de persister à Lui demander d’exaucer la nôtre sous prétexte que nous sommes sincèrement convaincus de Lui demander ce qui est bien.

Car même si ce que nous demandons est bien ce n’est peut-être pas opportun ou prioritaire aux yeux de Dieu. De ce point de vue notre bonne volonté nous aveugle quand nous nous multiplions les prières pour demander à Dieu ce qu’Il ne juge pas juste ou opportun de nous accorder.

La persévérance que nous mettons à demander ce que nous voulons n’est alors qu’une insistance déplacée. On persévère dans l’ornière à chaque fois qu’on persiste à ne pas faire machine arrière ou même à accepter de faire un pas de côté pour faire le point et observer.

Livrées à elles-mêmes nos bonnes intentions peuvent devenir diaboliques. C’est pour cela que l’enfer en est pavé. En devenant despotiques nos bonnes volontés font de nous des fanatiques  de notre propre volonté. Ceux qui, comme le disait André Frossard, « font la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou pas ! ». La tentation, qui nous condamne à l’échec, consiste à préférer se dire « on ne lâche rien » là où il faudrait au contraire lâcher prise, seule solution pour que l’Esprit saint puisse avoir prise sur nous.

Faire la volonté du Père dans des situations objectivement dégradées et pour des gens qu’on n’aurait pas choisis c’est la garantie que l’on s’efforce de faire Sa volonté plutôt que la nôtre.

« Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ;  ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. » (1 Corinthiens 1, 25-29)

C’est ce lâcher prise initial qui permet d’entrer dans les vues de Dieu en étant réceptif à Son esprit qui se manifeste dans la brise légère plutôt que dans le fracas de la tempête (Premier livre des Rois, 19 11-13a).

2/ La recherche du royaume de Dieu ou l’intendance suivra

La deuxième boussole est également très connue : « Cherchez d’abord le royaume de Dieuetsa justice, et tout celavous sera donné parsurcroît » (Matthieu 6, 33).

Là encore le critère est l’ouverture à l’imprévu de Dieu. A contrario quand nous nous enlisons dans des problèmes de gestion c’est que nous avons renoncé à chercher en priorité le royaume de Dieu. C’est alors que les problèmes d’intendance prennent la préséance.

C’est la tentation des Israélites dans le désert : alors que Dieu leur donnait chaque jour la manne dont ils avaient besoin pour se nourrir en subvenant ainsi à leurs besoins, certains tentèrent de s’affranchir de la providence de Dieu en faisant des stocks. Sans doute pour apaiser leur angoisse du lendemain. Angoisse du lendemain qui révélait du même coup leur manque de foi et qui aboutit à l’échec.

« Moïse leur dit : « Que personne n’en mette en réserve jusqu’au lendemain. » Certains n’écoutèrent pas Moïse et en mirent en réserve jusqu’au lendemain, mais les vers s’y mirent et cela devint infect. Moïse s’irrita contre eux ». (Exode 16, 19-20)

Quand nous nous noyons dans l’activisme, que nous nous perdons en stratégies – pastorales ou pédagogiques – et que nous consacrons notre temps à chercher le meilleur positionnement vis-à-vis des institutions politiques nous ne cherchons plus à témoigner que Dieu est mort et ressuscité par amour pour nous et que ça change tout !

Mais ce qui est plus grave encore c’est qu’en parlant de tout sauf de Lui nous ne L’écoutons même plus nous parler : ni dans les Evangiles, ni dans le secret de la prière, ni par la bouche de nos frères[1].

Nous nous soustrayons au souffle de l’Esprit saint et nous nous essoufflons. Nous nous épuisons et nous perdons dans un volontarisme stérile qui fait fuir ceux auxquels nous nous adressons et qui décourage et fait souffrir jusqu’à nos propres soutiens.

De ce point de vue l’hyperspécialisation des mouvements de solidarité catholiques dégradés en simples ONG comme la décadence progressive de communautés plus ou moins nouvelles qui se gargarisaient de leur charisme spécifique reflètent la même réalité : des priorités qui ne sont pas celles de Dieu.

Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ? Le critère que nous a transmis Jésus-Christ : la fécondité.

« Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits.… Ainsi, tout arbre sain porte de bons fruits, tandis qu’un arbre malade produit de mauvais fruits. Il est impossible qu’un arbre sain porte de mauvais fruits ou qu’un arbre malade produise de bons fruits. Tout arbre qui ne donne pas de bons fruits est arraché et jeté au feu » (Matthieu 7, 19).

Quand la rumination de la Parole de Dieu, la vie de prière et le sacrement du frère sont relégués au second rang de nos priorités au profit d’engagements légitimes mais secondaires ces derniers deviennent illégitimes aux yeux de Dieu à mesure qu’ils deviennent prioritaires à nos yeux.

Le cas archétypique est celui de l’engagement paroissial des laïcs.

Tel est le cas de l’engagement dans la préparation au mariage qui permet à certains couples mariés de fuir ses difficultés conjugales. Là où Dieu nous demande d’abord d’être époux – car Il s’est engagé dans notre mariage – nous pouvons être tentés de nous fixer unilatéralement d’autres priorités. De même pour certains adultes catéchistes qui ne parviennent pas à transmettre la foi à leurs propres enfants faute d’être suffisamment présents à leurs côtés dans la vie quotidienne c’est-à-dire la vie familiale concrète.

Même la pratique religieuse peut servir à nous éloigner de la volonté de Dieu si l’on ne met pas au premier rang de ses priorités l’amour. « Si donc tu es en train de te rendre à l’autel pour y présenter ton offrande et que là, soudain, tu te souviennes qu’un frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande au pied de l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis tu reviendras présenter ton offrande ». (Matthieu 5, 23-24)

De ce point de vue l’hyperconsommation de sacrements et de liturgie peut ressembler à l’hyperconsommation de médicaments avec des effets secondaires déplorables dans le deux cas. Les fruits de la bigoterie ne sont pas ceux de la sainteté.

« La marque par laquelle tous les hommes pourront reconnaître si vous êtes mes vrais disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». (Jean 13, 35)

Une grenouille de bénitier n’est pas la personne transfigurée par la vie divine. Pourtant « Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu » (saint Irénée) et c’est cela que nous avons à annoncer et à montrer.

La décadence d’un certain nombre d’institutions sur lesquelles nous comptions n’est pas un spectacle spontanément réjouissant mais c’est le dévoilement de réalités qui étaient cachées ce qui, en grec, se dit apocalypse. Mais c’est une épreuve de vérité qu’il n’y a pas de raison de redouter parce que c’est la fin de structures mortes.

Certains séminaires recrutent – ils attirent ceux qui veulent vivre de la foi sans se préoccuper de plaire au monde – tandis que d’autres se vident : ceux qui sous prétexte d’aller au monde ont voulu se mettre à la mode et se sont en fait rendus au monde.

Certains établissements catholiques d’enseignement n’ont, souvent, plus de catholique que le nom. Ils ne suscitent plus la moindre vocation parce qu’ils ne cherchent même plus à transmettre la foi tout en prétextant  que leur objectif est de former une élite catholique. En revanche ils fournissent des bataillons de jeunes gens académiquement bien formés aux écoles de commerce. « On ne peut servir à la fois Dieu et Mamon » (Matthieu 6, 24).

A l’inverse certaines autres écoles fleurissent – souvent hors-contrat mais jamais hors-la-loi – à l’initiative de parents soucieux d’élever prioritairement leurs enfants dans la foi plutôt que dans la réussite sociale.

3/ Sub specie æternitatis

Le dernier ouvrage d’Henri Tincq, Vatican, la fin d’un monde, décrit la déliquescence d’un pouvoir en bout de course. Mais la lecture d’un tel ouvrage ne doit pas nous faire désespérer car la décadence d’institutions ecclésiales ne signifie pas la disparition de l’Eglise.

D’abord parce que notre Eglise a en effet reçu les promesses de l’éternité et que c’est pour cette raison qu’il faut considérer les crises qui secouent l’Eglise, sub specie æternitatis, c’est-à-dire du point de vue de l’éternité

Ensuite parce que notre Eglise n’est pas d’abord un empilement de structures ecclésiales mais une communauté de baptisés en mouvement vers le Christ guidée par l’Esprit saint. Notre foi est un pèlerinage terrestre à accomplir, pas des bastions à conquérir ou des positions à tenir.

Pour peu que nous cherchions à faire d’abord la volonté de Dieu et que nous soyons prêts à renoncer à des projets que nous pensions conformes à Ses vues, nous marcherons à Sa suite et notre foi en Lui se communiquera parce qu’elle brûlera en nous.

Mais une telle disposition intérieure présuppose une conversion du cœur préalable pour que notre prière puisse correspondre à la volonté du Père.

« Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé ». (Psaume 50, 19)

Il ne faut pas s’affoler de la déliquescence des structures ecclésiales que la vie de Dieu avait déjà désertées.

Le pape François a déjà appelé de ses vœux un collège (apostolique) des cœurs brisés mais l’Eglise n’est pas seulement le clergé : c’est l’ensemble des baptisés, c’est nous.

Et ce qu’il nous faut c’est une Eglise des cœurs brisés.


[1] Non seulement des frères de notre communauté mais également de nos frères en humanité : dans sa parabole le Christ indique bien que ce n’est pas le pieux lévite qui accomplit la volonté de Dieu mais le bon Samaritain…

Je crois pour comprendre et je comprends pour croire

Le blogue catholique québécois Le verbe propose des réflexions pour nourrir la vie chrétienne et témoigner de la foi. Son rédacteur en chef adjoint, James Langlois, nous propose une réflexion sur ce que l’on appelle croire en Dieu. Tous les articles de ce blogue peuvent être consultés sur  https://www.le-verbe.com/blogue/ et peuvent être envoyés gratuitement (https://www.le-verbe.com/abonnements-et-dons/).

« Dans notre société moderne, caractérisée par un esprit scientifique, matérialiste et rationaliste, tous conviennent qu’il est absurde de croire à quelque chose ou en quelqu’un sans motifs suffisants et crédibles. Connaître une réalité par le biais du témoignage d’un tiers, c’est ce qu’on appelle la foi : croire à quelque chose, croire quelqu’un, croire en quelqu’un.

Or, comme l’a déjà très bien expliqué le collègue Sylvain Aubé, la foi humaine sert dans tous les palais de justice et plusieurs de nos connaissances procèdent par celles-ci : nous croyons le médecin, nos professeurs, les scientifiques, seulement parce que nous leur faisons confiance. Nous n’avons pas l’évidence de la plupart des choses que nous pensons savoir.

Quand on arrive à la foi qui porte sur Dieu ou sur des sujets spirituels ou surnaturels, la foi a mauvaise réputation : elle est vue comme suspecte, douteuse, voire stupide. Je pense de fait comme M. Lévesque que c’est faire injure à l’intelligence humaine que de croire à des choses de manière aveugle et sans fondements : c’est ce qu’on appelle du fidéisme ou de la crédulité, et ce n’est pas la conception chrétienne, ou du moins catholique, de la foi.

Raison et révélation

Faisons d’ores et déjà la distinction entre la philosophie, qui concerne la raison, et la religion, ou la foi en Dieu, qui exige une révélation : pour avoir foi en Dieu ou en sa parole, il faut d’abord qu’il ait parlé; la foi est la réponse à cette révélation.

Quand, dès lors, on parle de théisme (ou de déisme/panthéisme,etc.), c’est avant tout une position philosophique, donc rationnelle. Appuyée par certains arguments, cette position postule l’existence d’un être intelligent, d’un principe ordonnateur de la nature, transcendant ou non, qui intervient ou pas dans le monde. La philosophie, la raison, ne prétend pas croire en, elle tente d’affirmer, de prouver. C’est ce que fait Aristote dans sa Métaphysique, Thomas d’Aquin dans les premières questions de sa Somme Théologique ou René Descartes dans ses Méditations.

Dans la théologie catholique, foi et raison ne s’opposent pas.

Le mystère chrétien de l’incarnation et de la rédemption – auxquels le chroniqueur fait référence – ainsi que la possibilité d’une dimension surnaturelle, concerne un Dieu qui se révèle et qui, par le fait même, veut donner à connaître des réalités qui surpassent la raison humaine. On quitte la raison pour entrer dans la foi.

Dans la théologie catholique, foi et raison ne s’opposent pas : Dieu, qui est le créateur de l’intelligence et de la réalité, ne demanderait pas de croire en des vérités qui contrediraient ce que la raison pourrait découvrir par elle-même. Inversement, la foi ne nie pas l’intelligence, mais elle la suppose: il faut bien quelques motifs de crédibilité pour donner son assentiment à une parole ou à des réalités dont nous ne pouvons pas avoir l’évidence.

Croire ou ne pas croire

La foi donc, qu’elle soit en des êtres humains, en Dieu ou en des témoins qui rapportent leur expérience de Dieu, et même si elle ne repose pas sur une évidence scientifique ou sensible, n’est pas pour le moins irrationnelle.

Au lieu de nous demander, comme le chroniqueur, «est-il raisonnable de croire en Dieu?» (ce qui voudrait dire croire en sa parole) je poserais la question ainsi : est-il raisonnable de penser que Dieu existe? Car sa formulation suppose  que l’idée d’une cause intelligente à l’origine de notre monde ne peut pas être rationnelle, qu’elle ne peut que reposer sur un saut aveugle dans la foi, qui vient d’une adhésion personnelle.

Croire ce n’est pas voir, que ce soit avec les yeux du corps ou de l’intelligence. Sous cet angle, la foi est l’opposée de l’évidence.

Quand M. Lévesque demande, au final, «est-ce bien raisonnable de croire en quelque chose dont nous n’avons aucune preuve?», la question est tordue dans son principe : quand nous avons des preuves, nous n’avons pas besoin de croire. Il faudrait plutôt se demander : «est-ce bien raisonnable de croire à quelque chose pour lequel nous n’avons aucun motif crédible?»

Un jardin sans jardinier?

Citant Dawkins en introduction de son texte, le chroniqueur semble nous dire qu’il est absurde de penser qu’un jardinier précède à l’existence d’un beau jardin. Qui, en voyant un magnifique jardin ordonné, ne déduirait pas d’emblée qu’il s’agit là d’une oeuvre intentionnelle? Quand nous voyons de la fumée monter au-delà de l’horizon, doutons-nous qu’il y ait un feu ou avons-nous besoin de le voir pour en avoir la certitude?

Jésus le Christ n’est pas un concept, mais un être personnel.

L’ordre implacable et toute la beauté de la nature, de notre ADN jusqu’aux galaxies, me suffisent à penser, comme nombre de scientifiques dans l’histoire, qu’il existe une intelligence derrière cette création. Il me semble de ce fait beaucoup plus irrationnel et absurde de croire que nous venons du néant et que nous y retournons.

Quant à Jésus le Christ et au Dieu chrétien, il n’est pas un concept, mais un être personnel que nous pouvons rencontrer de plusieurs manières. En ce temps de Pâques, ceux qui ont expérimenté le passage de la mort à la vie célèbrent Celui qui, le premier, a ouvert le chemin d’une Bonne Nouvelle témoignée depuis maintenant plus de 2000 ans ».

James Langlois

James a étudié l’éducation, la philosophie et la théologie. Son cursus témoigne de ses nombreux champs d’intérêt, mais surtout de son désir de transmettre, de comprendre et d’aimer. Il est rédacteur en chef adjoint au Verbe depuis juin 2016.

Faire le mâle c’est pas bien

« Vivre sans temps mort et jouir sans entrave », « Je prends mes désirs pour la réalité car je crois en la réalité de mes désirs » ou «On ne revendique rien, on prend » sont autant de slogans qui ont fleuri en mai 68 et dont est issue la nouvelle morale de nos sociétés occidentales.

Les acteurs de mai 68, eux, sont devenus les représentants de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le progressisme c’est-à-dire la suppression de tout ce qui, auparavant, entravait la libre-initiative et la libre-jouissance, qu’il s’agisse de la morale traditionnelle ou des limites imposées au libre-échange.

De ce grand changement de paradigme les femmes sont souvent présentées comme les grandes bénéficiaires et les grandes gagnantes. Pourtant de Dominique Strauss-Kahn à Harvey Weinstein en passant par Denis Baupin on s’aperçoit que les champions toute catégorie du progressisme sont parfois les pires prédateurs et que leurs comportements bénéficie d’une impunité que leur confère précisément leur brevet de progressisme.

Dominique Strauss-Kahn incarnait la gauche réformiste en phase avec l’économie ouverte ; Harvey Weinstein figurait parmi les plus grands donateurs du parti Démocrate américain, multipliait les dons à des associations luttant contre le sida ou la pauvreté et avait versé 5 millions de dollars à l’université de Caroline du Sud pour aider les femmes metteurs en scène. Denis Baupin n’avait pas hésité à poser sur une photo avec du rouge aux lèvres pour la journée de la femme…

Bien sûr on peut objecter que le clergé catholique fournit, lui aussi, de très bons exemples de prédicateurs faisant le contraire de ce qu’ils prêchent en matière sexuelle. Pourtant il existe une différence fondamentale entre les deux.

Dans le cas de prêtres, d’évêques et de cardinaux ayant commis ou couverts des abus sexuels on peut leur reprocher leur (in)conduite non seulement au nom de la morale traditionnelle mais aussi et surtout on peut leur reprocher à juste titre d’avoir trahi les prescriptions de l’Evangile et l’amour du prochain dont ils se voulaient les témoins et les garants. Ce qu’on peut et ce que l’on doit leur reprocher c’est leurs incohérences et leurs trahisons.

Dans le cas des apôtres du progressisme issu de mai 68 leurs comportements ne sont condamnables qu’au regard de la morale traditionnelle qu’ils ont eux-mêmes jetée aux orties pour pouvoir vivre sans temps mort, jouir sans entrave, prendre leurs désirs pour la réalité au nom de la réalité de leurs désirs et, finalement, prendre tout sans rien revendiquer. C’est la démonstration empirique qu’ils sont restés fidèles à leurs convictions de jeunesse…pour le plus grand malheur des femmes qui ont croisé leurs chemins.

Car la libéralisation des mœurs induite par mai 68 a constitué une gigantesque régression pour la condition féminine que le vernis du discours progressiste dissimule de moins en moins.

Elle met un terme à une période de l’histoire pendant laquelle la femme a humanisé l’homme en endormant le mâle qui sommeillait en eux. Aujourd’hui  nous assistons au retour de l’empire du mâle.

1/ L’empire du mâle contre-attaque

Livré à ses pulsions naturelles l’homme n’est plus qu’un mâle et se comporte comme tel. Sans même nécessairement penser à mal. Sans même penser du tout puisqu’il est de nouveau guidé par ses instincts. Car s’il a suffisamment de sang pour approvisionner à la fois son intelligence et sa libido il n’en a malheureusement pas suffisamment pour approvisionner les deux en même temps.

Livré à ses pulsions naturelles l’homme se comporte comme un mâle. Un mâle opportuniste qui cherche à satisfaire ses pulsions en tirant le meilleur parti des circonstances favorables et des opportunités… parfois à l’aide de stratégies plus ou moins élaborées. C’est connu de toutes les femmes : quand les hommes ont obtenu « ce qu’ils voulaient » ils ont tendance à se désinvestir progressivement de la relation quand ils ne désertent pas purement et simplement ce qu’ils considéraient comme un champ de bataille.

Car le mâle multiplie les « conquêtes », terme militaire qui signifie bien qu’il considère spontanément la femme comme un adversaire à soumettre plutôt que comme une partenaire avec laquelle s’engager. Il envisage la relation sexuelle davantage comme une activité sexuelle que comme une relation humaine.

Et quand les mâles cherchent à se justifier ils invoquent invariablement la liberté. Du moins leur liberté. Dominique Strauss-Kahn revendiquait son « libertinage » tandis que Denis Baupin se décrivait comme un « libertin incompris ».

D’où la différence avec les femmes qui, parce qu’elles envisagent plus fréquemment de s’investir dans une relation, se projettent plus volontiers dans l’avenir : rencontre, échange, partage, don et abandon puis éventuellement développement d’une relation stable, construction d’un couple, accueil et éducation des enfants.

D’où la position d’infériorité structurelle de la femme dans ce que Marivaux avait appelé le jeu de l’amour et du hasard. Au petit jeu de la séduction la femme est doublement pénalisée.

D’abord parce qu’elle risque plus gros en cas d’échec. Elle risque plus gros parce qu’elle mise plus gros et elle mise plus gros parce qu’elle vise plus haut. Elle attend beaucoup plus d’une rencontre amoureuse qu’une passade d’un soir. Même réussie.

Ensuite et surtout parce que le temps joue contre elle et en faveur de l’homme. Le temps qui passe permet à l’homme de mûrir et fait fructifier son capital d’attractivité (personnalité, sagesse, expérience, prestige) mais, à l’inverse, érode le capital d’attractivité de la femme (beauté, grâce, jeunesse, prestance).

Un homme mûr attire beaucoup plus facilement des femmes jeunes et jolies que l’inverse. Bien sûr cela peut arriver : de la pièce de théâtre Harold et Maud au couple présidentiel actuel on peut trouver des contre-exemples. De même qu’il existe des poissons-volants. Mais ce n’est pas la majorité de l’espèce.

Le constat est cruel et c’est pour cela que l’on utilise l’euphémisme de « famille monoparentale » pour désigner ces femmes qui restent seules à élever leurs enfants après que leurs compagnons les aient quittées. Le départ se fait très majoritairement  dans le même sens : ce sont les hommes qui partent et les femmes qui restent avec les enfants.

Le constat est cruel mais la réalité n’est pas nouvelle. Elle est même consubstantielle à la condition humaine depuis la chute. C’est une des conséquences du péché originel. La Bible l’exprime clairement :  Il [Dieu] dit à la femme : « J’augmenterai la souffrance de tes grossesses. C’est dans la douleur que tu mettras des enfants au monde. Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui, il dominera sur toi. » (Genèse 3, 16).

2/ L’apparition de l’homme est le triomphe historique de la femme

La nature est particulièrement défavorable aux femmes et, en Occident,  la culture est venue lui faire contrepoids. Pendant des millénaires les femmes se sont efforcées de domestiquer les mâles dans le but d’en faire des hommes dignes de ce nom.

Elles se sont efforcées de réprimer leurs tendances brutales, anarchiques, égoïstes et stériles (violence, libido anarchique, ivrognerie, jeu). Ce faisant elles sont parvenues à enchaîner leurs hommes au foyer ce qui est le sens littéral du mot husband (mari) en anglais : house-bound signifie littéralement « lié à la maison ».

Ce lien est parfois perçu par les intéressés comme une chaîne et, en un sens, c’est vrai. Le sens des responsabilités implique forcément une restriction de la liberté. Choisir implique de renoncer. Choisir c’est renoncer. Choisir c’est assumer une certaine dose de frustration en échange d’un bien plus grand et différé dans le temps. Mais c’est à ce prix que le mâle, spontanément inconséquent et égoïste, peut accéder au statut d’homme responsable et doté d’un sens moral.

Tel est le prix à payer pour grandir en humanité. Tel est le prix de l’humanisation de l’homme. Telle est la condition de possibilité d’une relation humanisante entre l’homme et la femme. Cela n’a rien de naturel, c’est une construction culturelle, une victoire de la civilisation, un acquis sociétal. Le temps qui passe a fini par nous convaincre que l’humanisation de l’homme et la connivence entre les sexes étaient « normales » alors que fondamentalement l’apparition de l’homme est le triomphe historique de la femme.

A l’inverse la « libéralisation des mœurs », fièrement revendiquée par les apôtres de mai 68, a fait voler en éclats cet acquis de civilisation laborieusement et patiemment conquis pendant plusieurs siècles en Occident. Les slogans comme « jouir sans entrave » ou « faites l’amour pas la guerre » ont donné le feu vert à la grande régression masculine pour le plus grand malheur de la condition féminine.

L’égoïsme de la pulsion masculine s’en est retrouvé légitimé, flattée et encouragé par la société. Les mâles ont désormais reconquis le territoire qu’ils avaient perdu et l’ont même agrandi grâce, notamment, au soutien de féministes en peau de lapin qui refusent d’admettre que ce que l’on a appelé la libération des mœurs a consisté à émanciper les hommes de leurs devoirs envers autrui.

Auparavant on réprouvait l’égoïsme des hommes qui abandonnaient des femmes après les avoir, selon l’expression consacrée « séduites et abandonnées ». Aujourd’hui les mêmes hommes sont « libérés » de cette culpabilité et de tout devoir grâce à la pilule contraceptive et à l’avortement légalisé. Ils peuvent désormais, en toute quiétude, baiser sans s’engager. L’idéal de la mobilité nomade et des décisions unilatérales – l’idéal du mâle – est devenu la norme morale…. Y compris pour les femmes désormais sommées d’adopter le même comportement nomade et prédateur au nom de l’égalité. On comprend bien le raisonnement : l’égalité dans l’irresponsabilité rendrait les femmes elles aussi « libérées ». C’est l’extension aux femmes de ce que le modèle masculin a de pire. L’idéal du mâle est devenu l’acquis sociétal d’une société désormais acquise à la mentalité libérale.

Pourtant aujourd’hui ce sont surtout les femmes qui en supportent le poids et qui en payent le prix : le marché du désir et le marché du travail sont devenus de plus en plus volatiles, la compétition de plus en plus impitoyable, l’instabilité croissante et leurs vies de plus en plus précarisées.

Comme l’écrivait Michel Houellebecq : « elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d’années, se consacrer à l’entretien de leur « capital séduction », dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l’ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N’ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu’elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu’elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire »[1].

3/ Libération du mâle et culture de la femme-objet

Désormais épuisées par leurs doubles journées les femmes occidentales ploient sous le double poids de la charge psychologique et d’un nouvel l’impératif catégorique : sois désirable et tais-toi. C’est-à-dire sois consommable et tais-toi.

La coquetterie n’est plus un choix individuel mais une injonction sociale pour pouvoir rester sur un marché de la séduction toujours plus concurrentiel, instable et impitoyable.

Avant il était convenu que la vie n’était pas un défilé de mode et que nulle n’était tenue d’être un mannequin. Mais ça c’était avant. Désormais les femmes sont tenues d’être sexy. C’est une injonction très forte relayée par les magazines féminins comme par l’industrie de la publicité, de la mode ou du cinéma. Comme le chantait en 1984 le groupe Cookie Dingler dans Femme libérée  qui fut son seul et unique tube: « Elle rentre son ventre à chaque fois qu’elle sort, même dans Elle ils disent qu’il faut faire des efforts ».

Sans compter que l’essor de l’industrie pornographique est devenu l’un des moteurs de la croissance économique de nos sociétés et que sa banalisation culturelle consacre le triomphe de l’empire du mâle.

Cette industrie, qui repose exclusivement et ouvertement sur le rabaissement de la femme au statut de sex-toy, est devenue une des marques de fabrique de nos sociétés post-modernes malgré les postures émancipatrices qu’elles prennent parfois, par exemple en traquant jusque dans la grammaire toute expression (réelle ou supposée) de machisme. Il suffit en effet de regarder la couverture de n’importe quel magazine féminin pour comprendre que ces postures ne sont que des impostures. Le moindre article intitulé « Comment s’accepter telle que l’on est et assumer sa silhouette » est invariablement suivi d’un autre article intitulé « Comment perdre des kilos avant l’été »…

Pourtant dans une société qui revendique haut et fort l’émancipation pour tous, l’exhibition de femmes soumises aux désirs, aux humiliations et aux violences masculines devrait, en toute logique, susciter une politique publique volontariste de type abolitionniste.

Une politique publique de protection à destination non seulement des enfants – dont l’éducation sexuelle est confiée de facto aux bons soins de l’industrie pornographique – mais avant tout et surtout à destination de toutes les femmes dont la dignité humaine est ouvertement et délibérément bafouée. Après tout on a bien adopté une politique volontariste pour lutter contre les ravages du tabac. Et avec un certain succès…

Mais la libération des mœurs est comparable à la liberté du marché : elle est revendiquée par ceux qui en profitent et non par ceux qui en pâtissent. De même que la liberté de croquer est revendiquée par les prédateurs et non par leurs proies.

La libération des mœurs n’est que le manteau dans lequel se drape un refus archaïque et égoïste : le refus de tenir compte des autres. C’est le refus de ceux qui sont en position de force. C’est le refus de de s’imposer des limites, et donc des contraintes, par égard pour ceux – et en l’occurrence pour celles – qui sont dans une position de faiblesse structurelle.

C’est un refus qu’abrite le pavillon de complaisance de l’égalité formelle. L’égalité formelle vous connaissez ? C’est une hypocrisie qui consiste à décréter qu’à partir du moment où les règles du jeu sont les mêmes pour tous les forts et les faibles ont les mêmes chances. En économie cela consiste à supprimer les lois qui protégeaient les PME de la puissance des multinationales tout en prétendant qu’elles luttent à armes égales. En sport cela consisterait à supprimer la distinction entre compétitions masculines et compétitions féminines au nom de l’égalité. L’égalité formelle c’est ce que dénonçait déjà au XIXème siècle Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

La libération des mœurs promue par ceux qui en profitent n’est que le masque derrière lequel se cache le refus des règles de vie qui garantissent ce que l’on appelle aujourd’hui le vivre-ensemble et qu’on appelait jadis le savoir-vivre.

Le retour à la liberté des mœurs reposent sur une valorisation de l’état de nature c’est-à-dire sur la négation même de l’idée de civilisation. Exalter la nature comme modèle des relations se fait toujours au détriment de la culture. Le retour à la loi de la jungle ne profite qu’aux prédateurs et aux nomades. Fort logiquement la « libération » des mœurs se fait au profit des mâles

Faire le mâle c’est à la fois une régression pour la femme, qui se trouve ravalée au rang d’objet, et pour l’homme qui régresse en humanité. Marchandisation des corps et déshumanisation des êtres sont les conséquences inéluctables d’une société où l’on s’autorise à faire le mâle.

Preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, que faire le mâle c’est vraiment pas bien…


[1] Extrait tiré d’un texte intitulé Humanité, second stade, préface à une réédition du SCUM Manifesto de Valerie Solanas.

Quand la raison s’enferme hors du monde

Peut-on tout comprendre? Et si oui, est-ce nécessaire pour raisonner adéquatement? Sylvain Aubé du blogue catholique québécois Le-Verbe (https://www.le-verbe.com/blogue/) s’appuie sur la riche réflexion de Gilbert K. Chesterton développée dans Orthodoxy pour examiner la question.

« Tous les gens veulent me tuer », dit le paranoïaque. « Mais non, personne ne veut te tuer », répond le thérapeute. « C’est exactement ce que diraient les gens s’ils voulaient me tuer! », conclut le paranoïaque.

La folie du sceptique

Avec un peu de recul, il faut admettre que le raisonnement du paranoïaque est sans faille. Si les gens voulaient le tuer, on ne le lui dirait pas. On le lui cacherait, et on inventerait toutes sortes de paravents pour masquer notre malveillance.

Plus nous serons méthodiques et insistants en lui démontrant qu’il n’y a aucun indice de complot contre lui, plus ses craintes seront alimentées. Il trouvera toujours une explication conforme à sa paranoïa pour chacun des éléments qu’on lui présente afin de le rassurer du contraire.

Son raisonnement est sans faille, mais en même temps, il est absurde. Il n’y a aucun motif probant pour croire qu’on veut le tuer, mais sa pensée est ainsi structurée que tous les faits qu’on lui avance confirment sa théorie. Ses syllogismes sont irréprochables, mais ses prémisses sont insensées.

En ce sens, sa folie n’est pas irrationnelle. Ce n’est pas l’intellect du paranoïaque qui défaille, c’est son expérience de la réalité. Sa folie ne sera pas corrigée par les arguments les plus rigoureux ; elle sera surmontée par une vision du monde plus large. Son problème n’est pas qu’il défend une idée erronée : c’est qu’il ne se soucie que d’une seule idée.

Le remède

Pour sortir de sa folie, le paranoïaque a besoin d’élargir son horizon mental. Il doit tenir compte de toute une série de considérations auxquelles il est étranger. Il doit admettre que la plus grande partie du monde échappe à sa compréhension.

C’est le grand drame d’une telle folie : on veut tout comprendre. Pour le paranoïaque, chaque évènement auquel il est confronté peut être intégré dans son explication du monde. Chaque fait qu’on lui avance trouve une place précise et utile dans son système de pensée. Rien n’est laissé au hasard ou à l’ignorance. Tout est intelligible et significatif.

Pour retrouver la santé mentale, il doit donc renoncer à cette immense ambition intellective. Il doit humilier sa posture et se réduire au simple mortel qu’il est, noyé dans un univers complexe et déroutant.

Ainsi, il découvrira que sa pensée ne touche qu’un fragment de la réalité. Il goutera aux tourments et aux joies de l’incertitude et de ses possibilités. C’est ensuite seulement qu’il pourra reconnaitre que les prémisses de sa paranoïa sont insensées.

Le poète ne demande qu’à mettre sa tête dans les cieux alors que le logicien aspire à mettre les cieux dans sa tête, et c’est sa tête qui se brise.

– G. K. Chesterton

Je reprends cette réflexion à Chesterton qui faisait valoir (Orthodoxy, II: The Maniac) qu’un logicien est plus à risque qu’un poète de sombrer dans une telle folie : « Le poète ne demande qu’à mettre sa tête dans les cieux alors que le logicien aspire à mettre les cieux dans sa tête, et c’est sa tête qui se brise ».

À trop vouloir expliquer, on perd la faculté de percevoir le monde tel qu’il est. La santé mentale exige un vaste espace pour l’inconnu qui nous dépasse.

Le rapport à l’inconnu

Comment réagit-on face à un témoin qui affirme avoir vu un fantôme? On est sceptique, bien sûr. Mais de quel scepticisme parle-t-on? Est-ce qu’on doute de son témoignage en estimant qu’une illusion est plus vraisemblable qu’un fantôme? En principe, c’est la posture d’un sceptique cohérent.

Néanmoins, plusieurs personnes se réclament du scepticisme afin de soutenir la certitude qu’il n’existe rien d’immatériel comme les fantômes. Leur incrédulité face à l’immatériel s’est cristallisée en une certitude négative : ils sont convaincus que les fantômes n’existent pas et ils disqualifient d’emblée tous les témoignages, peu importe leur nombre et leur crédibilité, qui soutiennent l’existence des fantômes. Ce faisant, ils se rapprochent de la folie du paranoïaque.

En effet, de tels sceptiques présupposent que toute la réalité s’explique à partir d’une seule idée. « Tous les gens veulent me tuer » et « Toute la réalité est matérielle » sont deux postulats également totalitaires sur la pensée. Toutes les hypothèses, toutes les possibilités doivent se soumettre à l’idée suprême.

Je précise que je ne crois pas aux fantômes. Je soutiens plutôt que la nature immatérielle des fantômes ne suffit pas pour conclure qu’ils n’existent pas. L’existence des fantômes est invraisemblable, mais elle n’est pas impossible. J’adhère à la position du sceptique qui doute de l’existence des fantômes. Je dénonce le sceptique qui ne doute pas: celui qui est certain que les fantômes n’existent pas.

La certitude du sceptique tronque son regard sur la réalité.

La certitude du sceptique, comme la certitude du paranoïaque, tronque son regard sur la réalité.

Par ailleurs, je ne prétends pas offrir ici le moindre argument de fond à savoir s’il existe une réalité immatérielle. Je souligne plutôt que, s’il existe une telle chose, aucun argument intellectuel ne pourra le démontrer au sceptique certain du contraire. Comme avec un paranoïaque, il faudra plutôt offrir un remède à sa certitude : il faudra lui révéler son insuffisance pour expliquer notre expérience du monde dans toute son incongruité.

Liberté de pensée

Si je crois qu’il existe une réalité immatérielle, je demeure libre de croire que la plus grande partie du monde est composée d’objets matériels. Je peux admettre que l’univers comporte des réalités multiples et étonnantes. Je peux adapter ma pensée aux découvertes qui s’offrent à moi, même si elles détonnent avec ce que je sais. Aucune conviction ne m’interdit une connaissance inattendue.

Par contraste, le sceptique certain ne peut admettre la moindre dérogation à sa conviction matérialiste. Tous les évènements doivent se conformer à son schème explicatif. Toutes les découvertes sont filtrées par son critère unidimensionnel. L’interdit du sceptique est vaste et sans compromis.

Là où je peux être méfiant envers plusieurs personnes, le paranoïaque ne peut accorder sa confiance à qui que ce soit. Là où mon monde spirituel inclut des montagnes de matière, le monde matériel du sceptique ne tolère pas une miette d’esprit. Le paranoïaque et le sceptique s’interdisent de croire que l’univers leur réserve des surprises.

La rigueur intellectuelle du paranoïaque et du sceptique est inattaquable, mais leur vision du monde est affligée par une folle conviction.

Sylvain Aubé

27 mars 2019

Sylvain Aubé est fasciné par l’histoire humaine. Il aspire à éclairer notre regard en explorant les questions politiques et philosophiques. Avocat pratiquant le droit de la famille, son travail l’amène à côtoyer et à comprendre les épreuves qui affligent les familles d’aujourd’hui.

Vous pourrez retrouver son article à l’adresse :  https://www.le-verbe.com/blogue/quand-la-raison-senferme-hors-du-monde/

Tous ses autres articles sont disponibles à l’adresse : https://www.le-verbe.com/author/sylvain-aube/

Face à BFM-TV que disent les baptisés ?

Les violences commises par certains gilets jaunes comme les violences policières sont relayées en boucle par les chaînes d’information continue et choquent légitimement les téléspectateurs.

Parmi ces derniers certains sont davantage choqués par les premières, d’autres par les secondes. Les sensibilités et les affects prennent alors facilement le pas sur la réflexion. L’indignation est en effet une activité grisante, valorisante et addictive.

Le problème c’est qu’elle nous détourne des problèmes concrets et des situations tragiques qui font le quotidien de nos concitoyens.

Dans ce phénomène de folie collective les chaînes d’information continue comme BFM TV, CNews ou LCI jouent un rôle d’incubateur. Leur influence (néfaste) est à la mesure de leur responsabilité morale : énorme !

Tirant prétexte de la liberté d’expression elles se livrent à une entreprise de désinformation pour des raisons structurelles et non accidentelles en offensant à la fois la vérité et la charité…dans le silence assourdissant de nombreux baptisés.

1/ Un business model consistant à contrefaire l’actualité plutôt que de la décrire

Leur business model impliquant de maintenir en haleine les téléspectateurs pour faire de l’audimat et pouvoir facturer au prix le plus élevé leurs encarts de publicité, ils approvisionnent les téléspectateurs – volontaires ou pas puisque les écrans sont déployés dans les lieux publics désormais (café, salons de coiffure, halls d’hôtel etc.) – en images choquantes qui nourrissent à leur tour les passions partisanes.

Mais surtout les chaînes d’information continue ont opéré une mutation en se transformant en chaînes de désinformation continue dans la mesure où elles s’arrogent désormais le droit de faire l’actualité en contrefaisant la réalité.

Le procédé est connu : c’est le mensonge par omission. Cela consiste à occulter une partie de la réalité en s’abstenant systématiquement et consciencieusement de replacer dans le contexte politique et social les événements que l’on rapporte. Car seul le contexte peut leur donner leur sens et permettre un débat rationnel sur les solutions à apporter et les choix politiques à consentir pour y parvenir.

Le principe est pourtant simple et connu des exégètes comme des historiens ou des services de renseignement : pas de texte sans contexte sinon l’information vire à la propagande.

Les mêmes images de violence présentées en-dehors de tout contexte tournent en boucle toute la journée sans qu’aucun journaliste ne vienne préciser, par exemple si les scènes de violences sont sporadiques et ponctuelles ou au contraire durables et représentatives de l’ensemble des manifestants à l’échelle du pays.

Les chaînes d’information continue présentent des images de violence mais passent sous silence leurs causes profondes. Le poids de leurs mots ne fait plus contrepoids au choc de leurs photos. Elles s’en tiennent à un discours légaliste sur le respect des institutions démocratiques ce qui, malgré les apparences, est un choix qui n’est pas neutre.

Ce choix n’est ni anodin ni innocent.

D’abord parce que c’est une manière de focaliser l’attention sur les symptômes des problèmes plutôt que sur leurs causes profondes alors que cette question est la seule qui mérite de retenir l’attention.

Ensuite et surtout parce que c’est une manière d’occulter le fait que précisément les institutions démocratiques ne fonctionnent plus comme des institutions démocratiques depuis longtemps et que c’est exactement cela qui est dénoncé depuis des années.

L’imposition du traité de Lisbonne en violation du verdict du référendum, la législation décidée à Bruxelles ou le renoncement volontaire aux compétences relevant de la souveraineté populaire sont autant d’atteintes au principe de souveraineté populaire et donc de démocratie.

Pourtant on ne les a jamais entendus les dénoncer au nom du devoir d’informer. Deux poids, deux mesures. Le pire c’est qu’ils semblent être les seuls à ne pas s’en apercevoir.

2/ Le parti pris du déni

Du point de vue de l’analyse c’est un manque de justesse, du point de vue moral c’est un manque de justice.

En agissant comme elles le font les chaînes d’information continue ajoutent au déni de souffrance d’une partie de nos concitoyens un déni d’urgence.

Elles font comme si leurs souffrances pouvaient (encore) patienter et attendre les résultats improbables de processus institutionnels, processus par nature consultatifs et itératifs qui ne peuvent déboucher que sur des propositions de compromis. Bref, des processus qui, par définition, ne peuvent être des procédures d’urgence.

Mais surtout elles laissent suggèrent que les problèmes politiques dénoncés par les gilets jaunes pourraient être réglés par la logique institutionnelle qui les a engendrés et par le personnel politique qui les a cautionnés.

Du pur point de vue intellectuel c’est une absurdité. Comme le disait Albert Einstein « On ne peut pas résoudre un problème avec le même niveau de pensée que celle qui l’a créé ».

Du point de vue de l’expérience humaine c’est exactement la même chose : il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre. Surtout si cela suppose qu’ils se remettent eux-mêmes en cause.

Un parti pris qui n’est pas assumé est un mensonge : en exhibant ad nauseam des images de violence et en les tirant de leur contexte les chaînes d’information continue prennent objectivement parti contre les gilets jaunes et, implicitement, pour le gouvernement dont jamais elles ne soulignent les contradictions, les mensonges, les postures ou les impostures.

Elles semblent croire qu’en cassant le thermomètre – en l’occurrence en passant sous silence les problèmes de fond – on pourrait faire baisser la fièvre. En se contentant d’arguments biaisés elles convainquent que ceux ont déjà choisi de détourner le regard par peur ou par commodité.

Mais elles ne feront jamais qu’exacerber la colère légitime de ceux qui constateront une nouvelle fois que leur sort et leurs souffrances n’intéressent pas le gouvernement – ils le savaient déjà – mais également tous ceux qui se sentiront solidaires de leurs revendications.

Hormis le témoignage sur les réseaux sociaux des quelques baptisés solidaires des gilets jaunes, l’attitude de l’ensemble des baptisés est assez accablante. Dans le meilleur des cas ils brillent par leur absence dans les rues et les manifestations et dans le pire des cas manifestent sur les réseaux sociaux leur absence de solidarité quand ce n’est pas un mépris de classe anti-évangélique.

3/ Le silence assourdissant de nombreux baptisés

L’option préférentielle pour les petits, les pauvres, ceux qui souffrent est celle de Jésus-Christ et de ses disciples fidèles. De ce point de vue le silence des catholiques pourtant prompts à dénoncer les mensonges des chaînes de désinformation continue est assourdissant. La défense des enfants condamnés à ne pas avoir de pères et de mères les a mobilisés en masse à l’occasion de la Manif pour tous mais le sort de leurs concitoyens qui ne peuvent plus joindre les deux bouts ne les mobilise pas.

Non seulement il ne les mobilise pas mais il suscite parfois – et trop souvent – sur les réseaux sociaux des réactions de rejets, des réflexes de castes incompatibles avec la notion de Bien commun qui est si souvent invoquée, avec la doctrine sociale de l’Eglise et plus radicalement avec l’évangile.

On touche du doigt là l’effet de rétrécissement du catholicisme français qui se superpose globalement à la carte électorale du vote de la bourgeoisie catholique (vote Fillon). L’appartenance majoritaire à cette classe sociale particulière explique que de nombreux catholiques en aient les réflexes et les œillères.

Difficile en effet de penser contre son pain.

Surtout quand on a orienté délibérément ses enfants vers les métiers de l’argent. Pour bien des baptisés malheureusement seuls comptent les métiers qui comptent : quand on a envoyé ses enfants dans des écoles de commerce et qu’ils ont ensuite fait carrière dans la banque ou les compagnies d’assurance, difficile de remettre en cause les méfaits de la financiarisation de l’économie et de regarder en face le sort des perdants de la dérégulation mondialisée.

C’est d’autant plus difficile de comprendre le désarroi de ses concitoyens qu’on a soigneusement évité de choisir des métiers qui ont du sens mais qui rapportent moins comme ceux de la formation ou de l’information (dont on se plaint après qu’ils soient hostiles au christianisme), des métiers artisanaux (alors même qu’on déplore le manque de techniciens formés et spécialisés contrairement à ce qui se fait en Allemagne) ou les métiers artistiques (et on se lamente que la société dans laquelle nous vivons fasse la promotion du laid et du sordide).

C’est d’autant plus difficile d’éprouver de la compassion et de la solidarité pour ceux qui se sentent partir à la dérive et invoquent la solidarité nationale qu’on a soi-même été scolarisé dans des établissements « catholiques » où l’on a été éduqué dès son plus jeune âge à la sélection sociale par l’exclusion scolaire… sous prétexte de former l’élite chrétienne de demain.

4/ Témoignage et contre-témoignage

Le drame c’est quand les chrétiens qui normalement sont dans le monde sans être du monde agissent et réagissent en fait comme des mondains plutôt que comme des chrétiens.

Cela ne signifie pas que les baptisés doivent nécessairement approuver toutes les revendications – par ailleurs contradictoires – exprimées par les gilets jaunes.

Cela n’implique pas de considérer que toute revendication qui accompagne une souffrance est ipso facto légitime, opportune ou réalisable.

En revanche le baptême nous oblige à entendre la souffrance qui s’exprime et de regarder en face ses causes objectives plutôt que de détourner le regard ou de se réfugier dans l’ironie quand ce n’est pas dans la moquerie et le mépris.

Il nous oblige également à ne pas rester dans la cabine du commentateur qui, du haut des gradins, commente le match qui se déroule sur le terrain, décernant bons et mauvais points dans une indifférence totale au sort et aux souffrances de leurs frères.

L’hostilité à peine voilée et parfois carrément affichée de certains baptisés au sort des gilets jaunes et de tous ceux pour lesquels défilent les gilets jaunes ne sont pas le résultat d’une réflexion honnête et pondérée mais l’expression décomplexée de réflexes de castes, l’expression d’un parti pris, l’affirmation tranquille d’une indifférence au sort de prochains dont on refuse de se sentir proches parce qu’on ne les fréquente pas et qu’on ne veut pas avoir à les fréquenter.

Le pire des arguments qu’il m’ait été donné de lire était que les gilets jaunes n’étaient pas les plus pauvres et que les « vrais » pauvres étaient trop pauvres pour se permettre de défiler.

Ce constat sociologique est parfaitement vrai était mais constitue le pire des arguments puisqu’il ne servait qu’à délégitimer la détresse, bien réelle, de ceux qui avaient encore la force et les moyens de descendre dans la rue pour dénoncer leur abandon progressif et programmé par les pouvoirs publics, les institutions et plus généralement la solidarité nationale.

C’est l’argument du déni de souffrance et de l’indifférence. Un peu comme ces victimes de harcèlement sexuel auxquelles dont on refuse d’enregistrer la plainte sous prétexte qu’elles n’ont pas été violées…

Faute de souffrir dans leur chair les souffrances de ceux qui défilent dans la rue certains chrétiens présents sur les réseaux sociaux refusent de réfléchir et de regarder en face la réalité  tragique que vivent une partie de leurs concitoyens.

Comme l’écrivait Charles Péguy dans Notre jeunesse : « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Là encore rien de nouveau – le refus d’agir engendre le refus de savoir – mais ce contre-témoignage là aura des conséquences bien plus durables et incommensurables auprès de la population française déjà passablement déchristianisée.

Beaucoup plus graves en tout cas que les conséquences pourtant déjà très graves des abus sexuels commis par certains prêtres et couverts par des évêques ou par des cardinaux.

Pourquoi ?

Parce que dans le cas des gilets jaunes ce ne sont pas seulement les clercs qui sont en cause mais également les laïcs.

Et là c’est bien l’Eglise de France en tant que communauté chrétienne – et non plus seulement la hiérarchie ecclésiastique – qui répond majoritairement aux abonnés absents.

« Voici comment on distingue les enfants de Dieu et les enfants du diable : celui qui ne vit pas selon la justice n’appartient pas à Dieu, et pas davantage celui qui n’aime pas son frère » (1 Jean 3,10).

Sam parle…et vous ?

On recommence enfin à parler d’évangélisation dans l’Eglise et c’est une bonne nouvelle. Mais la plupart du temps on l’envisage sous la forme d’une activité de groupe et spécialisée (Anuncio, Aïn Karem).

On l’envisage plus rarement comme une activité individuelle qui incombe à chaque baptisé.

Pourtant il s’agit moins de convaincre et de recruter que de témoigner sereinement de ce que l’on vit – en l’occurrence de témoigner ce que Jésus Christ a changé et continue à changer dans ma vie.

Comme nous le dit saint Pierre : « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect » (1 Pierre 3,15)

Encore faut-il pour cela s’adresser à ceux que l’on connaît parce qu’on les fréquente et s’adresser à eux d’une manière qui leur parle.

C’est exactement ce que fait Sam, un jeune Québécois sur le site https://www.samparle.org/.

Sam témoigne avec enthousiaste auprès de ses concitoyens québécois de sa foi et de la joie qui en découle dans des petits enregistrements vidéo.

Chaque vidéo porte sur une question concrète et la traite de façon sérieuse sans se prendre au sérieux : théologique, authentique et ludique.

Je vous en recommande tout particulièrement deux.

La première est la vidéo intitulée Je suis athée qui renoue avec la tradition apologétique et qui démontre les incohérences de ceux qui revendiquent leur athéisme. Le ton n’est pas polémique même si l’argumentation est sans concession et explique que sa vidéo ait suscité beaucoup de réactions au Québec, pays extrêmement déchristianisé après avoir été pendant plusieurs siècles un pays à la fois très christianisé et très cléricalisé, ceci expliquant cela….

L’autre vidéo est intitulée Chrétien et Québécois et constitue un témoignage personnel qui fait penser à la description qui est donnée des chrétiens dans la fameuse Lettre à Diognète rédigée à la fin du IIème siècle : « Les chrétiens ne sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre ; ils n’ont pas d’autres villes que les vôtres, d’autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes. (…) Ils habitent leur cités comme étrangers, ils prennent part à tout comme citoyens, ils souffrent tout comme voyageurs ».

C’est un témoignage authentique, profond, à la fois drôle et poétique sous forme de slam avec en prime la richesse et la vitalité de la parlure québécois….

L’auteur a accepté de m’envoyer le texte de cette vidéo que je m’empresse de vous proposer tout en vous recommandant fortement d’aller le voir et l’écouter sur son site sur son site et sur Youtube

Chrétien et Québécois

J’m’appelle Sam.

J’suis un Québécois des plus ordinaires, mais j’crois dans un Dieu extraordinaire.

            Attention;

Je ne suis pas crétin;

Mais bien chrétien.

Je ne suis pas sectaire ni fanatique,

Mais un jour j’ai fait la rencontre salutaire d’un Dieu magnifique.

Je ne suis pas idéaliste ni ennuyeux,

J’vous le dit, j’suis réaliste et ambitieux.

Je ne suis pas un de ces religieux prétentieux ni un hypocrite,

J’en ai rien à faire des titres ni des rites,

ce qui m’intéresse c’est le bon Dieu.

Comme vous, j’bois de la caféine pour soulager mes matins fatigués;

J’travaille temps plein pour payer mes comptes chargés,

Mais j’marche d’un pas léger;

Et j’ai une joie que personne ne peut m’enlever.

j’fais mon jogging ;

j’sors mes vidanges ;

j’salue mes voisins ;

mais j’accomplis ma routine du quotidien

avec un entrain qui me provient du divin.

J’m’en ouvre une frette pour décompresser ;

J’savoure un bon p’tit vino pour relaxer ;

mais je trouve ma plus grande paix et sérénité ;

dans celui qui est de toute Éternité.

J’aime jouer, fêter et danser;

jaser, manger et trinquer;

Mais toutes ces activités, je ne pense pas que ce sont des finalités,

Mais plutôt, des plaisirs partagés et passagers

à profiter à l’honneur de celui qui les a pensés.

Je mords dans la vie et dans tout ce qu’elle a de Bon à m’offrir;

Mais mon plus grand bien est de m’offrir à celui qui est Bon.

Je ne pense pas avoir réponse à toutes les questions,

ni solution à toutes les éventualités,

Mais au moins j’ai quelqu’un en qui je peux compter,

peu importe la gravité de la situation.

Loin de fuir la réalité ou d’anesthésier mon anxiété avec quelques brides de moralités,

J’ai décidé d’arrêté de vivre comme si j’étais le centre de gravité

et j’ai tout misé sur le seul qui a garanti pouvoir me sauver.

Je ne pense pas changer ce monde et, vraiment, je n’y peux rien,

mais je connais Celui qui a changé le monde et qui peut changer le tien.

Je ne m’exclus pas de la société, ni des débats de l’actualité,

Mais je leur offre, au mieux de mes capacités, une critique équilibrée

basée sur la parole du fondateur de l’humanité.

Je prône la culture et l’identité québécoises et je défends notre belle langue française,

Mais j’n’oublie jamais que mon passage sur cette terre n’est que temporaire

et que ma réelle identité est celle d’un étranger qui appartient à une autre cité.

J’applaudis le progrès technologique,

J’admire le travail scientifique,

Je ne nie pas la réalité,

Mais je crois en celui qui l’a fabriqué et qui en détient l’ultime vérité.

J’me suis pas créé un monde imaginaire pour m’évincer de mes soucis;

Je pense plutôt que j’ai été créé pour un monde mille fois meilleur que celui-ci.

Comme tout le monde, j’check les habs

et je suis un fan du bleu, blanc, rouge,

Mais ma plus grande victoire me provient

de celui qui a versé du rouge pour que je devienne blanc.

Celui qui a bu la coupe de jugement et qui en a versé de son sang

pour remporter la plus grande coupe Stanley de toute l’humanité.

J’essaie de faire preuve de civisme et de générosité,

Faire ma B. A. quand j’en ai l’opportunité,

Mais je sais qu’à la fin de la journée,

Le mal m’est tellement bien ancré,

Que ce n’est pas l’éducation, la société ou ma propre bonté

qui pourra m’en délivrer,

Je crois plutôt que c’est celui qui a traversé l’adversité

de son propre choix,

qui a été élevé entre ciel et terre sur cette infâme croix,

et qui est revenu des morts en guise de quoi,

des hors-la-loi comme toi pi moi,

avons quelqu’un en qui mettre notre foi.

Quelqu’un en qui placer notre confiance et notre espérance.

Quelqu’un qui a vécu la vie que nous aurions dû vivre ; subi la mort que nous aurions dû subir.

Quelqu’un qui a payé pour nos saletés et qui est ressuscité pour nous le prouver.

Quelqu’un qui se nomme Jésus.

Comment parler à nos frères musulmans ?

Comme dit Gaspard Proust, un chrétien intégriste qui applique le Nouveau Testament à la lettre, c’est un mec qui se met à embrasser tout le monde dans la rue ! On peut reprocher aux intégristes chrétiens de ne pas aimer assez leur prochain mais dans ce cas on leur reproche de ne pas être assez chrétiens.

Le problème est très différent avec un musulman intégriste car lui peut se targuer d’être un vrai musulman conforme au Coran !

Tel est le drame : face à un livre réputé dicté par Dieu lui-même et à la virgule près l’objection de conscience des créatures n’a aucune légitimité et donc aucun poids face aux décrets du Créateur.

1/ Le Coran source de l’islamisation des sociétés non-musulmanes

Dire que le Coran est la matrice de l’islamisation de nos sociétés c’est courir le risque de froisser des susceptibilités et blesser des gens de bonne foi – sans mauvais jeu de mots – mais peut-on espérer résoudre un problème politique de dimension géopolitique si on n’ose même pas le nommer ?

Tous les musulmans qui cherchent à être authentiquement fidèles au Coran par souci d’intégrité correspondent à ce que nous considérons comme des musulmans intégristes. C’est très gênant à dire mais c’est malheureusement difficile de ne pas faire ce constat à moins de vouloir – sans mauvais jeu de mots là encore – se voiler la face.

Car tous les intégristes musulmans ont pour eux la lettre du Coran tandis que les autres musulmans n’ont que leur conscience pour s’indigner sincèrement de leur intolérance et de leur violence programmée mais restent impuissants à répondre à leurs arguments.

Je ne parle pas ici des djihadistes mais de tous les musulmans qui sans passer à l’acte approuvent de ne renoncer au jihad que temporairement et pour des raisons tactiques. Ce sont les mêmes qui approuvent le principe de ne tolérer les juifs et les chrétiens qu’à condition qu’ils vivent en citoyens de seconde classe (dhimmis). Ils assument l’idée de convertir les autres non-croyants sous la contrainte et de punir de mort ceux qui quittent l’islam. Ils contestent aux femmes (c’est-à-dire à plus de la moitié de l’humanité !) les droits qui découlent de leur dignité intrinsèque et cherchent à imposer les règles de la charia dans l’espace public c’est-à-dire à tous : aux musulmans comme aux non-musulmans.

Ces musulmans qui se jugent intègres et que nous jugeons intégristes ne sont pas irrationnels : ils sont au contraire dans une démarche sincère de cohérence avec les prescriptions du Coran.

Car le Coran n’est pas simplement un livre religieux c’est aussi et surtout un mode d’emploi pour répandre la soumission (en arabe islam) à un Dieu unique sans s’embarrasser nécessairement du consentement des intéressés.

C’est une religion inventée par l’homme pour l’homme dans la mesure où les prescriptions qu’il contient fournissent une justification pratique aux pulsions masculines : fascination pour la violence, appétits de conquête et volonté de puissance.

Il n’appelle pas les hommes à convertir leur cœur mais les mobilise pour servir une cause sacrée qui exalte leurs tendances les plus profondes et les plus obscures.

Certes le terrorisme islamique a de nombreuses causes géopolitiques, économiques et sociales mais il a une matrice qui est le Coran.

2/ Parler à nos frères musulmans d’autre chose que du Coran.

Les musulmans que nous considérons comme modérés ne sont pas des musulmans conformes au Coran. Les musulmans que nous considérons comme ouverts et tolérants sont considérés par des traîtres et des apostats par ceux qui veulent rester ou redevenir cohérents avec le Coran. Les musulmans que nous considérons comme bons ils ne les considèrent pas comme de bons musulmans.

Mais la bonne nouvelle – car il y en une – c’est que ces « mauvais » musulmans sont très nombreux.

C’est d’ailleurs la masse de ces musulmans indécis qui est l’enjeu de la stratégie de l’Etat islamique. Ce dernier veut cliver l’ensemble des musulmans contre l’ensemble des non-musulmans et spécifiquement des juifs et des chrétiens. Il veut obliger tous les musulmans à choisir leur camp.

C’est pour cela que le pape François fait tout ce qu’il peut pour ne pas entrer dans son jeu et qu’il refuse de se positionner contre le monde musulman.

Nulle naïveté chez lui. Il est mieux informé de la réalité du monde musulman et de la situation des chrétiens d’Orient que tous ses détracteurs qui, contrairement à lui, ne disposent pas du réseau de renseignement incomparable que constituent la structure de l’Eglise catholique et les services du Vatican.

Simplement on ne lutte pas contre un adversaire en lui donnant ce qu’il cherche à obtenir.

Car si l’Etat islamique cherche à enrôler l’ensemble des musulmans derrière sa bannière c’est précisément parce que tous les musulmans ne règlent pas spontanément leur vie sur les prescriptions du Coran.

Les partisans de l’Etat islamique, les salafistes, les Frères musulmans et les barbus de tout poil veulent substituer à ce Coran alternatif un Coran authentique et intègre.

La seule chose qui soit rassurante c’est que, alors que les chrétiens ne sont jamais vraiment à la hauteur des exigences de l’Evangile, il existe des musulmans qui valent mieux que le Coran.

En tant que citoyens français nous devons avoir le courage de mettre le sujet sur le tapis – là encore sans mauvais jeu de mots – afin de définir ce qui dans notre pays et dans notre système politique relève du non-négociable.

Mais en tant que chrétiens nous avons le devoir urgent d’annoncer à nos frères musulmans que Dieu s’est fait homme par amour pour eux et qu’Il est mort et ressuscité pour qu’ils soient sauvés.

Nous avons l’impérieux devoir de leur annoncer la très bonne, l’excellente nouvelle : « Vous êtes déjà sauvés par Dieu ! »

« Vous n’avez plus qu’à accepter d’être sauvés en convertissant votre cœur et donc vos mœurs à ce que le Dieu unique vous propose : la sainteté ! »

« Dieu est Amour, pas amère ! »

Un seul Dieu : oui mais lequel ?

Pour un chrétien le musulman est son frère en humanité.

Du moins pour un chrétien qui essaie de prendre le Christ pour modèle au lieu de substituer au Christ ses propres aspirations.

Pourquoi ? Parce que le chrétien sait que tous les hommes sont tous enfants de Dieu, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou autres.

Il croit que nous sommes tous frères parce que nous avons tous le même Père.

1/ Tous enfants d’un même Père

Nous sommes tous frères parce que nous avons tous le même Père, fort bien, mais notre frère peut aussi bien être un forban et c’est là que les difficultés commencent car si on choisit ses amis on ne choisit pas sa famille et avoir un ancêtre commun ne garantit rien.

Rien de plus inexpiables que les haines et les rancœurs familiales. L’histoire de la dynastie mérovingienne et de manière plus générale l’histoire féodale ne sont pas autre chose qu’une longue et sanglante litanie de règlements de comptes intra-familiaux.

Il n’existe rien de pire que les guerres que l’on qualifie de fratricides. L’exemple biblique de Caïn et Abel est suffisamment éloquent pour que les chrétiens qui se donnent la peine de lire la Parole de Dieu pour s’en nourrir n’aient aucune illusion sur la réalité des familles.

Le chrétien le sait bien : la famille est une réalité à évangélise en permanence, qu’il s’agisse de la famille mononucléaire – la famille telle qu’elle est défendue par les partisans de La Manif pour Tous – ou la grande famille de l’humanité. C’est un travail de longue haleine et à remettre cent fois sur le métier.

Mais le chrétien croit que la volonté de Dieu est qu’il traite tout homme comme son frère, en l’aimant comme un frère.

Parce qu’il croit que Dieu est Dieu le Père et qu’à ce titre Il est le modèle de toute paternité et que c’est pour cela qu’Il nous traite comme Ses enfants.

C’est une évidence pour le chrétien qui connait sa foi. Ce ne l’est absolument pas pour son frère musulman même et surtout s’il connaît la sienne.

Pour ce dernier Dieu est le Créateur de toute chose, et entre autres choses de l’humanité, mais il n’y a pas a priori d’analogie entre Dieu et l’homme.

Dieu est le Tout-autre et demeure donc hors de portée. Il n’y a rien de commun entre Lui et l’homme. Aucun patrimoine génétique commun. Contrairement à ce que croit le chrétien.

2/ Un Dieu créateur qui est aussi Père

Car le chrétien croit qu’en tant qu’homme il a été conçu à l’image et à la ressemblance de Dieu – « Dieu dit : faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » (Genèse 1, 26) – et que c’est pour cette raison qu’Il a laissé Son empreinte en lui.

D’abord en le dotant d’une conscience qui murmure à son intelligence des vérités que sa volonté consciente n’a pas toujours envie d’entendre.

Ensuite en imprimant en lui un désir d’amour tellement infini que rien dans ce monde fini ne parvient à satisfaire.

Comme disait saint Augustin : « Qui donc pourra combler les désirs de mon cœur Répondre à ma demande d’un amour parfait ? Qui, sinon toi, Seigneur, Dieu de toute bonté, Toi l’amour absolu de toute éternité ? Plus près de Toi, mon Dieu, j’aimerais reposer : c’est Toi qui m’as créé et Tu m’as fait pour Toi ; mon cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi ! »

Le chrétien sait qu’il est paramétré pour entrer en communion avec Dieu parce que Dieu l’a programmé pour cela. Parce que c’est sa vocation intrinsèque.

3/ Une relation de communion plutôt que de soumission

Le chrétien croit que Dieu a souverainement décidé de descendre de son piédestal divin pour aller à sa rencontre et tisser une relation d’intimité avec lui sur un pied d’égalité.

Dieu incarné dit à ses disciples : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jean 15, 15).

Une telle intimité avec Dieu est loin d’être acquise pour un musulman, sauf peut-être pour les mystiques soufis. Mais pour qui s’en réfère à la lettre du Coran quelle pire atteinte  à la dignité de Dieu, à Sa seigneurie que la phrase de saint Irénée : « Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu » ? Tel qu’Il est présenté dans le Coran Dieu ne promet pas une rencontre intime de l’homme avec Lui.

Le Coran recommande aux musulmans de convertir les non-musulmans et de les intégrer ainsi dans la communauté des croyants (Oumma) au sein de laquelle tous seront égaux dans la soumission (islam) respectueuse à Dieu. Mais il n’est pas question de nouer une relation intime et personnelle avec Dieu ou d’aimer les non-musulmans au seul motif qu’ils sont les frères d’un même Père.

Certes le chrétien et le musulman se rejoignent dans l’opposition au polythéisme et tous deux affirment qu’il n’existe qu’un seul Dieu.

Mais reste à savoir lequel…

Nous sommes tous possédés

« Tout bien que tu détiens est un souci qui te retient… et Skippy est là pour nous enlever tous nos soucis ». Qui ne se souvient de ce sketch extraordinaire des Inconnus mettant en scène une secte dont le gourou (Skippy) prêchait à ses membres le détachement et le renoncement aux biens matériels afin de s’enrichir à leurs dépens ?

La citation est inoubliable non seulement parce que le sketch dont elle est tirée est hilarant mais également parce qu’elle recèle un fond de vérité : l’intuition que l’on peut être prisonnier de ce que l’on possède.

Cette intuition on la retrouve formulée de diverses manières.

Les partisans de la décroissance l’ont exprimée en ces termes : « Moins de biens, plus de liens ». Cela sonne à la fois comme le constat qu’il existe des vases communicants et comme le vœu que les mœurs changent à l’avenir.

Dans la bouche du général De Gaulle cela donne : « Les possédants sont possédés par ce qu’ils possèdent ». C’est ainsi qu’il expliquait à Alain Peyrefitte la complaisance de la bourgeoisie vis-à-vis de l’occupant allemand. Il attribuait son immobilisme et sa passivité à sa peur de perdre ce qu’elle possédait.

Ce constat, tiré de son expérience de la guerre et des hommes, ne fait que confirmer l’avertissement du Christ : « Je vous le dis encore, il est plus aisé pour un chameau d’entrer par le trou d’une aiguille, que pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu » (Matthieu, 19-24).

Mais nous savons également que la volonté de garder tout ce que l’on possède ne se limite pas à l’argent ou à la richesse matérielle. S’il suffisait de toucher un revenu modeste pour être fidèle à sa conscience la France actuelle serait exemplaire…

1/ Possédé par son propre patrimoine

En tant que chrétiens nous le savons bien, nous possédons tous un patrimoine qui nous possède et qui nous empêche d’aller à la rencontre du Jésus Christ. « Là où est ton cœur, là sera ton trésor » (Matthieu 6,19).

Que ce patrimoine ait été constitué à la force du poignet ou qu’il ait été hérité ne change rien à l’affaire : nous sommes tous plus ou moins prisonniers de notre patrimoine. Un patrimoine au sens large du terme bien sûr : capital culturel ou relationnel, position institutionnelle flatteuse et confortable, convictions politiques ou religieuses définitives, habitudes et certitudes héritées de sa famille et/ou de son milieu…

De ce point de vue nous nous situons tous quelque part entre le jeune homme riche de l’évangile qui, parce qu’il est possédé par ses biens, s’en va tout triste après que le Christ lui ait demandé de donner tout donner aux pauvres et les possédés que Jésus libère des forces démoniaques.

Quand la priorité est de garder ce que l’on possède, on est ouvert à toutes les compromissions, sourd à la voix de sa conscience et insensible au souffle de l’Esprit. Ça prédispose naturellement à la pusillanimité – c’est-à-dire à la lâcheté – et dans les situations de crise cette lâcheté cachée éclate au grand jour.

On attend de voir de quel côté ça penche avant de prendre parti et, en attendant, on prend le parti du plus fort en s’abstenant de prendre parti. Sous prétexte de prudence on fait preuve de pusillanimité. Au lieu d’agir selon sa conscience on se raccroche aux institutions en place.

Un peu comme dans le film Un taxi pour Tobrouk. Un commando des forces françaises libres se retrouve dans le désert libyen et l’un de ses membres explique à ses compagnons d’infortune que selon l’issue de la guerre il sera aux yeux de son père la honte de la famille ou au contraire celui qu’on accueillera en héros : « C’est mon papa, moi, que je vais retrouver. Actuellement, il est à Vichy mon cher père. Ah ! C’est un homme qui a la légalité dans le sang. Si les Chinois débarquaient, il se ferait mandarin. Si les nègres prenaient le pouvoir, il se mettrait un os dans le nez. Si les Grecs… oui enfin, passons ! ».

Un statut de notable est un statut confortable. Il prédispose au statu quo et au consensus mou. Peut-être est-ce l’une des raisons qui explique le tropisme démissionnaire plutôt que missionnaire d’un certain nombre de responsables de l’Eglise de France qui ont renoncé depuis belle lurette à proposer explicitement Jésus-Christ à la société française et particulièrement à nos frères musulmans.

La déférence vis-à-vis des autorités civiles légitimes et la peur du conflit font également partie de ce patrimoine culturel que nous avons très souvent hérité et qui peut se dresser entre la vérité et nous et donc entre le Christ et nous. De ce point de vue l’initiative de la Manif pour tous, lancée par des laïcs, est peut-être l’indice d’un changement profond.

Du moins espérons.

2/ Possédé par ses idées fixes

On est souvent possédé par ce que l’on possède quand bien même tout ce que l’on possède se résume à une idée fixe.

Pour ne pas y renoncer on est prêt à recourir à tous les subterfuges pour la faire triompher en dépit des démentis infligés par la réalité à nos partis pris.

Prétendre imposer ses vues à autrui sous prétexte de faire son bonheur n’est pas le privilège des dictateurs ou des idéologues. Combien de parents détournent sciemment leurs enfants de leur vocation pour les fourvoyer dans des projets de vie qui ne sont pas ceux de Dieu pour eux ? Comme chantait Jacques Brel : « Ils seront pharmaciens parce que papa ne l’était pas ! ».

C’est particulièrement vrai dans les milieux sociologiquement catholiques où l’on refuse de lâcher le poussin vers un avenir étiqueté incertain sous prétexte qu’il ne convient pas au projet des parents pour leur enfant ?

C’est flagrant dans le cas du sacerdoce. Dans de nombreuses familles catholiques on prie pour qu’il y ait des vocations…dans les familles des autres. Mais c’est vers les écoles de commerces qu’on pousse ses rejetons. C’est quand les écoles de commerce sont pleines que les séminaires sont vides.

Mais c’est vrai également pour des métiers qui ont du sens comme ceux de la formation ou de l’information («  c’est un repère de gauchistes »), les métiers artisanaux qui conjuguent le bon et le beau (« mon enfant a les moyens d’aller beaucoup plus loin ») ou la vocation artistique (« les beaux-arts ça ne paye pas »).

C’est souvent parce que l’on est possédé par son fantasme ou son idée que l’on ferme ses oreilles, son esprit et son cœur au Christ qui nous dit : « Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données de surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine » (Matthieu 6, 32-34).

C’est ce qui explique également que de nombreux parents catholiques s’obstinent à scolariser leurs enfants dans des établissements qui n’ont plus de catholique que le nom et où, sous prétexte de viser l’excellence, on pratique dès le plus jeune âge la sélection sociale par l’exclusion scolaire. Tout y est fondé sur la compétition et la survie des meilleurs au détriment des moins bons. La compétition y est la règle explicite, l’entraide, la communion et l’attention au plus fragile y sont déconseillées de manière implicite.

La peur de lâcher le poussin peut mener très loin…

3/ Possédé par l’orgueil

Quand on possède une très haute idée de soi-même on est possédé par cette idée. On n’y renonce pas, fût-ce pour faire éclater la vérité et triompher la justice.

Au sein de la Curie les adversaires de Benoît XVI et du pape François ont eu et ont toujours les plus grandes réticences à admettre la réalité, la gravité et l’ampleur de la pédophilie dans les rangs de prêtres ou de congrégations religieuses. Plutôt une injustice qu’un désordre !.

Quand on cherche à sauver la face plutôt qu’à confesser ses péchés – tout en prêchant aux fidèles d’aller se confesser plus régulièrement – c’est bien que ce à quoi l’on tient le plus (sa réputation) nous possède littéralement.

Dans ce cas on est possédé par ce que l’on possède. Au lieu d’être possédé par cette vérité dont saint Jean nous dit qu’elle nous rendra libres : « Si vous demeurez dans ma parole vous êtes vraiment mes disciples vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres » (Jean 8, 31-32)… Libres et donc crédibles.

Sans surprise les conséquences de cette possession sont véritablement diaboliques.

« Si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât au fond de la mer. Malheur au monde à cause des scandales ! Car il est nécessaire qu’il arrive des scandales; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive » (Matthieu 18, 6-7).

Nettoyer la Curie d’Augias est donc une priorité. C’est même le minimum syndical. Ou ecclésial en l’occurrence. C’est l’œuvre à laquelle se sont courageusement attelés Benoît XVI et François et c’est ce qui leur a valu à tous deux tant d’attaques et tant d’hostilités, toujours selon la logique consistant à laisser en paix les incendiaires et à persécuter ceux qui sonnent le tocsin.

Mais en ce qui nous concerne ne nous laissons pas aveugler par la colère au point d’oublier que nous aussi sommes possédés.

Nous sommes tous emprisonnés par ce que nous nous plaçons plus haut que le Christ. Nous sommes tous prisonniers et nous avons tous besoin d’être libérés par le Christ. Pour nous et pour nous tous la solution de fond c’est de nous convertir en vérité et en profondeur. C’est vrai des laïcs comme du clergé car d’une manière ou d’une autre, à un degré ou à un autre, nous sommes tous possédés.

Ne faisons pas comme le pharisien de l’évangile qui priait en disant : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne ».

Efforçons nous de prier plutôt comme ce publicain qui, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux vers le ciel mais se frappait la poitrine, en disant : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! ». (Luc, 18, 9-14).

Pour cela il faut commencer par admettre pour nous-mêmes cette vérité dérangeante : nous sommes tous possédés.

Le paradis : une métamorphose réussie plutôt qu’une récompense méritée

« On n’a qu’une seule vie » dit-on parfois pour justifier des choix que l’on sait mauvais ou des tentations auxquelles on est bien décidés à succomber.

Et en un sens cette phrase est vraie. Mais pour qu’elle soit tout à fait exacte il faudrait la compléter : « On n’a qu’une seule vie…. et elle se prolonge dans l’éternité ». D’où l’impérieuse nécessité de bien l’orienter dès ici-bas afin d’éviter de tragiques erreurs d’aiguillages. Car sur les autoroutes de l’éternité on ne s’arrête pas comme ça sur les bas-côtés. Même pour accéder au purgatoire il faut déjà le vouloir.

Sachant que nous ne sommes ici bas qu’en transit et que les deux seules destinations qui nous sont proposées sont le paradis et l’enfer autant ne pas se tromper de porte d’embarquement.

1/ Les analogies et leurs limites

L’analogie avec le système judiciaire a largement été utilisée – à commencer par jésus Christ lui-même – pour parler de la vie éternelle, du paradis et de l’enfer. C’est notamment la métaphore du jugement dernier où Dieu, juge souverain, ordonnera à ses angéliques appariteurs de séparer les condamnés des innocents et de condamner à leur juste châtiment tous ceux qui l’auront bien mérité.

Cette analogie avec le système judiciaire des hommes permet de souligner le rôle déterminant de notre responsabilité et donc de notre liberté. C’est la réaffirmation et la reformulation à l’échelle individuelle de ce que Yahvé avait déjà proposé au peuple d’Israël par la voix de Moïse : « Je te propose de choisir entre la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie » (Deutéronome 30, 19).

Ce coup de projecteur braqué sur notre liberté individuelle met en lumière une bonne et excellente nouvelle : notre salut ne dépend pas de notre hérédité (fils d’Israël ou pas fils d’Israël ?) ni même de la plus ou moins stricte observance des rites de la loi mosaïque, éventuellement alourdie de la loi orale rajoutées par les scribes et les pharisiens au point de devenir impraticable pour le commun des mortels. C’est l’assentiment du cœur à la volonté de Dieu qui nous sauvera, Juifs comme païens.

Jésus s’adressant à un auditoire majoritairement juif dans un contexte où la foi d’Israël avait pris la forme du judaïsme rabbinique on comprend aisément son insistance sur le rôle de la liberté individuelle et donc de la responsabilité individuelle dans l’économie du salut.

Mais cette analogie, comme toute analogie, a les défauts de ses qualités. Elle présente le risque d’induire en erreur ceux qui confondraient la réalité qu’elle décrit avec les comparaisons qu’elle utilise.

Une telle confusion a d’ailleurs longtemps été répandue par le clergé. En présentant le paradis comme des grandes vacances définitives et l’enfer comme une condamnation au bagne éternel il a fait oublier que la loi de Dieu est une boussole existentielle et non un code pénal d’inspiration divine. Mais surtout il a travesti le Dieu d’amour en un despote, éclairé certes, mais très angoissant et, au fond, absolument désespérant : « Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur qui subsistera ? » (Psaume 129). Plus grave encore, en défigurant Dieu il L’a rendu méconnaissable, a détourné les âmes de Lui et L’a calomnié.

En ceci le clergé a, bien malgré lui, illustré ce que disait saint Jacques dans son épître : « Ne soyez pas nombreux, mes frères, à devenir docteurs. Vous le savez nous n’en recevrons qu’un jugement plus sévère, car à maintes reprises nous commettons des écarts, tous sans exception » (Jacques 3, 1).Après avoir découragé les meilleures volontés et transformé en désert le champ qu’il avait reçu pour mission de moissonner le clergé est passé d’un excès à l’autre et, aujourd’hui, s’abstient résolument de réparer les dégâts qu’il a lui-même causés. Il se contente désormais de ne plus parler ni du paradis ni de l’enfer – c’est plus simple et c’est moins risqué – en laissant le soin à Michel Polnareff de rassurer ceux qui n’avaient pas encore pris leurs jambes à leur cou en leur chantant « On ira tous au paradis ».

Ainsi donc chaque analogie éclaire une partie de la réalité. Mais chaque analogie présente également ses propres limites. C’est pourquoi il est bon de se référer également à d’autres analogies qui élargissent encore la perspective.

L’analogie avec l’économie met ainsi l’accent sur la gratuité du salut généreusement offert à tous. C’est la métaphore de celui qui vient payer les dettes des malheureux qui ont été jetés en prison faute de pouvoir rembourser leurs dettes. C’est la figure du rédempteur qui est, au sens propre du terme, celui qui vient racheter les dettes de débiteurs impuissants à rembourser les dettes qu’ils ont pourtant eux-mêmes contractées et qui vient ainsi les libérer.

Cette comparaison avec celui dont le pouvoir d’achat est supérieur au nôtre et qui l’utilise pour nous libérer plutôt que pour nous enfoncer est très déculpabilisante. Elle affirme en effet que notre impuissance à nous sauver nous-mêmes est une donnée objective et qu’elle n’est pas imputable à notre mauvaise volonté ou notre manque de persévérance.

Et puis cette métaphore économique est également très réconfortante puisqu’elle nous révèle que ce n’est pas parce que Dieu est tout-puissant qu’il est indifférent à notre sort. Au contraire Il s’investit dans l’entreprise de notre salut en nous faisant profiter de son pouvoir de rachat. S’il est vrai que les priorités d’une personne se lisent sur son agenda et son carnet de chèques alors ont peut affirmer que Dieu se préoccupe de notre sort et que celui-ci Lui est cher.

2/ Le paradis : une greffe réussi plutôt qu’une récompense méritée

Dans la même veine une formule célèbre de saint Irénée de Lyon apporte un autre éclairage complémentaire sur la vie éternelle : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu ».

Cette formule affirme deux choses nouvelles par rapport à l’analogie judiciaire.

La première c’est que Dieu Lui-même a voulu tout organiser pour que l’homme puisse vivre de la même vie que Lui en communion avec Lui. C’est la volonté de Dieu que nous Le rejoignions au paradis : « Dieu, en effet, n’a pas envoyé Son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jean 3, 17).

La seconde c’est que le paradis n’est pas une récompense accordée pour bons et loyaux services mais une greffe réussie, la greffe de la volonté humaine sur la vie de Dieu qui est éternelle, vivifiante et qui est fondamentalement une vie de partage et de communion puisque Dieu Lui-même est communion des personnes divines (on appelle ça la Trinité).

Cela signifie que Dieu ne veut pas se contenter de notre soumission et de notre bonne volonté à suivre Ses commandements : Il veut que nous soyons divinisés en lui et par Lui. Il veut nous transformer pour améliorer non pas seulement notre sort mais notre nature même en la divinisant.

Cette promesse de divinisation de la nature humaine fait partie du dépôt de la foi de l’Eglise catholique mais dans la pratique c’est-à-dire dans la prédication et dans la pastorale elle a été beaucoup moins développée et enseignée que chez nos frères orthodoxes.

On peut supposer a contrario que si cette perspective avait été plus clairement et plus constamment explosée et expliquée par le clergé catholique on aurait peut-être évité la dérive historique qui a consisté à réduire progressivement la vie spirituelle à l’observation d’une morale exigeante et dont la conséquence a été par la suite la désertion en masse de nombreux fidèles, phénomène inconnu des pays orthodoxes pourtant soumis à la persécution du régime communiste.

Pourtant la métamorphose de l’homme en homme divinisé n’est pas sans analogie avec une expérience de vie que nous avons tous faite – la naissance – qui est précisément le passage à un état de vie supérieur bien qu’inimaginable a priori. Le passage de l’état de fœtus (entièrement dépendant du cordon ombilical maternel et du liquide amniotique dans lequel il baigne depuis le début) à celui d’un bébé libéré du cordon ombilical, respirant par lui-même et, bientôt, se déplaçant par ses propres moyens pour se lancer dans une nouvelle vie riche d’une infinité de possibilités auparavant inconcevables ne peut-il pas être considéré comme une analogie avec l’accès à la vie de Dieu ?

De même cette greffe réussie que l’on appelle le paradis métamorphose l’homme tout en le révélant à lui-même. Au contact de Dieu il se découvre lui-même dans sa nature profonde et accède enfin à  son identité en découvrant sa finalité. Ce faisant il étanche la soif inextinguible qui le taraudait jusqu’alors et que saint Augustin décrivait en ces termes : « Plus près de toi mon Dieu j’aimerais reposer, c’est toi qui m’as créé et tu m’as fait pour toi et mon cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi ». En devenant en acte celui qu’il n’était encore qu’en puissance il accomplit pleinement sa vocation, à l’image de la chenille qui ne devient véritablement elle-même qu’en devenant papillon.

A l’inverse ce que l’on appelle l’enfer n’est autre qu’un rejet de greffe. Un tel échec fait du malheureux qui la refuse une sorte de nouveau né prématuré qui n’en finit pas de souffrir et de mourir parce qu’il est devenu non-viable dans son nouvel environnement.

3/ L’urgence de la conversion ou qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

La perspective d’un tel accomplissement au contact de Dieu est une perspective enthousiasmante au sens propre du terme dans la mesure où le terme d’enthousiasme désigne « une exaltation de l’âme d’origine divine ». Mais c’est également une perspective bouleversante dans la mesure où elle bouleverse l’ordre de nos priorités.

Désormais nous n’avons rien de mieux à faire ni rien de plus urgent que de préparer notre cœur et notre âme à cette échéance à la fois fatidique et fantastique qu’est la rencontre avec Celui qui est à la fois notre Créateur et notre Rédempteur.

C’est à la fois sérieux et merveilleux. Un peu comme les joueurs de l’équipe de France lorsqu’ils ont appris qu’ils étaient sélectionnés pour la coupe du monde 2018. Ils s’en sont réjouis et sont immédiatement entrés dans une phase de préparation physique exigeante et librement consentie qui devait les amener au sommet de leur forme au moment où devait débuter la compétition.

Non seulement nous sommes tenus de nous préparer à une telle échéance mais nous sommes également tenus de la faire connaître au monde. Ce que nous devons annoncer est simple et c’est une très bonne nouvelle. On pourrait la résumer en ces termes : « Nous sommes en stage d’amour sur terre et nous avons la possibilité de passer en CDI à l’issue ! ».

Nous sommes tenus de l’annonce au monde non pas pour « sauver » des âmes de la damnation éternelle car, nous le savons, c’est Dieu qui sauve et nous ne sommes que des serviteurs inutiles. Dieu sauvera ceux que nous et l’Eglise dont nous sommes membres n’aurons pas pu, su ou voulu atteindre. Et il sauvera également ceux qui se sont détournés de Lui parce que nous avons défiguré Son visage par nos péchés et nos contre-témoignages…

Nous sommes tenus d’annoncer au monde que notre vocation est d’être divinisés par Dieu et en Dieu pour l’éternité tout simplement parce que nous n’avons pas le droit de garder jalousement une telle bonne nouvelle qui donne son sens à notre existence dès maintenant et qui est la condition de notre bonheur éternel. Ce serait criminel. Un peu comme chez les peuples du désert qui considèrent comme un criminel celui qui, connaissant l’emplacement d’un puits ou d’une source, s’est gardé de l’indiquer à celui qui en avait besoin. Celui qui garde pour lui le secret de l’élixir de vie en prive le reste des mortels et est à bon droit considéré comme un criminel.

Annoncer l’urgence et la nécessité de la conversion pour accéder au paradis c’est annoncer la possibilité offerte à tous d’entrer au paradis. C’est l’acte de charité par excellence. Poser un tel acte c’est à la fois progresser dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain, ce commandement qui résume toute la loi et tous les prophètes. C’est travailler à notre propre sanctification et donc à notre salut.

Alors si nous ne le faisons pas pour les autres faisons-le au moins pour nous !