Vous y croyez VRAIMENT ? Réponse à Jean-Pascal

Je reproduis ci-après le commentaire que m’a laissé Jean-Pascal après avoir lu l’article intitulé Le puritanisme est une invention du démon.

« Je profite de votre blog, que je trouve intéressant et intelligent, pour vous poser une question sur le catholicisme. Vous croyez VRAIMENT à Adam et Eve, l’existence du Démon, la virginité de Marie, son apparition à Lourde, les miracles, la transformation de l’hostie en corps du Christ, etc? Vous considérez que ce sont des réalités, ou vous y voyez juste des symboles et allégories? Aucune provocation de ma part, juste des questions que je me pose sur la nature exacte de la foi catholique ».

J’ai énormément apprécié sa franchise et j’ai souhaité lui répondre du mieux que je pouvais. Au fur et à mesure que j’écrivais ma réponse le texte prenait des proportions telles qu’il ne pouvait pas tenir dans la rubrique prévue pour les commentaires. Cet article est ma réponse aux questions de Jean-Pascal.

A propos d’Adam et Eve

Certains livres de la Bible expriment des vérités de manière allégorique et symbolique, d’autres de manière factuelle et historique. C’est tout le travail de l’exégèse et ça n’a pas commencé au XIXème siècle (cf les quatre niveaux de lecture de la Bible dégagés par le juif hellénisé Philon d’Alexandrie et repris par Origène, père de l’Eglise du IIème siècle après Jésus Christ).

Ce petit préambule pour clarifier mon propos : je ne crois pas que l’humanité ait été engendrée par un homme seul et une femme seule qui serait tirée de son côté au sens biologique du terme. Tout simplement parce que le récit de la Genèse dans lequel apparaissent Adam et Eve n’a jamais prétendu être un manuel scientifique ou historique sur l’apparition de l’espèce humaine.

Il prétend expliquer les fondamentaux de la condition humaine et répondre à la question du mal qui est sans doute l’objection la plus classique et la plus légitime que les non-croyants font aux chrétiens : « Si votre Dieu est bon et s’il est le créateur de toutes choses pourquoi le mal existe-t-il ? ».

A cela la Genèse répond par l’histoire d’Adam et Eve : le péché n’a pas été voulu par Dieu il a été introduit par le démon. Dieu a fait la création, le Démon l’a contrefaite.

De même quand la Genèse raconte qu’Eve a été tirée de la côte d’Adam, cela n’a pas de valeur biologique mais cela dit une vérité très profonde : l’homme et la femme sont d’égale dignité parce que de même nature.

Ce n’est pas du tout quelque chose d’anodin ni même d’évident aujourd’hui encore. Entre ceux qui théorisent l’infériorité constitutive de la femme au nom du Coran et ceux qui l’infériorisent sans la théoriser en promouvant une culture de la pornographie et de la femme objet au nom de la liberté on voit bien que l’égale dignité de l’homme et de la femme n’est pas ce qui vient spontanément à l’esprit des hommes. Que ce récit soit apparu dans une culture patriarcale et résolument machiste est pour moi un indice de son inspiration divine…

De même la dignité éminente de l’être humain est exprimée par l’ordre même dans le quel Dieu crée l’univers : les minéraux d’abord, les végétaux ensuite puis les animaux et enfin l’homme. L’humanité couronne la création et la femme couronne l’humanité (puisqu’elle est créée en dernier à partir de l’homme). C’est un crescendo continu qui dit la place éminente de l’homme et donc sa responsabilité dans la création et la place éminente de la femme dans l’humanité.

Je crois à toutes ces vérités exprimées dans un langage symbolique. Il me semblerait aussi absurde de nier la vérité de la Genèse que de nier la vérité des Fables de La Fontaine (« Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ») au motif que les animaux ne parlent pas et que ni les corbeaux ni les renards ne se nourrissent de camembert.

A propos du Démon

Oui, j’y crois absolument et sans le moindre problème. D’abord parce que son existence n’est pas plus inacceptable que l’existence de Dieu.

Ensuite parce que l’existence du Démon qui explique l’existence du mal dans un monde par ailleurs créé par un Dieu bon (cf ci-dessus).
Par ailleurs le Christ nous en parle régulièrement : donc soit il est le sauveur et il sait ce qu’il dit, soit c’est un imposteur et il faut passer à autre chose.

Et puis les manifestations sataniques existent bel et bien. C’est une réalité assez attestée dans l’histoire du christianisme et dans d’autres religions.

Mais si Satan se manifeste dans des sommets d’inhumanité il n’apparaît pas toujours ès qualités : songeons à Auschwitz ou à DAESH par exemple.

De manière plus ordinaire le Démon se manifeste par ses effets quotidiens dans notre intimité même comme le constatait amèrement saint Paul :

« mais moi, je suis marqué par ma nature, vendu au péché. Je ne comprends pas ce que je fais : je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je déteste. Or, si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la loi est bonne. En réalité, ce n’est plus moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en moi. En effet, je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma nature propre : j’ai la volonté de faire le bien, mais je ne parviens pas à l’accomplir. En effet, je ne fais pas le bien que je veux mais je fais au contraire le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi » (Romains 7, 14-20).

De manière générale ne dit-on pas lorsque des comportements sont tellement marqués par le mal que ce sont des comportements inhumains ?

Moi je crois qu’il existe une puissance maléfique qui n’a de cesse de détruire l’humanité de l’homme en l’éloignant de Dieu.

A propos de la virginité de Marie

C’est la conséquence logique du fait qu’elle ait porté Dieu en son sein (d’où son nom de Theotokos mère de Dieu). Que Marie n’ait pas connu sexuellement d’autres hommes avant de s’être mariée ne m’étonne pas. C’était la norme à l’époque. Qu’elle le soit restée aussi après la naissance du Christ non plus. Sauf que là, la question m’est parfaitement indifférente : ça ne change et ça ne retranche rien à ma foi.

A propos des apparitions mariales à Lourdes

Là encore je ne vois pas pourquoi je n’y croirais pas. Je ne dispose pas d’éléments m’incitant à douter des témoignages et de la vie ultérieure de Bernadette Soubirous.

Quand Bernadette Soubirous affirme le 25 mars 1858 qu’une dame lui est apparue et s’est présentée en disant en gascon : « Que soy era immaculada councepciou » (« Je suis l’immaculée conception ») elle répète des paroles qu’elle ne comprend pas et qu’elle s’est répétées pendant tout le trajet jusqu’à son curé de peur de les oublier.

Face à l’incrédulité de ce dernier elle s’est contentée de répondre qu’elle n’avait pas été chargée de le convaincre mais de le lui dire ce que la dame (qu’elle n’identifie pas à la Vierge) l’avait chargé de dire. C’était quatre ans après la promulgation du dogme de l’immaculée conception. Puis elle a dû affronter le scepticisme et l’hostilité de tout le monde : l’Eglise, l’administration préfectorale, la police, son entourage immédiat…

La disproportion entre la cause apparente (Bernadette Soubirous, 14 ans, peu instruite) et l’effet produit (rayonnement spirituel planétaire ininterrompu, guérisons miraculeuses et conversions) m’incite à penser qu’il s’est vraiment passé quelque chose hors du commun même si cela ne fait pas partie du credo. On peut très bien ne pas y croire tout en étant parfaitement catholique.

Mais en ce qui me concerne, je considère que postuler le contraire serait de ma part un acte arbitraire et absurde : quelle cause plus raisonnable pourrais-je trouver comme explication ? Mais surtout ce serait un bon indicateur non pas de la réalité extérieure mais de mes dispositions intérieures. Cela signifierait que j’aurais décidé de favoriser l’hypothèse négative plutôt que l’hypothèse positive en l’absence de critères ou d’indices.

A propose de la transformation de l’hostie en corps du Christ

Ce que l’on appelle la transsubstantiation en théologie est le point le plus difficile non pas à accepter mais à comprendre.

Là encore le fait que je ne comprenne pas tout n’est pas pour moi une objection. Certes ce n’est pas non plus une raison de croire aveuglément pour autant. Mais le fait qu’il existe des mystères ne m’effraie pas : après tout le monde physique ne m’a pas attendu pour commencer d’exister. C’est ce que constatent dans leur domaine tous ceux qui font de la recherche scientifique. Alors pourquoi douter qu’il en soit de même pour le monde métaphysique ?

Je constate chaque jour dans des domaines très différents qu’il existe des phénomènes, des comportements et des gens que je ne comprends pas. Il n’est écrit nulle par que mon entendement doive-t-être la mesure de toute chose.

Et puis par quel « miracle » la réalité matérielle et spirituelle serait-elle nécessairement ajustée à mon entendement ? Ce serait une présomption délirante et certainement pas innocente.

Ceci dit je n’ai pas de mal à croire à la transformation de l’hostie en corps du Christ.

Deux raisons à cela.

La première est que les plus grands saints ont tous manifesté un attachement viscéral à la communion et lui ont accordé la priorité. Je pense notamment à mère Teresa de Calcutta. Mais on pourrait penser à tous les saints qui ont vécu de manière extraordinaire et ont eu un rayonnement qui dépassait leurs vertus et leurs capacités : tous ont attesté de l’importance vitale de l’eucharistie dans leur vie. A défaut de savoir comment ça fonctionne dans le détail je ne peux que constater que ça fonctionne. Plusieurs prêtres extraordinaires comme Nicolas Buttet en Suisse ou le père Guy Gilbert en France en attestent.

La deuxième est que les sectes satanistes n’hésitent pas à profaner des hosties consacrées alors que cela n’aurait aucun sens hors de la présence réelle de Jésus. Or s’il existe quelqu’un qui est bien conscient de la présence de Dieu c’est Satan lui-même : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien ; les démons aussi le croient, et ils tremblent » (Jacques 2, 9).

La question pour moi n’est pas de tout comprendre de la transsubstantiation mais d’accueillir le corps du Christ dans l’hostie pour qu’il me transforme. C’est l’application théologique du principe diététique : « On est ce que l’on mange » (en allemand « Man ist was man isst »).  Je n’ai pas besoin de comprendre comment fait mon estomac pour digérer ce que j’avale mais il est essentiel que je me nourrisse.

J’espère avoir répondu à vos questions, cher Jean-Pascal. N’hésitez pas à m’en poser d’autres si vous le souhaitez.

Avec toute mon amitié.

Louis Charles

3 réflexions sur « Vous y croyez VRAIMENT ? Réponse à Jean-Pascal »

  1. C’est tout à fait bien dit. En complément de la question de Jean Pascal sur la nature de la foi catholique, on pourrait préciser que la foi est un don que l’on reçoit gratuitement si l’on y est disposé, et qui peut de ce fait être demandé. Cette disposition spirituelle, accessible à tout un chacun, n’est pas du même ordre qu’une recherche purement intellectuelle. Si la foi éclaire notre intelligence, l’intelligence à elle seule ne permet pas d’accéder à la foi.
  2. Louis Charles, Bonjour.
    C’est avec intérêt que j’ai lu votre article, très souvent ces questions me sont posées d’une façon ironique, et mes réponses ne sont pas aussi éclairées. Ce sera un plaisir pour moi de faire connaître votre texte, et votre blog.
    1. Je suis heureux que cet article et ce blog puissent être utiles à autrui car c’est leur seule raison d’être. Merci de votre message qui me va droit au cœur.

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