Cette citation de Bossuet me semble s’appliquer parfaitement à tous ceux qui fustigent la société de consommation et le règne de l’argent tout en refusant de prendre les moyens concrets d’en sortir.
Ils s’accordent sur l’idée qu’il faut changer de mode de vie parce que le modèle de la société de consommation est un modèle non-viable, déshumanisant et déstructurant parce que destructeur.
C’est pourquoi il est étonnant de constater que, parmi les contempteurs de la société de consommation, on trouve autant d’hostilité à l’idée de sortir du nucléaire. Position intenable consistant à être d’accord sur le principe mais pas d’accord pour appliquer ce même principe. Car sortir du nucléaire c’est le moyen le plus concret et le plus immédiat pour sortir de la société de consommation.
Le passage de l’énergie nucléaire aux énergies alternatives implique en effet de modifier l’usage que nous faisons de l’énergie que nous consommons. Sinon, effectivement, nous ne pourrons pas continuer à utiliser dans les mêmes proportions et de la même manière nos téléphones portables, nos iPads, nos iPods, nos connexions Internet haut-débit illimitées, nos climatisations qui tournent à plein régime, nos TGV (quand ils fonctionnent).
Le recours prioritaire à des sources d’énergies alternatives est indissociable d’un retour à une certaine sobriété énergétique qui ne serait pas autre chose qu’une certaine sobriété évangélique. Elle permettrait une sortie concrète de la société de consommation et du règne de l’argent que tous s’accordent à condamner en principe mais que peu acceptent d’appliquer.
Le refus de passer à l’acte prend souvent la forme du déni de liberté (« On ne peut plus revenir en arrière ») ou de la caricature (« Mais enfin vous voulez revenir au Moyen-âge et à la marine à voile ? »). Mais c’est toujours le même mensonge sous-jacent : celui qui consiste à postuler que sortir du nucléaire reviendrait à sortir de la civilisation. Un mensonge qui présuppose que le mode de vie de toutes les générations qui ont vécu avant l’avènement du nucléaire est une mode de vie qui n’a rien à nous apprendre. Un mensonge qui postule que le passé est un passé maudit mais, fort heureusement, définitivement révolu.
Un peu à l’image de ces jeunes énarques dont la culture historique est tellement étriquée et déformée par des a priori idéologiques qu’ils pensent – ou plutôt qu’ils croient en leur for intérieur – que l’humanité n’a commencé à s’éveiller qu’en 1789 et que la civilisation humaine n’est apparue qu’à cette date.
C’est ce verrouillage idéologique, legs du scientisme et de l’idéologie des Lumières, qui explique que tout débat sur l’opportunité de sortir du nucléaire soit systématiquement escamoté et que les modalités techniques d’une telle sortie soient disqualifiées par avance.
Cette idéologie a conquis l’ensemble de nos élites mais s’est également répandue dans une certaine frange de la population catholique. A ceux-là je rappellerai l’enseignement traditionnel de l’Eglise vis-à-vis de la société de consommation et de l’argent en général. Et comme ils l’ignorent la plupart du temps – volontairement ou non – je signale le récent document publié par la conférence des évêques de France intitulé Grandir dans la crise qui fait explicitement le lien entre la prolifération des centrales nucléaires, l’alourdissement illimité des besoins en énergie et le modèle économique qui est désormais le nôtre. Le document désigne nommément le productivisme consumériste comme cause profonde de cette prolifération.
Mais tu as raison de signaler, en creux, que le libre jeu de la recherche scientifique et du choix libre par les citoyens de ce qu’il estiment être pour eux le Progrès est inexistant au profil de la filière (pour ne pas dire lobby) nucléaire.
Je viens de tomber par hasard sur votre site et je dois dire que cette assertion est complétement fausse. Pensez-vous vraiment que l’arrêt du nucléraire signifie la sortie de la société de consommation ?
Ce n’est pas sérieux et les formes des sources d’énergie sont sans importance car le problème est plus profond, beaucoup plus profond.
Vous devriez lire dans la revue Commentaire n° 146 (Été 2014) l’article concernant la transition énergétique allemande et vous comprendez qu’il s’agit de la quadrature du cercle.
Dans un contexte productiviste il est impossible pour un pays de changer de cap et la frugalité est impossible à appliquer.
Merci pour votre commentaire et pour la référence au numéro de la revue Commentaire que j’essaierai de retrouver car je ne connais pas l’article dont vous parlez.
Je suis parfaitement d’accord avec vous pour dire que « dans un contexte productiviste il est impossible pour un pays de changer de cap et la frugalité est impossible à appliquer ».
Mais justement c’est impossible tant qu’on est dans un contexte productiviste. De ce point de vue la crise de la croissance et de la société productiviste qui est conçue sur l’hypothèse d’une croissance infinie sont des opportunités plutôt que des calamités.
L’exemple du peuple hébreu qui s’éloigne de Dieu en période d’opulence et revient vers Lui quand il se trouve dans le désert est un exemple particulièrement édifiant. Une certaine forme de frugalité – à ne pas confondre avec la pauvreté et les maux – est la condition d’un mode de vie humanisant.
Je pense que tant que les intérêts économiques et les habitudes de consommation que la propagande publicitaire véhicule seront soutenus par une énergie abondante et bon marché (pétrole et énergie nucléaire) la société de consommation dont nous déplorons les effets sur la nature et sur l’homme ne disparaitra pas.
D’où ma remarque sur la contradiction intrinsèque de ceux qui déplorent la société de consommation dans laquelle nous sommes englués et qui sont prêts à prendre les armes pour repousser avec vigueur l’idée même de sortir du nucléaire.
c’est un peu ce que vous faîtes en dénigrant l’énergie nucléaire. Vous ne la dénigrez pas parce qu’elle est polluante, mais parce qu’elle est la nouvelle énergie de la consommation.
Mais toute énergie est polluante. Et toute énergie fait augmenter la consommation . Le facteur premier de l’augmentation de la consommation est bien la vie elle-même. C’est sûr qu’en plein milieu du désert, il n’y a pas augmentation de la consommation.
Je ne défends pas ici l’énergie nucléaire, mais je ne la condamne pas non plus.
Je critique seulement votre argumentaire….
Les personnalités authentiquement écologistes comme Pierre Rabhi ou José Bové y sont critiqués pour cette raison même. Ils ne sont pas plus favorables aux OGM qu’à la GPA ou la PMA et sont hostiles à la dérégulation par principe. Ils sont également favorables au droit à ne pas émigrer et à pouvoir mener une vie décente chez eux : Pierre Rabhi forme les paysans du Sahel à l’agriculture raisonnée et José Bové s’est toujours battu pour le droit et la possibilité concrète de « vivre et travailler au pays ».
Mais comme vous l’avez dit la culture consumériste née en Occident a été adoptée par les populations africaine, indienne et chinoise qui imaginent que les pays européens sont des pays de Cocagne et que leur mode de vie n’est que « luxe, calme et volupté ». L’industrie publicitaire, nos gouvernements et les réseaux mafieux portent une responsabilité gravissime dans ce cauchemar.
C’est donc aux populations européennes de lancer la décolonisation des imaginaires pour revenir sur terre en faisant pressions sur leurs propres gouvernements. Le premier pas serait de se mettre à élire des gouvernements qui rétablissent le contrôle de l’Etat sur les flux qui entrent et qui sortent du territoire national. Le contrôle du territoire est le premier acte de la souveraineté politique et donc de la souveraineté populaire. Et donc démocratique. C’est seulement une fois que sera reconquise cette souveraineté qu’elle pourra être exercée au service d’une politique de protection de l’environnement, de lutte contre la pollution, contre l’immigration sauvage et contre la société de surproduction et de surconsommation.