Souvent mes frères musulmans me disent que nous adorons le même Dieu. Cette expression manifeste une empathie réelle à laquelle je suis particulièrement sensible, surtout à une période ou d’autres chrétiens se font massacrer par d’autres musulmans dans d’autres pays. Cela manifeste un sentiment de proximité chaleureuse, de compréhension et de sympathie particulièrement précieux.
Mais c’est également une affirmation théologiquement inexacte qui ne permet pas de comprendre la spécificité du Dieu des chrétiens et des conséquences humaines, spirituelles et civilisationnelles qui en découlent.
Les chrétiens s’accordent avec leurs frères musulmans pour dire que Dieu est unique et qu’Il est mystérieux. Mais pour les chrétiens Dieu n’est pas seulement mystérieux, Il est également paradoxal. Il ne fait jamais ce qu’on aurait pu « légitimement » attendre de Lui. Il nous prend systématiquement à contre-pied et nous pousse à remettre en question la légitimité de nos attentes pour entrer dans le point de vue de Dieu : ce qui est sage aux yeux des hommes est folie aux yeux de Dieu. C’est vrai de toute la révélation biblique mais c’est particulièrement manifeste dans la manière qu’Il a d’être homme c’est-à-dire en Jésus-Christ.
Car c’est précisément quand Il a choisi de se révéler pleinement aux hommes que Dieu se dépouille des attributs divins qui auraient permis de Le reconnaître à coup sûr. Alors qu’Il veut se faire connaître Il renonce à ses signes extérieurs de divinité : toute-puissance, omniscience, inaltérabilité, gloire…
Pour se faire connaître Il décide de nous dévoiler sa substance : Il est amour. Il se fait connaître tel qu’Il est, dans son essence, au risque d’être méconnu puisque, en ce monde, l’amour est mal aimé.
Le Dieu des chrétiens est souvent déroutant mais jamais équivoque. Ses voies sont impénétrables mais pas sa volonté : Il veut que tous les hommes soient sauvés. Tous. Pas seulement les chrétiens. A ces derniers Il demande de collaborer à son œuvre de salut en tant que serviteurs inutiles : car de qui Dieu aurait-Il besoin ?
Le Dieu de chrétiens n’a besoin de personne et décide pourtant d’avoir besoin des hommes. Il descend de son piédestal divin, renonce à sa seigneurie et à l’adoration qui Lui est due pour se faire quémandeur de l’amour des hommes.
Pire – ou plutôt mieux – Il se fait quémandeur de l’amour de chaque homme individuellement. Tel un amoureux transi régulièrement éconduit Il ne se laisse pas décourager et continue de tenter sa chance. Il se fait demandeur et ça dure depuis des siècles…
Décidément le Dieu des chrétiens est vraiment unique.