Une fois que l’on a dit que rien ne justifiait d’assassiner les journalistes de Charlie Hebdo que peut-on dire de plus ?
A-t-on ensuite le droit de pointer du doigt des vérités que les médias et les institutions refusent de relayer parce qu’ils n’ont pas envie de les entendre ?
Non seulement je pense qu’on en a le droit mais je pense qu’on en a le devoir.
Un peu comme un médecin qui doit annoncer à son patient qu’à moins de changer radicalement son comportement alimentaire il va au-devant de graves problèmes de santé qu’il fera, en outre, supporter à son entourage immédiat.
La confrérie des journalistes et des responsables politiques découvre en effet avec effroi que le monde entier se sent pas forcément Charlie, que la France dans son ensemble ne se sent pas Charlie et que les collégiens et lycéens musulmans ne se sont jamais sentis Charlie.
Horreur, malheur stupéfaction et sidération.
Mais au fond ce qui est étonnant c’est que ça l’étonne tellement.
Elle prend subitement conscience de ses propres incohérences.
Deux incohérences majeures qu’elle n’avait jamais voulu admettre jusqu’à présent
La première est la confusion qu’elle a entretenue entre la liberté d’expression, qui est garantie par la Constitution, et droit à l’insulte que la rédaction de Charlie Hebdo s’était unilatéralement arrogée.
La confrérie des journalistes et des responsables politiques s’est obstinée à ne pas vouloir faire de distinction entre le fait d’exprimer un point de vue divergent de celui de ses interlocuteurs – en l’occurrence de ses lecteurs – et le fait de les insulter délibérément, pour le simple plaisir de les blesser.
Critiquer le dogme musulman ou le Coran cela relève de la liberté d’expression.
Dessiner Mahomet en train d’exhiber ses fesses ou le représenter sous forme d’un étron surmonté d’un turban ça relève de la liberté d’excrétion.
Ce n’est pas la même chose
Si l’équipe de Charlie Hebdo s’était contentée de critiquer le dogme musulman ou le Coran à l’aide d’arguments j’aurais été le premier à descendre dans la rue en criant : Je suis Charlie.
Mais elle s’est complu à blesser des musulmans en ricanant méchamment et revendiquant leur irresponsabilité comme un titre de gloire.
Jamais elle n’a cherché à débattre rationnellement, à entrer dans une discussion contradictoire avec échanges d’arguments.
Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo la confrérie des journalistes et des responsables politiques hurlent à la vertu outragée et cherchent des responsabilités partout…sauf du côté de Charlie Hebdo.
Incohérence.
Manque de rigueur intellectuelle.
Manque de rigueur morale.
Deux poids, deux mesures.
La deuxième incohérence majeure de la confrérie des journalistes et des responsables politiques a été d’asséner pendant des années à qui voulait l’entendre (et encore plus à ceux qui voulaient pas l’entendre) que la liberté d’expression c’est la liberté de tout dire même si ça paraît inacceptable à certains et que sa seule limitation légitime était en cas de menace à l’ordre public.
Hormis ce cas on pouvait tout dire et il n’y avait aucune censure.
Contre-vérité
Mensonge
Deux poids, deux mesures.
La censure est juridiquement en vigueur depuis la mise ne place des lois mémorielles : loi Gayssot du 13 juillet 1990 visant à interdire le négationnisme, loi du 29 janvier 2001 sur le génocide arménien et la loi Taubira du 21 mai 2001 sur la traite et de l’esclavage.
Que l’on juge ces lois nécessaires ou qu’on les juge illégitimes un constat s’impose : certains propos sont pénalisables même s’ils ne constituent pas une menace de trouble à l’ordre public et d’autres pas.
On peut s’en féliciter ou le déplorer mais pas le nier.
C’est pourtant ce que fait la confrérie des journalistes et des responsables politiques à chaque fois qu’elle cherche à réduire au silence certains propos comme lorsque Dieudonné déclare qu’il se sentait Charlie Coulibaly.
Objectivement la liberté d’expression qu’elle défende c’est la liberté de tout dire pour certains et pas pour d’autres.
Le droit à l’outrance est à géométrie variable en France.
Deux poids, deux mesures.
Pendant de nombreuses années la confrérie des journalistes et des responsables politiques a pataugé dans un déni de réalité d’autant plus insupportable qu’il s’agit d’un déni de justice et de la négation de ce qu’ils appellent eux-mêmes le pacte républicain ?
Où est la liberté d’expression pour tous ?
Où est l’égalité des citoyens devant la loi ?
Quant à la fraternité cela a-t-il encore un sens d’en parler ?
Les raisons des incohérences et de l’aveuglement collectif de la confrérie des journalistes et des responsables politiques leur appartiennent.
La seule question est de savoir si les événements de la semaine dernière, ceux d’hier et ceux de demain – car le grand feu d’artifices ne fait peut-être que commencer – suffiront à lui ouvrir les yeux sur la réalité.
Si tel n’est pas le cas une chose est sure : au lendemain du deuxième tour de l’élection présidentielle de en 2017 elle fera encore l’étonnée….
Louis Charles