La vérité est subversive, c’est pour ça qu’elle rend libre

Comme beaucoup de catholiques j’ai été élevé dans un esprit légitimiste.

Non pas au sens monarchique du terme mais dans le sens où j’ai été élevé dans l’idée qu’il fallait faire confiance aux autorités légitimes (Etat, clergé, école…). Ma confiance était acquise a priori.

Quand on ne savait pas on pouvait et on devait faire confiance à ceux qui étaient dans les institutions légitimes. On leur faisait crédit. C’était l’article premier du contrat social. Et en cas de défaillance de ces représentants et de ces institutions la marche à suivre était claire : il fallait se référer à cet article premier… et unique.

Cette confiance, nécessaire à la vie en commun, était en même temps excessive parce qu’enfantine. Je m’interdisais de faire confiance à mes intuitions et à ce que m’enseignait l’expérience quand elles contredisaient les autorités légitimes.

Car toute autorité qui n’est pas ordonnée au bien et à la vérité est une idole et Dieu veut nous libérer des idoles.

Ce processus de libération s’est fait pour moi en plusieurs étapes.

1/ Les idoles profanes

La première étape fut la saga de la Manif pour tous quand la Préfecture de police se joignait aux médias d’encadrement pour sous-estimer systématiquement l’affluence des rassemblements contre le projet de loi Taubira.

J’ai découvert alors que les représentants officiels de la Préfecture de police pouvaient mentir sur ordre ou, pire, mentir d’initiative pour complaire aux autorités politiques du moment. En discutant avec des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur j’ai appris que cette pratique était courante et qu’en 40 c’était dans la chasse aux Juifs qu’elle s’était illustrée, non par idéologie antisémite, mais pour plaire aux nouveaux maîtres du moment…

Rigolards mes interlocuteurs m’avaient fait remarquer que, tant que c’était les chiffres des manifestations de la CGT qui étaient sous-estimés, l’idée d’un mensonge officiel ne m’avait pas effleuré. J’ai alors pris conscience de mes propres œillères et de mes préjugés.

La deuxième étape fut l’épisode des Gilets jaunes avec le cocktail de répression aveugle, de déni de réalité (« Il ne faut pas parler de violences policières »), de mépris de classe (« Gaulois réfractaires »), de culpabilisation (« pour trouver un boulot il suffit de traverser la rue »), de désinformation (surmédiatisation des violences et occultation des manifestations pacifiques) et de stigmatisations calomnieuses («populiste», « antisémites »).

La troisième fut la gestion de la COVID : ordres, contre-ordres, désordres et mensonges à tous les étages. Mensonges relayés complaisamment (l’article du Lancet), arguments à géométrie variable («L’urgence ne doit pas vous pousser à prendre de la chloroquine car il n’y a pas d’études randomisées et donc pas assez de recul mais vaccinez-vous dès maintenant même s’il n’y a pas assez de recul car l’urgence c’est d’atteindre l’immunité collective»), conflits d’intérêts entre responsables de la santé publique (Agnès Buzyn, Yves Lévy, Yazdan Yazdanpanah) et chasse au Raoult qui les dénonçait.

Ces trois étapes ont remis en cause la confiance acquise que j’accordais aux institutions profanes. Mais il en va désormais de même vis-à-vis du clergé. Le drame des prêtres pédophiles est passé par là.

2/ Les idoles au sein de l’Eglise

Pendant longtemps j’avais haussé les épaules lorsque la presse parlait de pédophilie dans le clergé : je n’y voyais ni plus ni moins qu’un exemple supplémentaire de la calomnie anticatholique dont la presse française s’était fait une spécialité et dans laquelle elle se complaisait avec délectation.

L’Eglise était sa cible traditionnelle et elle se permettait avec elle de la harceler comme elle ne se le serait jamais permis avec d’autres religions. Puis quand il s’est avéré que le phénomène ne pouvait être assimilé à quelques cas isolés j’ai commencé à me demander pourquoi les médias catholiques n’en avaient jamais parlé et pourquoi seuls les médias profanes enquêtaient. L’idée qu’il y avait un cadavre dans le placard a commencé à faire son chemin dans mon esprit.

Puis quand il est apparu que c’était un drame qui durait depuis plusieurs décennies grâce au silence complice et parfois grâce à la complicité active d’évêques, de congrégations et de cardinaux je suis tombé de l’armoire. Ma confiance n’est donc plus acquise a priori aux représentants du clergé.

Comme le disait le Christ à propos de pharisiens : « Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent ; mais n’agissez pas selon leurs œuvres. Car ils disent, et ne font pas » (Matthieu 23, 3).

Le bon côté des choses c’est que, pour moi et pour tous ceux qui sont comme moi, c’est l’occasion de gagner en maturité et en discernement et donc en liberté intérieure.

La liberté intérieure, appelée aussi « liberté des enfants de Dieu » est le fruit de la foi en Dieu et de Sa grâce mais elle est régulièrement combattue par le Monde et le Prince de ce monde.

C’est pourquoi les saints ont été si souvent persécutés : de manière sanglante parfois (les martyrs) mais aussi de manière sournoise. Jeanne d’Arc a été condamnée par un tribunal ecclésiastique et par l’évêque Pierre Cauchon qui était l’une des plus hautes autorités de l’Eglise de son temps.

La confiance ça se mérite et ça peut se perdre.

Ceux qui ne sont pas fiables ne doivent pas inverser les rôles et nous faire sentir coupables.

La vérité est subversive, c’est pour ça qu’elle rend libre

Nous plaçons notre confiance dans le Christ parce qu’il s’est montré digne de foi : Il nous a aimés jusqu’à en mourir et Il est ressuscité d’entre les morts alors quand Il nous tend la main on peut Lui accorder notre confiance. C’est-à-dire notre foi.

« A quelque chose malheur » est bon dit le proverbe profane.

La crise de confiance dans la parole publique et dans les non-dits d’une partie du clergé sont des occasions de croissance humaine et spirituelle pour ceux qui, comme moi, étaient parfois trop pusillanimes pour être vraiment lucides.

Réjouissons-nous donc de cette évolution qui est pour nous l’occasion de grandir en cohérence et de nous attacher plus encore à Jésus-Christ qui, parce qu’Il est vrai homme et vrai Dieu est signe de contradiction dans ce monde.

« Tout est grâce » disait sainte Thérèse de Lisieux.

La formule de Boltzmann

Le devoir de réserve qui s’impose aux hauts fonctionnaires est parfois un couvercle bien lourd à porter : on voit et on comprend beaucoup de choses, on assiste à de nombreux événements dont on est parfois protagonistes, on connaît le dessous des cartes mais on ne peut les révéler sous peine de provoquer l’effondrement du château de cartes…

Les romans de Gérard Pardini, haut fonctionnaire ayant exercé des responsabilités à la fois opérationnelles et stratégiques dans divers ministères régaliens, n’en sont donc que plus précieux. Sans rien dévoiler des dossiers qu’il a eus à connaître au fil de sa carrière, il livre une réflexion qui est nourrie de son expérience.

Lucides, désabusés mais également drôles ses romans portent un regard sans complaisance sur l’évolution de notre société mais sans hostilité, à l’image de ces moralistes du XVIIème siècle qui, après avoir fréquenté les cercles de pouvoirs, côtoyé les grands et sondé leurs petitesses en tirent des leçons qu’ils veulent partager.

C’est dans cette veine que s’inscrit le dernier roman de Gérard Pardini intitulé La formule de Boltzmann et publié chez L’Harmattan (les premières pages peuvent être lues sur http://www.gerard-pardini.fr/spip.php?article134).

 On y voit des décideurs persuadés d’œuvrer pour le bien de l’humanité mais qui ne soupçonnent pas un seul instant la noirceur de leurs âmes, un système politique conçu pour favoriser l’harmonie qui, au fil des catastrophes déraille vers l’absurde, une folie qui est aussi celle de leurs administrés et une lucidité sur l’évolution du monde qui reste l’apanage des femmes.

Cela vous fait penser à quelque chose ?

Marche avant par Alexandre Poussin

La publication récente des dernières aventures de la famille Poussin à Madagascar, Mada Trek, nous a incité à remettre en ligne la recension faite il y a dix ans d’un livre assez original d’Alexandre Poussin, intitulé Marche avant.

Après avoir passé sa jeunesse à escalader nuitamment les monuments parisiens et à faire une cour aussi assidue qu’originale à Sonia, il fait le tour du monde à bicyclette, traverse à pied l’Himalaya avec un ami, repasse par Paris pour épouser Sonia qu’il emmène ensuite en promenade pendant trois ans : le temps de rallier à pieds la ville du Cap en Afrique du Sud au lac de Tibériade en Israël, couchant chaque soir à la belle étoile ou chez l’habitant. En 2004 et 2005 Alexandre et Sonia raconteront leur expérience et surtout les multiples rencontres qui ont émaillé leur périple dans un livre publié en deux tomes intitulé Africa Trek que suivit un DVD éponyme. En 2011 Alexandre Poussin nous livre ses réflexions, ses méditations et son expérience dans un livre à la fois original, drôle, profond et très bien écrit intitulé Marche avant.

En quête de vérités qui aident à vivre, Alexandre Poussin ne cesse de tracer sa voie, de suivre son propre chemin et, inévitablement, il brouille les pistes. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Tombé amoureux de l’Afrique et de sa beauté au contact de la revue L’Afrique réelle, dirigée par le controversé Bernard Lugan – proche de la droite radicale – Alexandre Poussin bat en brèche les stéréotypes sur l’Afrique et consacre des pages vibrantes au courage des Africains qui, simplement pour ne pas périr, doivent travailler d’arrache-pied – parfois au sens propre du terme – et mènent une vie de labeur que, selon lui, aucun Européen contemporain ne supporterait plus de trois semaines….

Déjà à Sciences po Grenoble il préférait les stages ouvriers aux stages conseillés. Il s’est ainsi embarqué comme mousse avec des marins-pêcheurs et a travaillé comme garçon de ferme dans les alpages afin de toucher du doigt la réalité de ces métiers ainsi que les conditions de vie de ceux qui les exerçaient au lieu d’effectuer sagement des photocopies dans une préfecture ou dans un cabinet de conseil. Il y découvrit des difficultés, des drames et des contradictions qui sont le reflet de nos choix de société. C’est peut-être pour cela que ses professeurs avaient tenté de l’en dissuader en faisant valoir que cela ne lui servirait à rien. C’est assurément pour cela que son rapport de stage sur l’agriculture fut étrillé : il y remettait en cause, exemples à l’appui, le modèle de l’agriculture industrielle.

Scout revendiqué qui ne tarit pas d’éloges sur la formation humaine et spirituelle qu’il doit au mouvement de Baden Powell il est également – et selon lui logiquement –  un écologiste viscéral. Il rend hommage à José Bové dont il salue le courage militant tout en suggérant qu’il est en avance sur son temps et que la postérité lui rendra justice. Car, si Alexandre Poussin est un écologiste engagé, il n’est pas un écologiste enragé.

Il connaît mieux que quiconque les réactions épidermiques des baby boomers que suscite la moindre interrogation pouvant remettre en cause les dogmes de la croissance exponentielle et du salut par le progrès technique. Philosophe, il se dit que chaque génération a son combat et que celui de la paix était le leur tandis que celui de l’environnement est désormais le nôtre. Généreux, il leur rend hommage pour ce qu’ils ont fait. Optimiste, il place son espoir dans la génération actuelle et les générations à venir à venir pour inverser les tendances destructrices actuellement à l’œuvre.

Ancien élève des écoles chrétiennes il se déclare sereinement défavorable à la mixité scolaire qu’il considère comme un obstacle à la formation des personnalités. Il estime que ce n’est pas un service à rendre à des adolescents et des adolescentes qui ne sont encore que l’ébauche d’eux-mêmes que de faire de l’école le terrain des jeux de l’amour et du hasard. Catholique assumé, il se déclare partisan de la sobriété volontaire qu’il considère comme la seule solution à la fois viable et vivable pour sortir de la société de consommation et de sa logique destructrice et se réfère indifféremment à Pierre Rabhi, Denis Tillinac, Jean-François Guillebaud et José Bové, Jean-Paul II ou Gandhi quand il ne cite pas purement et simplement l’Evangile.

S’il parcourt désormais le monde à pied pour faire de longs voyages à l’image des pèlerins du Moyen-Age c’est à la fois pour des raisons méthodologiques et déontologiques : par le simple fait de marcher le marcheur retrouve son corps. Il l’habite de nouveau. Il rentre en lui-même. Il se retrouve. Il reprend contact avec la Création qu’il contemple de nouveau. Son âme se reconnecte avec l’essentiel. Il se débarrasse de ses angoisses. De son stress. De l’esprit de comparaison. De l’esprit de compétition. Il n’est plus pollué et ne pollue plus. Il prend le temps. Il prend son temps. Il a le temps. Il redevient disponible aux rencontres imprévues.

L ‘éthique de la marche qui le meut et qu’il promeut est la source d’inspiration de ce livre-témoignage dans lequel alternent chapitres biographique et considérations plus philosophique. Car ce jeune quadra devenu récemment jeune papa a déjà beaucoup vécu et a pris le temps de ruminer ce qu’il a vécu pour le mettre en mots. Emprunt de profondeur et rédigé avec une bonne dose d’autodérision Marche avant est un récit inclassable qui aidera tous les chercheurs de sens à étancher leur soif.

Il est plus facile de faire son devoir que de le discerner

L’aversion pour le risque guide la plupart de nos choix et se pare du manteau de la prudence. Notre préférence va à ce que nous connaissons déjà parce que c’est ce que nous maîtrisons déjà. « On sait ce qu’on perd mais on ne sait pas ce que l’on gagne » dit la sagesse populaire. Sagesse populaire, sagesse du bon sens sans doute mais qui s’oppose à la sagesse de Dieu qui est « folie aux yeux des hommes ».

1/ L’aversion pour le risque est un réflexe de notaire pas une vertu évangélique.

L’aversion pour le risque est une espèce d’emplâtre qui bouche nos yeux et nos oreilles aux manifestations de l’Esprit saint. A l’inverse ce sont souvent ceux qui n’ont rien pour boucher leurs yeux et leurs oreilles qui sont réceptifs à l’Esprit saint. Comme le disait le père Stan Rougier : « Heureux les fêlés, ils laissent passer la lumière ! »

L’Esprit saint se manifeste souvent par des désirs profonds qui nous apparaissent inconvenants, inadéquats ou inopportuns : choisir le célibat plutôt que la liberté sexuelle, renoncer à avoir une carrière pour être disponible à son prochain (en commençant par son conjoint !), quitter un milieu dont on maîtrise les codes mais où l’on vit à l’extérieur de soi-même, refuser de s’intégrer à un groupe au point de perdre son intégrité. Tel est le cas du général Jacques Pâris de la Bollardière.

Saint-Cyrien, officier dans la Légion étrangère, il est l’un des Français les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale. Il est fait grand officier de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération et est décoré à deux reprises du Distinguished Service Order (DSO). Affecté en Algérie en 1956 il devient le plus jeune général de l’armée française à 49 ans. Il avait tout gagné et avait donc tout à perdre.

C’est ce qu’il fit pourtant en écoutant la voix de sa conscience. Elle fit de lui le seul officier supérieur en fonction à condamner ouvertement l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Puis, elle le poussa à demander à être relevé de ses fonctions. En 1961, après le putsch des généraux, il quitta une armée qu’il estimait ne plus pouvoir servir parce qu’elle se dressait contre le pays qu’elle était tenue de servir. Les années suivantes il s’engagea dans les mouvements pacifistes et se définit comme un objecteur de conscience. Il fit tout cela au nom de ses convictions chrétiennes[1] et contre les habitudes de son milieu.

La répression des vérités profondes que nous sentons palpiter en nous et que nous étouffons sous prétexte de prudence et de sagesse est souvent une fin de non-recevoir opposée à l’Eprit saint dont nous redoutons l’influence sur nous. Nous avons peur que la volonté de Dieu nous entraîne dans des situations inconnues et nous éprouvent au risque de nous ébranler.

C’est ce qu’annonçait Jésus Christ à l’apôtre Pierre, le premier pape: « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu tendras les mains et c’est un autre qui attachera ta ceinture et te conduira où tu ne voudras pas. » (Jean 21, 18).

2/ Il est beaucoup plus facile de faire son devoir que de le discerner

Nous avons peur de lâcher prise pour laisser les commandes à l’Esprit saint et c’est pour ça que nous cherchons à nous convaincre qu’il ne faut rien lâcher de ce qui nous tient lieu de morale et de lien social.

Notre aversion pour le risque a pour corollaire la prédilection pour ce qui est convenu. La morale des hommes est beaucoup plus rassurante mais correspond rarement à la volonté de Dieu.

C’est exactement pour cette raison que Jésus a démenti publiquement et très violemment le premier pontife de l’histoire en lui jetant à la figure : « Arrière, Satan, tu es un piège pour moi, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes » (Matthieu 16, 23).

La prédilection pour ce qui est connu et convenu a pour corollaire l’aversion pour ce qui est inconnu et inconvenant. D’où les réticences et le malaise que nous éprouvons spontanément pour l’exercice du discernement. Le risque et l’inconfort de la liberté nous font peur.

Le discernement est beaucoup plus inconfortable et risqué que l’obéissance. C’est aussi beaucoup plus exigeant et parfois même plus épuisant. L’exercice du discernement exige de rester attentif, disponible, d’accepter de tâtonner, de faire demi-tour et d’admettre – d’abord à soi-même et ensuite aux autres – que l’on s’était fourvoyé et parfois même volontairement !

Sur le plan spirituel agir par principe en permanence est un choix de sédentaire, le discernement un choix de nomade.

Or, le chrétien n’est que de passage dans ce monde et sa patrie est dans les cieux. Son pèlerinage terrestre a pour seule raison d’être de transformer son cœur de pierre en cœur de chair. La conversion de son cœur est sa grande affaire car c’est elle qui déterminera ce que sera sa vie éternelle : un paradis ou un enfer. C’est nécessairement radical et bouleversant. C’est un pèlerinage, pas une balade digestive.

La vie chrétienne est nécessairement un signe de contradiction apporté aux hommes et au monde tel qu’il est organisé, y compris par le clergé parfois : demandez à Jeanne d’Arc ! C’est une objection au monde tel qu’il va. Ou plutôt tel qu’il ne va pas. Car il ne va pas très bien. C’est forcément un défi au moins implicite au Prince de ce monde. Il ne faut donc pas attendre de triompher dans ce monde…

L’exercice du discernement spirituel est forcément intime et personnel puisqu’il engage notre vie temporelle et éternelle. Certes ce discernement intime n’est pas pour autant un discernement solitaire : il se laisse éclairer aussi par le discernement d’autrui et au premier chef par celui de tous ses frères dans la foi, ses contemporains comme ceux des générations passées. Entre pèlerins il faut bien s’entraider…

Mais en dépit de cette solidarité de pèlerins en chemin – ce qu’on appelle la communion de l’Eglise en jargon de spécialistes – le discernement spirituel ou plutôt existentiel nous affecte inévitablement et parfois douloureusement puisqu’il nous arrache progressivement aux conceptions et aux habitudes mondaines dans lesquelles nous sommes nés et qui nous ont en partie façonnés.

L’exercice du discernement est parfois fragilisant, malaisant et angoissant mais il est indispensable et inévitable car il est salutaire : c’est par lui que nous accéderons (ou pas) à la maison du Père.

[1] « Je pense avec un respect infini à ceux de mes frères, arabes ou français, qui sont morts comme le Christ, aux mains de leurs semblables, flagellés, torturés, défigurés par le mépris des hommes ».

Le Césaro-scientifisme

JC nous propose une réflexion brève mais percutante sur le gouvernement au nom de la science.

  Le césaro-scientifisme ; voilà le nouveau terme pour penser la forme prise par le Pouvoir aujourd’hui.

 La crise du COVID 19 aura matérialisé une évidence que l’on voyait déjà poindre avec l’écologie: c’est par l’argument scientifique que tend à se légitimer désormais le pouvoir politique. Il faut croire la parole scientifique ; nouvelle Autorité avec ses églises et ses sectateurs que le pouvoir politique peut, au gré de ses velléités, convoquer comme argument moral pour se justifier. Ce que le religieux spirituel ne lui permet plus – le laïcisme et le sécularisme ont scié à son insu la branche qui le soutenait- le religieux médical lui en offre désormais la possibilité… Reformuler le croire contemporain. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, il faut croire les scientifiques… Mais lesquels croire dans un monde savant dissonant ?

Le césaro-scientifisme à l’embarras du choix. Il peut aujourd’hui restreindre les libertés mieux que n’importe quel ordre politico-religieux car il a suffisamment d’arguments pour « faire et défaire » et personne ne peut l’anathématiser : c’est la parole scientifique ! Il a donc ses hérauts : les médias officiels et ses chaines d’opinion en continu et ses nouveaux clercs : les « toujours » Hautes Autorités de Santé.

 Autorité ! Le mot est lâché qui nous fait retomber sur le vieux couple moteur de l’articulation du « Pouvoir temporel » et de « l’Autorité spirituel ». Parodiant cette alliance honnie des républicains du « Sabre et du Goupillon » leurs descendants aujourd’hui peuvent désormais porter partout la nouvelle alliance du Marché et de la Blouse blanche.

D’aucuns parlent déjà de dictature sanitaire sans se retourner sur l’histoire. Redde caesari quae sunt caesaris, la dictature n’a jamais été religieuse ; pas plus qu’elle ne sera sanitaire, scientifique ou technologique car la dictature est partout et toujours le fait du Prince.

Entre doxa officielle et monde parallèle quelle place pour la complexité du réel ?

La culture du mensonge imbibe la société de consommation dans laquelle nous vivons parce qu’elle repose sur plusieurs piliers institutionnels : l’industrie de la publicité qui vise à nous faire croire que les stratégies des producteurs ont été faites en fonction de nos besoins profonds, l’industrie du marketing qui définit les catégories de consommateurs qu’il faut convaincre et l’industrie du lobbying qui consiste à savoir quels décideurs et quelles institutions corrompre pour obtenir des autorisations qu’on n’obtiendrait pas légalement ou, mieux (ou pire en fait !), pour faire entrer des intérêts particuliers dans la définition légale du bien commun.

Cette culture du mensonge irrigue les mentalités, ce qui signifie que ni l’auteur de ces lignes ni ceux qui le lisent (en espérant que certains le liront !) ne sont épargnés par cette maladie de l’esprit. Nous y sommes en effet exposés de deux manières au moins.

Nous sommes exposés aux mensonges par omission et par déformation à chaque fois que nous lisons les médias classiques. Mais nous sommes également exposés aux mensonges par affirmation (fake news, vérités alternatives) et par imagination à chaque fois que nous consultons des sites ou des documents à tendance complotiste sur les réseaux sociaux.

Les médias classiques refusent de prendre en considération l’existence de complots pour décrypter les rapports de force au sein de la société. A l’inverse les théoriciens du complot nient qu’il puisse exister d’autres explications de la réalité que ces complots.

Et dans les deux cas le lecteur est sommé de choisir son camp avec la certitude qu’il sera étiqueté par l’autre camp et sera considéré, au choix, comme  un imbécile, un naïf, un inconscient, un paranoïaque, un nuisible, un lâche ou un fou.

Mais dans les deux cas le plus grand perdant c’est la complexité du réel c’est-à-dire la réalité.

1/ Les médias classiques ou la tentation du mensonge par omission

Cette culture du mensonge institutionnel repose moins sur des faux caractérisés (des fake news) que sur des angles morts, des dénis de réalité et des présentations biaisées. Il s’agit moins d’inventer des mensonges que d’éclipser une partie de la réalité ou de la présenter d’une manière biaisée.

Les mensonges par omission sont les plus nombreux car les plus faciles et les moins risqués. Il est toujours moins risqué de ne pas faire quelque chose (transmettre une information, enquêter, décrire) que de faire quelque chose.

Les médias classiques mentent la plupart du temps par omission : c’est beaucoup moins risqué parce que beaucoup moins facilement détectable. Le problème n’est pas ce qu’ils disent mais au contraire ce qu’ils ne disent pas. Exemples ? Pendant des décennies ils ont nié la réalité de phénomènes qui aujourd’hui font l’objet d’un consensus : la montée continue de l’islamisme dans notre pays, la montée de l’insécurité, les flux migratoires continus et incontrôlés – ce qu’ils savaient et ont préféré taire par lâcheté, par convenance ou par parti pris. Leur prétention à l’objectivité et au professionnalisme n’en est que plus inaudible.

Il existe une autre manière de mentir, c’est de présenter la réalité de manière biaisée c’est-à-dire sans distinguer les faits des jugements que l’on porte sur les faits. C’est ce qu’on appelle un effet de source.

Là on peut vraiment parler de culture du mensonge médiatique car chez les journalistes l’art du préjugé initial est ouvertement assumé et même théorisé : à n’importe quel apprenti journaliste on apprend qu’avant de se lancer dans un sujet il faut décider de l’angle sous lequel il veut le traiter. En d’autres termes quelle est la conclusion à laquelle on veut arriver avant même de commencer à écrire. Quel est le message que l’on veut véhiculer ?

C’est l’exact opposé du travail d’enquête consistant à instruire à charge et à décharge pour relater ce que l’on a vu, compris et entendu même si cela ne correspond pas à l’idée qu’on se faisait auparavant de la réalité.

Sous prétexte qu’il est impossible d’être parfaitement et toujours objectif les journalistes se sont affranchis du devoir d’honnêteté intellectuelle et de toute déontologie.

Plusieurs procédés sont employés : les euphémismes (« incivilités » au lieu de menaces, chantages, violences), les pétitions de principe (« L’Europe c’est la paix »), les arguments d’autorité (« C’est la fameuse revue scientifique The Lancet qui l’a dit donc c’est vrai), les fausses alternatives (« C’est Emmanuel Macron ou le fascisme ») ou encore du chantage intellectuel (« le souverainisme c’est le retour aux-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire »).

Les partis pris des journalistes sont tellement massifs parfois qu’ils ne s’en aperçoivent pas. Leur soutien idéologique sans faille au traité de Maastricht en 1992 et au projet de constitution européenne de 2005 en est exemple connu. Leur adhésion à une conception antidémocratique de la construction européenne n’était pas neutre mais ils la présentaient comme telle. A les entendre c’était le seul choix objectivement rationnel et ils s’en faisaient eux-mêmes les porte-paroles zélés. Ils prenaient parti tout en prétendant rester des observateurs objectifs et dépassionnés.

Leur engagement militant était pourtant patent : ils ridiculisaient et anathématisaient alternativement tous ceux qui refusaient de voter dans leur sens. Ils les traitaient de populistes hier. Aujourd’hui ils les traitent de complotistes.

2/ L’existence de complots et leur négation

Il existe une partie de la réalité dont les médias classiques ne veulent pas parler : l’existence de complots. Car non seulement les complots existent mais ils expliquent une partie de la réalité. Qui oserait dire que l’assassinat de John Kennedy puis plus tard celui de son frère Bob n’ont pas été commandés ? La préparation d’un attentat ou d’un meurtre sont des complots.

Mais le plus célèbre des complots récents est peut-être le pacte germano-soviétique, officiellement traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique de 1939. Il comportait un protocole secret visant le partage de l’Europe entre les deux puissances totalitaires, ce qui fut fait très peu après. Qui peut soutenir que ce protocole secret n’était pas un complot contre l’existence même du peuple polonais ?

Plus proche de nous le dossier mensonger présenté le 05/02/1991 devant le Conseil de sécurité des Nations unies par le général américain Colin Powell affirmant que le régime irakien détenait un  arsenal d’armes chimiques (armes de destruction massive).

Ce montage du gouvernement américain était une conspiration pour obtenir l’autorisation de l’ONU d’envahir l’Irak sous la bannière de l’ONU. Ce qui fut fait en 2003. Plus tard Colin Powell reconnaîtra que les informations qu’il avait divulguées étaient fausses mais en attribua la responsabilité à la CIA et au Pentagone.

De manière plus large toute préparation d’une opération secrète par les services de renseignement ou les forces armées est un complot contre ceux qui ont été définis comme l’ennemi. Une campagne de presse contre un homme politique orchestrée par une agence de communication payée pour le compte d’un de ses clients, c’est un complot.

Une opération de spéculation boursière contre une monnaie ou un pays, c’est un complot contre toutes les entreprises, tous les salariés et tous ceux dont la survie et la vie dépendent de la bonne santé de la monnaie attaquée et de l’économie du pays considéré.

Des opérations concertées et secrètes pour nuire délibérément à un individu ou à une catégorie d’individus constituent une réalité… quotidienne. D’ailleurs toute forme de lobbying sur les décideurs publics n’est-elle pas une forme de complot contre l’intérêt général ?

Mais si les complots existent et que les médias nient leur existence ou du moins leur pertinence pour expliquer la réalité les complotistes, eux, tombent dans le péché inverse.

Les premiers nient que l’existence des complots puisse expliquer la réalité et aider à la comprendre, les autres nient qu’il puisse exister d’autres explications que les complots.

3/ Des complots réels aux théories du complot

Vouloir développer une vision cohérente de la réalité n’est pas en soi illégitime. C’est même indispensable.

Le monde est une succession de faits plus ou moins connectés les uns aux autres, parfois contradictoires et souvent chaotiques. Pour saisir cette réalité complexe, notre entendement cherche à repérer des invariances, des relations de causalités ou des éléments explicatifs.

Le monde extérieur est ainsi modélisé par chacun d’entre nous en quelque chose de plus simple et de plus cohérent. Cette démarche est nécessaire, car personne ne peut vivre dans un monde complètement chaotique, sans aucun repère.

Mais là où ça dérape c’est quand on succombe à l’esprit de système, c’est-à-dire quand on part d’une explication plausible pour arriver à une conclusion que l’on tient pour certaine sans avoir pris la peine de la confronter à des données empiriques.

Dire que des gens habiles et mal intentionnés profitent du système c’est une chose mais en déduire qu’ils sont en mesure de contrôler le système et d’imposer leurs vues à l’ensemble du monde en est une autre.

Or, si des convergences d’intérêts existent bien, si des ententes secrètes se nouent et se dénouent chaque jour, si des complots sont orchestrés – avec ou sans succès – cela ne signifie pas que quiconque puisse maîtriser le système à l’échelle mondiale.

Ce faisant les partisans de la théorie du complot rendent un hommage exagéré – mais involontaire – aux comploteurs en leur reconnaissant implicitement les attributs de Dieu : omniscience, omnipotence et infaillibilité.

C’est cela le grand vice intellectuel du complotisme : l’esprit de système

C’est l’exact inverse de la pensée scientifique qui part de l’observation des faits, modélise une explication et la soumet de nouveau à l’expérience empirique afin de tester sa cohérence. Tant qu’elle n’est pas contredite par la réalité elle est considérée comme vraie… jusqu’à preuve du contraire. L’esprit de système fait l’inverse : il substitue la primauté du modèle à la primauté du réel.

La théorie du complot ne se définit pas par un contenu mais par une démarche intellectuelle. Ces théoriciens sélectionnent les faits qui étayent leur conviction initiale et écartent les autres. C’est pour cela que leurs démonstrations reposent sur des juxtapositions : les faits et les citations sont tirés de leur contexte et sont donc invérifiables. Et quand on les interroge sur l’origine et la validité de leurs sources ou qu’on remet en cause la rigueur de leur raisonnement, ils ne répondent pas avec des arguments vérifiables.

Ils cherchent moins à entrer dans la réalité et donc dans sa complexité qu’à renforcer une conviction déjà établie – c’est-à-dire une intuition ou un préjugé – et à la partager avec le plus grand nombre.

La théorie du complot consiste à substituer au monde réel et à sa complexité un monde parallèle épuré parce que simplifié et, pour cette raison même, plus satisfaisant pour notre besoin de cohérence.

Ce monde est artificiel – et donc mensonger – précisément parce qu’il est expurgé de toutes les zones d’ombre, les mystères et les ambiguïtés sur lesquels la réalité nous fait régulièrement trébucher.

La théorie du complot nous offre un monde parallèle mais à notre portée. Un monde imaginaire mais qui aurait l’élégance de ne pas outrepasser les limites de notre entendement. Un monde fait – ou plutôt contrefait – sur mesure.

La complexité du réel nous est souvent insupportable et souvent à juste titre tant le réel est parfois douloureux, cruel et angoissant.

Parce qu’au fond de nous-mêmes nous préférons anticiper une fin effroyable que de vivre dans un effroi sans fin tant la complexité du réel et les limites de notre compréhension nous sont insupportables.

Parce que, quand la réalité nous apparaît d’autant plus insupportable qu’elle est indéchiffrable, la tentation est parfois trop forte de se mettre à chercher de coupables faute d’explication.

4/ Le remède : ne pas renoncer à la complexité du réel

Dans ces circonstances comment éviter à la fois le déni de réalité induit par la doxa officielle et le déni de réalité proposé par les théories du complot ?

Comment échapper à la culture du mensonge alors que nous y sommes exposés à longueur de journées, qu’il s’agisse de celle du système ou des anti-systèmes ?

On peut commencer par s’abstenir de prendre position quand on ne sait pas.

Cela ne signifie pas s’abstenir de rechercher, de discuter, d’interroger, de réfléchir par soi-même ou de s’instruire.  Cela signifie simplement ne pas brûler les étapes et ne pas prendre ses intuitions ou ses convictions pour des critères de vérité.

L’esprit de système est une absence d’humilité qui empêche de dire « je ne sais pas ». C’est un esprit critique, qui doute de tout sauf de lui-même et qui a la folie de sacrifier la réalité sur l’autel de la cohérence logique.

On peut ensuite pratiquer le passage au crible de toute nouvelle information : de qui provient-elle ? de quand date-t-elle ? Dans quel contexte est-elle apparue ?

Cette information provient-elle d’une source unique ou bien a-t-elle été recoupée par plusieurs sources indépendantes les unes des autres  et auxquelles on peut avoir un accès direct ?

Si c’est une mise en cause alors à qui nuit-elle et à qui profite-t-elle. C’est le vieil adage du droit romain : qui scelus prodest ? A qui profite le crime ? Si l’auteur du crime en est lui-même victime peut-on en conclure qu’il est à l’origine du complot allégué ?

L’expert qui nous parle parle-t-il de son domaine d’expertise ou d’un autre domaine ? C’est le biais des intellectuels : ils sont reconnus pour leur excellence dans un domaine et s’autorisent à donner leur avis dans d’autres domaines dans lesquels ils ne font pas spécialement autorité.

Mais de manière générale il existe deux antidotes qui agissent comme des vaccins pour nous prémunir contre le déni de réalité, médiatique ou complotiste : cultiver le sens de l’humour et lire de la littérature.

L’humour est un adjuvant spirituel car il dévoile les vérités que nous voudrions dissimuler. C’est l’enfant de l’humilité et de l’amour. L’humilité nous permet de regarder en face nos limites et nos faiblesses. Sans humilité pas de capacité d’auto-dérision et donc pas d’humour possible. L’humilité nous rend capables d’accepter la vérité telle qu’elle est et quelle qu’elle soit. Quelque contrariante qu’elle puisse être pour nous…

La littérature est également un antidote naturel contre la doxa officielle comme contre les théories du complot dans la mesure où c’est un constant rappel de la complexité du réel.

La littérature fait tinter à nos oreilles une petite musique insistante et subversive qui nous rappelle que la vérité échappe toujours aux conceptions que nous nous en faisons parce que nos conceptions ne sont que le produit de notre esprit et qu’elles sont, par conséquent, toujours à notre mesure.

Elle nous aide à penser plus justement et c’est ce qui en fait un adjuvant spirituel puisque, comme le disait si bien Blaise Pascal, le principe de la morale c’est de travailler à bien penser.

Elle ne suffit pas à nous prémunir contre les erreurs de jugement mais elle nous aide à ne pas nous fourvoyer systématiquement dans l’inhumanité d’un monde faussé. Elle nous aide à acquérir ce cœur intelligent que le roi Salomon avait demandé à Dieu pour bien gouverner et que Dieu lui a accordé (1 Rois 3, 9-12).

C’est déjà pas mal, non ?

La liberté d’expression : pour quoi faire ?

Face à l’égorgement récent – car il faut appeler les choses par leurs noms – de Samuel Paty par un islamiste lui reprochant d’avoir montré en classe les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo l’horreur et l’effroi s’y disputent à la colère. Comment faire autrement ?

Ce drame, comme celui quelques jours plus tard, de l’assassinat de trois chrétiens catholiques à l’intérieur de la cathédrale de Nice, vient renforcer notre conviction que la défense de nos libertés fondamentales n’est pas négociable.

L’affrontement longtemps esquivé avec les islamistes qui veulent notre mort ou notre soumission ne peut plus être différé. De ce point de vue, c’est peut-être une bonne chose car c’est en affrontant l’ennemi qu’on peut espérer le vaincre et continuer à vivre libres et c’est en désignant l’ennemi qu’on peut l’affronter. Pas avant.

Mais si on peut supposer que l’ensemble des musulmans en France et surtout l’ensemble des Français musulmans partagent notre effroi, il n’est pas certain qu’ils partagent le point de vue officiel du gouvernement, de nos institutions et de la majorité de la classe médiatique.

Ce point de vue a été bien résumé par le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire : « Moi je n’aime pas ces caricatures mais je les défends, je défends ceux qui les ont faites, je défends ceux qui les diffusent au nom de quelque chose qui est plus important pour moi que ces caricatures, qui est la liberté. La liberté d’expression et la liberté tout court ».

Pourtant l’existence même de lois mémorielles contredit cette déclaration. Pour rappel une loi mémorielle est une loi qui déclare voire impose le point de vue officiel d’un État sur des événements historiques…. et de priver historiens et citoyens de leur liberté de penser et d’exprimer leur pensée.

La position officielle est donc une loi à géométrie variable et c’est bien comme cela qu’elle est comprise par de nombreux musulmans, français ou non, tolérants ou non. C’est pour cela que la doxa officielle n’est pas convaincante, parce que la frontière entre ce que l’on peut dire et ce qu’il faut taire paraît arbitraire.

Pourtant on pourrait définir et donc délimiter la liberté d’expression sur d’autres critères que celui d’une majorité – forcément aléatoire et jamais impartiale – en fonction de son objet : la recherche de la vérité.

1/ La liberté d’expression, condition d’accès à la vérité

La liberté d’expression a en effet pour justification de garantir la possibilité de rechercher la vérité – individuellement et collectivement – et non de conférer l’impunité à n’importe quel comportement.

Si la défense de la liberté d’expression a pour objet un argument ou une idée à défendre alors il faut garantir cette liberté –  surtout si la proposition est subversive – car c’est la quête de la vérité qui est en jeu. C’est l’adage attribué, à tort, à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire »

L’homme est fait pour la vérité et le consensus social ne peut lui être opposé. C’est pourquoi, en tant que catholique je dis « oui » à la liberté d’expression de Spinoza, de Voltaire et de Marx. Et quand Charlie Hebdo publie un dessin représentant Mahomet  sous-titré : « C’est dur d’être aimé par des cons » je soutiens son droit à le publier.

Pourquoi ? Parce que dans ce dernier cas je dis « oui » à la liberté d’expression car elle exprime une idée et un point de vue sur la réalité. A savoir que les islamistes qui s’abritent derrière la volonté de Mahomet ne sont pas conformes à la volonté de Mahomet.

Vrai ou faux c’est une autre histoire, mais c’est là justement, qu’il y a débat et l’espace de ce débat doit être sanctuarisé contre l’hostilité des islamistes.

2/ La liberté de chercher la vérité, pas le droit à l’impunité

A l’inverse quand Charlie Hebdo publie une caricature de Mahomet nu en exhibant ses organes génitaux on quitte le terrain de la liberté d’expression et on retombe dans le domaine de l’injure. Il n’est plus question d’avancer un argument ou de défendre une idée. La recherche de la vérité n’est pas – n’est plus – en jeu.

On est dans le domaine de l’insulte et de l’humiliation gratuite, pour le plaisir de blesser en toute impunité. Charlie Hebdo l’admet lui-même sans problème puisqu’il s’en vante. Il revendique haut et fort, pour reprendre sa formule, l’humour bête et méchant.

On redescend au niveau de la cour de récréation, lieu des surenchères les plus gratuites, les plus inconscientes… et les plus méchantes. Le tout en déclarant crânement: « je fais ce que je veux ».

Cette logique complètement déconnecté du souci de la vérité, purement nombriliste, délibérément blessante, qui s’exonère de toute responsabilité, qui inverse la charge de la preuve et qui exige en plus des excuses n’est-elle pas celle de Donald Trump ?

Imaginons que Charlie Hebdo publie des caricatures de rabbins avec le nez et les doigts crochus trempant leurs mains dans le sang d’enfants chrétiens : qui l’accepterait au nom de la liberté d’expression ?

Personne à part les antisémites patentés : les nostalgiques du IIIème Reich et surtout les islamo-gauchistes de tous poils qui, eux, sont beaucoup plus nombreux et beaucoup mieux représentés politiquement depuis qu’ils ont mis sur pied des collectifs de lutte contre « l’islamophobie » et qu’ils ont pris le contrôle de La France Insoumise, le parti de Jean-Luc Mélenchon.

Ils invoqueraient la liberté d’expression et on leur opposerait à juste titre que la calomnie et l’injure ne sont pas des opinions. Parce qu’on n’est pas, là non plus, dans le domaine de la recherche de la vérité, sur le terrain des arguments et du raisonnement.

De telles caricatures seraient heureusement sanctionnées par la loi qui réprime non seulement les injures et les calomnies antisémites mais l’injure et la calomnie en général.

3/ La recherche de la vérité : raison d’être et justification de la liberté d’expression

La liberté d’expression est une chose trop sérieuse pour être laissée à Charlie Hebdo ou, pire encore, pour lui laisser le loisir de s’en arroger le monopole.

Les conditions de possibilité d’une recherche de la vérité historique doivent être garanties et protégées contre toutes les formes d’intimidation, des plus subtiles aux plus violentes. Parce que là on est sur le terrain des arguments et de la quête de vérité.

Dans son discours prononcé le 12/09/2008 au collège des Bernardins le pape Benoît XVI avait développé un exposé qui est resté gravé dans les mémoires sur le rôle des monastères dans la préservation de la culture antique et de la création de la culture européenne.

Après la chute de l’empire romain et tout au long des invasions barbares les abbayes ont fleuri sur le continent européen et ont constitué autant d’oasis de paix, de (relative) sécurité et donc de liberté où les hommes qui le souhaitaient pouvaient s’adonner à la quête de l’essentiel : en l’occurrence l’Essentiel.

La liberté était une condition de possibilité indispensable mais en elle-même sans autre objet que la recherche de la vérité et c’est ainsi, sans l’avoir cherché et par surcroît, que les monastères ont été le berceau de l’agriculture et de la culture.

Notre art de vivre, notre liberté et notre culture découlent de cette recherche de la vérité. C’est cette quête de la vérité qui a engendré notre civilisation au milieu de siècles où la barbarie semblait devoir triompher définitivement après avoir détruit la civilisation antique.

C’est cette quête de la vérité qui a engendré notre liberté et notre culture et aujourd’hui encore c’est cette quête de la vérité qui est la raison d’être et la justification de la liberté d’expression que nous revendiquons et que nous défendons contre des fanatiques musulmans qui réclament la liberté au nom de nos principes et nous la refusent au nom des leurs.

C’est ce qui justifie à la fois de dénoncer les lois mémorielles et de défendre Rémi Brague, historien des idées et spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive, quand il est accusé d’être un islamophobe savant sous prétexte qu’il dit des choses désagréables à entendre pour des musulmans, des ignorants ou des islamo-gauchistes.

La quête de la vérité est à la fois le fondement, la destination et la seule justification de la liberté d’expression.

C’est la recherche de la vérité et elle seule qui justifie de tracer une frontière entre ce que l’on a la liberté de dire et de publier et ce que l’Etat a le devoir de proscrire.

C’est vrai puisque c’est dans le journal

L’idée des pontificats avant le pape François : « Les catholiques doivent regagner le terrain perdu et convertir le monde au catholicisme »

L’idée du pape François : « Les catholiques doivent convertir leurs cœurs  à Jésus et l’assumer devant tout le monde ».

L’interprétation qu’en font les médias : « Les catholiques vont enfin se convertir au monde grâce au pape François ».

La conclusion des ennemis du pape François : « Ce que disent les médias du pape François est la preuve objective qu’il trahit le dépôt de la foi ».

Seul le courage permet d’être sage

Quand tout va de mal en pis et que la probabilité de pouvoir remporter la victoire diminue continuellement faut-il déserter le champ de bataille pour sauver ce qui peut l’être encore ou au contraire rester à son poste parce que notre présence y est d’autant plus nécessaire ?

La décision de rester ou de s’en aller ne doit pas d’abord être prise en fonction de critères moraux mais en fonction d’une analyse précise de la situation, des tendances et des forces en présence.

Car c’est dans les replis de la réalité et dans la prise en compte de sa complexité que l’on peut trouver des raisons d’espérer et ce sont elles qui pourront donner des perspectives d’avenir et inspirer des stratégies. Ce sont elles qui justifieront de ne pas perdre espoir et de tenter quelque chose. C’est alors qu’il faudra trouver la force morale de rester et d’agir.

Pas avant.

Mais surtout ce sont elles qui donneront matière à espérer et éviteront de verser dans l’autosuggestion. En effet le baroud d’honneur ou la fidélité suicidaire à des principes abstraits sont respectivement le pavillon de complaisance du désespoir et du déni de réalité, deux attitudes également immorales.

Et si, au terme d’une analyse sans complaisance de la situation et de son évolution prévisible, rien ne nous permet d’espérer que l’on peut s’en tirer alors le repli stratégique est la seule solution éthique.

Si le général De Gaulle a acquis la conviction en 1940 qu’il fallait continuer la lutte contre l’Allemagne ce n’est qu’au terme d’une réflexion stratégique sur les rapports de forces en présence et les ressources nationales encore disponibles pour pouvoir poursuivre l’effort de guerre.

Les rapports de forces en présence ? Les Etats-Unis et l’URSS n’étaient pas encore rentrés en guerre et n’avaient donc pas pu jeter toutes leurs forces dans la bataille.

Les ressources nationales encore disponibles ? L’existence d’un empire colonial immense en territoires et en population et l’existence d’une Marine nationale encore intacte (c’était avant Mers-el-Kébir).

La décision de poursuivre la lutte ne lui avait pas été dictée par un réflexe d’orgueil national blessé mais par une réflexion froide et objective sur la réalité.

1/ Quand la tentation du pire nous inspire

Le baroud d’honneur ou la fidélité suicidaire à des principes abstraits sont en effet deux expressions d’une même tentation qu’il faut repousser : le déni de réalité. Déni de réalité qui nous est dicté par une forme de sidération face au danger qui paralyse à la fois l’intelligence et la volonté. C’est une forme de pulsion suicidaire qui nous pousse à préférer une fin effroyable à un effroi sans fin.

Ce sont deux attitudes qui ne tiennent pas compte de la réalité extérieure mais de nos dispositions intérieures. Elles ne sont ordonnées ni au bien commun ni à l’amélioration de la situation de la communauté à laquelle nous appartenons.

Pas plus que le déni de réalité, le désespoir ne doit guider nos choix car ce sont deux formes d’autosuggestion donc de mensonges.

On renonce d’entrée de jeu à prendre une bonne décision à chaque fois que l’on s’appuie sur des illusions que l’on a soi-même nourries et entretenues.

Car si se bercer d’illusions mène droit dans le mur le pessimisme n’est pas non plus un gage de lucidité : l’avenir n’est jamais le simple prolongement des tendances actuelles.

Si l’optimiste est indéniablement un imbécile heureux le pessimiste est, lui, un imbécile malheureux (ce qui n’est pas mieux) mais surtout ni l’un ni l’autre aucun ne nous renseigne utilement sur la réalité extérieure. En revanche ils nous renseignent-ils sur leurs propres réalités intérieures mais, ce faisant, ils commettent ce que l’on appelle un hors-sujet puisqu’au fond ils ne nous parlent que d’eux-mêmes.

Ce n’est pas à force de prendre ses désirs pour des réalités que la réalité finira par se conformer à nos désirs. Mais ce n’est pas non plus en prenant ses phobies ou ses peurs légitimes pour des réalités que la réalité en sera modifiée.

Comme le disent les militaires : « la peur ne supprime pas le danger ». Elle se contente de nous aveugler et de nous affaiblir et, ce faisant, elle nous prédispose à la catastrophe.

2/ Discerner avant de se décider à agir  : gage de sagesse ou alibi de la lâcheté ?

Les conditions du discernement sont difficiles à réunir en période de crise. On a, par définition, d’excellentes raisons de ne pas être serein et de ne pas pouvoir discerner correctement son devoir.

Dans ces cas-là on n’a pas le choix entre le vrai et le faux mais entre le vague et le flou ce qui est beaucoup moins facile et beaucoup moins confortable.

Dans ces cas-là il est plus facile de faire son devoir que de le discerner

La difficulté est donc de garantir les conditions d’exercice du discernement en contexte de crise ce qui suppose d’abord de distinguer bien distinguer la ligne de démarcation qui sépare la sagesse de la lâcheté.

En effet le sage et le lâche ont en commun de discerner les dangers qui se profilent à l’horizon afin d’éviter les batailles perdues d’avance et les entreprises aventureuses dans lesquelles il vaut mieux ne pas s’engager. Dans les deux cas il s’agit de savoir renoncer à bon escient et de lâcher prise à temps.

Pourtant il existe une différence majeure : la lâcheté consiste à esquiver systématiquement les situations où la somme des inconvénients virtuels dépasse la somme des avantages potentiels à titre individuel tandis que la sagesse consiste à évaluer les risques qu’il est possible et raisonnable de courir pour concourir au bien commun.

La sagesse consiste à distinguer ce qui est voué à l’échec et ce qu’il est possible de faire même si cela nous coûte. C’est l’art du possible et l’art du possible implique l’acceptation du risque.

Et c’est paradoxalement dans ce risque que viennent se nicher les raisons d’espérer : car, par définition, un échec possible n’est pas un échec certain.

La sagesse est une forme de discernement qui n’exclut pas le courage et pour cette raison ne se confond pas avec le principe de précaution. Tout simplement parce que ce n’est pas un principe mais l’art du discernement.

Or, quand on agit par principe on congédie le discernement avant d’agir puisqu’on n’en a pas besoin. En effet on dispose déjà d’un critère pour agir : le principe.

La sagesse suppose donc le courage. Ou plutôt elle repose sur le courage car c’est le courage qui la distingue de la lâcheté.

3/ C’est le courage qui permet d’être sage

Le discernement est juché sur les épaules du courage. Comment discerner l’opportunité dans l’événement a priori menaçant si on n’a pas le courage de garder les yeux ouverts et de regarder la réalité en face ?

Il est beaucoup plus sage et raisonnable de tenter sa chance – au risque d’échouer – que d’avoir la certitude d’échouer en la laissant filer. Il n’est pas raisonnable de renoncer d’entrée de jeu.

Comme le disait le général De Gaulle dans un discours du 18 juin 1942 à Londres : « Je dis que nous sommes raisonnables. En effet, nous avons choisi la voie la plus dure, mais aussi la plus habile : la voie droite ».

L’art du discernement repose sur la vertu de force car c’est le courage qui permet d’être sage. C’est en effet le courage qui rend possible de consentir à des efforts pour atteindre un objectif à long terme.

Le courage est le gage de la lucidité et la condition du discernement c’est de cultiver le courage quotidien pour être en mesure ne pas défaillir en cas de crise.

Il faut en effet s’être entraîné à réfléchir de manière concrète, posée et permanente mais il faut également s’être entraîné à dire « non » courtoisement et de manière argumentée.

« Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte mais que ce soit avec douceur et respect » 1, Pierre 3, 15-16.

Mais pour pouvoir regarder la vérité en face encore faut-il s’être habitué à ne pas (ou ne plus) se mentir à soi-même. Comme l’écrivait Charles Péguy dans Notre jeunesse : «  Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Pour pouvoir bien agir en temps de crise il faut s’y être entraîné en temps normal.

Mais au fond est-ce vraiment si étonnant ?

Dans la vie l’impermanence de toute chose – ce que nous appelons la crise quand nous sommes trop habitués ou trop attachés à ce que nous connaissons déjà – n’est-elle pas la règle plutôt que l’exception ?

Comme le faisait remarquer Michel de Montaigne : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant ».

Pour bien agir en temps de crise il faut aimer suffisamment le monde pour l’accueillir tel qu’il est sans pour autant l’approuver.

Seul l’amour affûte le discernement.

Connaître le diagnostic et refuser la prescription ?

La révélation chrétienne est un logiciel de décryptage de la condition humaine. C’est un outil unique pour comprendre le sens de ce que nous vivons, subissons et faisons subir. Collectivement et individuellement.

A défaut de disposer de cet outil nous en sommes réduits à faire le constat désespérant de Macbeth qui considérait que l’existence n’était qu’un un récit plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui n’a pas de sens.

1/ Un outil de diagnostic existentiel

La révélation chrétienne est comparable à un service de renseignement qui éclaire, instruit et conseille son gouvernement pour lui éviter de se fourvoyer en prenant les apparences pour la réalité.

Elle montre le chemin et donne les moyens qui permettent de sortir de la nasse dans laquelle nous nous débattons et où nous finissons parfois par renoncer à nous battre, de guerre lasse.

En nous révélant le dessous des cartes la révélation chrétienne nous révèle à nous-mêmes mais, en un sens, c’est bien ça le problème. Ou plutôt ça peut devenir un problème pour nous selon la manière dont nous accueillons cette révélation sur les causes profondes de nos contradictions et les ressorts cachés de nos actions.

Tous les médecins le savent en effet : l’énoncé du diagnostic peut déclencher des réactions hostiles voire carrément hystériques chez le patient qui ne veut à aucun prix entendre la vérité sur son état. Pourtant les vérités qu’on a le moins envie d’entendre sont celles dont on  a le plus besoin…

De ce point de vue la révélation chrétienne fait problème dans la mesure où elle nous contraint à faire un choix. Elle nous libère de l’indécision à laquelle notre ignorance nous condamnait. Ce faisant elle nous confronte à notre liberté de choix. Elle nous impose de faire un arbitrage. En fait ça devient notre problème au sens propre du terme.

La révélation chrétienne est un outil de diagnostic et une proposition de prescription. Le plus dur reste alors à faire : accepter de suivre la prescription. Cet acte de volonté c’est l’acte de la foi.

2/ Connaître la vérité ne nous sauve pas

En effet le plus difficile n’est pas d’accéder à la vérité mais d’y acquiescer car ce qui nous sauve ce n’est pas la connaissance de la vérité – hérésie gnostique – mais de vivre de la vérité.

Quand la Bible parle de connaître Dieu elle ne parle pas d’acquérir une connaissance métaphysique portant sur Dieu sa nature ou ses attributs mais elle parle d’une intimité avec Dieu. De même quand on dit qu’un homme et une femme se sont connus « au sens biblique du terme » on dit par là qu’ils ont une intimité sexuelle.

La connaissance de la vérité de Dieu ne nous sauvera pas. Si tel est le cas Satan ne serait-il pas le premier des sauvés ? Ne sait-il pas mieux que n’importe quel homme qui est Dieu ?

« Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien ; les démons aussi le croient, et ils tremblent » (Epître de Jacques 2, 19).

La foi des démons ne nous sauvera pas mais elle peut devenir la nôtre et c’est ça le danger qui nous menace Connaître la vérité mais refuse d’en vivre c’est le propre du pharisien. Voilà pourquoi ce n’est pas la connaissance de la vérité qui sauve mais son acceptation.

Ce problème n’est d’ailleurs pas spécifiquement de nature religieuse. Combien de services de renseignement ont alerté en vain leurs gouvernements de dangers imminents sans que leurs autorités acceptent cette inquiétante vérité : « Nous sommes en danger » ?

Car au fond personne n’aime les porteurs de mauvaises nouvelles. On préfère condamner ceux qui sonnent le tocsin plutôt que de se mobiliser contre l’incendie. On préfère un déni de réalité à une remise en cause douloureuse.

Le fond du problème est en nous et la question peut être formulée ainsi : quel usage voulons-nous faire des vérités que la révélation chrétienne nous dévoile sur nous-mêmes ?

Que voulons-nous faire de notre liberté ? Voulons-nous en faire quelque chose pour vivre selon la vérité de Dieu, ici-bas et au-delà ? Ou bien préférons-nous nous fier à nous-mêmes sachant que nous ne savons pas ce qui est bon pour nous ?

C’est la question que l’Eternel posait déjà à Israël et qu’Il nous pose inlassablement à chacun individuellement.

« J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, pour aimer l’Eternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t’attacher à lui: car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours » (Deutéronome 30, 19).

3/ Aimerons-nous le Dieu d’amour ?

C’est pour cela que nous ne serons pas jugés sur notre connaissance abstraite de la vérité ou sur la rectitude de notre théologie. Comme disait de Jean de la Croix: « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour ».

Rien d’étonnant puisque le Christ lui-même nous a dit que toute la volonté de Dieu était résumé dans le commandement de l’amour.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée, c’est là le plus grand commandement et le plus important. Mais il y en a un second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’enseignent la loi et les prophètes se résume dans ces deux commandements » (Matthieu 22, 37-40).

Mieux encore, saint Jean nous dit que l’amour s’identifie à Dieu : « Aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et il connaît Dieu. Qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4, 7).

Bien sûr l’amour suppose, implique et contient l’amour de la vérité mais il n’implique pas et ne garantit pas l’infaillibilité du discernement. C’est rassurant !

C’est pourquoi Vatican II rappelle que l’ignorance involontaire de Dieu et de la révélation chrétienne n’est pas un obstacle au salut.

Ce qui est un obstacle au salut c’est le refus délibéré et donc conscient d’accepter l’offre de Dieu faite en la personne de Jésus Christ.

Mais dans ce cas l’obstacle qui nous barre la route du salut c’est nous qui le posons.

CS Lewis le résumait bien : « Au fond l’humanité se divise simplement en deux catégories de personnes : ceux qui disent à Dieu Que ta volonté soit faite et ceux auxquels Dieu dit Que ta volonté soit faite. Tous ceux qui vont en enfer font partie de cette dernière catégorie »

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