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Il est plus facile de faire son devoir que de le discerner

L’aversion pour le risque guide la plupart de nos choix et se pare du manteau de la prudence. Notre préférence va à ce que nous connaissons déjà parce que c’est ce que nous maîtrisons déjà. « On sait ce qu’on perd mais on ne sait pas ce que l’on gagne » dit la sagesse populaire. Sagesse populaire, sagesse du bon sens sans doute mais qui s’oppose à la sagesse de Dieu qui est « folie aux yeux des hommes ».

1/ L’aversion pour le risque est un réflexe de notaire pas une vertu évangélique.

L’aversion pour le risque est une espèce d’emplâtre qui bouche nos yeux et nos oreilles aux manifestations de l’Esprit saint. A l’inverse ce sont souvent ceux qui n’ont rien pour boucher leurs yeux et leurs oreilles qui sont réceptifs à l’Esprit saint. Comme le disait le père Stan Rougier : « Heureux les fêlés, ils laissent passer la lumière ! »

L’Esprit saint se manifeste souvent par des désirs profonds qui nous apparaissent inconvenants, inadéquats ou inopportuns : choisir le célibat plutôt que la liberté sexuelle, renoncer à avoir une carrière pour être disponible à son prochain (en commençant par son conjoint !), quitter un milieu dont on maîtrise les codes mais où l’on vit à l’extérieur de soi-même, refuser de s’intégrer à un groupe au point de perdre son intégrité. Tel est le cas du général Jacques Pâris de la Bollardière.

Saint-Cyrien, officier dans la Légion étrangère, il est l’un des Français les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale. Il est fait grand officier de la Légion d’honneur, compagnon de la Libération et est décoré à deux reprises du Distinguished Service Order (DSO). Affecté en Algérie en 1956 il devient le plus jeune général de l’armée française à 49 ans. Il avait tout gagné et avait donc tout à perdre.

C’est ce qu’il fit pourtant en écoutant la voix de sa conscience. Elle fit de lui le seul officier supérieur en fonction à condamner ouvertement l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Puis, elle le poussa à demander à être relevé de ses fonctions. En 1961, après le putsch des généraux, il quitta une armée qu’il estimait ne plus pouvoir servir parce qu’elle se dressait contre le pays qu’elle était tenue de servir. Les années suivantes il s’engagea dans les mouvements pacifistes et se définit comme un objecteur de conscience. Il fit tout cela au nom de ses convictions chrétiennes[1] et contre les habitudes de son milieu.

La répression des vérités profondes que nous sentons palpiter en nous et que nous étouffons sous prétexte de prudence et de sagesse est souvent une fin de non-recevoir opposée à l’Eprit saint dont nous redoutons l’influence sur nous. Nous avons peur que la volonté de Dieu nous entraîne dans des situations inconnues et nous éprouvent au risque de nous ébranler.

C’est ce qu’annonçait Jésus Christ à l’apôtre Pierre, le premier pape: « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu tendras les mains et c’est un autre qui attachera ta ceinture et te conduira où tu ne voudras pas. » (Jean 21, 18).

2/ Il est beaucoup plus facile de faire son devoir que de le discerner

Nous avons peur de lâcher prise pour laisser les commandes à l’Esprit saint et c’est pour ça que nous cherchons à nous convaincre qu’il ne faut rien lâcher de ce qui nous tient lieu de morale et de lien social.

Notre aversion pour le risque a pour corollaire la prédilection pour ce qui est convenu. La morale des hommes est beaucoup plus rassurante mais correspond rarement à la volonté de Dieu.

C’est exactement pour cette raison que Jésus a démenti publiquement et très violemment le premier pontife de l’histoire en lui jetant à la figure : « Arrière, Satan, tu es un piège pour moi, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes » (Matthieu 16, 23).

La prédilection pour ce qui est connu et convenu a pour corollaire l’aversion pour ce qui est inconnu et inconvenant. D’où les réticences et le malaise que nous éprouvons spontanément pour l’exercice du discernement. Le risque et l’inconfort de la liberté nous font peur.

Le discernement est beaucoup plus inconfortable et risqué que l’obéissance. C’est aussi beaucoup plus exigeant et parfois même plus épuisant. L’exercice du discernement exige de rester attentif, disponible, d’accepter de tâtonner, de faire demi-tour et d’admettre – d’abord à soi-même et ensuite aux autres – que l’on s’était fourvoyé et parfois même volontairement !

Sur le plan spirituel agir par principe en permanence est un choix de sédentaire, le discernement un choix de nomade.

Or, le chrétien n’est que de passage dans ce monde et sa patrie est dans les cieux. Son pèlerinage terrestre a pour seule raison d’être de transformer son cœur de pierre en cœur de chair. La conversion de son cœur est sa grande affaire car c’est elle qui déterminera ce que sera sa vie éternelle : un paradis ou un enfer. C’est nécessairement radical et bouleversant. C’est un pèlerinage, pas une balade digestive.

La vie chrétienne est nécessairement un signe de contradiction apporté aux hommes et au monde tel qu’il est organisé, y compris par le clergé parfois : demandez à Jeanne d’Arc ! C’est une objection au monde tel qu’il va. Ou plutôt tel qu’il ne va pas. Car il ne va pas très bien. C’est forcément un défi au moins implicite au Prince de ce monde. Il ne faut donc pas attendre de triompher dans ce monde…

L’exercice du discernement spirituel est forcément intime et personnel puisqu’il engage notre vie temporelle et éternelle. Certes ce discernement intime n’est pas pour autant un discernement solitaire : il se laisse éclairer aussi par le discernement d’autrui et au premier chef par celui de tous ses frères dans la foi, ses contemporains comme ceux des générations passées. Entre pèlerins il faut bien s’entraider…

Mais en dépit de cette solidarité de pèlerins en chemin – ce qu’on appelle la communion de l’Eglise en jargon de spécialistes – le discernement spirituel ou plutôt existentiel nous affecte inévitablement et parfois douloureusement puisqu’il nous arrache progressivement aux conceptions et aux habitudes mondaines dans lesquelles nous sommes nés et qui nous ont en partie façonnés.

L’exercice du discernement est parfois fragilisant, malaisant et angoissant mais il est indispensable et inévitable car il est salutaire : c’est par lui que nous accéderons (ou pas) à la maison du Père.

[1] « Je pense avec un respect infini à ceux de mes frères, arabes ou français, qui sont morts comme le Christ, aux mains de leurs semblables, flagellés, torturés, défigurés par le mépris des hommes ».

Le Césaro-scientifisme

JC nous propose une réflexion brève mais percutante sur le gouvernement au nom de la science.

  Le césaro-scientifisme ; voilà le nouveau terme pour penser la forme prise par le Pouvoir aujourd’hui.

 La crise du COVID 19 aura matérialisé une évidence que l’on voyait déjà poindre avec l’écologie: c’est par l’argument scientifique que tend à se légitimer désormais le pouvoir politique. Il faut croire la parole scientifique ; nouvelle Autorité avec ses églises et ses sectateurs que le pouvoir politique peut, au gré de ses velléités, convoquer comme argument moral pour se justifier. Ce que le religieux spirituel ne lui permet plus – le laïcisme et le sécularisme ont scié à son insu la branche qui le soutenait- le religieux médical lui en offre désormais la possibilité… Reformuler le croire contemporain. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, il faut croire les scientifiques… Mais lesquels croire dans un monde savant dissonant ?

Le césaro-scientifisme à l’embarras du choix. Il peut aujourd’hui restreindre les libertés mieux que n’importe quel ordre politico-religieux car il a suffisamment d’arguments pour « faire et défaire » et personne ne peut l’anathématiser : c’est la parole scientifique ! Il a donc ses hérauts : les médias officiels et ses chaines d’opinion en continu et ses nouveaux clercs : les « toujours » Hautes Autorités de Santé.

 Autorité ! Le mot est lâché qui nous fait retomber sur le vieux couple moteur de l’articulation du « Pouvoir temporel » et de « l’Autorité spirituel ». Parodiant cette alliance honnie des républicains du « Sabre et du Goupillon » leurs descendants aujourd’hui peuvent désormais porter partout la nouvelle alliance du Marché et de la Blouse blanche.

D’aucuns parlent déjà de dictature sanitaire sans se retourner sur l’histoire. Redde caesari quae sunt caesaris, la dictature n’a jamais été religieuse ; pas plus qu’elle ne sera sanitaire, scientifique ou technologique car la dictature est partout et toujours le fait du Prince.

Entre doxa officielle et monde parallèle quelle place pour la complexité du réel ?

La culture du mensonge imbibe la société de consommation dans laquelle nous vivons parce qu’elle repose sur plusieurs piliers institutionnels : l’industrie de la publicité qui vise à nous faire croire que les stratégies des producteurs ont été faites en fonction de nos besoins profonds, l’industrie du marketing qui définit les catégories de consommateurs qu’il faut convaincre et l’industrie du lobbying qui consiste à savoir quels décideurs et quelles institutions corrompre pour obtenir des autorisations qu’on n’obtiendrait pas légalement ou, mieux (ou pire en fait !), pour faire entrer des intérêts particuliers dans la définition légale du bien commun.

Cette culture du mensonge irrigue les mentalités, ce qui signifie que ni l’auteur de ces lignes ni ceux qui le lisent (en espérant que certains le liront !) ne sont épargnés par cette maladie de l’esprit. Nous y sommes en effet exposés de deux manières au moins.

Nous sommes exposés aux mensonges par omission et par déformation à chaque fois que nous lisons les médias classiques. Mais nous sommes également exposés aux mensonges par affirmation (fake news, vérités alternatives) et par imagination à chaque fois que nous consultons des sites ou des documents à tendance complotiste sur les réseaux sociaux.

Les médias classiques refusent de prendre en considération l’existence de complots pour décrypter les rapports de force au sein de la société. A l’inverse les théoriciens du complot nient qu’il puisse exister d’autres explications de la réalité que ces complots.

Et dans les deux cas le lecteur est sommé de choisir son camp avec la certitude qu’il sera étiqueté par l’autre camp et sera considéré, au choix, comme  un imbécile, un naïf, un inconscient, un paranoïaque, un nuisible, un lâche ou un fou.

Mais dans les deux cas le plus grand perdant c’est la complexité du réel c’est-à-dire la réalité.

1/ Les médias classiques ou la tentation du mensonge par omission

Cette culture du mensonge institutionnel repose moins sur des faux caractérisés (des fake news) que sur des angles morts, des dénis de réalité et des présentations biaisées. Il s’agit moins d’inventer des mensonges que d’éclipser une partie de la réalité ou de la présenter d’une manière biaisée.

Les mensonges par omission sont les plus nombreux car les plus faciles et les moins risqués. Il est toujours moins risqué de ne pas faire quelque chose (transmettre une information, enquêter, décrire) que de faire quelque chose.

Les médias classiques mentent la plupart du temps par omission : c’est beaucoup moins risqué parce que beaucoup moins facilement détectable. Le problème n’est pas ce qu’ils disent mais au contraire ce qu’ils ne disent pas. Exemples ? Pendant des décennies ils ont nié la réalité de phénomènes qui aujourd’hui font l’objet d’un consensus : la montée continue de l’islamisme dans notre pays, la montée de l’insécurité, les flux migratoires continus et incontrôlés – ce qu’ils savaient et ont préféré taire par lâcheté, par convenance ou par parti pris. Leur prétention à l’objectivité et au professionnalisme n’en est que plus inaudible.

Il existe une autre manière de mentir, c’est de présenter la réalité de manière biaisée c’est-à-dire sans distinguer les faits des jugements que l’on porte sur les faits. C’est ce qu’on appelle un effet de source.

Là on peut vraiment parler de culture du mensonge médiatique car chez les journalistes l’art du préjugé initial est ouvertement assumé et même théorisé : à n’importe quel apprenti journaliste on apprend qu’avant de se lancer dans un sujet il faut décider de l’angle sous lequel il veut le traiter. En d’autres termes quelle est la conclusion à laquelle on veut arriver avant même de commencer à écrire. Quel est le message que l’on veut véhiculer ?

C’est l’exact opposé du travail d’enquête consistant à instruire à charge et à décharge pour relater ce que l’on a vu, compris et entendu même si cela ne correspond pas à l’idée qu’on se faisait auparavant de la réalité.

Sous prétexte qu’il est impossible d’être parfaitement et toujours objectif les journalistes se sont affranchis du devoir d’honnêteté intellectuelle et de toute déontologie.

Plusieurs procédés sont employés : les euphémismes (« incivilités » au lieu de menaces, chantages, violences), les pétitions de principe (« L’Europe c’est la paix »), les arguments d’autorité (« C’est la fameuse revue scientifique The Lancet qui l’a dit donc c’est vrai), les fausses alternatives (« C’est Emmanuel Macron ou le fascisme ») ou encore du chantage intellectuel (« le souverainisme c’est le retour aux-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire »).

Les partis pris des journalistes sont tellement massifs parfois qu’ils ne s’en aperçoivent pas. Leur soutien idéologique sans faille au traité de Maastricht en 1992 et au projet de constitution européenne de 2005 en est exemple connu. Leur adhésion à une conception antidémocratique de la construction européenne n’était pas neutre mais ils la présentaient comme telle. A les entendre c’était le seul choix objectivement rationnel et ils s’en faisaient eux-mêmes les porte-paroles zélés. Ils prenaient parti tout en prétendant rester des observateurs objectifs et dépassionnés.

Leur engagement militant était pourtant patent : ils ridiculisaient et anathématisaient alternativement tous ceux qui refusaient de voter dans leur sens. Ils les traitaient de populistes hier. Aujourd’hui ils les traitent de complotistes.

2/ L’existence de complots et leur négation

Il existe une partie de la réalité dont les médias classiques ne veulent pas parler : l’existence de complots. Car non seulement les complots existent mais ils expliquent une partie de la réalité. Qui oserait dire que l’assassinat de John Kennedy puis plus tard celui de son frère Bob n’ont pas été commandés ? La préparation d’un attentat ou d’un meurtre sont des complots.

Mais le plus célèbre des complots récents est peut-être le pacte germano-soviétique, officiellement traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique de 1939. Il comportait un protocole secret visant le partage de l’Europe entre les deux puissances totalitaires, ce qui fut fait très peu après. Qui peut soutenir que ce protocole secret n’était pas un complot contre l’existence même du peuple polonais ?

Plus proche de nous le dossier mensonger présenté le 05/02/1991 devant le Conseil de sécurité des Nations unies par le général américain Colin Powell affirmant que le régime irakien détenait un  arsenal d’armes chimiques (armes de destruction massive).

Ce montage du gouvernement américain était une conspiration pour obtenir l’autorisation de l’ONU d’envahir l’Irak sous la bannière de l’ONU. Ce qui fut fait en 2003. Plus tard Colin Powell reconnaîtra que les informations qu’il avait divulguées étaient fausses mais en attribua la responsabilité à la CIA et au Pentagone.

De manière plus large toute préparation d’une opération secrète par les services de renseignement ou les forces armées est un complot contre ceux qui ont été définis comme l’ennemi. Une campagne de presse contre un homme politique orchestrée par une agence de communication payée pour le compte d’un de ses clients, c’est un complot.

Une opération de spéculation boursière contre une monnaie ou un pays, c’est un complot contre toutes les entreprises, tous les salariés et tous ceux dont la survie et la vie dépendent de la bonne santé de la monnaie attaquée et de l’économie du pays considéré.

Des opérations concertées et secrètes pour nuire délibérément à un individu ou à une catégorie d’individus constituent une réalité… quotidienne. D’ailleurs toute forme de lobbying sur les décideurs publics n’est-elle pas une forme de complot contre l’intérêt général ?

Mais si les complots existent et que les médias nient leur existence ou du moins leur pertinence pour expliquer la réalité les complotistes, eux, tombent dans le péché inverse.

Les premiers nient que l’existence des complots puisse expliquer la réalité et aider à la comprendre, les autres nient qu’il puisse exister d’autres explications que les complots.

3/ Des complots réels aux théories du complot

Vouloir développer une vision cohérente de la réalité n’est pas en soi illégitime. C’est même indispensable.

Le monde est une succession de faits plus ou moins connectés les uns aux autres, parfois contradictoires et souvent chaotiques. Pour saisir cette réalité complexe, notre entendement cherche à repérer des invariances, des relations de causalités ou des éléments explicatifs.

Le monde extérieur est ainsi modélisé par chacun d’entre nous en quelque chose de plus simple et de plus cohérent. Cette démarche est nécessaire, car personne ne peut vivre dans un monde complètement chaotique, sans aucun repère.

Mais là où ça dérape c’est quand on succombe à l’esprit de système, c’est-à-dire quand on part d’une explication plausible pour arriver à une conclusion que l’on tient pour certaine sans avoir pris la peine de la confronter à des données empiriques.

Dire que des gens habiles et mal intentionnés profitent du système c’est une chose mais en déduire qu’ils sont en mesure de contrôler le système et d’imposer leurs vues à l’ensemble du monde en est une autre.

Or, si des convergences d’intérêts existent bien, si des ententes secrètes se nouent et se dénouent chaque jour, si des complots sont orchestrés – avec ou sans succès – cela ne signifie pas que quiconque puisse maîtriser le système à l’échelle mondiale.

Ce faisant les partisans de la théorie du complot rendent un hommage exagéré – mais involontaire – aux comploteurs en leur reconnaissant implicitement les attributs de Dieu : omniscience, omnipotence et infaillibilité.

C’est cela le grand vice intellectuel du complotisme : l’esprit de système

C’est l’exact inverse de la pensée scientifique qui part de l’observation des faits, modélise une explication et la soumet de nouveau à l’expérience empirique afin de tester sa cohérence. Tant qu’elle n’est pas contredite par la réalité elle est considérée comme vraie… jusqu’à preuve du contraire. L’esprit de système fait l’inverse : il substitue la primauté du modèle à la primauté du réel.

La théorie du complot ne se définit pas par un contenu mais par une démarche intellectuelle. Ces théoriciens sélectionnent les faits qui étayent leur conviction initiale et écartent les autres. C’est pour cela que leurs démonstrations reposent sur des juxtapositions : les faits et les citations sont tirés de leur contexte et sont donc invérifiables. Et quand on les interroge sur l’origine et la validité de leurs sources ou qu’on remet en cause la rigueur de leur raisonnement, ils ne répondent pas avec des arguments vérifiables.

Ils cherchent moins à entrer dans la réalité et donc dans sa complexité qu’à renforcer une conviction déjà établie – c’est-à-dire une intuition ou un préjugé – et à la partager avec le plus grand nombre.

La théorie du complot consiste à substituer au monde réel et à sa complexité un monde parallèle épuré parce que simplifié et, pour cette raison même, plus satisfaisant pour notre besoin de cohérence.

Ce monde est artificiel – et donc mensonger – précisément parce qu’il est expurgé de toutes les zones d’ombre, les mystères et les ambiguïtés sur lesquels la réalité nous fait régulièrement trébucher.

La théorie du complot nous offre un monde parallèle mais à notre portée. Un monde imaginaire mais qui aurait l’élégance de ne pas outrepasser les limites de notre entendement. Un monde fait – ou plutôt contrefait – sur mesure.

La complexité du réel nous est souvent insupportable et souvent à juste titre tant le réel est parfois douloureux, cruel et angoissant.

Parce qu’au fond de nous-mêmes nous préférons anticiper une fin effroyable que de vivre dans un effroi sans fin tant la complexité du réel et les limites de notre compréhension nous sont insupportables.

Parce que, quand la réalité nous apparaît d’autant plus insupportable qu’elle est indéchiffrable, la tentation est parfois trop forte de se mettre à chercher de coupables faute d’explication.

4/ Le remède : ne pas renoncer à la complexité du réel

Dans ces circonstances comment éviter à la fois le déni de réalité induit par la doxa officielle et le déni de réalité proposé par les théories du complot ?

Comment échapper à la culture du mensonge alors que nous y sommes exposés à longueur de journées, qu’il s’agisse de celle du système ou des anti-systèmes ?

On peut commencer par s’abstenir de prendre position quand on ne sait pas.

Cela ne signifie pas s’abstenir de rechercher, de discuter, d’interroger, de réfléchir par soi-même ou de s’instruire.  Cela signifie simplement ne pas brûler les étapes et ne pas prendre ses intuitions ou ses convictions pour des critères de vérité.

L’esprit de système est une absence d’humilité qui empêche de dire « je ne sais pas ». C’est un esprit critique, qui doute de tout sauf de lui-même et qui a la folie de sacrifier la réalité sur l’autel de la cohérence logique.

On peut ensuite pratiquer le passage au crible de toute nouvelle information : de qui provient-elle ? de quand date-t-elle ? Dans quel contexte est-elle apparue ?

Cette information provient-elle d’une source unique ou bien a-t-elle été recoupée par plusieurs sources indépendantes les unes des autres  et auxquelles on peut avoir un accès direct ?

Si c’est une mise en cause alors à qui nuit-elle et à qui profite-t-elle. C’est le vieil adage du droit romain : qui scelus prodest ? A qui profite le crime ? Si l’auteur du crime en est lui-même victime peut-on en conclure qu’il est à l’origine du complot allégué ?

L’expert qui nous parle parle-t-il de son domaine d’expertise ou d’un autre domaine ? C’est le biais des intellectuels : ils sont reconnus pour leur excellence dans un domaine et s’autorisent à donner leur avis dans d’autres domaines dans lesquels ils ne font pas spécialement autorité.

Mais de manière générale il existe deux antidotes qui agissent comme des vaccins pour nous prémunir contre le déni de réalité, médiatique ou complotiste : cultiver le sens de l’humour et lire de la littérature.

L’humour est un adjuvant spirituel car il dévoile les vérités que nous voudrions dissimuler. C’est l’enfant de l’humilité et de l’amour. L’humilité nous permet de regarder en face nos limites et nos faiblesses. Sans humilité pas de capacité d’auto-dérision et donc pas d’humour possible. L’humilité nous rend capables d’accepter la vérité telle qu’elle est et quelle qu’elle soit. Quelque contrariante qu’elle puisse être pour nous…

La littérature est également un antidote naturel contre la doxa officielle comme contre les théories du complot dans la mesure où c’est un constant rappel de la complexité du réel.

La littérature fait tinter à nos oreilles une petite musique insistante et subversive qui nous rappelle que la vérité échappe toujours aux conceptions que nous nous en faisons parce que nos conceptions ne sont que le produit de notre esprit et qu’elles sont, par conséquent, toujours à notre mesure.

Elle nous aide à penser plus justement et c’est ce qui en fait un adjuvant spirituel puisque, comme le disait si bien Blaise Pascal, le principe de la morale c’est de travailler à bien penser.

Elle ne suffit pas à nous prémunir contre les erreurs de jugement mais elle nous aide à ne pas nous fourvoyer systématiquement dans l’inhumanité d’un monde faussé. Elle nous aide à acquérir ce cœur intelligent que le roi Salomon avait demandé à Dieu pour bien gouverner et que Dieu lui a accordé (1 Rois 3, 9-12).

C’est déjà pas mal, non ?

La liberté d’expression : pour quoi faire ?

Face à l’égorgement récent – car il faut appeler les choses par leurs noms – de Samuel Paty par un islamiste lui reprochant d’avoir montré en classe les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo l’horreur et l’effroi s’y disputent à la colère. Comment faire autrement ?

Ce drame, comme celui quelques jours plus tard, de l’assassinat de trois chrétiens catholiques à l’intérieur de la cathédrale de Nice, vient renforcer notre conviction que la défense de nos libertés fondamentales n’est pas négociable.

L’affrontement longtemps esquivé avec les islamistes qui veulent notre mort ou notre soumission ne peut plus être différé. De ce point de vue, c’est peut-être une bonne chose car c’est en affrontant l’ennemi qu’on peut espérer le vaincre et continuer à vivre libres et c’est en désignant l’ennemi qu’on peut l’affronter. Pas avant.

Mais si on peut supposer que l’ensemble des musulmans en France et surtout l’ensemble des Français musulmans partagent notre effroi, il n’est pas certain qu’ils partagent le point de vue officiel du gouvernement, de nos institutions et de la majorité de la classe médiatique.

Ce point de vue a été bien résumé par le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire : « Moi je n’aime pas ces caricatures mais je les défends, je défends ceux qui les ont faites, je défends ceux qui les diffusent au nom de quelque chose qui est plus important pour moi que ces caricatures, qui est la liberté. La liberté d’expression et la liberté tout court ».

Pourtant l’existence même de lois mémorielles contredit cette déclaration. Pour rappel une loi mémorielle est une loi qui déclare voire impose le point de vue officiel d’un État sur des événements historiques…. et de priver historiens et citoyens de leur liberté de penser et d’exprimer leur pensée.

La position officielle est donc une loi à géométrie variable et c’est bien comme cela qu’elle est comprise par de nombreux musulmans, français ou non, tolérants ou non. C’est pour cela que la doxa officielle n’est pas convaincante, parce que la frontière entre ce que l’on peut dire et ce qu’il faut taire paraît arbitraire.

Pourtant on pourrait définir et donc délimiter la liberté d’expression sur d’autres critères que celui d’une majorité – forcément aléatoire et jamais impartiale – en fonction de son objet : la recherche de la vérité.

1/ La liberté d’expression, condition d’accès à la vérité

La liberté d’expression a en effet pour justification de garantir la possibilité de rechercher la vérité – individuellement et collectivement – et non de conférer l’impunité à n’importe quel comportement.

Si la défense de la liberté d’expression a pour objet un argument ou une idée à défendre alors il faut garantir cette liberté –  surtout si la proposition est subversive – car c’est la quête de la vérité qui est en jeu. C’est l’adage attribué, à tort, à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire »

L’homme est fait pour la vérité et le consensus social ne peut lui être opposé. C’est pourquoi, en tant que catholique je dis « oui » à la liberté d’expression de Spinoza, de Voltaire et de Marx. Et quand Charlie Hebdo publie un dessin représentant Mahomet  sous-titré : « C’est dur d’être aimé par des cons » je soutiens son droit à le publier.

Pourquoi ? Parce que dans ce dernier cas je dis « oui » à la liberté d’expression car elle exprime une idée et un point de vue sur la réalité. A savoir que les islamistes qui s’abritent derrière la volonté de Mahomet ne sont pas conformes à la volonté de Mahomet.

Vrai ou faux c’est une autre histoire, mais c’est là justement, qu’il y a débat et l’espace de ce débat doit être sanctuarisé contre l’hostilité des islamistes.

2/ La liberté de chercher la vérité, pas le droit à l’impunité

A l’inverse quand Charlie Hebdo publie une caricature de Mahomet nu en exhibant ses organes génitaux on quitte le terrain de la liberté d’expression et on retombe dans le domaine de l’injure. Il n’est plus question d’avancer un argument ou de défendre une idée. La recherche de la vérité n’est pas – n’est plus – en jeu.

On est dans le domaine de l’insulte et de l’humiliation gratuite, pour le plaisir de blesser en toute impunité. Charlie Hebdo l’admet lui-même sans problème puisqu’il s’en vante. Il revendique haut et fort, pour reprendre sa formule, l’humour bête et méchant.

On redescend au niveau de la cour de récréation, lieu des surenchères les plus gratuites, les plus inconscientes… et les plus méchantes. Le tout en déclarant crânement: « je fais ce que je veux ».

Cette logique complètement déconnecté du souci de la vérité, purement nombriliste, délibérément blessante, qui s’exonère de toute responsabilité, qui inverse la charge de la preuve et qui exige en plus des excuses n’est-elle pas celle de Donald Trump ?

Imaginons que Charlie Hebdo publie des caricatures de rabbins avec le nez et les doigts crochus trempant leurs mains dans le sang d’enfants chrétiens : qui l’accepterait au nom de la liberté d’expression ?

Personne à part les antisémites patentés : les nostalgiques du IIIème Reich et surtout les islamo-gauchistes de tous poils qui, eux, sont beaucoup plus nombreux et beaucoup mieux représentés politiquement depuis qu’ils ont mis sur pied des collectifs de lutte contre « l’islamophobie » et qu’ils ont pris le contrôle de La France Insoumise, le parti de Jean-Luc Mélenchon.

Ils invoqueraient la liberté d’expression et on leur opposerait à juste titre que la calomnie et l’injure ne sont pas des opinions. Parce qu’on n’est pas, là non plus, dans le domaine de la recherche de la vérité, sur le terrain des arguments et du raisonnement.

De telles caricatures seraient heureusement sanctionnées par la loi qui réprime non seulement les injures et les calomnies antisémites mais l’injure et la calomnie en général.

3/ La recherche de la vérité : raison d’être et justification de la liberté d’expression

La liberté d’expression est une chose trop sérieuse pour être laissée à Charlie Hebdo ou, pire encore, pour lui laisser le loisir de s’en arroger le monopole.

Les conditions de possibilité d’une recherche de la vérité historique doivent être garanties et protégées contre toutes les formes d’intimidation, des plus subtiles aux plus violentes. Parce que là on est sur le terrain des arguments et de la quête de vérité.

Dans son discours prononcé le 12/09/2008 au collège des Bernardins le pape Benoît XVI avait développé un exposé qui est resté gravé dans les mémoires sur le rôle des monastères dans la préservation de la culture antique et de la création de la culture européenne.

Après la chute de l’empire romain et tout au long des invasions barbares les abbayes ont fleuri sur le continent européen et ont constitué autant d’oasis de paix, de (relative) sécurité et donc de liberté où les hommes qui le souhaitaient pouvaient s’adonner à la quête de l’essentiel : en l’occurrence l’Essentiel.

La liberté était une condition de possibilité indispensable mais en elle-même sans autre objet que la recherche de la vérité et c’est ainsi, sans l’avoir cherché et par surcroît, que les monastères ont été le berceau de l’agriculture et de la culture.

Notre art de vivre, notre liberté et notre culture découlent de cette recherche de la vérité. C’est cette quête de la vérité qui a engendré notre civilisation au milieu de siècles où la barbarie semblait devoir triompher définitivement après avoir détruit la civilisation antique.

C’est cette quête de la vérité qui a engendré notre liberté et notre culture et aujourd’hui encore c’est cette quête de la vérité qui est la raison d’être et la justification de la liberté d’expression que nous revendiquons et que nous défendons contre des fanatiques musulmans qui réclament la liberté au nom de nos principes et nous la refusent au nom des leurs.

C’est ce qui justifie à la fois de dénoncer les lois mémorielles et de défendre Rémi Brague, historien des idées et spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive, quand il est accusé d’être un islamophobe savant sous prétexte qu’il dit des choses désagréables à entendre pour des musulmans, des ignorants ou des islamo-gauchistes.

La quête de la vérité est à la fois le fondement, la destination et la seule justification de la liberté d’expression.

C’est la recherche de la vérité et elle seule qui justifie de tracer une frontière entre ce que l’on a la liberté de dire et de publier et ce que l’Etat a le devoir de proscrire.

Seul le courage permet d’être sage

Quand tout va de mal en pis et que la probabilité de pouvoir remporter la victoire diminue continuellement faut-il déserter le champ de bataille pour sauver ce qui peut l’être encore ou au contraire rester à son poste parce que notre présence y est d’autant plus nécessaire ?

La décision de rester ou de s’en aller ne doit pas d’abord être prise en fonction de critères moraux mais en fonction d’une analyse précise de la situation, des tendances et des forces en présence.

Car c’est dans les replis de la réalité et dans la prise en compte de sa complexité que l’on peut trouver des raisons d’espérer et ce sont elles qui pourront donner des perspectives d’avenir et inspirer des stratégies. Ce sont elles qui justifieront de ne pas perdre espoir et de tenter quelque chose. C’est alors qu’il faudra trouver la force morale de rester et d’agir.

Pas avant.

Mais surtout ce sont elles qui donneront matière à espérer et éviteront de verser dans l’autosuggestion. En effet le baroud d’honneur ou la fidélité suicidaire à des principes abstraits sont respectivement le pavillon de complaisance du désespoir et du déni de réalité, deux attitudes également immorales.

Et si, au terme d’une analyse sans complaisance de la situation et de son évolution prévisible, rien ne nous permet d’espérer que l’on peut s’en tirer alors le repli stratégique est la seule solution éthique.

Si le général De Gaulle a acquis la conviction en 1940 qu’il fallait continuer la lutte contre l’Allemagne ce n’est qu’au terme d’une réflexion stratégique sur les rapports de forces en présence et les ressources nationales encore disponibles pour pouvoir poursuivre l’effort de guerre.

Les rapports de forces en présence ? Les Etats-Unis et l’URSS n’étaient pas encore rentrés en guerre et n’avaient donc pas pu jeter toutes leurs forces dans la bataille.

Les ressources nationales encore disponibles ? L’existence d’un empire colonial immense en territoires et en population et l’existence d’une Marine nationale encore intacte (c’était avant Mers-el-Kébir).

La décision de poursuivre la lutte ne lui avait pas été dictée par un réflexe d’orgueil national blessé mais par une réflexion froide et objective sur la réalité.

1/ Quand la tentation du pire nous inspire

Le baroud d’honneur ou la fidélité suicidaire à des principes abstraits sont en effet deux expressions d’une même tentation qu’il faut repousser : le déni de réalité. Déni de réalité qui nous est dicté par une forme de sidération face au danger qui paralyse à la fois l’intelligence et la volonté. C’est une forme de pulsion suicidaire qui nous pousse à préférer une fin effroyable à un effroi sans fin.

Ce sont deux attitudes qui ne tiennent pas compte de la réalité extérieure mais de nos dispositions intérieures. Elles ne sont ordonnées ni au bien commun ni à l’amélioration de la situation de la communauté à laquelle nous appartenons.

Pas plus que le déni de réalité, le désespoir ne doit guider nos choix car ce sont deux formes d’autosuggestion donc de mensonges.

On renonce d’entrée de jeu à prendre une bonne décision à chaque fois que l’on s’appuie sur des illusions que l’on a soi-même nourries et entretenues.

Car si se bercer d’illusions mène droit dans le mur le pessimisme n’est pas non plus un gage de lucidité : l’avenir n’est jamais le simple prolongement des tendances actuelles.

Si l’optimiste est indéniablement un imbécile heureux le pessimiste est, lui, un imbécile malheureux (ce qui n’est pas mieux) mais surtout ni l’un ni l’autre aucun ne nous renseigne utilement sur la réalité extérieure. En revanche ils nous renseignent-ils sur leurs propres réalités intérieures mais, ce faisant, ils commettent ce que l’on appelle un hors-sujet puisqu’au fond ils ne nous parlent que d’eux-mêmes.

Ce n’est pas à force de prendre ses désirs pour des réalités que la réalité finira par se conformer à nos désirs. Mais ce n’est pas non plus en prenant ses phobies ou ses peurs légitimes pour des réalités que la réalité en sera modifiée.

Comme le disent les militaires : « la peur ne supprime pas le danger ». Elle se contente de nous aveugler et de nous affaiblir et, ce faisant, elle nous prédispose à la catastrophe.

2/ Discerner avant de se décider à agir  : gage de sagesse ou alibi de la lâcheté ?

Les conditions du discernement sont difficiles à réunir en période de crise. On a, par définition, d’excellentes raisons de ne pas être serein et de ne pas pouvoir discerner correctement son devoir.

Dans ces cas-là on n’a pas le choix entre le vrai et le faux mais entre le vague et le flou ce qui est beaucoup moins facile et beaucoup moins confortable.

Dans ces cas-là il est plus facile de faire son devoir que de le discerner

La difficulté est donc de garantir les conditions d’exercice du discernement en contexte de crise ce qui suppose d’abord de distinguer bien distinguer la ligne de démarcation qui sépare la sagesse de la lâcheté.

En effet le sage et le lâche ont en commun de discerner les dangers qui se profilent à l’horizon afin d’éviter les batailles perdues d’avance et les entreprises aventureuses dans lesquelles il vaut mieux ne pas s’engager. Dans les deux cas il s’agit de savoir renoncer à bon escient et de lâcher prise à temps.

Pourtant il existe une différence majeure : la lâcheté consiste à esquiver systématiquement les situations où la somme des inconvénients virtuels dépasse la somme des avantages potentiels à titre individuel tandis que la sagesse consiste à évaluer les risques qu’il est possible et raisonnable de courir pour concourir au bien commun.

La sagesse consiste à distinguer ce qui est voué à l’échec et ce qu’il est possible de faire même si cela nous coûte. C’est l’art du possible et l’art du possible implique l’acceptation du risque.

Et c’est paradoxalement dans ce risque que viennent se nicher les raisons d’espérer : car, par définition, un échec possible n’est pas un échec certain.

La sagesse est une forme de discernement qui n’exclut pas le courage et pour cette raison ne se confond pas avec le principe de précaution. Tout simplement parce que ce n’est pas un principe mais l’art du discernement.

Or, quand on agit par principe on congédie le discernement avant d’agir puisqu’on n’en a pas besoin. En effet on dispose déjà d’un critère pour agir : le principe.

La sagesse suppose donc le courage. Ou plutôt elle repose sur le courage car c’est le courage qui la distingue de la lâcheté.

3/ C’est le courage qui permet d’être sage

Le discernement est juché sur les épaules du courage. Comment discerner l’opportunité dans l’événement a priori menaçant si on n’a pas le courage de garder les yeux ouverts et de regarder la réalité en face ?

Il est beaucoup plus sage et raisonnable de tenter sa chance – au risque d’échouer – que d’avoir la certitude d’échouer en la laissant filer. Il n’est pas raisonnable de renoncer d’entrée de jeu.

Comme le disait le général De Gaulle dans un discours du 18 juin 1942 à Londres : « Je dis que nous sommes raisonnables. En effet, nous avons choisi la voie la plus dure, mais aussi la plus habile : la voie droite ».

L’art du discernement repose sur la vertu de force car c’est le courage qui permet d’être sage. C’est en effet le courage qui rend possible de consentir à des efforts pour atteindre un objectif à long terme.

Le courage est le gage de la lucidité et la condition du discernement c’est de cultiver le courage quotidien pour être en mesure ne pas défaillir en cas de crise.

Il faut en effet s’être entraîné à réfléchir de manière concrète, posée et permanente mais il faut également s’être entraîné à dire « non » courtoisement et de manière argumentée.

« Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte mais que ce soit avec douceur et respect » 1, Pierre 3, 15-16.

Mais pour pouvoir regarder la vérité en face encore faut-il s’être habitué à ne pas (ou ne plus) se mentir à soi-même. Comme l’écrivait Charles Péguy dans Notre jeunesse : «  Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Pour pouvoir bien agir en temps de crise il faut s’y être entraîné en temps normal.

Mais au fond est-ce vraiment si étonnant ?

Dans la vie l’impermanence de toute chose – ce que nous appelons la crise quand nous sommes trop habitués ou trop attachés à ce que nous connaissons déjà – n’est-elle pas la règle plutôt que l’exception ?

Comme le faisait remarquer Michel de Montaigne : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant ».

Pour bien agir en temps de crise il faut aimer suffisamment le monde pour l’accueillir tel qu’il est sans pour autant l’approuver.

Seul l’amour affûte le discernement.

Connaître le diagnostic et refuser la prescription ?

La révélation chrétienne est un logiciel de décryptage de la condition humaine. C’est un outil unique pour comprendre le sens de ce que nous vivons, subissons et faisons subir. Collectivement et individuellement.

A défaut de disposer de cet outil nous en sommes réduits à faire le constat désespérant de Macbeth qui considérait que l’existence n’était qu’un un récit plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui n’a pas de sens.

1/ Un outil de diagnostic existentiel

La révélation chrétienne est comparable à un service de renseignement qui éclaire, instruit et conseille son gouvernement pour lui éviter de se fourvoyer en prenant les apparences pour la réalité.

Elle montre le chemin et donne les moyens qui permettent de sortir de la nasse dans laquelle nous nous débattons et où nous finissons parfois par renoncer à nous battre, de guerre lasse.

En nous révélant le dessous des cartes la révélation chrétienne nous révèle à nous-mêmes mais, en un sens, c’est bien ça le problème. Ou plutôt ça peut devenir un problème pour nous selon la manière dont nous accueillons cette révélation sur les causes profondes de nos contradictions et les ressorts cachés de nos actions.

Tous les médecins le savent en effet : l’énoncé du diagnostic peut déclencher des réactions hostiles voire carrément hystériques chez le patient qui ne veut à aucun prix entendre la vérité sur son état. Pourtant les vérités qu’on a le moins envie d’entendre sont celles dont on  a le plus besoin…

De ce point de vue la révélation chrétienne fait problème dans la mesure où elle nous contraint à faire un choix. Elle nous libère de l’indécision à laquelle notre ignorance nous condamnait. Ce faisant elle nous confronte à notre liberté de choix. Elle nous impose de faire un arbitrage. En fait ça devient notre problème au sens propre du terme.

La révélation chrétienne est un outil de diagnostic et une proposition de prescription. Le plus dur reste alors à faire : accepter de suivre la prescription. Cet acte de volonté c’est l’acte de la foi.

2/ Connaître la vérité ne nous sauve pas

En effet le plus difficile n’est pas d’accéder à la vérité mais d’y acquiescer car ce qui nous sauve ce n’est pas la connaissance de la vérité – hérésie gnostique – mais de vivre de la vérité.

Quand la Bible parle de connaître Dieu elle ne parle pas d’acquérir une connaissance métaphysique portant sur Dieu sa nature ou ses attributs mais elle parle d’une intimité avec Dieu. De même quand on dit qu’un homme et une femme se sont connus « au sens biblique du terme » on dit par là qu’ils ont une intimité sexuelle.

La connaissance de la vérité de Dieu ne nous sauvera pas. Si tel est le cas Satan ne serait-il pas le premier des sauvés ? Ne sait-il pas mieux que n’importe quel homme qui est Dieu ?

« Tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien ; les démons aussi le croient, et ils tremblent » (Epître de Jacques 2, 19).

La foi des démons ne nous sauvera pas mais elle peut devenir la nôtre et c’est ça le danger qui nous menace Connaître la vérité mais refuse d’en vivre c’est le propre du pharisien. Voilà pourquoi ce n’est pas la connaissance de la vérité qui sauve mais son acceptation.

Ce problème n’est d’ailleurs pas spécifiquement de nature religieuse. Combien de services de renseignement ont alerté en vain leurs gouvernements de dangers imminents sans que leurs autorités acceptent cette inquiétante vérité : « Nous sommes en danger » ?

Car au fond personne n’aime les porteurs de mauvaises nouvelles. On préfère condamner ceux qui sonnent le tocsin plutôt que de se mobiliser contre l’incendie. On préfère un déni de réalité à une remise en cause douloureuse.

Le fond du problème est en nous et la question peut être formulée ainsi : quel usage voulons-nous faire des vérités que la révélation chrétienne nous dévoile sur nous-mêmes ?

Que voulons-nous faire de notre liberté ? Voulons-nous en faire quelque chose pour vivre selon la vérité de Dieu, ici-bas et au-delà ? Ou bien préférons-nous nous fier à nous-mêmes sachant que nous ne savons pas ce qui est bon pour nous ?

C’est la question que l’Eternel posait déjà à Israël et qu’Il nous pose inlassablement à chacun individuellement.

« J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre: j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, pour aimer l’Eternel, ton Dieu, pour obéir à sa voix, et pour t’attacher à lui: car de cela dépendent ta vie et la prolongation de tes jours » (Deutéronome 30, 19).

3/ Aimerons-nous le Dieu d’amour ?

C’est pour cela que nous ne serons pas jugés sur notre connaissance abstraite de la vérité ou sur la rectitude de notre théologie. Comme disait de Jean de la Croix: « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour ».

Rien d’étonnant puisque le Christ lui-même nous a dit que toute la volonté de Dieu était résumé dans le commandement de l’amour.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée, c’est là le plus grand commandement et le plus important. Mais il y en a un second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’enseignent la loi et les prophètes se résume dans ces deux commandements » (Matthieu 22, 37-40).

Mieux encore, saint Jean nous dit que l’amour s’identifie à Dieu : « Aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et il connaît Dieu. Qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4, 7).

Bien sûr l’amour suppose, implique et contient l’amour de la vérité mais il n’implique pas et ne garantit pas l’infaillibilité du discernement. C’est rassurant !

C’est pourquoi Vatican II rappelle que l’ignorance involontaire de Dieu et de la révélation chrétienne n’est pas un obstacle au salut.

Ce qui est un obstacle au salut c’est le refus délibéré et donc conscient d’accepter l’offre de Dieu faite en la personne de Jésus Christ.

Mais dans ce cas l’obstacle qui nous barre la route du salut c’est nous qui le posons.

CS Lewis le résumait bien : « Au fond l’humanité se divise simplement en deux catégories de personnes : ceux qui disent à Dieu Que ta volonté soit faite et ceux auxquels Dieu dit Que ta volonté soit faite. Tous ceux qui vont en enfer font partie de cette dernière catégorie »

Vive l’Eglise des cœurs brisés !

Dans son livre-entretien intitulé Le soir approche et déjà le jour baisse le cardinal Robert Sarah déclarait au sujet de l’état du monde et de l’Eglise : « Je n’ai pas de programme. Quand on possède un programme, c’est qu’on veut réaliser une œuvre humaine. L’Eglise n’est pas une institution que nous devrions réaliser ou façonner avec nos idées. Il faut simplement recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner ».

Cette remarque permet d’éclairer l’option préférentielle du pape François pour les périphéries et de comprendre ses initiatives qui paraissent à certains brouillonnes incohérentes ou peu lisibles…pour ne rien dire de ceux qui l’accusent purement et simplement de trahir le dépôt de la foi !.

Elle permet également d’éclairer le discours du 22 décembre 2014 dans lequel le pape François avait sévèrement critiqué le haut clergé et la Curie. En dénonçant, entre autres, la mondanité, l’hyperactivité, les rivalités, les bavardages, les calomnies et la zizanie il avait pointé du doigt les symptômes d’un mode de fonctionnement davantage calqué sur un modèle mondain que placé sous l’inspiration de l’Esprit saint.

Ce manque de disponibilité à l’Esprit saint nous place inévitablement sous l’influence du Prince de ce monde et explique de nombreux échecs pastoraux, de nombreuses décadences institutionnelles et de nombreux scandales.

Mais ce constat ne vaut pas uniquement pour les prélatures personnelles, les congrégations religieuses, les dicastères ou la Curie. Il peut également être étendu à certaines de nos paroisses, de nos associations de laïcs, de nos associations caritatives, de nos établissements d’enseignement catholique et de nos diocèses.

Les symptômes de ce mode de fonctionnement sont connus : préséance des problèmes d’intendance sur l’évangélisation, jeux d’acteurs, réunionite aiguë, boulimie de planification, volonté de tout organiser, problèmes internes à régler, démultiplication de réunions, problèmes d’organisation, double discours etc.

Ce qui est considéré comme la norme dans le monde profane devient, au sein de l’Eglise, le symptôme que nous avons renoncé à cette disponibilité intérieure qui, seule, permet à l’Esprit de Dieu de nous inspirer.

C’est le signe que nous avons voulu prendre nous-mêmes les commandes, à l’image d’Adam et Eve, au lieu de s’en remettre à Dieu et de recevoir de Lui nos priorités.

C’est le signe que nous avons renoncé aux deux boussoles que le Christ nous avait pourtant confiées pour faire Sa volonté et porter du fruit : observer le commandement de l’amour sans souci d’efficacité immédiate et rechercher prioritairement le royaume des cieux sans se soucier de l’intendance.

1/ L’amour sans idée de manœuvre

La première boussole est le commandement de l’amour.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée, c’est là le plus grand commandement et le plus important. Mais il y en a un second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’enseignent la loi et les prophètes se résume dans ces deux commandements » (Matthieu 22, 37-40).

Ce commandement n’est pas seulement le plus élevé, c’est aussi un critère de discernement. Le critère de proximité est en effet un critère concret et non abstrait qui, parce qu’il est concret et non abstrait, nous éclaire et nous oblige. C’est l’antidote à l’hypocrisie, au politiquement correct et au pharisaïsme. « Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins »…

Mais c’est surtout un critère objectif et non subjectif. Le prochain est celui qui nous est proche… pas celui que nous aurions spontanément choisi. C’est celui que l’Esprit saint a choisi de placer sur notre chemin et non pas l’un de nos copains, même s’il peut peut-être le devenir après coup. Notre prochain n’est pas nécessairement notre copain et c’est le signe distinctif des chrétiens :

« Si vous aimez seulement vos amis qui vous aiment en retour, pensez-vous avoir droit à une reconnaissance particulière ? Les non-chrétiens aussi aiment leurs amis. Et si vous faites seulement du bien à ceux qui vous en font, pourquoi vous attendriez-vous à être félicités ? Ceux qui ne sont pas chrétiens agissent suivant les mêmes principes. Si vous prêtez seulement à ceux dont vous espérez être remboursés, quelle reconnaissance vous doit-on ? Les non-chrétiens aussi se font des prêts entre eux, parce qu’ils espèrent qu’un jour, on leur rendra le même service » (Luc 6, 32-34).

Aimer son prochain ce n’est donc pas aimer ceux que l’on aurait aimé aimer mais ceux qui croisent notre route…. et l’expérience montre que ce sont rarement les mêmes. Cela prend à contre-pied notre manière de penser et c’est en cela que c’est un critère de discernement de la volonté de Dieu.

Ça suppose en effet de renoncer à nous laisser guider – ou plutôt à nous laisser entraîner – par nos affinités pour nous abandonner à une volonté qui n’est pas la nôtre – la volonté de Dieu – qui  se manifeste par des rencontres que nous n’avons pas prévues et que nous ne pouvions pas prévoir. Ne dit-on pas que les voies du Seigneur sont impénétrables ?

C’est la seule manière d’être fidèle à la prière du Notre Père puisque c’est la manière concrète de Lui dire : « Que Ta volonté soit faite » au lieu de persister à Lui demander d’exaucer la nôtre sous prétexte que nous sommes sincèrement convaincus de Lui demander ce qui est bien.

Car même si ce que nous demandons est bien ce n’est peut-être pas opportun ou prioritaire aux yeux de Dieu. De ce point de vue notre bonne volonté nous aveugle quand nous nous multiplions les prières pour demander à Dieu ce qu’Il ne juge pas juste ou opportun de nous accorder.

La persévérance que nous mettons à demander ce que nous voulons n’est alors qu’une insistance déplacée. On persévère dans l’ornière à chaque fois qu’on persiste à ne pas faire machine arrière ou même à accepter de faire un pas de côté pour faire le point et observer.

Livrées à elles-mêmes nos bonnes intentions peuvent devenir diaboliques. C’est pour cela que l’enfer en est pavé. En devenant despotiques nos bonnes volontés font de nous des fanatiques  de notre propre volonté. Ceux qui, comme le disait André Frossard, « font la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou pas ! ». La tentation, qui nous condamne à l’échec, consiste à préférer se dire « on ne lâche rien » là où il faudrait au contraire lâcher prise, seule solution pour que l’Esprit saint puisse avoir prise sur nous.

Faire la volonté du Père dans des situations objectivement dégradées et pour des gens qu’on n’aurait pas choisis c’est la garantie que l’on s’efforce de faire Sa volonté plutôt que la nôtre.

« Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ;  ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. » (1 Corinthiens 1, 25-29)

C’est ce lâcher prise initial qui permet d’entrer dans les vues de Dieu en étant réceptif à Son esprit qui se manifeste dans la brise légère plutôt que dans le fracas de la tempête (Premier livre des Rois, 19 11-13a).

2/ La recherche du royaume de Dieu ou l’intendance suivra

La deuxième boussole est également très connue : « Cherchez d’abord le royaume de Dieuetsa justice, et tout celavous sera donné parsurcroît » (Matthieu 6, 33).

Là encore le critère est l’ouverture à l’imprévu de Dieu. A contrario quand nous nous enlisons dans des problèmes de gestion c’est que nous avons renoncé à chercher en priorité le royaume de Dieu. C’est alors que les problèmes d’intendance prennent la préséance.

C’est la tentation des Israélites dans le désert : alors que Dieu leur donnait chaque jour la manne dont ils avaient besoin pour se nourrir en subvenant ainsi à leurs besoins, certains tentèrent de s’affranchir de la providence de Dieu en faisant des stocks. Sans doute pour apaiser leur angoisse du lendemain. Angoisse du lendemain qui révélait du même coup leur manque de foi et qui aboutit à l’échec.

« Moïse leur dit : « Que personne n’en mette en réserve jusqu’au lendemain. » Certains n’écoutèrent pas Moïse et en mirent en réserve jusqu’au lendemain, mais les vers s’y mirent et cela devint infect. Moïse s’irrita contre eux ». (Exode 16, 19-20)

Quand nous nous noyons dans l’activisme, que nous nous perdons en stratégies – pastorales ou pédagogiques – et que nous consacrons notre temps à chercher le meilleur positionnement vis-à-vis des institutions politiques nous ne cherchons plus à témoigner que Dieu est mort et ressuscité par amour pour nous et que ça change tout !

Mais ce qui est plus grave encore c’est qu’en parlant de tout sauf de Lui nous ne L’écoutons même plus nous parler : ni dans les Evangiles, ni dans le secret de la prière, ni par la bouche de nos frères[1].

Nous nous soustrayons au souffle de l’Esprit saint et nous nous essoufflons. Nous nous épuisons et nous perdons dans un volontarisme stérile qui fait fuir ceux auxquels nous nous adressons et qui décourage et fait souffrir jusqu’à nos propres soutiens.

De ce point de vue l’hyperspécialisation des mouvements de solidarité catholiques dégradés en simples ONG comme la décadence progressive de communautés plus ou moins nouvelles qui se gargarisaient de leur charisme spécifique reflètent la même réalité : des priorités qui ne sont pas celles de Dieu.

Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ? Le critère que nous a transmis Jésus-Christ : la fécondité.

« Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits.… Ainsi, tout arbre sain porte de bons fruits, tandis qu’un arbre malade produit de mauvais fruits. Il est impossible qu’un arbre sain porte de mauvais fruits ou qu’un arbre malade produise de bons fruits. Tout arbre qui ne donne pas de bons fruits est arraché et jeté au feu » (Matthieu 7, 19).

Quand la rumination de la Parole de Dieu, la vie de prière et le sacrement du frère sont relégués au second rang de nos priorités au profit d’engagements légitimes mais secondaires ces derniers deviennent illégitimes aux yeux de Dieu à mesure qu’ils deviennent prioritaires à nos yeux.

Le cas archétypique est celui de l’engagement paroissial des laïcs.

Tel est le cas de l’engagement dans la préparation au mariage qui permet à certains couples mariés de fuir ses difficultés conjugales. Là où Dieu nous demande d’abord d’être époux – car Il s’est engagé dans notre mariage – nous pouvons être tentés de nous fixer unilatéralement d’autres priorités. De même pour certains adultes catéchistes qui ne parviennent pas à transmettre la foi à leurs propres enfants faute d’être suffisamment présents à leurs côtés dans la vie quotidienne c’est-à-dire la vie familiale concrète.

Même la pratique religieuse peut servir à nous éloigner de la volonté de Dieu si l’on ne met pas au premier rang de ses priorités l’amour. « Si donc tu es en train de te rendre à l’autel pour y présenter ton offrande et que là, soudain, tu te souviennes qu’un frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande au pied de l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis tu reviendras présenter ton offrande ». (Matthieu 5, 23-24)

De ce point de vue l’hyperconsommation de sacrements et de liturgie peut ressembler à l’hyperconsommation de médicaments avec des effets secondaires déplorables dans le deux cas. Les fruits de la bigoterie ne sont pas ceux de la sainteté.

« La marque par laquelle tous les hommes pourront reconnaître si vous êtes mes vrais disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». (Jean 13, 35)

Une grenouille de bénitier n’est pas la personne transfigurée par la vie divine. Pourtant « Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu » (saint Irénée) et c’est cela que nous avons à annoncer et à montrer.

La décadence d’un certain nombre d’institutions sur lesquelles nous comptions n’est pas un spectacle spontanément réjouissant mais c’est le dévoilement de réalités qui étaient cachées ce qui, en grec, se dit apocalypse. Mais c’est une épreuve de vérité qu’il n’y a pas de raison de redouter parce que c’est la fin de structures mortes.

Certains séminaires recrutent – ils attirent ceux qui veulent vivre de la foi sans se préoccuper de plaire au monde – tandis que d’autres se vident : ceux qui sous prétexte d’aller au monde ont voulu se mettre à la mode et se sont en fait rendus au monde.

Certains établissements catholiques d’enseignement n’ont, souvent, plus de catholique que le nom. Ils ne suscitent plus la moindre vocation parce qu’ils ne cherchent même plus à transmettre la foi tout en prétextant  que leur objectif est de former une élite catholique. En revanche ils fournissent des bataillons de jeunes gens académiquement bien formés aux écoles de commerce. « On ne peut servir à la fois Dieu et Mamon » (Matthieu 6, 24).

A l’inverse certaines autres écoles fleurissent – souvent hors-contrat mais jamais hors-la-loi – à l’initiative de parents soucieux d’élever prioritairement leurs enfants dans la foi plutôt que dans la réussite sociale.

3/ Sub specie æternitatis

Le dernier ouvrage d’Henri Tincq, Vatican, la fin d’un monde, décrit la déliquescence d’un pouvoir en bout de course. Mais la lecture d’un tel ouvrage ne doit pas nous faire désespérer car la décadence d’institutions ecclésiales ne signifie pas la disparition de l’Eglise.

D’abord parce que notre Eglise a en effet reçu les promesses de l’éternité et que c’est pour cette raison qu’il faut considérer les crises qui secouent l’Eglise, sub specie æternitatis, c’est-à-dire du point de vue de l’éternité

Ensuite parce que notre Eglise n’est pas d’abord un empilement de structures ecclésiales mais une communauté de baptisés en mouvement vers le Christ guidée par l’Esprit saint. Notre foi est un pèlerinage terrestre à accomplir, pas des bastions à conquérir ou des positions à tenir.

Pour peu que nous cherchions à faire d’abord la volonté de Dieu et que nous soyons prêts à renoncer à des projets que nous pensions conformes à Ses vues, nous marcherons à Sa suite et notre foi en Lui se communiquera parce qu’elle brûlera en nous.

Mais une telle disposition intérieure présuppose une conversion du cœur préalable pour que notre prière puisse correspondre à la volonté du Père.

« Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé ». (Psaume 50, 19)

Il ne faut pas s’affoler de la déliquescence des structures ecclésiales que la vie de Dieu avait déjà désertées.

Le pape François a déjà appelé de ses vœux un collège (apostolique) des cœurs brisés mais l’Eglise n’est pas seulement le clergé : c’est l’ensemble des baptisés, c’est nous.

Et ce qu’il nous faut c’est une Eglise des cœurs brisés.


[1] Non seulement des frères de notre communauté mais également de nos frères en humanité : dans sa parabole le Christ indique bien que ce n’est pas le pieux lévite qui accomplit la volonté de Dieu mais le bon Samaritain…

Faire le mâle c’est pas bien

« Vivre sans temps mort et jouir sans entrave », « Je prends mes désirs pour la réalité car je crois en la réalité de mes désirs » ou «On ne revendique rien, on prend » sont autant de slogans qui ont fleuri en mai 68 et dont est issue la nouvelle morale de nos sociétés occidentales.

Les acteurs de mai 68, eux, sont devenus les représentants de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le progressisme c’est-à-dire la suppression de tout ce qui, auparavant, entravait la libre-initiative et la libre-jouissance, qu’il s’agisse de la morale traditionnelle ou des limites imposées au libre-échange.

De ce grand changement de paradigme les femmes sont souvent présentées comme les grandes bénéficiaires et les grandes gagnantes. Pourtant de Dominique Strauss-Kahn à Harvey Weinstein en passant par Denis Baupin on s’aperçoit que les champions toute catégorie du progressisme sont parfois les pires prédateurs et que leurs comportements bénéficie d’une impunité que leur confère précisément leur brevet de progressisme.

Dominique Strauss-Kahn incarnait la gauche réformiste en phase avec l’économie ouverte ; Harvey Weinstein figurait parmi les plus grands donateurs du parti Démocrate américain, multipliait les dons à des associations luttant contre le sida ou la pauvreté et avait versé 5 millions de dollars à l’université de Caroline du Sud pour aider les femmes metteurs en scène. Denis Baupin n’avait pas hésité à poser sur une photo avec du rouge aux lèvres pour la journée de la femme…

Bien sûr on peut objecter que le clergé catholique fournit, lui aussi, de très bons exemples de prédicateurs faisant le contraire de ce qu’ils prêchent en matière sexuelle. Pourtant il existe une différence fondamentale entre les deux.

Dans le cas de prêtres, d’évêques et de cardinaux ayant commis ou couverts des abus sexuels on peut leur reprocher leur (in)conduite non seulement au nom de la morale traditionnelle mais aussi et surtout on peut leur reprocher à juste titre d’avoir trahi les prescriptions de l’Evangile et l’amour du prochain dont ils se voulaient les témoins et les garants. Ce qu’on peut et ce que l’on doit leur reprocher c’est leurs incohérences et leurs trahisons.

Dans le cas des apôtres du progressisme issu de mai 68 leurs comportements ne sont condamnables qu’au regard de la morale traditionnelle qu’ils ont eux-mêmes jetée aux orties pour pouvoir vivre sans temps mort, jouir sans entrave, prendre leurs désirs pour la réalité au nom de la réalité de leurs désirs et, finalement, prendre tout sans rien revendiquer. C’est la démonstration empirique qu’ils sont restés fidèles à leurs convictions de jeunesse…pour le plus grand malheur des femmes qui ont croisé leurs chemins.

Car la libéralisation des mœurs induite par mai 68 a constitué une gigantesque régression pour la condition féminine que le vernis du discours progressiste dissimule de moins en moins.

Elle met un terme à une période de l’histoire pendant laquelle la femme a humanisé l’homme en endormant le mâle qui sommeillait en eux. Aujourd’hui  nous assistons au retour de l’empire du mâle.

1/ L’empire du mâle contre-attaque

Livré à ses pulsions naturelles l’homme n’est plus qu’un mâle et se comporte comme tel. Sans même nécessairement penser à mal. Sans même penser du tout puisqu’il est de nouveau guidé par ses instincts. Car s’il a suffisamment de sang pour approvisionner à la fois son intelligence et sa libido il n’en a malheureusement pas suffisamment pour approvisionner les deux en même temps.

Livré à ses pulsions naturelles l’homme se comporte comme un mâle. Un mâle opportuniste qui cherche à satisfaire ses pulsions en tirant le meilleur parti des circonstances favorables et des opportunités… parfois à l’aide de stratégies plus ou moins élaborées. C’est connu de toutes les femmes : quand les hommes ont obtenu « ce qu’ils voulaient » ils ont tendance à se désinvestir progressivement de la relation quand ils ne désertent pas purement et simplement ce qu’ils considéraient comme un champ de bataille.

Car le mâle multiplie les « conquêtes », terme militaire qui signifie bien qu’il considère spontanément la femme comme un adversaire à soumettre plutôt que comme une partenaire avec laquelle s’engager. Il envisage la relation sexuelle davantage comme une activité sexuelle que comme une relation humaine.

Et quand les mâles cherchent à se justifier ils invoquent invariablement la liberté. Du moins leur liberté. Dominique Strauss-Kahn revendiquait son « libertinage » tandis que Denis Baupin se décrivait comme un « libertin incompris ».

D’où la différence avec les femmes qui, parce qu’elles envisagent plus fréquemment de s’investir dans une relation, se projettent plus volontiers dans l’avenir : rencontre, échange, partage, don et abandon puis éventuellement développement d’une relation stable, construction d’un couple, accueil et éducation des enfants.

D’où la position d’infériorité structurelle de la femme dans ce que Marivaux avait appelé le jeu de l’amour et du hasard. Au petit jeu de la séduction la femme est doublement pénalisée.

D’abord parce qu’elle risque plus gros en cas d’échec. Elle risque plus gros parce qu’elle mise plus gros et elle mise plus gros parce qu’elle vise plus haut. Elle attend beaucoup plus d’une rencontre amoureuse qu’une passade d’un soir. Même réussie.

Ensuite et surtout parce que le temps joue contre elle et en faveur de l’homme. Le temps qui passe permet à l’homme de mûrir et fait fructifier son capital d’attractivité (personnalité, sagesse, expérience, prestige) mais, à l’inverse, érode le capital d’attractivité de la femme (beauté, grâce, jeunesse, prestance).

Un homme mûr attire beaucoup plus facilement des femmes jeunes et jolies que l’inverse. Bien sûr cela peut arriver : de la pièce de théâtre Harold et Maud au couple présidentiel actuel on peut trouver des contre-exemples. De même qu’il existe des poissons-volants. Mais ce n’est pas la majorité de l’espèce.

Le constat est cruel et c’est pour cela que l’on utilise l’euphémisme de « famille monoparentale » pour désigner ces femmes qui restent seules à élever leurs enfants après que leurs compagnons les aient quittées. Le départ se fait très majoritairement  dans le même sens : ce sont les hommes qui partent et les femmes qui restent avec les enfants.

Le constat est cruel mais la réalité n’est pas nouvelle. Elle est même consubstantielle à la condition humaine depuis la chute. C’est une des conséquences du péché originel. La Bible l’exprime clairement :  Il [Dieu] dit à la femme : « J’augmenterai la souffrance de tes grossesses. C’est dans la douleur que tu mettras des enfants au monde. Tes désirs se porteront vers ton mari, mais lui, il dominera sur toi. » (Genèse 3, 16).

2/ L’apparition de l’homme est le triomphe historique de la femme

La nature est particulièrement défavorable aux femmes et, en Occident,  la culture est venue lui faire contrepoids. Pendant des millénaires les femmes se sont efforcées de domestiquer les mâles dans le but d’en faire des hommes dignes de ce nom.

Elles se sont efforcées de réprimer leurs tendances brutales, anarchiques, égoïstes et stériles (violence, libido anarchique, ivrognerie, jeu). Ce faisant elles sont parvenues à enchaîner leurs hommes au foyer ce qui est le sens littéral du mot husband (mari) en anglais : house-bound signifie littéralement « lié à la maison ».

Ce lien est parfois perçu par les intéressés comme une chaîne et, en un sens, c’est vrai. Le sens des responsabilités implique forcément une restriction de la liberté. Choisir implique de renoncer. Choisir c’est renoncer. Choisir c’est assumer une certaine dose de frustration en échange d’un bien plus grand et différé dans le temps. Mais c’est à ce prix que le mâle, spontanément inconséquent et égoïste, peut accéder au statut d’homme responsable et doté d’un sens moral.

Tel est le prix à payer pour grandir en humanité. Tel est le prix de l’humanisation de l’homme. Telle est la condition de possibilité d’une relation humanisante entre l’homme et la femme. Cela n’a rien de naturel, c’est une construction culturelle, une victoire de la civilisation, un acquis sociétal. Le temps qui passe a fini par nous convaincre que l’humanisation de l’homme et la connivence entre les sexes étaient « normales » alors que fondamentalement l’apparition de l’homme est le triomphe historique de la femme.

A l’inverse la « libéralisation des mœurs », fièrement revendiquée par les apôtres de mai 68, a fait voler en éclats cet acquis de civilisation laborieusement et patiemment conquis pendant plusieurs siècles en Occident. Les slogans comme « jouir sans entrave » ou « faites l’amour pas la guerre » ont donné le feu vert à la grande régression masculine pour le plus grand malheur de la condition féminine.

L’égoïsme de la pulsion masculine s’en est retrouvé légitimé, flattée et encouragé par la société. Les mâles ont désormais reconquis le territoire qu’ils avaient perdu et l’ont même agrandi grâce, notamment, au soutien de féministes en peau de lapin qui refusent d’admettre que ce que l’on a appelé la libération des mœurs a consisté à émanciper les hommes de leurs devoirs envers autrui.

Auparavant on réprouvait l’égoïsme des hommes qui abandonnaient des femmes après les avoir, selon l’expression consacrée « séduites et abandonnées ». Aujourd’hui les mêmes hommes sont « libérés » de cette culpabilité et de tout devoir grâce à la pilule contraceptive et à l’avortement légalisé. Ils peuvent désormais, en toute quiétude, baiser sans s’engager. L’idéal de la mobilité nomade et des décisions unilatérales – l’idéal du mâle – est devenu la norme morale…. Y compris pour les femmes désormais sommées d’adopter le même comportement nomade et prédateur au nom de l’égalité. On comprend bien le raisonnement : l’égalité dans l’irresponsabilité rendrait les femmes elles aussi « libérées ». C’est l’extension aux femmes de ce que le modèle masculin a de pire. L’idéal du mâle est devenu l’acquis sociétal d’une société désormais acquise à la mentalité libérale.

Pourtant aujourd’hui ce sont surtout les femmes qui en supportent le poids et qui en payent le prix : le marché du désir et le marché du travail sont devenus de plus en plus volatiles, la compétition de plus en plus impitoyable, l’instabilité croissante et leurs vies de plus en plus précarisées.

Comme l’écrivait Michel Houellebecq : « elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d’années, se consacrer à l’entretien de leur « capital séduction », dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l’ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N’ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu’elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu’elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire »[1].

3/ Libération du mâle et culture de la femme-objet

Désormais épuisées par leurs doubles journées les femmes occidentales ploient sous le double poids de la charge psychologique et d’un nouvel l’impératif catégorique : sois désirable et tais-toi. C’est-à-dire sois consommable et tais-toi.

La coquetterie n’est plus un choix individuel mais une injonction sociale pour pouvoir rester sur un marché de la séduction toujours plus concurrentiel, instable et impitoyable.

Avant il était convenu que la vie n’était pas un défilé de mode et que nulle n’était tenue d’être un mannequin. Mais ça c’était avant. Désormais les femmes sont tenues d’être sexy. C’est une injonction très forte relayée par les magazines féminins comme par l’industrie de la publicité, de la mode ou du cinéma. Comme le chantait en 1984 le groupe Cookie Dingler dans Femme libérée  qui fut son seul et unique tube: « Elle rentre son ventre à chaque fois qu’elle sort, même dans Elle ils disent qu’il faut faire des efforts ».

Sans compter que l’essor de l’industrie pornographique est devenu l’un des moteurs de la croissance économique de nos sociétés et que sa banalisation culturelle consacre le triomphe de l’empire du mâle.

Cette industrie, qui repose exclusivement et ouvertement sur le rabaissement de la femme au statut de sex-toy, est devenue une des marques de fabrique de nos sociétés post-modernes malgré les postures émancipatrices qu’elles prennent parfois, par exemple en traquant jusque dans la grammaire toute expression (réelle ou supposée) de machisme. Il suffit en effet de regarder la couverture de n’importe quel magazine féminin pour comprendre que ces postures ne sont que des impostures. Le moindre article intitulé « Comment s’accepter telle que l’on est et assumer sa silhouette » est invariablement suivi d’un autre article intitulé « Comment perdre des kilos avant l’été »…

Pourtant dans une société qui revendique haut et fort l’émancipation pour tous, l’exhibition de femmes soumises aux désirs, aux humiliations et aux violences masculines devrait, en toute logique, susciter une politique publique volontariste de type abolitionniste.

Une politique publique de protection à destination non seulement des enfants – dont l’éducation sexuelle est confiée de facto aux bons soins de l’industrie pornographique – mais avant tout et surtout à destination de toutes les femmes dont la dignité humaine est ouvertement et délibérément bafouée. Après tout on a bien adopté une politique volontariste pour lutter contre les ravages du tabac. Et avec un certain succès…

Mais la libération des mœurs est comparable à la liberté du marché : elle est revendiquée par ceux qui en profitent et non par ceux qui en pâtissent. De même que la liberté de croquer est revendiquée par les prédateurs et non par leurs proies.

La libération des mœurs n’est que le manteau dans lequel se drape un refus archaïque et égoïste : le refus de tenir compte des autres. C’est le refus de ceux qui sont en position de force. C’est le refus de de s’imposer des limites, et donc des contraintes, par égard pour ceux – et en l’occurrence pour celles – qui sont dans une position de faiblesse structurelle.

C’est un refus qu’abrite le pavillon de complaisance de l’égalité formelle. L’égalité formelle vous connaissez ? C’est une hypocrisie qui consiste à décréter qu’à partir du moment où les règles du jeu sont les mêmes pour tous les forts et les faibles ont les mêmes chances. En économie cela consiste à supprimer les lois qui protégeaient les PME de la puissance des multinationales tout en prétendant qu’elles luttent à armes égales. En sport cela consisterait à supprimer la distinction entre compétitions masculines et compétitions féminines au nom de l’égalité. L’égalité formelle c’est ce que dénonçait déjà au XIXème siècle Henri Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

La libération des mœurs promue par ceux qui en profitent n’est que le masque derrière lequel se cache le refus des règles de vie qui garantissent ce que l’on appelle aujourd’hui le vivre-ensemble et qu’on appelait jadis le savoir-vivre.

Le retour à la liberté des mœurs reposent sur une valorisation de l’état de nature c’est-à-dire sur la négation même de l’idée de civilisation. Exalter la nature comme modèle des relations se fait toujours au détriment de la culture. Le retour à la loi de la jungle ne profite qu’aux prédateurs et aux nomades. Fort logiquement la « libération » des mœurs se fait au profit des mâles

Faire le mâle c’est à la fois une régression pour la femme, qui se trouve ravalée au rang d’objet, et pour l’homme qui régresse en humanité. Marchandisation des corps et déshumanisation des êtres sont les conséquences inéluctables d’une société où l’on s’autorise à faire le mâle.

Preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, que faire le mâle c’est vraiment pas bien…


[1] Extrait tiré d’un texte intitulé Humanité, second stade, préface à une réédition du SCUM Manifesto de Valerie Solanas.

Face à BFM-TV que disent les baptisés ?

Les violences commises par certains gilets jaunes comme les violences policières sont relayées en boucle par les chaînes d’information continue et choquent légitimement les téléspectateurs.

Parmi ces derniers certains sont davantage choqués par les premières, d’autres par les secondes. Les sensibilités et les affects prennent alors facilement le pas sur la réflexion. L’indignation est en effet une activité grisante, valorisante et addictive.

Le problème c’est qu’elle nous détourne des problèmes concrets et des situations tragiques qui font le quotidien de nos concitoyens.

Dans ce phénomène de folie collective les chaînes d’information continue comme BFM TV, CNews ou LCI jouent un rôle d’incubateur. Leur influence (néfaste) est à la mesure de leur responsabilité morale : énorme !

Tirant prétexte de la liberté d’expression elles se livrent à une entreprise de désinformation pour des raisons structurelles et non accidentelles en offensant à la fois la vérité et la charité…dans le silence assourdissant de nombreux baptisés.

1/ Un business model consistant à contrefaire l’actualité plutôt que de la décrire

Leur business model impliquant de maintenir en haleine les téléspectateurs pour faire de l’audimat et pouvoir facturer au prix le plus élevé leurs encarts de publicité, ils approvisionnent les téléspectateurs – volontaires ou pas puisque les écrans sont déployés dans les lieux publics désormais (café, salons de coiffure, halls d’hôtel etc.) – en images choquantes qui nourrissent à leur tour les passions partisanes.

Mais surtout les chaînes d’information continue ont opéré une mutation en se transformant en chaînes de désinformation continue dans la mesure où elles s’arrogent désormais le droit de faire l’actualité en contrefaisant la réalité.

Le procédé est connu : c’est le mensonge par omission. Cela consiste à occulter une partie de la réalité en s’abstenant systématiquement et consciencieusement de replacer dans le contexte politique et social les événements que l’on rapporte. Car seul le contexte peut leur donner leur sens et permettre un débat rationnel sur les solutions à apporter et les choix politiques à consentir pour y parvenir.

Le principe est pourtant simple et connu des exégètes comme des historiens ou des services de renseignement : pas de texte sans contexte sinon l’information vire à la propagande.

Les mêmes images de violence présentées en-dehors de tout contexte tournent en boucle toute la journée sans qu’aucun journaliste ne vienne préciser, par exemple si les scènes de violences sont sporadiques et ponctuelles ou au contraire durables et représentatives de l’ensemble des manifestants à l’échelle du pays.

Les chaînes d’information continue présentent des images de violence mais passent sous silence leurs causes profondes. Le poids de leurs mots ne fait plus contrepoids au choc de leurs photos. Elles s’en tiennent à un discours légaliste sur le respect des institutions démocratiques ce qui, malgré les apparences, est un choix qui n’est pas neutre.

Ce choix n’est ni anodin ni innocent.

D’abord parce que c’est une manière de focaliser l’attention sur les symptômes des problèmes plutôt que sur leurs causes profondes alors que cette question est la seule qui mérite de retenir l’attention.

Ensuite et surtout parce que c’est une manière d’occulter le fait que précisément les institutions démocratiques ne fonctionnent plus comme des institutions démocratiques depuis longtemps et que c’est exactement cela qui est dénoncé depuis des années.

L’imposition du traité de Lisbonne en violation du verdict du référendum, la législation décidée à Bruxelles ou le renoncement volontaire aux compétences relevant de la souveraineté populaire sont autant d’atteintes au principe de souveraineté populaire et donc de démocratie.

Pourtant on ne les a jamais entendus les dénoncer au nom du devoir d’informer. Deux poids, deux mesures. Le pire c’est qu’ils semblent être les seuls à ne pas s’en apercevoir.

2/ Le parti pris du déni

Du point de vue de l’analyse c’est un manque de justesse, du point de vue moral c’est un manque de justice.

En agissant comme elles le font les chaînes d’information continue ajoutent au déni de souffrance d’une partie de nos concitoyens un déni d’urgence.

Elles font comme si leurs souffrances pouvaient (encore) patienter et attendre les résultats improbables de processus institutionnels, processus par nature consultatifs et itératifs qui ne peuvent déboucher que sur des propositions de compromis. Bref, des processus qui, par définition, ne peuvent être des procédures d’urgence.

Mais surtout elles laissent suggèrent que les problèmes politiques dénoncés par les gilets jaunes pourraient être réglés par la logique institutionnelle qui les a engendrés et par le personnel politique qui les a cautionnés.

Du pur point de vue intellectuel c’est une absurdité. Comme le disait Albert Einstein « On ne peut pas résoudre un problème avec le même niveau de pensée que celle qui l’a créé ».

Du point de vue de l’expérience humaine c’est exactement la même chose : il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre. Surtout si cela suppose qu’ils se remettent eux-mêmes en cause.

Un parti pris qui n’est pas assumé est un mensonge : en exhibant ad nauseam des images de violence et en les tirant de leur contexte les chaînes d’information continue prennent objectivement parti contre les gilets jaunes et, implicitement, pour le gouvernement dont jamais elles ne soulignent les contradictions, les mensonges, les postures ou les impostures.

Elles semblent croire qu’en cassant le thermomètre – en l’occurrence en passant sous silence les problèmes de fond – on pourrait faire baisser la fièvre. En se contentant d’arguments biaisés elles convainquent que ceux ont déjà choisi de détourner le regard par peur ou par commodité.

Mais elles ne feront jamais qu’exacerber la colère légitime de ceux qui constateront une nouvelle fois que leur sort et leurs souffrances n’intéressent pas le gouvernement – ils le savaient déjà – mais également tous ceux qui se sentiront solidaires de leurs revendications.

Hormis le témoignage sur les réseaux sociaux des quelques baptisés solidaires des gilets jaunes, l’attitude de l’ensemble des baptisés est assez accablante. Dans le meilleur des cas ils brillent par leur absence dans les rues et les manifestations et dans le pire des cas manifestent sur les réseaux sociaux leur absence de solidarité quand ce n’est pas un mépris de classe anti-évangélique.

3/ Le silence assourdissant de nombreux baptisés

L’option préférentielle pour les petits, les pauvres, ceux qui souffrent est celle de Jésus-Christ et de ses disciples fidèles. De ce point de vue le silence des catholiques pourtant prompts à dénoncer les mensonges des chaînes de désinformation continue est assourdissant. La défense des enfants condamnés à ne pas avoir de pères et de mères les a mobilisés en masse à l’occasion de la Manif pour tous mais le sort de leurs concitoyens qui ne peuvent plus joindre les deux bouts ne les mobilise pas.

Non seulement il ne les mobilise pas mais il suscite parfois – et trop souvent – sur les réseaux sociaux des réactions de rejets, des réflexes de castes incompatibles avec la notion de Bien commun qui est si souvent invoquée, avec la doctrine sociale de l’Eglise et plus radicalement avec l’évangile.

On touche du doigt là l’effet de rétrécissement du catholicisme français qui se superpose globalement à la carte électorale du vote de la bourgeoisie catholique (vote Fillon). L’appartenance majoritaire à cette classe sociale particulière explique que de nombreux catholiques en aient les réflexes et les œillères.

Difficile en effet de penser contre son pain.

Surtout quand on a orienté délibérément ses enfants vers les métiers de l’argent. Pour bien des baptisés malheureusement seuls comptent les métiers qui comptent : quand on a envoyé ses enfants dans des écoles de commerce et qu’ils ont ensuite fait carrière dans la banque ou les compagnies d’assurance, difficile de remettre en cause les méfaits de la financiarisation de l’économie et de regarder en face le sort des perdants de la dérégulation mondialisée.

C’est d’autant plus difficile de comprendre le désarroi de ses concitoyens qu’on a soigneusement évité de choisir des métiers qui ont du sens mais qui rapportent moins comme ceux de la formation ou de l’information (dont on se plaint après qu’ils soient hostiles au christianisme), des métiers artisanaux (alors même qu’on déplore le manque de techniciens formés et spécialisés contrairement à ce qui se fait en Allemagne) ou les métiers artistiques (et on se lamente que la société dans laquelle nous vivons fasse la promotion du laid et du sordide).

C’est d’autant plus difficile d’éprouver de la compassion et de la solidarité pour ceux qui se sentent partir à la dérive et invoquent la solidarité nationale qu’on a soi-même été scolarisé dans des établissements « catholiques » où l’on a été éduqué dès son plus jeune âge à la sélection sociale par l’exclusion scolaire… sous prétexte de former l’élite chrétienne de demain.

4/ Témoignage et contre-témoignage

Le drame c’est quand les chrétiens qui normalement sont dans le monde sans être du monde agissent et réagissent en fait comme des mondains plutôt que comme des chrétiens.

Cela ne signifie pas que les baptisés doivent nécessairement approuver toutes les revendications – par ailleurs contradictoires – exprimées par les gilets jaunes.

Cela n’implique pas de considérer que toute revendication qui accompagne une souffrance est ipso facto légitime, opportune ou réalisable.

En revanche le baptême nous oblige à entendre la souffrance qui s’exprime et de regarder en face ses causes objectives plutôt que de détourner le regard ou de se réfugier dans l’ironie quand ce n’est pas dans la moquerie et le mépris.

Il nous oblige également à ne pas rester dans la cabine du commentateur qui, du haut des gradins, commente le match qui se déroule sur le terrain, décernant bons et mauvais points dans une indifférence totale au sort et aux souffrances de leurs frères.

L’hostilité à peine voilée et parfois carrément affichée de certains baptisés au sort des gilets jaunes et de tous ceux pour lesquels défilent les gilets jaunes ne sont pas le résultat d’une réflexion honnête et pondérée mais l’expression décomplexée de réflexes de castes, l’expression d’un parti pris, l’affirmation tranquille d’une indifférence au sort de prochains dont on refuse de se sentir proches parce qu’on ne les fréquente pas et qu’on ne veut pas avoir à les fréquenter.

Le pire des arguments qu’il m’ait été donné de lire était que les gilets jaunes n’étaient pas les plus pauvres et que les « vrais » pauvres étaient trop pauvres pour se permettre de défiler.

Ce constat sociologique est parfaitement vrai était mais constitue le pire des arguments puisqu’il ne servait qu’à délégitimer la détresse, bien réelle, de ceux qui avaient encore la force et les moyens de descendre dans la rue pour dénoncer leur abandon progressif et programmé par les pouvoirs publics, les institutions et plus généralement la solidarité nationale.

C’est l’argument du déni de souffrance et de l’indifférence. Un peu comme ces victimes de harcèlement sexuel auxquelles dont on refuse d’enregistrer la plainte sous prétexte qu’elles n’ont pas été violées…

Faute de souffrir dans leur chair les souffrances de ceux qui défilent dans la rue certains chrétiens présents sur les réseaux sociaux refusent de réfléchir et de regarder en face la réalité  tragique que vivent une partie de leurs concitoyens.

Comme l’écrivait Charles Péguy dans Notre jeunesse : « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Là encore rien de nouveau – le refus d’agir engendre le refus de savoir – mais ce contre-témoignage là aura des conséquences bien plus durables et incommensurables auprès de la population française déjà passablement déchristianisée.

Beaucoup plus graves en tout cas que les conséquences pourtant déjà très graves des abus sexuels commis par certains prêtres et couverts par des évêques ou par des cardinaux.

Pourquoi ?

Parce que dans le cas des gilets jaunes ce ne sont pas seulement les clercs qui sont en cause mais également les laïcs.

Et là c’est bien l’Eglise de France en tant que communauté chrétienne – et non plus seulement la hiérarchie ecclésiastique – qui répond majoritairement aux abonnés absents.

« Voici comment on distingue les enfants de Dieu et les enfants du diable : celui qui ne vit pas selon la justice n’appartient pas à Dieu, et pas davantage celui qui n’aime pas son frère » (1 Jean 3,10).

Comment parler à nos frères musulmans ?

Comme dit Gaspard Proust, un chrétien intégriste qui applique le Nouveau Testament à la lettre, c’est un mec qui se met à embrasser tout le monde dans la rue ! On peut reprocher aux intégristes chrétiens de ne pas aimer assez leur prochain mais dans ce cas on leur reproche de ne pas être assez chrétiens.

Le problème est très différent avec un musulman intégriste car lui peut se targuer d’être un vrai musulman conforme au Coran !

Tel est le drame : face à un livre réputé dicté par Dieu lui-même et à la virgule près l’objection de conscience des créatures n’a aucune légitimité et donc aucun poids face aux décrets du Créateur.

1/ Le Coran source de l’islamisation des sociétés non-musulmanes

Dire que le Coran est la matrice de l’islamisation de nos sociétés c’est courir le risque de froisser des susceptibilités et blesser des gens de bonne foi – sans mauvais jeu de mots – mais peut-on espérer résoudre un problème politique de dimension géopolitique si on n’ose même pas le nommer ?

Tous les musulmans qui cherchent à être authentiquement fidèles au Coran par souci d’intégrité correspondent à ce que nous considérons comme des musulmans intégristes. C’est très gênant à dire mais c’est malheureusement difficile de ne pas faire ce constat à moins de vouloir – sans mauvais jeu de mots là encore – se voiler la face.

Car tous les intégristes musulmans ont pour eux la lettre du Coran tandis que les autres musulmans n’ont que leur conscience pour s’indigner sincèrement de leur intolérance et de leur violence programmée mais restent impuissants à répondre à leurs arguments.

Je ne parle pas ici des djihadistes mais de tous les musulmans qui sans passer à l’acte approuvent de ne renoncer au jihad que temporairement et pour des raisons tactiques. Ce sont les mêmes qui approuvent le principe de ne tolérer les juifs et les chrétiens qu’à condition qu’ils vivent en citoyens de seconde classe (dhimmis). Ils assument l’idée de convertir les autres non-croyants sous la contrainte et de punir de mort ceux qui quittent l’islam. Ils contestent aux femmes (c’est-à-dire à plus de la moitié de l’humanité !) les droits qui découlent de leur dignité intrinsèque et cherchent à imposer les règles de la charia dans l’espace public c’est-à-dire à tous : aux musulmans comme aux non-musulmans.

Ces musulmans qui se jugent intègres et que nous jugeons intégristes ne sont pas irrationnels : ils sont au contraire dans une démarche sincère de cohérence avec les prescriptions du Coran.

Car le Coran n’est pas simplement un livre religieux c’est aussi et surtout un mode d’emploi pour répandre la soumission (en arabe islam) à un Dieu unique sans s’embarrasser nécessairement du consentement des intéressés.

C’est une religion inventée par l’homme pour l’homme dans la mesure où les prescriptions qu’il contient fournissent une justification pratique aux pulsions masculines : fascination pour la violence, appétits de conquête et volonté de puissance.

Il n’appelle pas les hommes à convertir leur cœur mais les mobilise pour servir une cause sacrée qui exalte leurs tendances les plus profondes et les plus obscures.

Certes le terrorisme islamique a de nombreuses causes géopolitiques, économiques et sociales mais il a une matrice qui est le Coran.

2/ Parler à nos frères musulmans d’autre chose que du Coran.

Les musulmans que nous considérons comme modérés ne sont pas des musulmans conformes au Coran. Les musulmans que nous considérons comme ouverts et tolérants sont considérés par des traîtres et des apostats par ceux qui veulent rester ou redevenir cohérents avec le Coran. Les musulmans que nous considérons comme bons ils ne les considèrent pas comme de bons musulmans.

Mais la bonne nouvelle – car il y en une – c’est que ces « mauvais » musulmans sont très nombreux.

C’est d’ailleurs la masse de ces musulmans indécis qui est l’enjeu de la stratégie de l’Etat islamique. Ce dernier veut cliver l’ensemble des musulmans contre l’ensemble des non-musulmans et spécifiquement des juifs et des chrétiens. Il veut obliger tous les musulmans à choisir leur camp.

C’est pour cela que le pape François fait tout ce qu’il peut pour ne pas entrer dans son jeu et qu’il refuse de se positionner contre le monde musulman.

Nulle naïveté chez lui. Il est mieux informé de la réalité du monde musulman et de la situation des chrétiens d’Orient que tous ses détracteurs qui, contrairement à lui, ne disposent pas du réseau de renseignement incomparable que constituent la structure de l’Eglise catholique et les services du Vatican.

Simplement on ne lutte pas contre un adversaire en lui donnant ce qu’il cherche à obtenir.

Car si l’Etat islamique cherche à enrôler l’ensemble des musulmans derrière sa bannière c’est précisément parce que tous les musulmans ne règlent pas spontanément leur vie sur les prescriptions du Coran.

Les partisans de l’Etat islamique, les salafistes, les Frères musulmans et les barbus de tout poil veulent substituer à ce Coran alternatif un Coran authentique et intègre.

La seule chose qui soit rassurante c’est que, alors que les chrétiens ne sont jamais vraiment à la hauteur des exigences de l’Evangile, il existe des musulmans qui valent mieux que le Coran.

En tant que citoyens français nous devons avoir le courage de mettre le sujet sur le tapis – là encore sans mauvais jeu de mots – afin de définir ce qui dans notre pays et dans notre système politique relève du non-négociable.

Mais en tant que chrétiens nous avons le devoir urgent d’annoncer à nos frères musulmans que Dieu s’est fait homme par amour pour eux et qu’Il est mort et ressuscité pour qu’ils soient sauvés.

Nous avons l’impérieux devoir de leur annoncer la très bonne, l’excellente nouvelle : « Vous êtes déjà sauvés par Dieu ! »

« Vous n’avez plus qu’à accepter d’être sauvés en convertissant votre cœur et donc vos mœurs à ce que le Dieu unique vous propose : la sainteté ! »

« Dieu est Amour, pas amère ! »