La pudeur et ses méfaits

La pudeur dissuade les chrétiens de témoigner de leur foi et d’aller à la rencontre de ceux que l’Esprit saint a placés sur leur chemin.

La pudeur inverse l’ordre des priorités : elle substitue la peur de commettre un impair ou de paraître importun à l’urgence d’aimer.

Quand le Christ nous commande d’aimer notre prochain la pudeur vient susurrer à notre oreille : N’en fais rien : vous n’avez même pas été présentés…

La pudeur fait avorter toutes les rencontres que Dieu avait prévues pour se révéler à autrui à travers nous.

La pudeur  nous fournit hypocritement mille arguments : l’eau est trop chaude, l’eau est trop froide, l’eau est trop tiède…

La pudeur flatte notre pusillanimité, atrophie en nous la vie et bannit la spontanéité.

Elle étouffe progressivement notre générosité et notre capacité d’indignation face à l’injustice.

La pudeur nous emprisonne et nous empoisonne : elle nous renferme en nous-même et nous inocule le virus de l’indifférence qui rend aveugle et sourd à la fois à la vérité et à l’amour.

C’est cette indifférence aux autres dont le pape François nous dit qu’elle est infiniment plus contraire à Dieu que tous les faux-pas qu’il nous arrive de faire en allant vers eux.

En créant de la distance entre nous et autrui la pudeur nous isole et nous aliène en nous détournant de notre seule vocation qui est d’aimer.

La pudeur nous fait dépérir et rabougrir.

La pudeur est une maladie mortelle qui prétend figurer au rang des vertus.

La pudeur est le masque de l’Ennemi !


L’extraordinaire parcours de Peter John Kreeft

Depuis quelques décennies en Amérique du Nord – et particulièrement aux États-Unis – de nombreuses personnalités et leaders évangéliques se convertissent à la foi catholique. Peter John Kreeft fait partie de ces protestants ayant vécu ce changement important.

Dans son ouvrage The Spiritual Journeys Peter Kreeft consacre un chapitre au récit de sa conversion ( « Hauled Aboard the Ark » mis en ligne sur son site internet : http://www.peterkreeft.com/topics/hauled-aboard.htm.). Il y explique très clairement à quel point il était difficile pour un calviniste d’origine hollandaise comme lui de rejoindre l’Église catholique considérée comme hérétique et idolâtre. Pourtant un événement va tout faire basculer.

Un jour l’un de ses professeurs, calviniste, lui demande de démontrer que l’Église catholique contemporaine ne correspond pas à l’Église des premiers siècles. Peter Kreeeft se met à faire des recherches et parvient à une toute autre conclusion en « découvrant » que les éléments centraux de l’Église catholique – primauté de l’eucharistie, la présence réelle, les prières aux saints, la dévotion à Marie, l’insistance sur l’unité visible et la succession apostolique – figuraient dès le début dans l’Eglise primitive.

Néanmoins pour lui la question centrale et décisive est de savoir si l’Eglise catholique est la seule et unique à avoir été fondée par le Christ comme elle le prétend elle-même ou non.

Pour répondre à cette question il applique alors le raisonnement dit du « trilemme », que CS. Lewis, avait appliqué à Jésus : soit Jésus était un menteur, soit c’était un fou soit il était réellement celui qu’il disait qu’il était.

Appliqué à l’Église par Peter Kreeft le « trilemme » consiste à postuler que l’Eglise est soit une réalité arrogante, blasphématoire et immorale, soit un mensonge, soit ce qu’elle prétend être parce que Jésus l’a voulu ainsi. Paradoxe ironique : c’est grâce au « trilemme » d’un Anglican que Peter Kreeft entre dans l’Eglise catholique…

Ce qui a été à l’origine de sa conversion est également le moteur de toute son œuvre apologétique : Peter Kreeft n’a cessé de saisir la cohérence de la foi chrétienne au sein de l’Église catholique, tant du point de vue de son origine historique et apostolique que dans le déploiement de sa doctrine tout au long des siècles.

Peter Kreeft est en effet l’auteur de plus d’une soixantaine d’ouvrages et un conférencier très apprécié qui expose la foi chrétienne dans un véritable esprit apologétique. Nourri de la pensée d’auteurs comme Thomas d’Aquin, Socrate, Chesterton, Lewis ou encore Pascal il participe à nombreux débats dans des institutions académiques.

Peter John Kreeft, l’apologète

Auteur prolifique qui se situe dans la grande tradition de l’apologétique anglo-saxonne, Peter John Kreeft est encore peu connu en France. Seul son commentaire du Catéchisme de l’Eglise universelle a été traduit sous le titre La foi catholique et publié par les éditions Néhémie (www.editionsnehemie.org). Voici néanmoins une brève présentation de ses principaux ouvrages destinée à tous ceux et à toutes celles que le parcours de Peter John Kreeeft intrigue, que l’apologie de la foi intéresse…. et que la perspective de lire en anglais ne rebute pas.

Angels and Demons, 1995

L’auteur tente dans cet ouvrage de répondre à cent questions courantes à propos de ces êtres spirituels. Il s’appuie sur l’un de ses cours particulièrement bien accueilli et offre au lecteur des réponses aux nombreuses questions concernant ces créatures angéliques. Il clarifie le sujet en prenant position contre la désinformation qui circule dans nos librairies (ésotériques ou non).

Back to Virtue, 1992

Kreeft invite les chrétiens à se remettre activement à la poursuite des vertus dans leur vie de tous les jours. Une analyse profonde sur le sens des vertus est faite en lien avec les Béatitudes, permettant ainsi d’honorer la sagesse théologique et scripturaire qui nous invite à mener une vie sainte. Nous y retrouvons la sagesse combinée de saint Paul, de CS Lewis et de plusieurs autres.

Because God is Real : Sixteen Questions, One Answer, 2008

Des écrivains agnostiques et athées attaquent agressivement les croyances religieuses traditionnelles. L’auteur aborde seize points d’importance capitale au sujet du sens profond de la vie. Les questions que Kreeft étudie vont de « Est-ce que la foi est raisonnable ? », « Est-ce que vous êtes capable de prouver que Dieu existe ? », et « Pourquoi Jésus est-il différent ? », à « Pourquoi le sexe est-il si déroutant ? », « Pourquoi y a-t-il le mal ? », et « Pourquoi devons-nous mourir ? ». Ce livre s’adresse à un public sérieux qu’il soit non-croyant, croyant ou tout simplement en recherche de réponses réfléchies à approfondir.

Everything You Ever Wanted to Know About Heaven, 1990

« S’appuyant sur les épaules de CS Lewis », Peter Kreeft nous offre un regard sur la nature du Paradis. Un aperçu théologique orthodoxe, clair et rafraîchissant du « pays inconnu » (Shakespeare). Il interpelle le cœur et l’intelligence pour nous offrir un clin d’œil sur l’un des sujets les moins abordés de la religion : le ciel.

Fundamentals of the Faith : Essays in Christian Apologetics, 1988

Peter Kreeft rend compte de tous les éléments fondamentaux du christianisme et du catholicisme, expliquant, défendant et montrant leur pertinence dans notre vie de tous les jours et leur convergence avec les désirs profonds de l’homme.

The God Who Loves You : Love Divine, All Loves Excelling, 1988

L’amour de Dieu est le sujet de cet ouvrage profond et plein d’imagination. Avec une clarté hors du commun, l’auteur nous explique comment l’homme et la femme qui commencent à percevoir Dieu comme Créateur, Rédempteur et Amoureux de nos âmes ne seront plus jamais les mêmes. Peter Kreeft nous décrit les Saintes Écritures comme l’histoire d’amour de Dieu et comment l’amour divin répond à toutes nos attentes et à tous nos problèmes.

Handbook of Catholic Apologetics, 1994

Nul besoin de s’étendre sur une description de cet ouvrage dont le titre résume le contenu. Précision néanmoins : ce manuel prend la forme d’une Somme et traite une multitude de questions posées plus particulièrement par les athées et les matérialistes…

How to Win the Culture War, 2002

La guerre a éclaté ! Alors que certains chrétiens s’obstinent à ne pas la voir, d’autres ont été trop rapide dans leurs déclarations de guerre, prenant pour ennemis ceux tombés au combat. Dans How to Win the Culture War, Peter Kreeft incite les chrétiens à prendre leurs armes. Les chrétiens doivent réaliser la vraie nature de cette guerre culturelle : il s’agit d’une guerre entre la culture de vie et la culture de mort. Il identifie les ennemis réels qui déclarent la guerre à l’Église d’aujourd’hui en ciblant les lieux de combats. L’auteur présente ensuite une stratégie afin d’aider le vaillant soldat à s’armer pour gagner le combat. La guerre, au fait, la guerre est déjà gagnée, par et dans le Christ. Là se trouve l’espoir du chrétien…

Making Sense out of Suffering, 1986

L’autre titre de ce volume pourrait être : « Pourquoi Dieu nous fait-il souffrir ? » L’auteur aborde le scandale de la souffrance de front. Il n’a pas peur d’exposer le problème et ses solutions faciles. Mais il montre, à la lumière de nombreux indices, comment cette réalité peut avoir un sens : sept indices chez les philosophes, sept chez les artistes, huit chez les prophètes. Toutes convergent vers Jésus.

The Philosophy of Tolkien : The Worldview Behind « The Lord of the Rings », 2005

Étonnant ! Peter Kreeft présente à l’aide de ce grand classique un traité de philosophie. Tout y est ou presque : métaphysique, théologie philosophique, angélologie, cosmologie, anthropologie, épistémologie, philosophie de l’histoire, esthétique, philosophie du langage, philosophie politique, éthique. Le livre de Peter Kreeft ne parle pas du monde de Tolkien, mais de sa vision du monde, de sa philosophie. L’explorer peut être une autre aventure.

A Refutation of Moral Relativism, 1999

L’idée de l’auteur est d’engager un dialogue avec deux anciens étudiants (fictifs) : une journaliste féministe de race noire et une relativiste morale qui reçoivent pour une interview un professeur arabe palestinien, un absolutiste moral. Les étincelles apparaissent dès la première rencontre, lorsque le professeur caractérise Auschwitz comme étant le fruit du « relativisme moral » en expliquant le fascisme de Mussolini comme étant le relativisme par excellence.

The Snakebite Letters. Devious Secrets for Subverting Society, 1998

Comme l’avait fait auparavant C.S. Lewis dans Tactique du diable, Peter Kreeft nous donne, à son tour, un aperçu des tactiques que l’Adversaire emploie dans la subversion de l’homme en disséquant quinze correspondances entre Satan et ses suppôts. Le but est de nous « dévoiler » ces stratagèmes et de nous faire comprendre comment l’ennemi opère. Combinant satire et humour, il nous montre comment Satan s’y prend pour corrompre la société américaine, l’éthique publique et l’Église. L’auteur attire spécialement notre attention sur les domaines critiques des médias, de la sexualité, de la liturgie, de la théologie et de l’éducation religieuse en nous révélant comment Snakebite (Satan) s’est infiltré dans tous ces domaines.

Three Approches to Abortion, 2002

Dans ce livre, Peter Kreeft utilise plusieurs stratégies pour réfuter et détruire tous les arguments utilisés par les partisans « pro-choix » (lisons « pro-avortement »). L’utilisation de la « tactique de la pomme » est particulièrement futée. Elle démontre en quinze points comment parvenir à convaincre que l’avortement est immoral !

Three Philosophies of Life, 1990

Pour l’auteur, il n’y a que trois philosophies de la vie et chacune est représentée par l’un de ces livres de la Bible :  l’EcclésiasteJob et le Cantique des cantiques. L’Ecclésiaste est l’éternel classique concernant la vanité, Job est l’éternel classique de la souffrance tandis que le Cantique des cantiques est l’éternel classique traitant de l’amour.

Yes or No ? Straight Answers to Tough Questions about Christianity, 1984

Le titre ne laisse aucune place à la nuance pour signifierqu’on ne peut pas ne pas choisir. Le christianisme pousse à la prise de décision. Le choix pour ou contre Dieu, le choix de croire ou de ne pas croire, de mettre notre espérance en Dieu ou pas, d’aimer ou de ne pas aimer — ce choix fait toute la différence, une différence éternelle et infinie. Voilà la merveilleuse et limpide nouvelle qu’apporte le christianisme. Si cette nouvelle est vraie, alors elle nous livre la vérité la plus importante qui soit. Et si elle est fausse, alors elle est le pire mensonge jamais inventé. Et toute personne honnête doit chercher à savoir si elle a affaire à la vérité ou à un mensonge. Ce livre a pour but d’aider dans le choix le plus important de notre vie. Ce choix est simple, mais les raisons qui militent en faveur du pour et du contre ne le sont pas.

Your Questions, God’s Answers, 1994

En utilisant le genre littéraire « question-réponse », Peter Kreeft adresse à un public adolescent et jeunes adultes les questions intemporelles telles que : Quel est le sens de la vie ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? D’un angle résolument catholique, il se sert des Saintes Écritures et de la Tradition pour donner les réponses profondes de Dieu aux jeunes. L’auteur aborde aussi des sujets plus difficiles tels que l’avortement, la sexualité, la drogue, le péché et la mort… pour offrir réconfort, sens et espoir. Il présente au lecteur de solides fondations scripturaires avec un raisonnement solide afin de lui permettre de découvrir un sens à la vie. Il encourage le lecteur à combiner religion et « vie authentique » pour vivre un vrai cheminement spirituel.

Louis Charles d’après un texte du père Mario Saint-Pierre

Qu’est-ce que le christianisme peut apporter aux athées de France ?

Cher Louis Charles,

Qu’est-ce que le christianisme peut apporter aux athées de France ? Les chrétiens ont-ils autre chose à apporter à la France que leur foi en leur Dieu ? De manière plus personnelle, si mes enfants n’embrassent pas la foi chrétienne, existe-t-il des éléments du christianisme qui leur seront utiles pour leur vie, et qu’ils ne trouveraient pas dans la société ?

Au fur et à mesure que la France se déchristianise, les références des gens ne sont plus chrétiennes, on se base sur une morale universelle, d’ailleurs fort sympathique, fondée en son cœur sur la liberté, sur le respect des différences et sur la non-violence. Sur ce socle moral commun, qui n’est pas très dense, certaines personnes y ajoutent des valeurs fortes d’engagement social, d’amitié solide et dynamique ou d’activité culturelle riche ; d’autres personnes y ajoutent des valeurs de défi personnel, d’enrichissement matériel et de progression sociale ; ou d’autres encore, les valeurs du consumérisme et de bien-être personnel. D’autres enfin, y ajoutent leurs valeurs religieuses.

Dans ce terreau composé d’un consensus moral minimum et d’une grande diversité de morales individuelles, les écueils de l’individualisme et des addictions sont nombreux. En effet, nombreux sont ceux n’ont pas saisi l’exigence morale de notre époque : faire cet effort individuel de choisir une morale solide pour mener sa vie de manière cohérente, et finalement heureuse. Car le consensus social ne suffit pas. Il faut une nourriture plus dense. A défaut, il existe un réel risque de tomber dans le non-sens de l’existence, qui se révèle sous forme de désintérêt des autres ou sous forme d’addictions diverses.

Les entrepreneurs, les artistes, les scientifiques, proposent par leur existence même des chemins assurés fondés sur la créativité et la prise de risque. Mais tout le monde n’a pas les compétences ou les moyens pour s’y engager. Les bobos, et toutes les idéologies sympathiques de gauche, proposent une vision de l’existence riche également faite d’ouverture culturelle et d’entretien d’un tissu social riche. Mais tout le monde ne dispose pas d’une richesse matérielle et d’une richesse culturelle qu’elle suppose. Les associations les plus diverses sont également vectrices de sens et de lien social, mais elles ne sont pas nécessairement accessibles à tous, pour des raisons culturelles ou financières.

Bref, malgré la diversité des propositions morales, malgré les choix qui sont ouverts dans notre société, la France est loin d’être saturée en références de vie disponibles facilement. Au contraire, il semble que l’individualisme et la passivité gagnent du terrain. Comment l’expliquer ? Le sujet a dû être maintes fois labouré, mais l’une des explications réside sans doute dans l’absence de formulation d’une morale riche et vivifiante qui soit facilement lisible.

Alors quoi dire au monde, quoi dire à mes enfants s’ils refusent d’embrasser la foi chrétienne. N’ai-je rien à dire qui n’ait de rapport avec la religion ? L’Église n’a-t-elle pas de message moral à adresser à la France pour lui proposer un corpus moral qui aille au-delà des droits de l’homme et qui soit agréable aux incroyants ? Est-elle condamnée à convertir pour se faire entendre, sans espoir de trouver une audience attentive au-delà du cercle des chrétiens ? N’entend-elle pas ces gens qui ont soif de sens, mais qui n’embrasseront jamais la foi chrétienne ? Ne peut-on pas offrir à ceux qui sont en attente de référence morale pour mener leurs vies, ces richesses évangéliques qui édifient ? Je ne parle évidemment pas de cette partie de la morale chrétienne qui est d’emblée rejetée par les athées, c’est-à-dire, tout ce qui concerne la morale familiale et sexuelle. Raisonnablement, il faut admettre que

les chrétiens ne convaincront plus sur ces questions. Je parle de la morale interindividuelle et de la morale politique et économique. Les chrétiens sont si habitués au haut niveau de morale en matière d’attention à l’autre, en matière de justice économique et sociale, qu’ils en ont sans doute oublié qu’il y a là-dedans bien des sources d’enrichissement moral pour nos frères athées. Des sources vivifiantes qu’ils accueilleraient avec plaisir. Relisons le discours de la montagne, le magnificat, les récits de Jésus vis-à-vis des athées et des païens. Donne-moi à boire, dit Jésus à la samaritaine. Certains de nos frères athées ont soif. Certains aspects du discours chrétien, comme la morale sexuelle chrétienne ou la foi elle-même, sont imbuvables pour les athées. Mais d’autres aspects restent si neufs, si stimulants, si modernes, que nos frères athées méritent de les entendre. Essayons de faire cela pour eux, parce que je suis convaincu que ça leur fera plaisir. D’ailleurs, on pourrait également faire la même démarche pour des chrétiens qui aurait perdu le feu sacré.

Alors quoi dire ? Un chrétien est dynamique et créatif, toujours à la recherche de ce qui fait plaisir aux autres, de ce qui soulage, en évitant scrupuleusement les pièges de la richesse et de l’orgueil. Il croit que chaque homme peut progresser, qu’il peut être pardonné. Sa morale est d’abord interindividuelle, l’individu prime, il regarde le monde d’abord au travers des gens concrets, des gens qu’il côtoie, avant de prendre éventuellement de la hauteur. Il vit sa vie comme un engagement pour les autres et s’intéresse à tout ce qui fait l’expérience humaine, il est particulièrement attentif à la souffrance des gens. Il a une conception particulière de l’Homme, être humain souvent moralement et physiquement blessé, qui doit être aidé à se relever, même s’il est tombé de sa propre faute. Lui-même ne vaut pas plus qu’un autre, mais il a conscience de sa dignité sacrée qu’il partage avec tout être humain. Il sait qu’il est limité, et qu’il a beaucoup de défauts, mais cela ne l’empêche pas de vouloir progresser et d’agir, en dépit de son passé et de ses erreurs. Son sens de la justice est très aiguisé, il en fait un combat absolu, même lorsque ce combat est perdu d’avance. Ses armes ne sont pas ni celles de la violence, mais il n’est pas naïf. Les armes à privilégier sont celles de la subtilité, des voies détournées. Il ne s’embarrasse pas de règles inutiles, les règles qui n’ont pas d’utilité pour le bien être de l’Homme, il n’en tient pas compte. Il examine les situations avec ses ressources intérieures, et ne suit pas aveuglément les maitres, même si ceux-ci sont légitimes. La joie et la fête sont importantes pour lui. Face à la souffrance et la haine, il place l’amour, au cœur de toute son existence. Il sait vivre sans filet de sécurité, et ne s’inquiète pas de son sort pour l’avenir, car il a confiance en la vie. Ses ennemis sont ses frères, à qui il doit le respect et à qui il tend la main à chaque, mais contre lequel il combat sans haine leurs actes destructeurs. Mais il prépare l’avenir sur des bases solides, car il sait que le monde est en partie géré par des mauvaises structures qui mettront du temps à tomber. Les règles sociales peuvent éventuellement être suspendues. Sa morale de vie est simple à comprendre. Elle est accessible aux plus humbles.

Bien à toi,

Basilon

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Cher Basilon,

Merci pour le texte que tu m’as proposé. Ta réflexion tourne autour d’une question : Les chrétiens ont-ils autre chose à apporter à la France que leur foi en leur Dieu ? Je te livre les réflexions qu’elle m’inspire.

Annoncer le Christ c’est ce que les chrétiens sont les seuls à pouvoir faire – ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils le font bien ou qu’ils le font tout court – mais c’est la seule plus-value qui leur soit spécifique.

Toute autre prétention ne serait-elle pas de la présomption ? Car comme tu l’as écrit toi-même le chrétien lui-même ne vaut pas plus qu’un autre.

Tu brosses le portrait du chrétien tel qu’il devrait être c’est-à-dire d’un chrétien qui est le reflet du Christ. Mais si tu exclus d’entrée de jeu de parler du Christ alors le reflet que tu proposes ne pourra pas être accueilli autrement que comme une chimère. Une belle chimère, sans doute, mais à ce compte-là ce ne sera pas différent des utopies que le XXème siècle a proposées, qui ont débouché sur des catastrophes et qui ont détourné nos contemporains de rechercher la vérité.

Tu écris que le chrétien « croit que chaque homme peut progresser ». Mais s’il n’y a pas quelque chose ou Quelqu’un vers lequel tendre c’est l’idée même de progression qui n’a plus de sens. Au deux sens du terme : elle n’a plus de signification (c’est l’absurde) et elle n’a plus aucune direction (progresser mais vers où?).

Tu dis que le chrétien a « une conception particulière de l’Homme » mais c’est justement par ce que sa conception de l’homme est une conception qui ne vient pas des hommes qu’elle est particulière. La conception que l’homme se fait de lui-même c’est soit celle d’un sous-homme (l’humain est réduit à une marchandise) soit à un sur-homme (le transhumanisme).

Mais l’idée qu’un homme a une dignité sacrée et inaliénable même si individuellement il n’est pas particulièrement aimable c’est une idée qui n’a de sens que si l’on considère qu’il est créé à l’image de Dieu et qu’il a tellement de prix aux yeux de Dieu que Dieu lui-même a accepté de descendre de son piédestal divin pour s’incarner et mourir afin de le sauver.

Tu dis qu’un vrai chrétien combat l’injustice même lorsque le combat est perdu d’avance. Si tu supprimes la perspective de la vie éternelle alors le combat du chrétien n’a plus de sens et devient suicidaire.

Là où je suis d’accord avec toi, en revanche, c’est que la bonne manière d’annoncer le Christ c’est d’annoncer la Bonne nouvelle et pas la morale. Pour rendre crédible l’amour de Dieu pour nous il faut commencer par rayonner soi-même de cette tendresse, de cette bienveillance, de cette espérance qu’il nous insuffle.

Si on prétend vendre des produits de beauté et qu’on est soi-même laid comme un pou la démarche est vouée à l’échec.

Si on prétend vendre quoi que ce soit et qu’on n’en a même pas un échantillon sur soi c’est foutu d’avance.

Si on prétend enseigner l’anglais et qu’on a besoin d’un traducteur on est un imposteur.

Le Christ c’est la manière d’être homme de Dieu.

Le Christ nous a révélé que Dieu était tellement mieux que toutes les images que nous nous faisons de lui que c’est une bonne nouvelle extraordinaire.

C’est ça que nous avons à transmettre.

Et l’annonce de la foi doit être sans cesse reprise en fonction de l’évolution des cultures et des nouveaux défis qui se posent à la foi vivante. Vivante parce que vécue, incarnée dans la vie des hommes de toutes races, langues, peuples et nations. La tradition chrétienne ne consiste pas à répéter toujours les mêmes choses mais à faire toujours des choses qui tendent au même but.

Et nous n’avons toujours pas fini de comprendre les implications qui en découlent. Vivre en cohérence avec l’Évangile est une activité à temps plein et la foi n’est pas une tradition monolithique mais une conversion permanente. C’est le miracle permanent qui fait découvrir aux hommes la vérité. En dépit de leurs traditions et parfois même au mépris de tout ancrage culturel.

Mais si nous renonçons d’entrée de jeu à annoncer le Christ que faisons-nous si ce n’est parler de nos convictions personnelles c’est-à-dire de nous-mêmes ?

Amitiés,

Louis Charles

Le dialogue n’est pas quelque chose de spontané, c’est le résultat d’une ascèse

Alors que l’actualité rend de plus en plus improbable la notion même de dialogue Le temps d’y penser a jugé opportun de republier l’entretien que nous avait accordé Dennis Gira en 2013 et qui portait précisément sur l’intérêt du dialogue, ses limites et ses conditions de possibilité.

L’intérêt de son propos est de réfléchir au dialogue en tant que tel – qu’ils soit interreligieux, interculturel ou interpersonnel au sein du couple ou de la famille – et sans aucune d’arrière-pensée politiquement correcte. Il ne fait nullement allusion au fameux dialogue avec l’islam que l’on invoque trop souvent pour conjurer le spectre du choc des civilisations. Mais ce  catholique américain qui enseigne – en français – le bouddhisme à l’Institut Catholique de Paris est également un habitué du dialogue interreligieux qui conjugue honnêteté intellectuelle et bienveillance : en 2003 il avait déjà publié un ouvrage intitulé Le lotus ou la croix : les raisons d’un choix, pour expliquer à ceux qui le croyaient bouddhiste les raisons fondamentales pour lesquelles il restait chrétien ! 

Dans son dernier ouvrage, Le dialogue à la portée de tous… (ou presque), il passe en revue les conditions de possibilité de tout dialogue et propose quelques règles très concrètes pour permettre au dialogue d’être fécond. La réflexion de Dennis Gira ne peut qu’intéresser tous ceux qui refusent de choisir entre l’amour de la vérité et la vérité de l’amour.

Pourquoi le dialogue est-il si important pour vous, chrétien, s’il est vrai que Jésus Christ est la vérité ?

La réponse classique à cette question est souvent qu’on dialogue avec autrui pour mieux le connaître. Mais, outre qu’elle est un peu convenue, elle ne répond pas à la question. C’est une réponse facile qui peut être faite par n’importe quelle personne engagée dans le dialogue quelle que soit sa foi…ou son absence de foi d’ailleurs.

En ce qui me concerne, ma motivation est intimement liée à ma foi chrétienne. Je dialogue avec autrui certes pour mieux le comprendre et pour mieux me comprendre, mais, du point de vue de la foi, c’est d’abord parce que j’ai besoin de lui pour comprendre mieux Jésus Christ, le Verbe de Dieu. Je crois en un Dieu qui Se révèle aux hommes et qui S’est incarné en Jésus Christ, le Verbe de Dieu fait chair, mais je sais que ce qu’Il dit de Lui n’épuise pas ce qu’Il est. Ce que je comprends de Lui dépend aussi étroitement de mes propres limites. Mais Il est, avec le Père et l’Esprit saint, présent à tout être.

Entendons-nous bien : je ne pense pas que la vérité soit relative. Je crois fermement que Jésus Christ est la voie, la vérité et la vie car c’est lui qui mène vers le Père. Mais je sais que j’ai besoin d’autrui pour prendre conscience des propres limites de ma compréhension du Christ. C’est le bon Samaritain plutôt que le pieux lévite qui permet de mieux comprendre la volonté du Père. C’est à propos de l’acte de foi du centurion romain que le Christ dit qu’il n’a jamais vu une foi pareille en Israël.

Je ne peux donc exclure a priori que quelqu’un qui ne partage pas ma foi ait quelque chose à me faire comprendre du Christ ou de l’image que je m’en fais et de ses limites. A l’inverse je ne peux pas non plus le postuler. Je ne vais pas créditer autrui de lumières particulières simplement parce qu’il n’est pas moi. Tout ce qu’il peut me dire ne sera pas nécessairement vrai. C’est là qu’intervient l’exercice du discernement et donc la question des critères de discernement.

Sinon le dialogue n’est qu’une ruse, une technique de manipulation pour embrigader mon interlocuteur. C’est d’ailleurs trop souvent comme ça que sont perçus les chrétiens qui cherchent à dialoguer avec les bouddhistes et qui sont soupçonnés par eux d’avancer masqués.

Quels sont ces critères de discernement ?

Pour moi ils nous viennent de la Tradition de l’Eglise et de l’Esprit saint. C’est ce que j’appelle avoir un principe organisateur. Mais ce principe organisateur dépend très directement de ce à quoi on croit, de ce qui est le plus important pour soi. C’est lui qui rend le dialogue non seulement possible mais potentiellement fécond. Il permet de rester largement ouvert à ce que me dit autrui, sans subir sa parole, sans me sentir tenu d’acquiescer.

Du reste, avoir un principe organisateur est aussi un devoir que l’on a vis-à-vis d’autrui. Mon interlocuteur a le droit de savoir d’où je parle comme on dit souvent aujourd’hui. Il a non seulement le droit de savoir à qui il a à faire, de connaître mon identité et mon point de vue mais il en a surtout besoin pour être en mesure de m’accorder la confiance indispensable à tout dialogue et sans laquelle personne n’a de raison de se dévoiler.

Car, moi comme lui, nous avons nos limites et elles pèsent de tout leur poids sur les conditions du dialogue, qu’on le veuille ou non, qu’on en soit conscient ou pas. Le dialogue ne peut pas faire abstraction des identités des uns et des autres. Nos réflexes, nos tournures d’esprit, nos blessures éventuelles, notre sensibilité, tout compte dans le dialogue. Autant le savoir et en tenir compte.

Des identités trop affirmées ne rendent-elles pas le dialogue impossible ?

Non, ce n’est pas l’identité qui pose problème, c’est le fait de vouloir figer sa propre identité et celle de l’autre. Ce qu’on appelle les « attitudes identitaires » compromettent la possibilité du dialogue car elles réduisent les personnes à des images alors que chaque personne est d’abord un mystère puisqu’elle est à l’image de Dieu.

Or, pour connaître une personne – qu’il s’agisse de moi-même, de mon interlocuteur, de mon épouse ou de Dieu – il faut d’abord renoncer à la réduire à l’image que j’en ai ou plutôt que je m’en suis faite. Dans la Bible la tentation de se fabriquer un Dieu à sa convenance s’appelle l’idolâtrie. C’est vouloir remplacer Dieu, les autres et moi-même par l’image que j’en ai ou que je voudrais en avoir. C’est même l’une des définitions possibles du fanatique ou de l’intégriste : celui qui fait la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou non. Ce n’est pas à force de prendre nos désirs pour la réalité que la réalité se conformera à nos désirs. Simplement on se perdra dans l’aveuglement volontaire et le déni de réalité.

Contrairement aux apparences l’attitude qui consiste à affirmer son identité contre vents et marées n’est pas une attitude courageuse. Au contraire elle substitue à la possibilité d’un dialogue réel susceptible de nous mener vers des rivages que nous ne soupçonnons pas, la certitude que rien ne changera. L’avenir est condamné. Il est plus rassurant de faire abstraction de la réalité que de l’assumer et c’est une tentation que l’on peut comprendre puisqu’on diminue d’autant le risque de souffrir de la rencontre avec autrui et d’être blessé.

Comme dans la chanson de Paul Simon et Art Gartfunkel: I am a rock, I am an island. I’ve built walls, a fortress deep and mighty that none may penetrate. I have no need of friendship; friendship causes pain. (…) I touch no one and no one touches me. I am a rock, I am an island, and a rock feels no pain, and an island never cries.

La tentation identitaire est-elle le principal obstacle au dialogue ?

Non, il en existe d’autres. Le silence par exemple où l’on ne parle pas pour éviter tout ce qui fâche. Ou bien lorsqu’on parle pour ne rien dire en évitant les sujets importants. On peut ainsi s’interdire de parler d’argent, de politique ou de religion lors d’un dîner en ville.

Il en existe un autre qui est la figure inversée de l’attitude identitaire mais qui au fond revient exactement au même : le paternalisme. Cela consiste à dire à autrui Je vois ce que vous voulez dire et de lui attribuer des idées qui sont en fait les nôtres. C’est pour cela que l’une des règles d’or du dialogue me semble être de ne jamais chercher chez autrui ce qui est important pour moi afin de conserver une chance de découvrir ce qui est important pour lui. Dans le cas contraire on nie autrui en prétendant parler à sa place et parler mieux que lui de lui.

Souvent le dialogue interreligieux peut être totalement compromis par des attitudes qui s’apparentent au relativisme et/ou au syncrétisme. Car il ne faut pas se leurrer : quand on dit à quelqu’un Au fond nous disons tous deux la même chose avec des mots différents cela signifie concrètement Au fond vous ne vous en rendez pas compte mais ce que vous dites c’est ce que j’ai déjà dit.

C’est nier qu’autrui puisse être véritablement autre. C’est lui dénier sa capacité à apporter quelque chose qu’il a en propre et que je n’ai pas déjà. C’est postuler implicitement qu’il n’a rien à révéler puisque tout ce qu’il pourrait apporter est déjà connu. Ce faisant, je réduis autrui à une image faite à ma mesure et je lui conteste son statut de mystère, c’est-à-dire de personne conçue à l’image de Dieu.

Au-delà de cet écueil un autre obstacle au dialogue n’est-il pas que les mots en eux-mêmes sont trompeurs ?

Disons que les mots ont leurs limites et que c’est une réalité qu’il faut toujours avoir présente à l’esprit quand on dialogue. D’abord il suffit d’ouvrir le dictionnaire pour constater qu’un mot peut avoir plusieurs sens, ce qui peut déjà être source d’ambiguïtés. Mais souvent les mots ont aussi une connotation qui dépend étroitement de notre histoire personnelle, de notre identité culturelle… et de celle de notre interlocuteur. Essayez donc de lâcher le mot libéralisme dans une conversation entre Français et Américains et observez les réactions….

Sans compter que, fondamentalement, les mots ont des limites qui leur sont propres. Ils ne sont jamais à la hauteur de l’expérience intime que l’on cherche à transmettre. Essayez de décrire à un aveugle votre couleur préférée…

Les mots sont polysémiques, connotés et limités mais nous ne pouvons pas nous en passer pour dialoguer. De là découle la nécessité de compenser leurs lacunes en apprenant à découvrir en profondeur notre interlocuteur et son univers mental (psychologique, culturel et religieux). C’est pourquoi le dialogue suppose d’entrer dans une relation interpersonnelle de long terme qui mobilise notre capacité de bienveillance et notre curiosité humaine.

Si telles sont les caractéristiques du dialogue alors il ne doit pas y avoir beaucoup de vrais dialogues…

En effet souvent on croit dialoguer alors qu’on se contente de converser. La plupart du temps on se fait des idées, qui reflètent nos attentes et nos déceptions, et on finit par les coller comme une étiquette sur notre interlocuteur et sur ce qu’il dit.

C’est malheureusement assez facile à expliquer car le dialogue n’est pas quelque chose de spontané, c’est le résultat d’une ascèse. Ce n’est pas une démarche naturelle, c’est une démarche culturelle. Dialoguer est un exercice profondément contre intuitif, cela suppose d’accepter l’idée que deux choses puissent être radicalement différentes sans être nécessairement diamétralement opposées.

Comment cela ?

Certaines notions semblent parfaitement exclusives l’une de l’autre au premier abord. Mais pour pouvoir affirmer que les idées, les concepts, les pratiques ou les croyances de mon interlocuteur sont réellement contradictoires avec les miennes, il faut au préalable les examiner dans le contexte historique et culturel dans lequel ils sont nés et se sont développés.

Il en est ainsi des notions bouddhiques du « non-soi » et de la « non-dualité » d’un côté et de la conception chrétienne de « personne ».

Du côté bouddhique la tentation est d’identifier la notion de personne à celle d’ego (ou d’individu), cette illusion narcissique qui nous incite à vouloir affirmer notre identité en nous opposant au monde extérieur. Une telle identification ne peut qu’aboutir à la conclusion que la notion chrétienne de « personne » fait obstacle à l’accès à l’expérience de la « non-dualité » bouddhique, cette unité fondamentale qui sous-tend la diversité apparente et que l’on ne peut atteindre qu’à condition de se débarrasser de cet ego illusoire – dont Pascal disait qu’il était haïssable – et qui engendre la colère, l’orgueil, l’égoïsme, la volonté de puissance etc.

A l’inverse la tentation du côté chrétien est de confondre la notion de « non-soi » avec la dissolution de la personne dans le néant, ce qui contredit l’idée que Dieu, qui est relationnel dans son essence – ce n’est pas pour rien que les chrétiens croient en un Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit – considère chacun d’entre nous comme une personne digne d’entrer en relation avec Lui. Pourtant à y regarder de près l’idée de s’abandonner à l’Esprit saint pour Le laisser agir en moi est une idée de dépossession de mon orgueil et de ma volonté propre qui suppose elle aussi que je renonce à mon ego pour devenir la personne que je suis appelé à devenir.

En ce qui concerne la « non-dualité » il ne faut pas l’interpréter comme la négation totale de la notion d’altérité qui semble bien être inhérente à l’idée de relation interpersonnelle. Il vaudrait mieux chercher à comprendre en quoi consiste la « dualité » niée dans cette notion. On découvrira alors qu’il s’agit de ce que nous pourrions appeler une « dualité-conflictuelle » qui vient du fait que nous attachons une valeur absolue à l’individu. Et n’oublions pas que le bouddhisme parle toujours de l’individu dans son analyse de cette « dualité conflictuelle », pas de la personne.

Or, nous n’avons pas à défendre la dualité mise en question par les bouddhistes parce que finalement nous sommes assez d’accord avec eux. Nous luttons, nous aussi, contre tout ce qui crée la division, le conflit, la haine, etc. Mais dans cette lutte, notre référence est Dieu. Nous disons qu’en Lui il y a trois personnes, jamais trois individus ; et nous ajoutons qu’Il nous invite à devenir un, comme le Père et le Fils sont un – et plus encore, à devenir un en Lui (relire à ce propos Jean, 17).

À la lumière de ce que nous disent certains bouddhistes sur la « non-dualité » véritable, qui échappe à toute qualification, nous pourrions parler, nous, d’une « non-dualité trinitaire » qui affirme à la fois que la relation est de l’ordre de l’absolu, et que cette relation n’est pas celle qui relie des individus et sera toujours conflictuelle, mais celle qui se vit entre des personnes créées à l’image de Dieu lui-même et qui est parfaite unité dans la communion.

Voilà donc comment des idées qui restent radicalement différentes ne sont pas nécessairement diamétralement opposées. Comme on le dit dans mon autre « chez moi » (les Etats-Unis) : think outside the box. Là se trouvent des pistes de réflexion qui aident à faire avancer notre appréciation de ce que croit l’autre et de ce que nous croyons nous-mêmes.

Cela suppose des connaissances, de la patience et une réelle honnêteté intellectuelle

Albert Camus définissait l’honnêteté comme le fait de juger d’une doctrine par ses sommets et jamais par ses sous-produits. On en revient à l’idée que dialoguer, c’est cheminer à deux dans la bienveillance pour apprendre de l’autre ce qui manque à ma compréhension de la vérité. Car, en tant que chrétien, je sais que je ne peux pas posséder la vérité puisque la vérité est une personne : Dieu. Même l’Eglise ne peut prétendre posséder Dieu.

Ce que je peux faire de mieux, ce n’est pas de chercher à posséder la vérité – ce qui est à la fois illusoire et présomptueux – mais me laisser posséder par la vérité en cherchant à reculer les limites de ma compréhension de la vérité au contact de mes semblables. Car eux aussi ont peut-être quelque chose à m’apporter qui compléterait ma propre compréhension de la vérité. En tant que fils de Dieu créés à Son image ils sont des mystères dont je ne peux exclure que sorte quelque chose que je ne connais pas ou que je ne comprends pas et qui me ferait progresser.

Lorsque l’Evangile a été prêché par les apôtres, il s’est d’abord heurté à la philosophie grecque. Puis petit à petit les chrétiens ont repris certaines idées des philosophes grecs et surtout ont adopté le mode de réflexion philosophique pour exprimer leur foi ce qui leur a finalement servi à l’approfondir pour eux-mêmes. Pensez-vous qu’un tel phénomène puisse se reproduire au contact du bouddhisme ? Quels seraient les emprunts envisageables ?

Oui à condition bien sûr que ce soit la richesse même de notre foi que l’on exprime et non une foi dont on aurait modifié le contenu. A cette condition je répondrais oui.

D’ailleurs le dialogue avec d’autres religions, d’autres traditions, d’autres voies semble plutôt prescrit que proscrit par l’Evangile lui-même : Mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte (4, Philippiens 4-9).

Sans compter qu’au sein même de l’Eglise l’expérience de la foi que font nos frères indiens, chinois ou japonais peut nous faire progresser. Nous avons besoin d’eux. Le jour où ils parviendront à exprimer le Christ dans leur culture, ils nous feront découvrir une nouvelle dimension du Christ.

Des pratiques comme la méditation et l’art de la respiration, si importantes dans presque toutes les tradition asiatiques, peuvent être transposées dans la vie chrétienne avec profit à condition de ne pas se convaincre, par exemple, que l’on est à la fois chrétien et bouddhiste ou chrétien et taoïste, etc. sous prétexte qu’on picore avec bonheur dans le patrimoine de l’une ou l’autre spiritualité ou pensée venant d’ailleurs. Thomas d’Aquin n’a jamais cessé d’être chrétien sous prétexte qu’il a emprunté avec bonheur au philosophe païen Aristote.

De même je pense que la pratique d’arts martiaux japonais comme l’aïki-dô, le ken-dô etc. peut être très salutaire pour les chrétiens qui cherchent eux aussi à suivre une voie (dô en japonais) qui est celle du Christ. En apprenant à se défaire d’eux-mêmes, de leur volonté propre, de leurs calculs, par l’ascèse et la pratique humble et répétée, pour parvenir progressivement à (re)trouver la spontanéité du geste parfait, les chrétiens peuvent ainsi mieux comprendre ce qu’implique la transformation intérieure auquel les invite le pèlerinage terrestre qu’est la vie spirituelle.

Finalement ce qui fait échec à notre tentative de mieux nous rapprocher de Dieu via le dialogue n’est-ce pas tout simplement le manque de sagesse ? Ne faut-il pas prier Dieu pour qu’Il nous accorde la sagesse ?

Peut-être bien, mais toujours avec la conscience que la sagesse ne suffit pas. La sagesse est le don que le roi Salomon a demandé à Dieu et qu’il a d’ailleurs obtenu. Ça ne l’a pas empêché de mal finir…

Alors plutôt que d’implorer Dieu de m’accorder la sagesse, je Lui demande de me donner l’Esprit Saint, dans la confiance que cette prière sera exaucée : Y a-t-il parmi vous un père qui, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre ? Ou, s’il demande un poisson, lui donnera-t-il, au lieu de poisson, un serpent ? Ou, s’il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion? Si donc vous, tout méchants que vous êtes, vous savez donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui lui demandent. (Luc 10, 13).

Car la vraie sainteté, beaucoup plus importante finalement que la sagesse, vient de l’Esprit de Dieu. Avec cette Présence en nous, nous pouvons espérer avancer vers la plénitude de la vie en Dieu qui nous est promise.

Ça change quoi d’avoir la foi ?

Ce petit témoignage s’adresse à tous ceux qui m’ont posé cette question sans que j’aie pu trouver sur le moment les mots adéquats pour exprimer ce que cela change pour moi.

Ça change quoi d’avoir la foi ?

Ça change tout et rien à la fois.

Ça ne change rien à ma condition d’humain. La foi ne protège pas contre les souffrances, les injustices, les maladies, les déceptions ou les tragédies. Ce n’est ni un anti-douleurs ni un anti-dépresseur. Encore moins une méthode Coué améliorée.

La foi chrétienne n’est pas un exercice d’auto-suggestion. Elle n’éclipse pas la réalité du mal. Elle ne l’explique même pas. Elle jette sur le mal un éclairage nouveau. C’est ça qui change tout.

Là où, à force de vivre avec, l’homme avait fini par se persuader que le mal était la loi du genre humain, la foi chrétienne affirme, contre toute évidence sensible, que le mal n’est pas la norme mais un dysfonctionnement qui sera corrigé in fine.

La foi chrétienne ne fait pas disparaître le mal mais transforme ce qui était auparavant une malédiction inéluctable en un scandale tragique mais provisoire.

Alors pourquoi est-ce que Dieu permet le mal ? Ce n’est pas ma foi qui me permettra de répondre à cette question. Mais c’est elle qui me permet de la poser.

Tout ce que je sais c’est que Dieu n’aime pas le mal, qu’il a délibérément décidé de l’endurer pour nous sauver et qu’il nous en débarrassera à la fin des temps.

C’est un changement de perspective qui, pour moi, change tout.

C’est la certitude que tout ce que je vis à un sens.

Que si tout ce que je vis est provisoire rien n’est dérisoire.

Je ne marche donc pas dans une vallée de larmes mais sur un chemin d’éternité. Et si je continue de boîter c’est avec la certitude que je suis aimé par Quelqu’un qui m’attend au terme du chemin

La fatigue et les souffrances ne disparaissent pas, loin de là. Elles s’accroissent même avec le temps qui passe.

Mais leur importance diminue à mesure que j’avance en âge. Mes joies, au contraire, acquièrent une saveur nouvelle car elles sont l’avant-goût d’un bonheur éternel.

Plus le temps passe et plus je constate que cette foi tout le monde en a besoin.

Plus le temps passe et plus je me dis que tout le monde y a droit et qu’il y a urgence à la proposer.

Voilà ce que je crois: telle est ma foi.

Louis Charles

La confrérie des journalistes et des responsables politiques

Une fois que l’on a dit que rien ne justifiait d’assassiner les journalistes de Charlie Hebdo que peut-on dire de plus ?

A-t-on ensuite le droit de pointer du doigt des vérités que les médias et les institutions refusent de relayer parce qu’ils n’ont pas envie de les entendre ?

Non seulement je pense qu’on en a le droit mais je pense qu’on en a le devoir.

Un peu comme un médecin qui doit annoncer à son patient qu’à moins de changer radicalement son comportement alimentaire il va au-devant de graves problèmes de santé qu’il fera, en outre, supporter à son entourage immédiat.

La confrérie des journalistes et des responsables politiques découvre en effet avec effroi que le monde entier se sent pas forcément Charlie, que la France dans son ensemble ne se sent pas Charlie et que les collégiens et lycéens musulmans ne se sont jamais sentis Charlie.

Horreur, malheur stupéfaction et sidération.

Mais au fond ce qui est étonnant c’est que ça l’étonne tellement.

Elle prend subitement conscience de ses propres incohérences.

Deux incohérences majeures qu’elle n’avait jamais voulu admettre jusqu’à présent

La première est la confusion qu’elle a entretenue entre la liberté d’expression, qui est garantie par la Constitution, et droit à l’insulte que la rédaction de Charlie Hebdo s’était unilatéralement arrogée.

La confrérie des journalistes et des responsables politiques s’est obstinée à ne pas vouloir faire de distinction entre le fait d’exprimer un point de vue divergent de celui de ses interlocuteurs – en l’occurrence de ses lecteurs – et le fait de les insulter délibérément, pour le simple plaisir de les blesser.

Critiquer le dogme musulman ou le Coran cela relève de la liberté d’expression.

Dessiner Mahomet en train d’exhiber ses fesses ou le représenter sous forme d’un étron surmonté d’un turban ça relève de la liberté d’excrétion.

Ce n’est pas la même chose

Si l’équipe de Charlie Hebdo s’était contentée de critiquer le dogme musulman ou le Coran à l’aide d’arguments j’aurais été le premier à descendre dans la rue en criant : Je suis Charlie.

Mais elle s’est complu à blesser des musulmans en ricanant méchamment et revendiquant leur irresponsabilité comme un titre de gloire.

Jamais elle n’a cherché à débattre rationnellement, à entrer dans une discussion contradictoire avec échanges d’arguments.

Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo la confrérie des journalistes et des responsables politiques hurlent à la vertu outragée et cherchent des responsabilités partout…sauf du côté de Charlie Hebdo.

Incohérence.

Manque de rigueur intellectuelle.

Manque de rigueur morale.

Deux poids, deux mesures.

La deuxième incohérence majeure de la confrérie des journalistes et des responsables politiques a été d’asséner pendant des années à qui voulait l’entendre (et encore plus à ceux qui voulaient pas l’entendre) que la liberté d’expression c’est la liberté de tout dire même si ça paraît inacceptable à certains et que sa seule limitation légitime était en cas de menace à l’ordre public.

Hormis ce cas on pouvait tout dire et il n’y avait aucune censure.

Contre-vérité

Mensonge

Deux poids, deux mesures.

La censure est juridiquement en vigueur depuis la mise ne place des lois mémorielles : loi Gayssot du 13 juillet 1990 visant à interdire le négationnisme, loi du 29 janvier 2001 sur le génocide arménien et la loi Taubira du 21 mai 2001 sur la traite et de l’esclavage.

Que l’on juge ces lois nécessaires ou qu’on les juge illégitimes un constat s’impose : certains propos sont pénalisables même s’ils ne constituent pas une menace de trouble à l’ordre public et d’autres pas.

On peut s’en féliciter ou le déplorer mais pas le nier.

C’est pourtant ce que fait la confrérie des journalistes et des responsables politiques à chaque fois qu’elle cherche à réduire au silence certains propos comme lorsque Dieudonné déclare qu’il se sentait Charlie Coulibaly.

Objectivement la liberté d’expression qu’elle défende c’est la liberté de tout dire pour certains et pas pour d’autres.

Le droit à l’outrance est à géométrie variable en France.

Deux poids, deux mesures.

Pendant de nombreuses années la confrérie des journalistes et des responsables politiques a pataugé dans un déni de réalité d’autant plus insupportable qu’il s’agit d’un déni de justice et de la négation de ce qu’ils appellent eux-mêmes le pacte républicain ?

Où est la liberté d’expression pour tous ?

Où est l’égalité des citoyens devant la loi ?

Quant à la fraternité cela a-t-il encore un sens d’en parler ?

Les raisons des incohérences et de l’aveuglement collectif de la confrérie des journalistes et des responsables politiques leur appartiennent.

La seule question est de savoir si les événements de la semaine dernière, ceux d’hier et ceux de demain – car le grand feu d’artifices ne fait peut-être que commencer – suffiront à lui ouvrir les yeux sur la réalité.

Si tel n’est pas le cas une chose est sure : au lendemain du deuxième tour de l’élection présidentielle de en 2017 elle fera encore l’étonnée….

 

 

Louis Charles

L’extraordinaire parcours de Bambang Dwi Byantoro


Connaissez-vous l’extraordinaire parcours de Bambang Dwi Byantoro ?

C’est une histoire incroyable qui démontre une nouvelle fois que l’Esprit souffle où il veut.

C’est l’histoire d’un Javanais musulman qui découvre la foi chrétienne protestante puis orthodoxe avant de devenir prêtre et de recevoir le titre d’Archimandrite Daniel.

Depuis il a amené à la foi orthodoxe plusieurs milliers d’Indonésiens : quelques déçus du pentecôtisme et une très grosse majorité de musulmans.

Son chemin de conversion commence par une vision de Jésus c’est-à-dire une expérience spirituelle intime se poursuit paradoxalement….par la méditation d’une sourate du Coran et se prolonge par une réflexion personnelle.

Son cheminement spirituel se fait au contact d’autres chrétiens ce qui l’amène à voyager et à apprendre de nouvelles langues : le coréen et l’anglais puis le grec.

Le contact avec l’orthodoxie lui fait prendre conscience que la foi pentecôtiste est incomplète. Il passe de la foi protestante à la foi orthodoxe.

La découverte des pères de l’Eglise approfondit sa foi et lui fait découvrir la spiritualité byzantine qui lui apparaît très compatible avec les rites javanais.

Il découvre repère des parallèles entre les pratiques ascétiques de l’orthodoxie et celles des arts martiaux traditionnels.

Introduit dans la foi orthodoxe par un évêque anglais, il reçoit le baptême orthodoxe à au sein de l’Eglise orthodoxe de Séoul. Sa quête l’amène ensuite en Grèce, au mont Athos où il apprend le grec.

Il découvre que l’orthodoxie permet d’accéder à la foi chrétienne sans imposer la culture occidentale.

Il développe l’Eglise orthodoxe à Java, insiste sur l’origine sémitique de sa foi et affirme que sa foi s’origine au Moyen-Orient, tout autant que celle des musulmans.

Tout en s’attaquant au dogme musulman du Coran incréé afin de rendre possible le dialogue islamo-chrétien, il conserve un regard positif sur l’islam qu’il considère comme la première étape de son cheminement spirituel.

Si ces quelques lignes vous ont donné envie d’en savoir plus sur cette histoire extraordinaire rendez vous sur le site des Missions Etrangères de Paris (MEP) en cliquant sur le lien suivant :

http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/indonesie/2013-06-20-pour-approfondir-l2019emergence-toute-recente-d2019une-eglise-orthodoxe-javanaise-histoire-d2019un-processus-indigene

Louis Charles

Dialogue de bébés

Dans le ventre de la mère, deux bébés discutent. L’un est croyant, l’autre non.

«  Bébé athée : Et toi, tu crois à la vie après l’accouchement ?
Bébé croyant : Bien sûr. C’est évident que la vie après l’accouchement existe. Et nous sommes juste ici pour devenir forts et prêts pour ce qui nous attend après.
BA : Tout ça c’est insensé. Il n’y a rien après l’accouchement. Est-ce que tu peux t’imaginer toi, à quoi une telle vie pourrait ressembler ?
BC : Eh bien, je ne connais pas tous les détails. Mais là-bas il y aura beaucoup de lumière, beaucoup de joie. Et par exemple là-bas on va manger avec notre bouche.
BA : Mais c’est du n’importe quoi ! Nous avons notre cordon ombilical et c’est ça qui nous nourrit. Et de cette autre vie, il n’y a encore eu aucun revenant. La vie se termine tout simplement par l’accouchement.
BC : Non ! Je ne sais pas exactement à quoi cette vie après l’accouchement va ressembler mais dans tous les cas nous verrons notre maman et elle prendra soin de nous.
BA : Maman ? Tu crois en maman ? Et où se trouve-t-elle ?
BC : Mais elle est partout ! Elle est autour de nous ! Grâce à elle nous vivons, et sans elle nous ne sommes rien. Elle veille sur nous à chaque instant.
BA : C’est absurde ! Tu l’as déjà vue, toi ? Moi non plus ! C’est donc évident qu’elle n’existe pas. Et puis, si elle existait vraiment, pourquoi ne se manifeste-t-elle pas ?
BC : Eh bien, je ne suis pas d’accord. Car parfois lorsque tout devient calme, on peut entendre quand elle chante…. Sentir quand elle caresse notre monde…. Je suis certain que notre Vraie vie ne commence qu’après l’accouchement.
BA : Moi je suis convaincu qu’après l’accouchement il n’y a rien. Cela est tout simplement irrationnel. »

Pourquoi des Français ont-ils tué d’autres Français ?

En écrivant à propos des tragiques événements de la semaine dernière que des Français qui avaient assassiné d’autres Français Henry Le Barde a soulevé une question polémique. L’un de ses lecteurs a écrit que qualifier quelqu’un de Français alors qu’il abhorrait la France était techniquement et juridiquement vrai mais gravement fautif au niveau moral, philosophique et spirituel. Cette remarque a inspiré ce billet.

Dire que des Français ont tué des Français c’est faire le constat d’une crise d’identité nationale. C’est à mon avis le moyen de mettre le doigt là où ça fait mal. C’est sans doute pour cela que ce point de vue a été complètement occulté par l’ensemble des médias et de la classe politique.

Des individus qui n’ont pas connu d’autre pays que la France, pas d’autre système scolaire que le système français, qui parlent français – plus ou moins bien mais toujours mieux que l’arabe – et qui ont donc la nationalité française refusent de s’identifier à la France et la rejettent de toutes leurs forces.

La vraie question c’est  pourquoi ?

La réponse est sans doute que l’on s’adapte à ce que l’on trouve et que l’on ne peut pas s’intégrer à ce qui se désintègre.

Concrètement la société française contemporaine est à l’image des autres pays européens : une zone de droit et de non-sens d’où la notion de bien commun a été expulsée.

Parce que l’idée même qu’il existe un bien vers lequel il faut tendre et un mal dont il faudrait s’éloigner est une idée qui est anathématisée. D’où le refus opiniâtre des normes à prétention objective et la promotion systématique de l’évitement sous forme d’injonctions politiquement correctes.

Exemple récent : le refus d’ouvrir un vrai débat sur l’opportunité d’élargir le mariage et l’adoption à des couples homosexuels. La question du bien de l’enfant a d’entrée de jeu été escamotée et décrétée hors sujet. Le seul enjeu qui restait : ne pas blesser les homosexuels, injustement identifiés à la poignée d’activistes LGBT qui était à la manœuvre dans les couloirs ministériels.

Ce refus de poser collectivement la question du bien et du mal ne heurte pas que les catholiques. Mais à la différence des enfants de l’immigration les catholiques, eux, disposent d’argumentaires et de références autres que ceux aimablement fournis par la société consumériste et par l’idéologie créationniste officielle qui postule que la France est sortie du néant et du chaos un beau jour de 1789.

Les catholiques français ont une mémoire et une histoire qui leur permettent de relativiser concrètement le désespoir qu’inspire le moment présent. Ils ont des atouts culturels et spirituels qui leur font dire que, pour paraphraser Saint Paul  c’est quand ils sont faibles qu’ils sont forts parce que c’est dans ces moments là que Dieu agit de manière inattendue.

Quand on est musulmans et qu’on ne se reconnaît pas dans une société décadente  l’unique perspective est de prendre le maquis c’est-à-dire de se réfugier dans une communauté imaginaire (l’Oumma) et de rejeter cette société objectivement décadente.

Rien d’étonnant à ce que des jeunes musulmans français sur le papier ne se sentent pas français dans la réalité. Pourquoi devraient-ils s’identifier à une société dans laquelle les catholiques français eux-mêmes se sentent de plus en plus étrangers ?

Surtout si l’image de la France qu’on cherche à leur vendre s’identifie à la haine de toutes les religions et à l’impunité arbitrairement revendiquée par Charlie Hebo. Et encore plus si le droit à l’insulte et à l’humour « bête et méchant » est appliqué selon le principe du deux poids deux mesures : solidarité nationale obligatoire pour les outrances de Charlie Hebdo et répression judiciaire pour celles de Dieudonné.

L’image de la France qu’on propose aux jeunes générations, dont les jeunes musulmans, est celle d’une France de baby-boomers fatigués, égoïstes et matérialistes qui ont renoncé à transmettre le patrimoine familial, affectif, spirituel, culturel, intellectuel, moral, économique et social dont ils étaient, eux, les heureux héritiers.

Cette France là n’a plus rien à proposer. Elle est déjà morte mais ne le sait pas encore. Elle le découvrira peut-être en 2017. Déjà elle ne croit plus en rien et plus personne ne croit en elle. Elle ne s’appuie plus que sur des clientèles. Elle est rongée aux mythes et son panthéon est décousu. Cette France est nue. Cette France est perdue.

Cette France là ne correspond pas à la réalité mais comment de jeunes musulmans déculturés le sauraient-ils ?

 

 

Louis Charles

Islamisme et Coran : au-delà des pétitions de principe, on fait quoi ?

En dehors de l’impératif de protéger la population, et en particulier les Juifs qui n’avaient, une fois de plus, rien demandé, il y a deux choses qui me préoccupent.

D’une part, la cohésion nationale, faire en sorte que les gens se respectent pacifiquement entre musulmans et non musulmans et d’autre part, la cohésion de l’Europe qui pourrait être mise en cause si le Front national devenait trop puissant.

Beaucoup de musulmans ont fait part de leur condamnation des crimes commis ; je pense que ça va dans le bon sens de la cohésion nationale. C’était une manifestation pour l’unité, sans qu’elle signifie une adhésion aux positions politiques de Charlie Hebdo. Une unité basée sur la peur de la dislocation de la société, une réponse à la violence par un peu d’amour. De voir qu’une bonne partie de la France était capable de réagir par autre chose que des antagonismes, ça m’a fait plaisir.

D’une manière plus profonde, j’ai une réflexion plus polémique. Critiquer les fondements d’une religion est-il utile pour une démocratie quand certains de ses membres la revendiquent pour nuire à la paix sociale ? Autrement dit, peut-on examiner si une religion qui est brandie par une minorité de ses adeptes pour commettre des actes violents préconise la violence ?

J’ai entendu à la télé beaucoup de musulmans qui ont condamné ces agissements en proclamant que l’Islam, c’était la paix et non la violence. C’est bien s’ils le pensent, c’est rassurant, mais est-ce vrai ? Peut-on l’examiner ? Les terroristes ont-ils commis une erreur de doctrine, ou bien est-ce les pacifistes qui commettent majoritairement une erreur de doctrine ?  Pour y répondre, il faut examiner le coran et les hadiths. Il faut se donner la peine d’aller voir.

En effet, il est plus simple de condamner des terroristes musulmans qui se trompent complètement sur l’interprétation de leur religion que s’ils se conforment à cette religion. Malheureusement, la réponse est évidente. A titre d’exemple, il faut lire la sourate n°8. Il faut une sacrée dose de mauvaise foi pour y voir un texte pacifique ; mais je préfère cette mauvaise foi pacifique, à l’orthodoxie violente, en comptant sur la tradition vécue par la majorité des musulmans.

En poursuivant dans ce raisonnement, je pense que l’État français qui doit gérer la paix sociale de ses habitants parmi lesquels quelques millions de musulmans, devrait entamer une réflexion au sujet d’une religion dont certains préceptes préconisent le recours à la violence dans sa forme originelle et fondatrice. Je pense à ce titre-là, qu’un contrôle étroit des moyens et des lieux de diffusion de l’islam devrait être établi de manière à ce que la version violente de l’islam soit étouffée. Les solutions possibles sont multiples, mais il me parait indispensable d’affronter l’idée que l’islam a des racines violentes.

Le judaïsme a également des racines violentes. Le récit du livre de Josué décrivant des génocides commis au nom de Dieu, exprimé en termes objectifs, à l’occasion de la conquête de la terre sainte, pourrait être l’œuvre d’un psychopathe fanatique. Cependant, l’histoire du judaïsme en Europe a montré que ses adeptes étaient globalement pacifiques ; et en France, le judaïsme ne pose aucun problème de violence.

Le christianisme ne pose pas non plus de problème de violence dans ses fondements, puisque Jésus apparait comme un réformateur pacifiste, et même victimisant du judaïsme (tends la joue droite, heureux êtes-vous quand vous serez persécutés, aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent, etc …). Mais l’histoire du christianisme a montré qu’il était quand même possible de faire la guerre au nom du Christ. Cependant, à l’époque actuelle, il n’existe aucun courant violent en son sein.

Dans la société française, comme dans d’autres pays, la religion musulmane se retrouve donc être la seule à devoir compter parmi ses adeptes, des gens prêts à affronter par la violence la société qui les abrite.

Lors de la manifestation, on a vu que des musulmans ont proclamé que les terroristes n’étaient pas musulmans. Mais il faudrait examiner, pour le dire honnêtement, si les terroristes ont effectivement violé un dogme ou un principe essentiel de l’islam pour considérer de manière évidente qu’ils ne sont pas musulmans. Mais lorsqu’on lit des passages du coran tel que :

« O Prophète, incite les croyants au combat. S’il se trouve parmi vous vingt endurants, ils vaincront deux cents; et s’il s’en trouve cent, ils vaincront mille mécréants, car ce sont vraiment des gens qui ne comprennent pas. » (Sourate 8, v.65) « Un prophète ne devrait pas faire de prisonniers avant d’avoir prévalu [mis les mécréants hors de combat] sur la terre » (Sourate 8, v.67).  « Les Juifs disent : « Uzayr est fils d’Allah » et les Chrétiens disent : « Le Christ est fils d’Allah ». Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Qu’Allah les anéantisse! Comment s’écartent-ils (de la vérité)?  » (Sourate 9, v.30). « Si vous ne vous lancez pas au combat, Il vous châtiera d’un châtiment douloureux et vous remplacera par un autre peuple. » (sourate 9, v.37) « Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier d’Allah : ils tuent, et ils se font tuer. » (sourate 9, v. 111).

On pourrait malheureusement multiplier les exemples. Citons plutôt Tocqueville : « Les tendances violentes et sensuelles du Coran frappent tellement les yeux que je ne conçois pas qu’elles échappent à un homme de bon sens. » Il n’y a aucun plaisir à se délecter de ces passages du Coran, dont pourrait se nourrir du mépris, qui mettent les musulmans sur la défensive. Mais il me semble néanmoins, que la présence d’une dimension violente au cœur des références islamiques, pourrait justifier une prise en charge par l’État de cette question. L’État pourrait exiger des prédicateurs de l’islam qu’ils apportent les garanties que tout discours violent soit condamné, que les passages du coran à connotation guerrière soient interprétés dans un sens allégorique, et que toute interprétation guerrière soit exclue.

Dans cette optique, un contrôle par l’État des discours musulmans véhiculés sur son sol paraît opportun. L’État pourrait également participer activement au développement et à la diffusion d’un discours théologique musulman pacifié, ou pourrait aider les musulmans à développer un esprit critique sur les fondements de leur religion, par exemple, en multipliant les expositions des œuvres issues du Moyen-Age musulman sur lesquelles est représenté Mahomet en personne, représentation qui ne posait jadis aucune difficulté dans le monde musulman.

Voici un lien d’une exposition de ces œuvres qui a eu lieu à la BNF
http://expositions.bnf.fr/islam/arret/03-2.htm

Je suis donc partisan pour que l’État examine de près les discours religieux, même du haut de sa laïque neutralité.

Emprunter la voie romaine